1-Ouverture 5.04
2-Love Theme 2.28
3-Solitude/
L'escalier du temps 2.20
4-Beethov's Fantaisie/
Cap ou pas cap 1.20
5-Jeux d'enfants 2.10
6-Les lunettes magiques 1.50
7-Derniers instants 2.40
8-Premier baiser 2.19
9-Déclaration/séparation 2.29
10-Invitation 5.15
11-La vie en rose 2.32*
12-10 ans plus tard 2.23
13-Mieux que la vie
(poursuite) 2.23
14-La vie en rose 4.56**
15-Le meilleur et le pire 1.49
16-Sous la pluie 3.29
17-Pour toujours
(Love Theme) 1.49
18-La vie en rose 3.22***
19-La vie en rose 3.48+

*Interprété par Trio Esperanca
Ecrit par Edith Piaf
et Louiguy
**Interprété par Donna Summer
Ecrit par Edith Piaf
et Louiguy
***Interprété par
Louis Armstrong
Ecrit par Edith Piaf
et Louiguy
+Interprété par Zazie
Ecrit par Edith Piaf
et Louiguy.

Musique  composée par:

Philippe Rombi

Editeur:

La Bande Son
981 046-6

Album produit par:
Philippe Rombi

Artwork and pictures (c) 2003 Nord-Ouest Productions/Artémis Productions/Media Services. All rights reserved.

Note: ***1/2
JEUX D'ENFANTS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Rombi
Premier film du réalisateur Yann Samuell, 'Jeux d'enfants' part sur une intrigue assez intéressante, celle de deux enfants, Julien et Sophie qui, depuis leur enfance, jouent à un jeu qui durera toute leur vie, celui du 'cap ou pas cap?'. Le principe est de se renvoyer incessamment une boîte de bonbons en signe de gage à effectuer obligatoirement, mais si le jeu était innocent au départ, le passage à l'âge adulte va s'avérer être particulièrement difficile pour Julien (Guillaume Canet) et Sophie (Marion Cotillard), qui tombent amoureux l'un de l'autre mais qui ne vont jamais se l'avouer. Au départ, le jeu permettait à Julien d'oublier la mort de sa mère et la dureté de son père, tandis que pour Sophie c'était un moyen d'oublier que ses camarades de classe la traitaient de sale polak à cause ses origines polonaises. Le jeu devient alors omniprésent dans la vie de Sophie et Julien, à tel point qu'il finit par devenir incontrôlable pour les deux 'joueurs'. Arrivés à l'âge adulte et aux premières responsabilités (la vie en couple, les enfants, etc.), Sophie et Julien sont incapables de grandir et d'avoir une situation stable et une relation normale. Le jeu les oblige à s'affronter continuellement, à se disputer, à s'aimer et à se détester en même temps, mais Julien est le premier à comprendre que leur amour n'est pas un jeu. Ils s'aiment mais ne savent pas comment se l'avouer. Pire encore, le jeu est toujours là et il est devenu plus intense, plus pervers, plus machiavélique. Désormais, c'est la surenchère, à celui qui fera souffrir le plus l'autre. Les deux protagonistes principaux ne savent plus s'arrêter et leur vie passe de manière mouvementée, aliénés par un jeu devenu fou, où il s'agit de briser les tabous, de défier les interdits, de faire souffrir l'autre, de risquer sa vie pour rien, de faire le pire comme le meilleur. Il faudra toute une vie pour que Julien et Sophie, incapables de grandir, finissent par s'avouer leur amour.

A l'origine, Yann Samuell est un illustrateur spécialisé dans les arts graphiques. Sa rencontre avec le producteur Christophe Rossignon lui permettra ainsi de réaliser son premier film, 'Jeux d'enfants', qui réunit pour la première fois à l'écran Guillaume Canet et Marion Cotillard. L'intrigue de 'Jeux d'enfants' part d'une idée simple et originale: réaliser une comédie romantique à la fois trash et tragique, car 'Jeux d'enfants' est avant tout pour le réalisateur une histoire d'amour dans laquelle un garçon et une fille sont incapables de grandir et de s'avouer leur amour. Les personnages sont ainsi prisonniers de leur destin, à la façon des tragédies antiques de Racine (un élément d'ailleurs clairement expliqué lors d'une scène du film). Le jeu du 'cap ou pas cap?' devient ainsi la métaphore de l'enfance éternelle que Sophie et Julien n'arrivent pas à quitter, du refus de l'engagement, de la peur des responsabilités. Lors du passage à l'âge adulte, ils sont incapables de faire le deuil de leur enfance, et c'est pour cela qu'ils continuent de jouer à ce jeu devenu pervers car inadapté à leur nouvelle vie d'adulte. Pour Yann Samuell, il s'agissait de faire croiser le côté rythmé et visuel du 'Fabuleux destin d'Amélie Poulain' de Jean-Pierre Jeunet (film qui a très clairement inspiré 'Jeux d'enfants' sur plus d'un point) et le côté plus trash et déjanté d'un film comme le 'Trainspotting' de Danny Boyle (autre film ayant clairement influencé celui de Yann Samuell), sauf qu'ici la drogue est remplacé par un jeu incontrôlable, cette métaphore du jeu comme drogue étant d'ailleurs clairement définie vers la dernière partie du film par Julien lui-même, pour la scène de la poursuite avec les flics.

Le réalisateur s'est ainsi servi de ses talents d'illustrateur pour apporter une dimension visuelle originale dans son film, utilisant quelques effets infographiques tout en jouant sur la couleur et les filtres, comme a pu le faite Jean-Pierre Jeunet dans 'Amélie Poulain', sauf qu'ici, cela sent clairement le réchauffé. Le film se veut donc comme une comédie romantique déjantée qui finit par devenir très clairement malsaine, une façon de montrer l'importance vitale de faire le deuil de son enfance et de grandir lors du passage à l'âge adulte, ainsi que le fait de profiter de la vie et de ne pas manquer des occasions. En ce sens, le suicide final très discuté à la fin du film pourrait s'avérer être une sorte de leçon de morale tendance 'il ne faut pas jouer à ce jeu sinon voilà où cela nous mène', une chose que Julien explique d'ailleurs très clairement dès le début du film dans la voix-off. Mais que l'on apprécie ou non la mise en scène visuellement déjantée et le côté malsain et cruel de ce film faussement romantique ne peut nous empêcher d'avoir l'impression de regarder un véritable foutoir où le réalisateur y mélange de tout et de n'importe quoi avec une folie furieuse, comme s'il tentait de reproduire la vie dans son côté le plus dur et tragique en effleurant la trame déterministe (nos actes définissent notre vie) avec une mise en scène d'une lourdeur sans nom, ankylosé par une multitude d'effets visuels, de métaphores incessantes maladroitement appuyées (oui, la boîte qui descend le long de l'escalier représentant le jeu dans le temps, on a compris!) et de scènes trash totalement gratuites. C'est fastidieux, c'est prétentieux et cela se veut comme une sorte de resucée d'Amélie Poulain/Trainspotting, mais sans atteindre la qualité de ces deux films cultes. Mais on pardonnera à Yann Samuell ce premier faux-pas cinématographique en attendant de futurs films que l'on espère être bien meilleur!

Philippe Rombi est décidément devenu un compositeur très actif dans le cinéma français d'aujourd'hui. Après une partition remarquée pour 'Oui, mais...' (et quelques partitions moins connues auparavant), Rombi a poursuivi sa carrière de compositeur de musique de film avec 'Une hirondelle a fait le printemps', 'Nuit d'argent', 'Une employée modèle', 'Le coût de la vie' et 'Swimming Pool'. Il est aussi à la tête de la musique de plusieurs films français actuellement à l'affiche, tels que 'Comme une image' d'Agnès Jaoui, '5x2' de François Ozon ou 'Mensonges et trahisons et plus si affinités' de Laurence Tirard. 'Jeux d'enfants' est une nouvelle petite réussite du jeune compositeur qui, s'il ne marquera pas les esprits avec cette nouvelle partition orchestrale modeste, confirme au moins la sûreté de son talent. A l'écoute de ce petit score dans le film, on ne peut qu'être agréablement surpris par la fraîcheur de la musique et son côté musique de comédie romantique à l'américaine. En ce sens, le score de 'Jeux d'enfants' n'est pas très loin d'un 'Father of The Bride' d'Alan Silvestri ou d'un 'Dave' de James Newton Howard.

L'ouverture nous dévoile l'excellent et très beau 'Love Theme', thème principal illustrant cette histoire d'amour sur un ton innocent qui n'évite évidemment pas le côté cliché de ce genre de musique romantique un brin mielleuse mais pleine de charme. Confié à des cordes amples avec un piano et quelques vents, le 'Love Theme' ouvre le film en accompagnant les enfants dans leur jeu encore innocent tout en confirmant le talent du compositeur pour écrire des thèmes au charme mélodique irrésistible ('Oui, mais...' ou 'Une hirondelle a fait le printemps' en étant de parfaits exemples!). Très vite, Rombi installe une ambiance plus enjouée et bonne enfant avec ses mouvements instrumentaux sautillants parfois à la limite du mickey-mousing, preuve que Philippe Rombi a toujours eu un côté un peu américain dans sa musique (on se souvient d'une partition influencée par Bernard Herrmann dans 'Swimming Pool'). 'Jeux d'enfants' (6ème piste de l'album) en est un parfait exemple, avec son côté orchestral un peu excentrique et plein de vie. Dans un même style, 'Cap ou pas cap?' évoque le jeu des deux enfants sur un ton espiègle avec un excellent mélange piano, cordes, vents et pizzicati sautillants. On notera une sympathique reprise du 'Love Theme' sous la forme d'une petite musique de manège dans 'Les lunettes magiques' évoquant une fois encore l'enfance et l'innocence du jeu (le manège nous renvoie d'ailleurs à la boîte qui sert de gage aux enfants). On entre alors dans un registre plus mélancolique et intimiste avec des pièces comme 'Derniers instants' (mort de la mère) avec son piano mélancolique et 'Solitude/L'escalier du temps' qui évoque le conflit entre Julien et Sophie et l'impossibilité de se dévoiler leur amour, toujours dominé par un piano mélancolique et le reste de l'orchestre. Le 'Love Theme' reste quant à lui toujours très présent, suggéré une fois de plus dans le 'Premier Baiser' de Julien et Sophie dans le film suivi d'une autre reprise légèrement plus assombrie dans 'Déclaration/Séparation' (Julien et Sophie se séparent pendant de nombreuses années). Rombi nous propose même une sympathique reprise pour piano solo jazzy de son thème romantique dans 'Invitation', pour la scène où Julien invite Sophie au restaurant.

En évoquant la musique de 'Jeux d'enfants', on ne pourra évidemment pas passer à côté des incessantes et obsédantes reprises de la chanson-phare du film, 'La vie en rose' d'Edith Piaf, reprise ici sous quatre variantes accompagnant justement les quatre grandes parties du film, une de Louis Armstrong, une de Donna Summer, une autre du Trio Esperanca et une, résolument plus dure et moderne de Zazie. Evidemment, 'La vie en rose' est ici associé au jeu et à l'idée de l'enfance éternelle pour Sophie et Julien, intervenant continuellement de manière obsédante tout au long du film comme pour renforcer l'impossibilité pour les deux individus de sortir du monde de l'enfance, et ce malgré le temps qui passe (ce qui justifier alors les quatre variantes de la chanson). Fort heureusement, la chanson ne vient jamais envahir le score de Philippe Rombi qui reste très présent tout au long du film. Plus l'histoire avance, et plus la musique se veut comme le reflet des tourments des deux personnages principaux. Ainsi, '10 ans plus tard' paraît légèrement plus sombre lorsque Julien et Sophie se retrouvent une dizaine d'années plus tard, avec une petite pointe d'intimité suggérée par le piano et les cordes. 'Mieux que la vie' utilise quant à lui une rythmique de percussions/batterie pour une reprise plus énergique du 'Love Theme' lors de la scène de la poursuite avec la police, où Julien repousse une fois encore ses limites, tandis que 'Le meilleur et le pire' se veut plus sombre et dramatique avec des cordes plus assombries lorsque les deux individus sont arrivés au point de non-retour, comme dans le mélancolique 'Sous la pluie' où le thème romantique paraît plus distancé, plus nuancé et plus poignant, lorsque Julien est allongé dans l'eau et que Sophie l'implore de revenir à la vie, l'aventure touchant à sa fin dans le très romantique et passionné 'Pour toujours' avec un final qui n'est pas sans rappeler le 'Roméo et Juliette' de Shakespeare.

La partition de Philippe Rombi pour 'Jeux d'enfants' témoigne une fois encore du talent du compositeur lorsqu'il s'agit décrire des thèmes mélodiques mémorables, avec ici un côté musique de comédie romantique à l'américaine qui renvoie à Alan Silvestri, John Debney, James Newton Howard, Rachel Portman, etc. Plus intéressante et moins bordélique que le film de Yann Samuell, la musique de 'Jeux d'enfants' attire dès la première écoute notre attention et nous convint parfaitement des possibilités de Philippe Rombi, même si le compositeur n'a pas signé là un chef-d'oeuvre impérissable. En tout cas, il ne fait nul doute qu'une musique d'une telle qualité ne méritait pas d'accompagner un aussi mauvais film. Voilà donc une nouvelle petite réussite sympathique à recommander à tout ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux travaux de Philippe Rombi!


---Quentin Billard