1-Un soir chez moi 2.20*
2-Polka réveil 2.33*
3-Les coulisses 2.22*
4-La lettre 3.02*
5-Fox Trot 42 2.41*
6-La veuve 0.34*
7-Les girls 0.38*
8-Générique 2.43**
9-La préfécture 1.22**
10-Lycée Henri IV 0.49**
11-Florence dans la neige 1.01**
12-Fichier 0.25**
13-Répétition de la rafle 3.05**
14-La morgue 1.58**
15-Solitude de Klein 3.14**

*Composé par Pierre Porte
**Composé par Egisto Macchi

Musique  composée par:

Egisto Macchi/Pierre Porte

Editeur:

CAM Soundtracks
CAM 493297-2



Note: ***1/2
MR. KLEIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Egisto Macchi/Pierre Porte
'Mr Klein' marque en 1976 les retrouvailles entre Alain Delon et le réalisateur Joseph Losey, avec qui Delon avait précédemment collaboré sur 'L'assassinat de Trotsky' en 1972. Film audacieux qui dénonce les méfaits de la collaboration sous l'occupation allemande en France à Paris, en 1942, 'Mr Klein' place Alain Delon dans la peau de Robert Klein, un alsacien qui rachète des oeuvres d'art à bas prix et qui reçoit un jour par inadvertance un journal d'information destiné à la communauté juive, pourtant délivré que sur abonnement. Partant se renseigner au sujet de ce journal, Klein découvre qu'il existe un homonyme juif qui porte le même nom que lui et qui se cache quelque part dans le pays. Intrigué, Klein mène son enquête et décide de découvrir l'inconnu qui risque fort de lui attirer de nombreux problèmes à cause de ses origines juives. De son côté, Robert Klein a de vrais problèmes pour justifier à l'administration de l'occupation allemande qu'il n'est pas d'origine juive. Son seul espoir de sortir de cet enfer est de retrouver l'inconnu qui porte le même nom que lui et qui à l'origine de tous ses problèmes. Klein rencontre alors une mystérieuse femme nommée Florence (Jeanne Moreau), qui semble en savoir long sur l'inconnu en question. Mais plus Klein mène son enquête, plus la Gestapo commence à s'intéresser à lui, au moment où commence les déportations juives vers les camps de concentration. Film sombre et dramatique, 'Mr Klein' est un film audacieux, un des premiers long-métrage français qui ait osé aborder dans les années 70 le grave sujet de la collaboration sous le régime français du maréchal Pétain (un sujet honteux et tabou pour la France, très peu abordé au cinéma à cette époque). Si le film existe, c'est avant tout grâce à l'investissement d'Alain Delon qui, en plus d'interpréter le rôle principal du film, a aussi tenu à produire le film, visiblement très motivé par un projet qui le tenait particulièrement à coeur. Pour Joseph Losey, il s'agissait de son premier long-métrage français après avoir réalisé une longue série de films en Angleterre et aux Etats-Unis. Afin d'accentuer l'authenticité du film, la production a décidé de faire appel à de vrais survivants de l'holocauste juif afin de reconstituer la scène finale de la tristement célèbre rafle du Vel d'Hiv, le tournage de cette scène s'étant d'ailleurs avéré être particulièrement douloureux moralement pour les figurants d'origine juive qui ont connus ces terribles événements. Couronné en 1977 par trois Césars, 'Mr Klein' s'imposa très vite comme l'un des premiers grands films traitant de la collaboration sous le régime de Vichy, avec sa mise en scène lente, sa noirceur psychologique intéressante et le malaise grandissant qui ne cesse d'augmenter tout au long du film.

C'est le compositeur d'origine italienne Egisto Macchi qui signe ici le score de 'Mr Klein', accompagné de Pierre Ponte qui signe la 'source music' tendance années 40 du film, Macchi n'ayant écrit qu'à peine 10 minutes de musique originale pour le film (une constante pour la musique de film française de l'époque!). La musique de Macchi pour 'Mr Klein' nous renvoie clairement à la musique atonale 'contemporaine' du début du 20ème siècle et des années 50/60. On pense ici à Webern, à Kurtag, à Nono, à Ligeti, etc. Pour les besoins dramatiques du film, le compositeur a décidé d'opter pour une approche instrumentale n'incluant que les vents (flûtes, clarinettes, etc.) avec un piano, un xylophone, etc. Le ton est donné dès le mystérieux et envoûtant 'Générique' où les flûtes semblent évoquer une atmosphère à la fois lente et sombre totalement dénuée de lumière, d'espoir, de chaleur. La couleur unique des flûtes est ici l'élément majeur de la très courte partition de 'Mr Klein', un élément qui s'explique tout simplement par le fait que, dans le film, l'homonyme juif de Robert Klein joue de la flûte traversière. La flûte est donc ici associé à cette quête désespéré d'un homonyme inconnu qui semble insaisissable, impossible à trouver, d'où peut-être le côté mystérieux et vaporeux de la musique. A l'écoute de la musique, on sent déjà poindre un certain malaise sous-jacent lié à la noirceur de cette histoire. Pour se faire, Macchi relève le parti pris de l'atonalité totale et semble vouloir nous égarer dans une atmosphère brumeuse, une sorte de léger voile sonore de flûtes et des vents qui finissent par devenir dissonants et inquiétants, tout en conservant un côté statique par rapport à la lenteur inquiétante et psychologique du film de Joseph Losey. A noter que la partie de flûte évoque par moment la musique sérielle de l'époque de Webern et Schoenberg (on pense à certaines pièces de musique de chambre de Webern par exemple).

L'atmosphère s'alourdit dans 'La préfecture' lorsque Robert Klein se rend à la préfecture pour déclarer le problème d'identité par rapport à l'homonyme juif. Le morceau dégage alors un certain malaise suggérée par le registre grave du piano avec des flûtes dissonantes qui créent un nouveau nuage sonore toujours discret mais quasiment angoissant. Macchi confère à sa musique un ton psychologique limite morbide qui accompagne discrètement le film de Losey et renforce le malaise grandissant du film. Dans 'Lycée Henri IV', Macchi va même jusqu'à rendre son atmosphère moins statique et crée l'agitation autour d'un mystérieux balancement de xylophones et de flûtes/clarinettes dissonantes. 'Florence dans la neige' nous permet de retrouver les flûtes froides du début avec une certaine tension sous-jacente suggérée par les tenues dissonantes et le statisme apparent des instruments (car, comme chez Ligeti, les mouvements sonores sont souvent cachés entre deux plans sonores statiques). Plus l'enquête de Klein avance, et plus la musique se veut sombre et profondément noire, comme c'est le cas dans le dissonant 'Fichier' avec sa basse de piano inquiétante reprise de 'La préfecture'. La tension semble atteindre son climax dans le macabre 'Répétition de la rafle' où les instruments forment des clusters massifs dissonants et angoissants pour évoquer la terrible rafle du Vel d'Hiv à la fin du film. Même 'La morgue' s'avère être musicalement moins glauque (même si l'on pourra apprécier ici ses flûtes dissonantes), tandis que 'Solitude de Klein' nous permet de retrouver une dernière fois l'esprit du générique de début avec ses flûtes qui semblent vouloir irrémédiablement grimper dans l'aigu sur fond d'un nuage sonore de vents dissonants.

La musique d'Egisto Macchi pour 'Mr Klein' fait évidemment partie de ces partitions difficiles d'accès qui ne plairont certainement pas à tout le monde, mais qui apporte un éclairage musical plus particulier dans le film de Jospeh Losey. En prenant le parti pris de l'atonalité sans concession, Macchi nous livre une partition minimaliste et profondément noire, qui évoque avec une certaine retenue angoissante les méfaits de l'occupation allemande et de la collaboration sous le régime de Vichy. Sinistre et pessimiste, la musique de 'Mr Klein' s'avère être l'accompagnement musical parfait pour cette sombre histoire d'homonyme juif, un score minimaliste et atonal qui nous renvoie clairement à la musique 'contemporaine' du 20ème siècle. Voilà donc un score relativement peu connu qui mérite vraiment d'être redécouvert et apprécié à juste titre, en même temps que l'excellent film de Joseph Losey.


---Quentin Billard