1-The Morrow 3.13
2-God's Hands 1.42
3-The One Moment 1.40
4-Traces 1.00
5-The Arrival 3.53
6-Becoming Jerome 1.06
7-Call Me Eugene 1.24
8-A Borrowed Ladder 1.47
9-Further and Further 2.43
10-Not The Only One 2.14
11-Second Morrow 2.24
12-Impromptu for
12 Fingers 2.55*
13-The Crossing 1.24
14-It Must Be The Light 1.23
15-Only A Matter of Time 1.07
16-I Thought You Wanted
To Dance 1.13
17-Irene's Theme 1.09
18-Yourself For The Day 2.20
19-Up Stairs 2.02
20-Now That You're Here 2.44
21-The Truth 2.13
22-The Other Side 3.44
23-The Departure 3.51
24-Irene and The Morrow 5.44

*Impromptu in G Major,
Op.90 N°3 de Franz Schubert
Interprété par Ryan Dorin
et Michael Lang.

Musique  composée par:

Michael Nyman

Editeur:

Virgin Records 45018-2

Album produit par:
Michael Nyman

Artwork and pictures (c) 1997 Columbia Pictures Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
GATTACA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Nyman
Que deviendrait notre monde si la société du futur était entièrement régie et définie par le patrimoine génétique de chaque être qui la compose? C'est la question que pose 'Gattaca' (Bienvenue à Gattaca), premier long-métrage du réalisateur néo-zélandais Andrew Niccol, basé sur son propre scénario original. Dans cette société du futur, Gattaca est un immense centre de recherche et d'études sur l'espace dans lequel des jeunes gens sont crées avec un patrimoine génétique parfait. Les dirigeants analyse l'ADN de chaque individu et permet ainsi de définir sa place dans la société. Certains d'entre eux se proposent comme candidat pour l'exploration spatiale. Vincent Freeman (Ethan Hawke) est l'un de ces prétendants, lui qui rêve de partir dans l'espace depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, son patrimoine génétique recèle quelques défauts qui font de lui un être imparfait: il est ainsi atteint de myopie et pourrait bien mourir d'ici 30 ans dès suite d'un problème cardiaque. Vincent rencontre alors Jerome Morrow (Jude Law), un individu né de façon naturelle avec un patrimoine génétique parfait mais qui vit ses desseins réduits à néant le jour où il eut un accident et resta paralysé dans un fauteuil roulant, un bien triste sort pour lui qui rêvait de partir à son tour dans l'espace. Ensemble, Vincent et Jerome organisent un plan insensé visant à ce que Vincent se fasse passer pour Jerome en récupérant son ADN par le biais d'échantillons d'urine, de peau, de cheveu et de sang appartenant à Jerome. Grâce à ce stratagème compliqué et minutieusement préparé, Vincent, devenu pirate génétique, devient Jerome Morrow et réussi à décrocher un poste à Gattaca grâce à cette supercherie. Chacun va ainsi permettre à l'autre de concrétiser ses souhaits. Pourtant, la situation se complique le jour où le chef de mission est retrouvé assassiné. Par mégarde, Vincent/Jerome perd un cil près des lieux du crime et commence à craindre que la police ne le soupçonne d'avoir commis le meurtre. Il va alors devoir ruser afin d'éviter d'être découvert et démasqué par les tests d'ADN. Mais le flic qui mène l'enquête semble tenace et ne compte pas lâcher prise.

'Gattaca' est un excellent film d'anticipation qui décrit une société futuriste dans laquelle la discrimination est devenue le credo de tout un peuple: à Gattaca, si vous n'avez pas un patrimoine génétique parfait, vous n'êtes rien! Le film d'Andrew Niccol s'interroge au passage sur le pouvoir de l'esprit humain et le désir de perfection (lié ici à la génétique), le réalisateur montrant habilement les dérives et les excès d'un système injuste où seuls une poignée d'élus peuvent prétendre avoir une place dans la société - l'analogie paraît donc fort évidente - cela reviendrait à dire qu'il y'aurait une race supérieure qui dominerait le monde. On n'est guère loin ici des théories nazies d'Hitler. Cette idée est d'ailleurs appuyée dans le film par une phrase clé du personnage d'Ethan Hawke qui en dit long sur le film: "nous avons fait de la discrimination une science". Mais, loin de prétendre porter un quelconque jugement de valeur sur un système qui n'appartient heureusement encore qu'au domaine de la science-fiction, le réalisateur nous propose surtout une excellente peinture de deux personnages principaux interprétés par les excellents Ethan Hawke et Jude Law, sans oublier la ravissante Uma Thurman qui vient apporter un peu de charme féminin au film (et ce malgré le côté tout à fait quelconque de son personnage). Filmé sur un rythme lent et totalement dénué d'artifice visuel, 'Gattaca' est une grande réussite du genre, un film de science-fiction rare et intelligent, qui s'attarde plus sur la psychologie de ses personnages et de leur monde plus que sur une quelconque description visuel et artificielle d'un univers technologique/utopique, et ce même si l'on pourra aussi apprécier la beauté plastique et froide des décors du film. A travers la relation amicale forte unissant les personnages d'Ethan Hawke et de Jude Law durant tout le film, Andrew Niccol arrive à apporter une certaine émotion au film (tout comme il arrive à créer quelques scènes de suspense mémorable dont la scène des escaliers vers la fin du film), surtout lorsque l'on comprend que Jerome aide Vincent à se faire passer pour lui afin que son nouvel ami puisse concrétiser un rêve qu'il n'a pu qu'effleurer lui-même avant son tragique accident. Voilà en tout cas une première grande réussite pour le réalisateur néo-zélandais qui nous montre ici l'exemple parfait d'un film de science-fiction intelligent et bien loin des grosses machines hollywoodiennes habituelles!

Michael Nyman a apporté à son tour une certaine émotion au film d'Andrew Niccol. Jouant la carte du décalage, le compositeur a préféré opter pour une approche 100% orchestrale classique pour 'Gattaca'. A l'univers froid et futuriste du film, Michael Nyman répond par une musique symphonique dominée par des cordes lyriques, mystérieuses et lentes. Dès l'ouverture du film ('The Morrow'), Nyman expose le ton du score avec des cordes lentes dotées d'un certain lyrisme froid mais très présent et quasi mystérieux - typique du style du compositeur. Le morceau nous permet aussi de découvrir ce qui pourrait s'apparenter au thème principal, constitué d'un motif de 4 notes développé en une longue phrase répétitive de cordes. De par son côté à la fois lyrique et froid (probablement du à la mise en retrait des vents qui se font discrets ici et au côté répétitif du morceau), 'The Morrow' évoque l'univers de Gattaca et les rêves de Vincent et Jerome, ce qui expliquerait alors ce côté répétitif comme une sorte d'obsession d'un désir plus fort que tout, celui de partir dans l'espace. On est donc déjà surpris d'emblée par le ton de la musique et ses cordes lyriques inattendues, qui contrastent quelque peu avec le style futuriste et froid du film. Le compositeur poursuit sur sa lancée et développe le lyrisme classique des cordes dans 'God's Hands' qui n'est pas sans évoquer par moment certaines partitions lyriques du regretté Georges Delerue qui convient très bien au film et à ses principaux protagonistes.

Refusant ici toute envolée orchestrale ou tout signe d'emphase plus caractéristique des musiques de films de science-fiction, Nyman opte pour une approche orchestrale plus introspective mais lyrique à la fois, mettant particulièrement en avant les cordes avec son style d'écriture répétitif et entêtant qui semble tant séduire les fans du compositeur. La plupart de ces morceaux sont souvent lents et semble chercher à installer dans le film une émotion discrète mais réelle - peut-être est-ce une façon pour le compositeur d'évoquer l'humanité de ses deux personnages principaux et leurs rêves à travers cette histoire de société futuriste rigide et froide. On retrouve une similitude au style de Georges Delerue dans le magnifique 'The Arrival', sans aucun doute l'un des plus beaux morceaux du score avec son émouvante phrase de cordes simple et touchante, lorsque Vincent arrive pour la première fois à Gattaca et travaille au nettoyage et à l'entretien de l'immeuble tandis qu'il observe les fusées décoller vers l'espace, perdu dans ses rêves. L'émotion qui se dégage de 'The Arrival' paraît un peu décalée par rapport à la séquence elle-même, pourtant, d'un point de vue psychologique, elle se justifie amplement puisqu'il est question ici d'évoquer le rêve de Vincent qui le motive à mener à bien son projet avec Jerome Morrow. C'est là que l'on comprend mieux le côté introspectif de la partition de Nyman qui, malgré son côté parfois froid et mélodiquement répétitif, n'en demeure pas moins émouvante. Dès lors, 'Becoming Jerome' annonce le début de la transformation de Vincent en Jerome, avec l'un des rares morceaux plus rythmé, sur fond de cordes enjouées synonymes d'espoir. Vincent et Jerome observent alors ensemble une nouvelle fusée partir en direction de l'espace dans 'Call me Eugene', dont les harmonies de cordes et les quelques notes de piano paraissent plus nuancées, légèrement plus mystérieuses, comme si le compositeur cherchait encore à faire planer un certain doute sur les chances de succès de Vincent à Gattaca.

Ceci étant dit, le lyrisme de la partition n'empêche nullement les quelques passages de suspense de s'imposer dans certaines scènes de tension majeures du film, celles qui concernent les moments où Vincent doit ruser alors qu'il est sur le point d'être découvert. Ainsi, 'Further and Further' rompt avec le lyrisme initial de la partition en imposant un climat plus atonal basé sur une sombre tenue de cordes dissonantes et quelques notes de clarinettes/bassons qui viennent accentuer la tension durant la scène du test cardiaque. A noter la montée aiguë et dissonante des cordes vers la fin du morceau, qui fait basculer la scène dans un style thriller quasiment angoissant. On retrouve cette ambiance dissonante dans le sombre 'The Crossing' pour la scène où Vincent doit traverser la route à moitié aveugle, ayant du se débarrasser de ses lentilles de contact pour échapper à un test de la police. On retrouve ici une tenue dissonante de cordes à laquelle Nyman ajoute une instrumentation plus étoffée incluant trompettes en sourdine, cors, clarinettes, etc. La tension monte ici d'un cran, comme dans 'I Thought You Wanted to Dance' et ses cordes stridentes, sans oublier 'Up Stairs' pour la meilleure scène de suspense du film, lorsque le vrai Jerome Morrow doit remonter tout en escalier (et ce malgré son handicap) pour recevoir le policier qui est sur le point de démasquer Vincent. Mais ces quelques passages à l'atonalité pesante et brutale oscillent vers la fin du film avec d'autres passages de lyrisme qui nous renvoient à l'émotion discrète du début de la partition, comme le retour du thème introductif dans 'Second Morrow' (auquel Nyman ajoute une excellente mélodie secondaire de clarinette basse) évoquant la transformation de Vincent en Jerome, sans oublier l'excellent second thème du score, celui d'Irene (Uma Thurman), que l'on entend dans 'Not the Only One' et surtout dans le majestueux 'It Must be the Light', lorsque Vincent et Irene vont ensemble visiter l'extérieur de Gattaca sur les pistes de décollage des fusées, à l'aube. Confié à un cor majestueux et des harmonies de cordes plus chaleureuses, le thème d'Irene amène une touche positif dans un score finalement assez froid et parfois même assez mélancolique.

La séquence du duel de la nage entre Vincent et son frère est illustrée magnifiquement dans 'The Other Side' avec un lyrisme mélancolique de cordes à la Delerue, évoquant la force intérieure de Vincent qui arrive aujourd'hui à vaincre son frère et ce malgré ses problèmes cardiaques - à travers le côté lyrique de la pièce, Nyman cherche à évoquer la puissance de l'esprit humain qui arrive à surmonter les épreuves physiques. C'est ainsi sans surprise que l'on retrouve dans 'The Departure' le magnifique thème de cordes de 'The Arrival', la boucle étant bouclée, l'aventure touchant à sa fin. Dès lors, on comprend mieux le sens de ce thème poignant: il est véritablement associé au rêve de Vincent/Jerome, rêve qui devient réalité dans ce magnifique final non dénué d'une certaine poésie poignante. C'est même dans ce superbe thème poignant que le film d'Andrew Niccol prend toute sa dimension humaine et psychologique, révélant le fait qu'un être handicapé a pu réussir à gravir les échelons sociaux avec comme seule arme sa détermination et sa foi en ses rêves. C'est donc avec une certaine émotion forte (qui illumine le final du film) que le film se conclut, plus positivement et plus sûrement qu'il n'avait débuté, avec le thème introductif plus nuancé qui était associé à Morrow. A l'écoute de l'oeuvre de Michael Nyman dans le film, on ressent mieux toute l'émotion et la psychologie du film d'Andrew Niccol, et l'on comprend d'autant mieux le parti pris du compositeur, ayant opté ici pour un classicisme d'écriture orchestrale et un certain lyrisme répétitif qui ne font que mieux renforcer les thèmes du film (le droit au rêve pour tous, l'humanité en réponse à la discrimination d'un système injuste, etc.). Sans jamais verser dans le sentimentalisme exagéré (tout l'exact contraire du style du compositeur anglais, adepte du minimalisme depuis ses débuts!), Nyman conserve toujours un côté froid probablement renforcé par l'abondance des cordes et la mise en retrait des vents, ce qui, très vite, a pour effet de créer une certaine sensation de répétitivité, comme si le compositeur évitait d'avoir à créer un trop grand relief dans sa musique. Le compositeur s'offre aussi un petit détour du côté de la musique atonale avec quelques moments de suspense plus sombres qui viennent prendre le relais entre deux pièces orchestrales plus mélancoliques ou chaleureuses. Certes, 'Gattaca' n'a rien d'un chef-d'oeuvre impérissable mais s'impose malgré tout comme l'une des partitions incontournables du compositeur de 'The Piano' car, pour sa première collaboration à un film d'Andrew Niccol, Nyman semble avoir donné le meilleur de lui-même. On n'en attend donc que du bon pour l'avenir!


---Quentin Billard