1-Theme From Monsignor 3.25
2-Reunion in Italy 1.33
3-Forgotten Vows 4.12
4-The Meeting in Sicily 3.53
5-Audience With the Holy Father 3.42
6-Gloria 5.12
7-Monsignor 2.12
8-Appolini's Decision 3.14
9-Santoni's Compassion 5.01
10-At The Forum 5.09

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 51

Musique produite par:
John Williams
Album produit par:
Douglass Fake, Roger Feigelson

Artwork and pictures (c) 1982 Frank Yablans Presentations/20th Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***
MONSIGNOR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Avec 'Monsignor', le réalisateur Frank Perry s'attaque au problème de la vie des hommes d'église durant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis. A travers les péripéties agitées du père Flaherty (Christopher Reeve), le réalisateur en profite pour égratigner au passage l'église et le côté malhonnête de certains membres du Vatican qui n'hésitaient pas à profiter de la situation pour assouvir leurs ambitions. Le père Flaherty est l'un de ces hommes qui, après avoir reçu la prêtrise, se lie d'amitié au cardinal Santoni (Fernando Rey), homme influent du Vatican qui le considère alors comme son propre fils. Flaherty organise alors une magouille avec son ami Varèse (Joseph Cortese), un soldat américain avec qui il deale de la marchandise qu'il revend ensuite à prix fort par le biais d'un sinistre mafieux italien du nom d'Appolini (Jason Miller), l'argent étant finalement utilisé afin d'alimenter les caisses de l'église. L'ambition de Flaherty est telle qu'elle l'amènera à gravir rapidement tous les échelons du clergé jusqu'à devenir à son tour 'monsignore' et cardinal. Au même moment, il fait la rencontre de la soeur Clara (Geneviève Bujold), une nonne qu'il séduit et qu'il finit par délaisser le jour où elle découvre la véritable identité de Flaherty (qui se fait alors passer pour un soldat américain). Honteux, Flaherty commence alors à ressentir les remords pour avoir violé la règle d'abstinence des prêtres. Peu de temps après, un scandale éclate au sein du Vatican alors que l'on finit par découvrir ses magouilles avec la mafia italienne au moment où son ami Varèse l'abandonne et lui dérobe une importante quantité d'argent. Pour Flaherty, c'est le temps du rachat et du pardon.

'Monsignor' évoque habilement les thèmes de la cupidité, de l'ambition, de la corruption, de la culpabilité et du pardon, des thèmes bien évidemment liés à la religion catholique. Le réalisateur Frank Perry a choisi de montrer l'église sous son plus mauvais jour, gouverné par des hommes qui, bien que se prétendant au service de Dieu, n'en demeurent pas moins des hommes avec tout ce que cela implique. Ainsi, Flaherty, jeune prêtre ambitieux, est le premier à profiter du pouvoir qui s'offre à lui pour gravir rapidement les échelons de la hiérarchie, quitte à briser quelques règles. Les hommes d'église sont aussi des humains avec des sentiments et des besoins vitaux, et c'est ce que le réalisateur nous montre aussi à travers la romance contrariée entre le personnage de Christopher Reeve et celui de Geneviève Bujold, qui se livrent alors tous deux au pêché de chair, qui va inexorablement à l'encontre de leurs convictions. Le but de 'Monsignor' n'est donc pas de noircir l’image de l'église catholique comme l’ont prétendu certains, mais de montrer plutôt que les hommes d'église sont des humains comme les autres, avec leurs défauts et leurs limites. Au final, on pourra apprécier le film ou trouver 'Monsignor' un peu vide et longuet (le film a été un splendide échec commercial au box-office US de 1982), mais il n'empêche qu'il a au moins le mérite d'aborder avec audace un sujet sensible, la corruption de certains hommes d'église du Vatican.

John Williams signe pour 'Monsignor' l'un de ses scores les plus méconnus du début des années 80, composé la même année que le célèbre 'E.T. The Extra Terrestrial'. Avec 'Monsignor', Williams délaisse l'artillerie lourde de 'Raiders of The Lost Ark' et nous propose au contraire une partition symphonique plus intimiste et dramatique, qui évoque les thèmes du film avec une certaine justesse. Le ‘Theme from Monsignor’ (générique de début) se veut déjà très représentatif de l'esprit du film et sera associé par la suite à la relation dramatique entre Flaherty et Clara, thème qui possède un côté dramatique avec ses cordes mélancoliques, son clavecin et sa trompette solitaire, le tout enveloppé dans un crescendo dramatique qui introduit le film en toute beauté - à noter ici l'utilisation intéressante du clavecin qui évoquerait le côté 'traditionaliste' du Vatican, avec une touche baroque à l'italienne qui convient parfaitement au thème principal du score, d'où le choix de cet instrument. Le thème évoque aussi par moment certaines oeuvres du Nino Rota de 'The Godfather'. Mais si le dit thème surprend un peu par rapport à ce que Williams nous donne à entendre habituellement, 'Reunion in Italy' nous permet de retrouver un Williams plus enjoué à travers un superbe scherzo typique du style symphonique aventureux du compositeur, alliant pupitre de cuivres enjoués (à noter l'excellente performance du trompettiste Maurice Murphy), cordes et vents légers - le style annonce par moment certaines pages des 'Harry Potter'. Le morceau évoque avec un grand entrain la scène où Flaherty et Varèse se rendent en Italie pour rencontrer Appolini avec qui ils vont organiser leur deal. Idem pour 'The Meeting in Sicily' et son côté pastoral/enjoué évoquant les paysages de la Sicile des années 40.

'Forgotten Vows' évoque les tourments de Flaherty lorsqu'il se laisse attirer par Clara dans une relation sans avenir, toujours enveloppé dans un style orchestral plutôt dramatique où dominent les cordes et la trompette, avec au passage un retour du motif de clavecin qui ouvre le film dans 'Theme from Monsignor'. Mais l'élément le plus mémorable du score reste sans aucun doute le magnifique 'Gloria' que Williams a écrit pour la scène de la cérémonie avec le Pape (Leonardo Cimino), pièce grandiose écrite pour choeur, orchestre et orgue d'église, à la manière des grandes pièces chorales bibliques du Golden Age hollywoodien des années 50/60 (on pense à Waxman, Newman, Rozsa, etc.). Williams emprunte ici le texte latin à la section du 'Gloria' de la messe chrétienne traditionnelle, auquel il ajoute une dimension grandiose et majestueuse d'une puissance redoutable pour la scène de la cérémonie. Il ne fait nul doute que Williams a écrit ici un véritable chef-d'oeuvre de la musique sacrée, qui mériterait sa place aux côtés des grandes oeuvres religieuses de Mozart, Schubert ou Brahms. Pourtant, ce thème du 'Gloria', censé évoquer la gloire de Dieu, possède un côté relativement dramatique dans ses harmonies et son orchestration (timbales, cuivres, orgue, etc.), dépassant alors le strict cadre fonctionnel de la scène pour évoquer le désespoir de Flaherty qui s'aperçoit que Clara reçoit la communion du Pape, découvrant avec horreur toute la vérité à son sujet. Le 'Gloria' s'assombrit alors en prenant une tournure à la fois massive et opératique, un grand moment musical qui est malheureusement tombé dans l'oubli, au même titre que le film et l'oeuvre de John Williams.

Hélas, si le 'Gloria' s'avère être un petit trésor musical qui correspond à merveille à la scène-clé du film, le reste du score s'avère être bien moins passionnant, surtout que le maestro n'a pas écrit énormément de musique pour ce film et que l’ensemble n’a rien d’un chef-d'oeuvre impérissable. Néanmoins, il serait injuste d'enterrer trop vite ce score sous prétexte que le film qu'il accompagne a été un bide commercial à sa sortie en 1982. On pourra par exemple apprécier la noirceur et la puissance orchestrale de 'Appolini's Decision' dans la scène où le mafieux vient régler son compte à Varèse. Ce morceau est de loin le seul passage véritablement sombre de tout le score de ‘Monsignor’, qui dévoile au passage le côté plus suspense/thriller de John Williams avec un ensemble de percussions, cuivres et registre grave du piano (un effet typique des musiques de thriller) afin d’illustrer la menace qui pèse sur la vie de Varèse et sa mort inéluctable. Plus mélancolique, 'Santoni's Compassion' évoque la scène où Flaherty cherche le pardon auprès du cardinal Santoni, un certain optimisme que le compositeur suggère ici par l'utilisation d'un cor anglais, tandis que le thème du 'Gloria' est brièvement suggéré aux cordes et aux cors - le thème perdant ici son côté dramatique et opératique pour n’en conserver qu'un aspect plus mélodique et intimiste. 'At The Forum' conclut alors le score avec une ultime variante du ‘Theme from Monsignor’ en guise de conclusion nuancée au film de Frank Perry.

Voilà donc un score largement méconnu de John Williams, écrit entre deux les célèbres mastodontes orchestraux que sont 'Raiders of The Lost Ark' et 'Return of The Jedi'. ‘Monsignor’ est une partition symphonique dramatique et raffinée injustement tombée dans l'oubli en même temps que le film de Frank Perry, et qui ne mérite certainement pas de croupir au fond d'un tiroir poussiéreux. Fort heureusement, Intrada, le label de Douglass Fake, a finit par ressortir ce score dans une édition limitée salutaire, reprenant le contenu exact du LP d’origine avec un son dépoussiéré, idéal pour redécouvrir cette très belle partition intime du maestro américain. Le score de 'Monsignor' nous permet ainsi de retrouver le style orchestral très classique du compositeur, héritage du Golden Age hollywoodien que le compositeur aura largement exploité dans 'Star Wars', imposant plus que jamais son omniprésence et son grand succès dans la musique de film hollywoodienne des années 70/80. Si 'Monsignor' n’a de toute évidence pas contribué à ce rayonnement inégalable du compositeur, il n'en demeure pas moins un score de qualité qui témoigne une fois de plus du talent d'un compositeur décidément très à l'aise dans tous les styles, capable d’aborder tous les sujets avec une aisance constante, même pour un film dramatique et plus intimiste comme 'Monsignor'. Voilà donc un score à (re)découvrir et apprécier enfin à sa juste valeur grâce à la galette d’Intrada, ne serait-ce que pour son splendide 'Gloria' !


---Quentin Billard