Miklós Rózsa
Miklós Rózsa est l’un des compositeurs les plus importants de la période de l’âge d’or Hollywoodien (entre les années 30 à 60). Ce musicien d’origine hongroise fut initié dans sa jeunesse à la musique classique grâce à sa mère, Regina Berkovits, une pianiste qui étudia avec des élèves de Franz Liszt, tandis que son père Gyula était un spécialiste des musiques traditionnelles du folklore hongrois. Miklós Rózsa débuta le violon à 5 ans grâce à son oncle Lajos Berkovits, violoniste à l’opéra de Budapest. Il appris par la suite l’alto et le piano. A 8 ans, le petit Miklós jouait déjà en public et écrivait ses premières compositions. Il passera aussi pas mal de temps à noter et recueillir de nombreuses mélodies traditionnelles hongroises. En 1925, Miklós Rózsa partit s’installer en Allemagne où il étudia la chimie à l’Université de Leipzig, selon les souhaits de son père. Mais Miklós souhaitait avant tout devenir compositeur : c’est pourquoi il s’inscrit la même année au Conservatoire de Leipzig, où il étudia la composition avec Hermann Grabner, ancien élève de Max Reger. Il étudiera aussi la musique chorale avec Karl Straube au prestigieux Thomaskirche. Ces années d’étude à Leipzig seront importantes pour Rózsa car c’est au cours de cette période que le compositeur se familiarisera sensiblement avec la musique allemande, qui influencera majoritairement son style musical par la suite.

C’est aussi à cette époque que Miklós Rózsa publie ses deux premières compositions classiques, un trio à cordes opus 1 et un quintette avec piano opus 2. Puis, c’est en 1932 que le musicien décide de partir s’installer à Paris en France, sur les conseils du compositeur et organiste français Marcel Dupré. A Paris, Miklós Rózsa écrit de la musique classique dont son fameux « Thème, Variations et Finale » opus 13 et sa « Sérénade Hongroise » opus 10 pour petit orchestre (qui connaîtra une révision quelques années plus tard et deviendra l’opus 25). A noter que le « Thème, Variations et Finale » opus 13 influencera par la suite le style des premières musiques de film de Miklós Rózsa au début des années 40.

Pour le compositeur, l’aventure de la musique de film débute lors d’une rencontre déterminante avec le compositeur français Arthur Honegger en 1934. C’est au cours d’un concert incluant des oeuvres d’Honegger et de Rózsa que le musicien français évoqua à son nouvel ami hongrois sa composition pour le film « Les Misérables » de Raymond Bernard avec Harry Baur et Charles Vanel en 1934. Suivant les conseils de son ami, Miklós Rózsa alla voir le film et fut particulièrement impressionné par la musique d’Honegger : il comprit dès lors toutes les opportunités artistiques que pouvait offrir la musique de film à ces jeunes musiciens. Miklós Rózsa partira ensuite s’installer à Londres en Angleterre où il composera enfin sa toute première musique de film pour « Knight Without Armour » (1937) de Jacques Feyder, avec Robert Donat et Marlène Dietrich, produit par le hongrois Alexander Korda. La même année, Miklós Rózsa composera aussi la musique du film « Thunder City » de Marion Gering avec Edward G. Robinson et Ralph Richardson : ce second film lui permettra alors de rejoindre l’équipe d’Alexander Korda au studio London Films. Miklós Rózsa s’installe ensuite à Hollywood aux Etats-Unis en 1939 avec Korda, et signe sa première partition hollywoodienne pour la production anglaise « The Thief of Bagdad » (1940), dont le tournage, qui débuta en Angleterre au début de la 2de Guerre Mondiale, fut transféré et terminé aux studios de la United Artists aux Etats-Unis, afin d’échapper au contexte de la guerre. Le film lui vaut d’être nominé pour la première fois aux Academy Awards. Une partie de la musique du film est basée en réalité sur le fameux « Thème, Variations et Finale » opus 13, oeuvre que le musicien reprendra aussi pour sa partition du film anglais « The Four Feathers » (1939) de Zoltan Korda.

La carrière hollywoodienne de Miklós Rózsa débute alors avec une série de partitions telles que « Lydia » (1941), « Sundown » (1941), « Jacaré » (1942) et « Jungle Book » (1942). Le compositeur débute sa toute première collaboration avec le cinéaste Billy Wilder en 1944 sur la musique du célèbre film noir « Double Indemnity » avec Fred MacMurray, Barbara Stanwyck et Edward G. Robinson. En 1945, Miklós Rózsa signe l’une de ses plus grandes partitions pour « Spellbound » d’Alfred Hitchcock, partition ample, lyrique et dramatique qui lui permettra d’introduire le théremin dans l’orchestre. La musique de « Spellbound » deviendra très populaire au fil du temps et permettra au compositeur de gagner son tout premier Oscar en 1945 – et ce même si Hitchcock lui-même détestait en réalité la musique de son film - Miklós Rózsa continue sur sa lancée et compose la même pour « The Lost Weekend », « Blood on the Sun » et « A Song to Remember ». Il compose ensuite la musique du polar « The Killers » (1946) de Robert Siodmak et impose définitivement Miklós Rózsa comme un compositeur incontournable des musiques de film noir de l’époque. En 1949, Miklós Rózsa signe une partition majeure pour « Madame Bovary » produit par la Metro-Goldwyn-Mayer. Le film marquera le début d’une longue et fructueuse collaboration entre le compositeur et le célèbre studio américain. Le début des années 50 permettent alors à Miklós Rózsa de s’éloigner du registre du film noir pour s’essayer à un autre domaine dans lequel le compositeur deviendra célèbre : le genre du péplum et du film d’aventure historique. C’est ainsi que Rózsa compose en 1951 une partition ample et épique pour « Quo Vadis » de Mervyn LeRoy, et enchaîne avec « Ivanhoé » (1952), « Julius Caesar » (1953), « Knights of the Round Table » (1953) et le très populaire « Ben-Hur » (1959), sans aucun doute la partition la plus populaire du compositeur, récompensé par le tout dernier Oscar qu’il recevra dans sa carrière. En 1961, Miklós Rózsa enchaîne avec les monumentaux « King of Kings » et « El Cid », puis l’épique « Sodom and Gomorrah » en 1963. Après une longue série de péplums, le compositeur se voit confier l’opportunité d’écrire pour un film de guerre, « The Green Berets » de John Wayne, Ray Kellogg et Mervyn LeRoy (non crédité au générique). A l’origine, Elmer Bernstein, ami de longue date de John Wayne, devait écrire la musique, mais ce dernier refusa le projet pour des questions de conviction politique (« The Green Berets » glorifie ouvertement la guerre du Vietnam et reste l’un des films les plus critiqués de son époque). En 1970, Miklós Rózsa retrouve Billy Wilder sur « The Private Life of Sherlock Holmes », pour lequel le compositeur adapte à l’écran son somptueux Concerto pour violon opus 24 écrit entre 1953 et 1954.

Il signe alors la musique du film d’aventure « The Golden Voyage of Sinbad » en 1974 et compose pour la toute première fois dans sa carrière pour un film français en 1977 avec « Providence » d’Alain Resnais. Les dernières oeuvres du compositeur sont marquées par un style orchestral toujours très classique, lyrique et romantique, mais aussi plus moderne et inspiré quelque peu de la génération montante : ainsi donc, les passages d’action de « Eye of the Needle » (1981) ou de « Time After Time » (1979) semblent inspirés du style action de Jerry Goldsmith (omniprésent à cette époque à Hollywood). Quand à la toute dernière musique de film de Miklós Rózsa pour « Dead Men Don’t Wear Plaid » de Carl Reiner avec Steve Martin (1982), elle se caractérise par son retour nostalgique et poignant au style jazzy des musiques de film noir des années 40. Peu de temps après le film, Rózsa tombe gravement malade durant ses vacances en Italie et doit se retirer de la composition pour le cinéma. Il continue d’écrire des pièces classiques mais doit désormais rester chez lui pour se reposer et veiller sur sa santé, de plus en plus fragile. Miklós Rózsa décède finalement le 27 juillet 1995 à l’âge de 88 ans à Los Angeles. Il était et restera l’un des compositeurs les plus importants du cinéma américain, sans aucun doute l’un des plus populaires de l’âge d’or hollywoodien et aussi l’un des plus prolifiques. Miklós Rózsa aura navigué tout au long de sa vie entre musique classique et musique de film avec une passion rare et évidente, et un savoir-faire indéniable : ses oeuvres témoignent bien souvent d’une sophistication classique élégante, influencée par la musique postromantique allemande du 19ème siècle et un goût certain pour un lyrisme grandiose et extraverti. Ses nombreuses musiques de péplum des années 50/60 lui permirent aussi de faire de nombreuses recherches sur la musique de l’antiquité et du moyen-âge, tandis que le compositeur s’essaya même au style de la musique sérielle du 20ème siècle dans un passage de « King of Kings » en 1961. Miklós Rózsa est aujourd’hui le compositeur de référence de l’âge d’or hollywoodien, aux côtés de Alfred Newman, Max Steiner, Dimitri Tiomkin ou Bernard Herrmann.