1-Paperhouse Overture 6.28
2-Is Anybody There? 7.08
3-Sanctus 1.44+
4-I'll Be Back 2.20
5-The Staircase 1.46*
6-Me & My Daughter,
We Get On Like
A House on Fire 17.42

+Composé par Gabriel Fauré,
Conduit par Stanley Myers
*Composé et conduit par
Stanley Myers

Musique  composée par:

Hans Zimmer/Stanley Myers

Editeur:

Milan Records CH 374

Musique arrangée par:
Hans Zimmer
Assistance technique:
Dave 'D' Smith, Roger Bolton,
Steve Paine, Allan Martin

Yamaha, Steve Rance-
Fairlight, Australia
Album produit par:
Hans Zimmer
Album conçu et réalisé par:
Emmanuel Chamboredon

Artwork and pictures (c) 1988 Milan Records. All rights reserved.

Note: ***
PAPERHOUSE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer/Stanley Myers
'Paperhouse' évoque l'histoire émouvante d'Anna Madden (Charlotte Burke), une jeune fille qui, après le départ de son père (Ben Cross) parti travailler dans un autre pays, vit seule avec sa mère (Glenne Headly). Elle passe la majeure partie de son temps à dessiner une maison sur son cahier en classe et chez elle. Mélancolique, la petite Anna se réfugie dans un monde imaginaire solitaire où elle rêve qu'elle visite l'étrange maison qu'elle a dessinée et qui est habitée par un jeune garçon qui ne peut pas marcher. Elle comprend alors que ce qu'elle a dessiné prend vie dans ses rêves. Mystérieusement régulièrement malade, la petite Anna ne va plus à l'école et doit rester chez elle pour se reposer. C'est là qu'elle plonge dans ses rêves et rend visite au jeune Marc (Elliott Spiers). Soucieuse d'améliorer l'environnement de la maison et de Marc, elle dessine de nouveaux éléments et commence à se lier d'amitié avec le garçon. Après la visite d'une doctoresse qui lui parle d'un jeune patient gravement malade, Anna comprend que le garçon en question n'est autre que Marc, qui partage lui aussi le même rêve avec Anna. Mais le jour où cette dernière dessine son père aux alentours de la maison et le gribouille rageusement avec son crayon, sa visite à Marc tourne au cauchemar lorsque le père imaginaire se transforme en fou violent venu faire du mal aux deux enfants.

Superbe film entre drame et fantastique, 'Paperhouse' évoque à merveille le monde des rêves de l'enfance, avec son lot d'imagination, de fantasmagorie, de perception métamorphosée et filtrée du présent dans les rêves de l'enfance, etc. L'atout majeur du très beau film de Bernard Rose est son atmosphère onirique assez étonnante, à la fois simple et épurée sans aucun artifice visuel ou dramatique. Ici, les rêves de la jeune Anna sont représentés comme des refuges d'une âme qui souhaite quitter la solitude et l'ennui de son existence, privée d'un père trop souvent absent et d'une mère tendre mais qui n'arrive plus à joindre les deux bouts. A cette dramatique vient donc se greffer l'univers des rêves où la jeune fille rend visite à un ami imaginaire qui se trouve être une projection onirique d'un individu existant dans la réalité mais qu'elle n'a jamais rencontré. Avec l'aide d'un crayon et d'une feuille de papier, Anna arrive à façonner l'univers de ses propres rêves, ce qui laisse des possibilités infinies pour son imagination. A priori, on serait tenté de trouver l'intrigue du film quelque peu étrange, mais le réalisateur réussit quand même à développer l'histoire avec une certaine habileté, aboutissant à un résultat à la fois modeste, touchant et envoûtant pour un film rare et trop méconnu!

En 1988, Hans Zimmer commençait à peine à sortir de l'ombre de son mentor, Stanley Myers, alors que le compositeur allemand venait de se faire remarquer pour une première partition majeure pour 'A World Apart' de Chris Menges. 1988 aura donc été une année décisive pour Zimmer puisque la même année, il composait le score de 'Paperhouse' et 'Rain Man', qui allait définitivement le lancer dans une future carrière glorieuse. Co-composée avec Stanley Myers, la musique de 'Paperhouse' nous permettait déjà de découvrir le côté intimiste et sombre du style synthétique du Zimmer de la fin des années 80, qui utilisait alors exclusivement les synthétiseurs aux sonorités 'eighties'. La musique de 'Paperhouse' évoque avec une certaine simplicité émouvante l'imagination et le monde onirique de la jeune Anna, Zimmer utilisant ici toutes les ressources des synthétiseurs de l'époque - un 'Fairlight Series III Moog 55, un Yamaha DX1, un Roland MKS80, etc. Un matériel totalement dépassé aujourd'hui mais déjà très performant à l'époque pour les sonorités et les échantillons instrumentaux. L'ouverture de 'Paperhouse' nous dévoile ainsi un premier thème associé à la maison que dessine Anna, un petit simple qui possède un côté mélodique vaguement enfantin sans trop tomber dans la niaiserie habituelle de ce genre de thème. Avec sa tonalité mineure, ce premier thème possède néanmoins un côté mystérieux, surtout lorsque le compositeur le développe avec différentes sonorités - d'abord cristallines, puis avec des samples de cordes d'orchestre auxquelles il ajoute des percussions, tout en ajoutant un côté de plus en plus sombre à ce thème (On pourra d'ailleurs noter ici la qualité des sons de cordes, rarement égalée à l'époque). Cette ouverture annonce déjà tout le mystère des rêves de la jeune fille. Zimmer nous propose alors une suite dans laquelle il développe le second thème plus épique du score qui sera associé dans le film à la puissante romance imaginaire entre Marc et Anna, le thème - qui annonce déjà le style des futurs grands thèmes épiques du compositeur - développant au passage le côté plus aventureux et fantastique du film, d'où l'utilisation du synthétiseur, idéal pour évoquer un monde imaginaire.

Zimmer développe durant toute la première partie du film une ambiance à la fois mystérieuse et intime, à l'aide de son travail sur les synthétiseurs et le motif de la maison que l'on entend dès le générique de début du film. Parfois lente et douce, parfois inquiétante et quasi tourmentée, la musique - couplée au travail plus discret de Stanley Myers, qui semble avoir largement laissé son jeune protégé s'exprimer librement ici, assurant uniquement l'écriture de 'The Staircase' et la direction du 'Sanctus' de Gabriel Fauré - évoque pleinement la psychologique agitée et mélancolique de la jeune héroïne du film. Parfois introspectif, parfois plus sombre, le score évoque les différents sentiments du personnage et nous rappelle que l'esprit humain est une chose impalpable, en constante mouvance et parfois même instable. La musique de Hans Zimmer est à l'image de cet esprit. 'Is Anybody There?' est ainsi plus représentatif du côté sombre et glauque de la musique, lors de la scène du début où Anna tombe dans un tunnel et plonge dans un premier rêve, permettant à Zimmer de nous offrir un premier travail sur ses différentes sonorités électroniques avec sons de cordes, nappes lugubres, effets sonores en arrière-fond (sons de goutte d'eau), murmures discrets et lointains, et même sursauts sonores violents pour accentuer le côté imprévisible de ces rêves (et de cette scène du tunnel). On notera même l'utilisation d'un mystérieux motif de 4 notes ascendantes qui sera associé ici aux angoisses de la jeune fille. Zimmer installe alors une atmosphère particulière, une ambiance mystérieuse très présente tout au long du film - à noter que le réalisateur a vraiment mis l'accent sur la musique tout au long du film, en tant que véritable complément musical de l'histoire.

Le travail atmosphérique sonore de 'Is Anybody There?' oscille donc entre l'inquiétude, la peur et l'envoûtement, autant de caractéristiques qui permettent de définir l'ambiance que recherche le compositeur tout au long du film, compositeur qui semble avoir donc pris très au sérieux le sujet du film de Bernard Rose et qui n'hésite pas à nous prouver que les synthétiseurs peuvent aussi être utilisés à cette époque d'une manière autre que des partitions d'action comme 'Black Rain' auquel on a trouvé souvent associé les synthés de Zimmer à la fin des années 80, et d'une manière générale dans la musique de cette nouvelle décennie à l'aube des années 90 à Hollywood. Parfois plus dramatique, la musique de 'Paperhouse' s'attache à retranscrire la mélancolie d'un personnage qui vit pleinement ses rêves jusqu'au cauchemar avec son père. C'est donc l'occasion pour le compositeur de développer son très beau thème épique qui donne une tournure plus grandiose à la fin du film, tandis que certains passages se veulent plus poignants, surtout lorsque Zimmer utilise des sons de cordes avec un sample de violon quasi romantique, qui apporte une émotion plus douce et intimiste dans certains passages du film. C'est alors qu'intervient le magnifique 'Sanctus' du célèbre 'Requiem' de Gabriel Fauré, utilisé à deux reprises dans le film et qui apporte une lumière plus particulière à certaines scènes avec Anna, une lumière plus religieuse qui contraste doucement avec les images sobres du film de Bernard Rose - à noter que Zimmer n'hésite pas à coller quelques éléments électroniques par-dessus le 'Sanctus' afin de conserver l'unité stylistique avec sa partition - une chose qui risque fort de faire bondir les puristes!

'I'll Be Back' nous permet de retrouver les sonorités chaleureuses de violon/hautbois/cordes lorsque Anna et Marc se séparent pour revenir dans un autre rêve. C'est l'occasion pour le compositeur de développer son majestueux thème qui fera office de 'Love Theme' quasi épique entre les deux enfants. Si le 'Staircase' de Myers se veut plus mystérieux et sombre dans la scène des escaliers dans la maison, avec ses sonorités new-age cristallines et sombres à la fois (avec les murmures lointains et les sons de gouttes d'eau en arrière-fond sonore), 'Me & My Daughter, We Get On Like A House On Fire' nous propose un solide final (à noter les sons de FX incorporés à l'album - sons de mouettes, son d'hélicoptère, sons de vague, etc.), débutant de manière sombre et brutale pour la confrontation contre le père dans le rêve final d'Anna, qui nous permet déjà d'entendre les prémisses du futur style action du compositeur, même si cet élément reste ici à l'état embryonnaire et non développé. Cela donne en tout cas l'occasion au compositeur d'expérimenter plusieurs types de sonorités électroniques pendant qu'il développe le sombre motif de 4 notes durant la confrontation finale. Finalement, l'aventure touche à sa fin au son d'une magnifique reprise finale du thème épique soutenu par un accompagnement vif de piano électrique et rejoint plus tard par une guitare électrique, une conclusion parfaite.

Entre mystère, émotion et suspense, le score de 'Paperhouse' fait sans aucun doute parti des premières grandes oeuvres majeures de Hans Zimmer. A l'écoute de ce score, et même si l'on est loin du statut de chef-d'oeuvre, on pourra néanmoins ressentir tout le talent d'un compositeur qui a parfaitement su retranscrire en musique son sujet et tout son potentiel émotionnel, explorant tous les sentiments (exaltation, angoisse, mélancolie, etc.) et toutes les ressources sonores de ses synthétiseurs et de ses différents samplers. C'est donc un Zimmer à la fois conventionnel et expérimental qui se dévoile ici en 1988, conventionnel dans sa manière d'écrire des thèmes dont on reconnaît immédiatement sa patte mélodique, expérimental dans sa manière d'utiliser toutes les sonorités électroniques de différentes façons - nappes sonores, sons imitant l'orchestre, FX, sons dissonants, sursauts, etc. Dans l'esprit du public béophile, seul 'Rain Man', 'Black Rain' et 'A World Apart' ont réussis à s'imposer réellement auprès du public chez le Zimmer de la fin des années 80, mais il est dommage qu'un score aussi sympathique que 'Paperhouse' n'ait pas réussi à captiver plus l'attention des béophiles, une partition électronique qui est injustement tombée dans l'oubli et qui mériterait d'être redécouverte et appréciée à sa juste valeur, à l'instar du film de Bernard Rose, car ce n'est peut-être pas l'un des premiers grands chefs-d'oeuvre du compositeur allemand (loin de là), mais cela n'en demeure pas moins l'exemple flagrant du talent et de l'inspiration d'un jeune compositeur qui était alors promit à cette époque à un bien bel avenir dans le milieu de la musique de film!


---Quentin Billard