Autrefois provocateur avec son incontournable 'The Exorcist', William Friedkin s'est bien assagit depuis plus d'une quinzaine d'années, ce qui ne l'empêche pas de continuer à tourner des films où il traite les histoires d'une manière toujours aussi radicale et extrême. Hélas, 'The Hunted', nouveau thriller du réalisateur, ne marquera certainement pas les esprits. Le scénario, aussi creux et vide que la plupart des séries-B hollywoodiennes du dimanche soir, accumule clichés et incohérences d'une façon banale et ennuyeuse. L.T. Bonham (Tommy Lee Jones) est un ex-entraîneur des forces spéciales, reconverti en protecteur des animaux pour le compte du WWF. L.T. a formé des hommes à tuer et à infiltrer des places imprenables comme de véritables fantômes, jusqu'au jour où il compris qu'il ne pourrait jamais altérer la nature meurtrière de certains de ces hommes, ce qui l'obligea à arrêter ce travail, lui qui, d'ailleurs, n'a jamais tué un seul homme de sa vie. Des années plus tard, deux chasseurs de l'Oregon sont retrouvés assassinés dans une forêt. Le meurtrier les a éviscéré et découpé en petits morceaux. Ce double meurtre sadique est l'oeuvre d'Aaron Hallam (Benicio Del Toro), un ancien des forces spéciales traumatisé par les massacres qu'il a vu lors d'une mission au Kossovo, en 1999, et qui semble être devenu aujourd'hui totalement incontrôlable et fou furieux. La police fait alors appel à L.T. Bonham, qui vivait retiré non loin d'ici dans une autre forêt plus paisible. Arrivé sur place, L.T. flaire la piste du tueur comme un véritable chasseur et retrouve la trace d'Hallam, qu'il finit par neutraliser après une première confrontation musclée. Hallam était autrefois l'élève de L.T. C'est lui qui lui a apprit à tuer, et il sait qu'il ne s'arrêtera pas là. Après avoir réussi à s'échapper, L.T. décide de se lancer seul à la poursuite d'Aaron, celui qu'il a 'crée' et qu'il doit aujourd'hui anéantir. S'engage alors un véritable jeu du chat et de la souris, où le traqueur peut devenir le traqué à tout instant, et réciproquement.

Le film s'ouvre sur un astucieux prologue dans lequel une voix off cite un passage de l'Ancien testament (revu et corrigé pour les besoins du film). On y entend ainsi Dieu s'adresser à Abraham et demander à celui-ci de tuer un de ses fils pour prouver son amour pour le seigneur. D'abord incrédule, Abraham ne tarde pas à se laisser convaincre. Le retour de cette citation à la fin du film nous fait alors clairement comprendre le parallèle brillant entre les deux protagonistes du film: L.T. Bonham est Abraham, et son 'enfant' serait ainsi Aaron Hallam. Ce n'est d'ailleurs certainement pas une coïncidence si le personnage interprété par Benicio Del Toro porte le nom d'Aaron, l'un des plus célèbres patriarches de l'Ancien Testament aux côtés du mythique Abraham. Mais ce parallèle, aussi astucieux qu'il soit, n'a plus aucune raison d'être une fois que la longue course poursuite entre L.T. et Aaron commence. Ici, les deux traqueurs/traqués reviennent à un état quasi sauvage, utilisant comme seules armes leur flair, leur ingéniosité, leur instinct et un couteau fabriqué dans la forêt. En ce sens, on appréciera toutes ces scènes où L.T. flaire la piste du tueur fou, prolongeant de manière habile le suspense de ces séquences de traque dans les bois ou près de la cascade à la fin du film. Le problème vient hélas d'une réalisation assez plate et d'un certain nombre d'incohérences. Ainsi, les coups portés à la jambe, au ventre et au visage de L.T. durant la confrontation finale semblent le laisser particulièrement indifférent - bizarrement, à la fin du film, toutes les traces ont disparues comme par enchantement, même pas une seule égratignure, rien du tout! On a aussi du mal à croire qu'Aaron ait pu construire deux pièges d'une telle envergure en un temps records pour la traque finale près de la cascade, et même si l'on pense évidemment à une ellipse qui expliquerait la raison pour laquelle le tueur a put construire tous ces pièges en moins de quelques minutes dans le film (ce qui est humainement impossible), cela reste très maladroit et assez mal fait. Ajoutons à cela un peu trop de violence gratuite et des effets sanguinolents à volonté, et l'on obtient 'The Hunted', plat émule de 'First Blood' ou 'The Fugitive' version William Friedkin. Malgré quelques bons points, le film laisse totalement indifférent et s'oublie très rapidement. On en attendait un peu plus de la part d'un grand réalisateur autrefois plus inspiré.

Brian Tyler continue d'explorer l'univers des musiques de suspense/thriller après quelques scores tels que 'Frailty', 'Terror Tract', 'The 4th Floor', etc. Sa partition pour 'The Hunted', loin de révolutionner le genre, permet néanmoins au compositeur de réexploiter les bonnes vieilles formules du genre action/suspense, avec son lot de percussions agressives, de cordes sinistres et d'effets électroniques glauques. Il règne ainsi dans le score une tension toute particulière que Tyler entretient dès les premières minutes du film, plongeant le spectateur dans un certain malaise assez saisissant par moment. 'Asymmetric Rythms' est ainsi très représentatif du sytle action du score de Tyler, le compositeur utilisant ainsi des cordes et des cuivres dissonants et chaotiques sur fond de rythmes frénétiques et chaotiques, avec la marque habituelle du compositeur, un important jeu autour des multiples effets de dissonance (et plus particulièrement aux cuivres), couplé à des percussions à la fois acoustiques et électroniques. 'Asymmetric Rythms' (un titre original pour un morceau de ce genre) accompagne ainsi la scène où L.T. poursuit Aaron dans la ville et sur le pont, la musique soulignant toute la frénésie et l'intensité de la course-poursuite, mais sur le ton de la tension et du rythme. 'Disordered Patterns', autre morceau au titre surprenant (évoquerait-il quelque part le désordre qui sévit dans l'esprit d'Aaron?), est un autre pur moment d'action chaotique pour une énième poursuite avec Hallam, le morceau se distinguant ici par le travail effectué autour des percussions (limite tribale ici) et de l'orchestre qui frôle par moment la cacophonie. On retrouve ici aussi toute la sauvagerie des scènes de poursuite du film, grandement magnifiée dans une musique qui souffre cependant d'un mauvais mixage dans le film (le son de la cascade couvre la musique à la fin du film!) et d'un cruel manque d'originalité.

'Emergence' permet à la partition d'atteindre l'un de ses climax lors de la scène où Hallam et Bonham préparent leurs armes chacun de leur côté (la scène rappelle beaucoup le concept de la dernière partie du 'Predator' de McTiernan). On notera ici l'importance accordée aux percussions style tambours et à l'utilisation intéressante du registre grave du piano 'thriller', un élément qui, incorporé avec les cuivres graves et des cordes bien rythmées, rappelle beaucoup par moment certains passages du 'The Fugitive' de James Newton Howard, preuve que le jeune compositeur n'a pas encore réussi à sortir de ses propres influences. 'Emergence' est en tout cas l'un des meilleurs morceaux d'action du score, si ce n'est le morceau incontournable de cette sinistre partition thriller. Plus atmosphérique et moins bruyant, 'Tracking Hallam' évoque la scène du début où L.T. traque Hallam dans les bois, le morceau se faisant particulièrement discret avec ses sonorités électroniques sombres et ses tenues de cordes dissonantes et inquiétantes. Atmosphérique, la musique se veut à la fois discrète bien que néanmoins très présente. On pourra d'ailleurs regretter le côté relativement trop discret de la musique au cours de cette première partie du film, la musique mettant alors pas mal de temps avant de réussir à décoller pour de bon.

'A transitory sonnet' donne l'occasion au compositeur d'une petite transition plus calme et sombre avec cordes, électronique et piano entre deux scènes de poursuite, tandis que le bien nommé 'Pulse' et ses cordes à la Don Davis vient rappeler l'ambiance de tension du film, de même que 'Sweepers' ménage le suspense pour le début du film lors de la traque dans les bois. Le reste du score, finalement assez répétitif, ne varie pas d'une seule note et continue de prolonger ce mélange de suspense glauque et d'action. Parmi les plages de suspense sinistres, on ne pourra pas passer à côté de 'Machinations' et 'The Reluctant Mentor' avec leurs sonorités électroniques/cordes graves synonymes de danger pour L.T., 'Over The Falls' et 'Coda con Furiosa' avec leur atmosphère d'action particulièrement brutale, où culmine la masse orchestrale dissonante et chaotique à souhait, retranscrivant à l'écran toute la violence sanguinaire de la confrontation finale près des chutes d'eau. Comme dit précédemment, on regrettera le fait que le son de la cascade couvre celui de la musique. C'est avec 'Winther Shift' que Tyler nous propose la véritable coda de son nouvel opus de suspense, la musique revenant alors à un sytle plus tonal, plus mélodique. Quelques cordes, une trompette solitaire et quelques synthés discrets suffisent à ramener le calme et la paix dans l'esprit de L.T. lorsqu'il revient à sa cabane d'hiver dans les bois.

'The Hunted' reste donc un score thriller tout à fait conventionnel et sans surprise de la part d'un Brian Tyler qui, s'il ne cesse de monter dans le métier, n'a pas encore réussi à prouver qu'il avait la personnalité d'un grand compositeur au style fort. Il lui reste encore à atteindre la maturité de son style, en espérant que Tyler saura trouver par la suite des projets bien plus stimulants que tous ces thrillers hollywoodiens quelconques. La musique apporte son lot de suspense et de malaise au film de William Friedkin, évoquant toute la tension, le danger et la sauvagerie du film. Si vous appréciez les travaux de type action/suspense de Brian Tyler, 'The Hunted' devrait vous plaire. Ne vous attendez cependant pas à quelque chose de particulièrement mémorable, car outre le fait que le score ne possède aucun thème défini, le score s'avère être sans surprise et sans originalité particulière, un travail d'artisan correct sans plus. Pour une production de ce genre, c'est déjà pas si mal!


---Quentin Billard