1-Underwater Camp 3.23
2-Decompression 3.16
3-Discovery 5.24
4-One of Us 1.41
5-The Body Within 4.33
6-Escape Bubbles 5.37
7-Can We Fix It 3.25
8-Situation Under Control 1.49
9-It's Growing 3.10
10-Too Hot 3.27
11-A Lot Better 3.31

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5226

Album produit par:
Jerry Goldsmith
Producteurs exécutifs:
Tom Null et
Richard Kraft
Producteurs coordinateurs:
Katurah Clarke

Artwork and pictures (c) 1989 Metro-Goldwyn-Mayer pictures, inc. All rights reserved

Note: ***1/2
LEVIATHAN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Depuis le succès d'Alien de Rildey Scott ainsi que celui de 'The Thing' de John Carpenter (plutôt à la ressortie en cassette vidéo, à l'image du 'Blade Runner' de Rildey Scott), les films de monstre sont devenus assez courant dans les années 80, bon nombre de réalisateurs ayant tentés de reprendre les formules des deux icônes du genre dans des série-B d'horreur généralement ratés et insipides au possible. En 1989 sortait 'Deep Star Six', un film mettant en scène l'équipe d'une base sous-marine confrontée à un énorme monstre marin, un mix entre Alien et The Thing en version sous-marine. La mode des films de monstre aquatique venait d'être lancé par l'annonce du projet colossal de James Cameron qui serait achevé la même année, The Abyss (dans le même registre, il y'eut ainsi 'Leviathan', 'Deep Star Six', mais aussi le film espagnol 'The Rift'/La Grieta' du spécialiste de la série-B d'horreur espagnole Juan Piquer Simon, 'Lords of The Deep' produit par Roger Corman et bien d'autres encore...). Avec 'The Abyss', James Cameron trouvait un palliatif à ce manque d'imagination en tournant un film intelligent relatant l'histoire d'une équipe sous-marine découvrant un monde des abîmes peuplé de créatures angéliques et pacifiques, tout le contraire du postulat amorcé par Ridley Scott ou John Carpenter dans leurs deux chefs d'oeuvre. Toujours la même année, décidément fertile en productions aquatique navrante, le très moyen réalisateur George P.Cosmatos tournait 'Leviathan', petite série-B d'horreur aquatique censée rivaliser avec 'Deep Star Six' sur un sujet 100% similaire. Indiscutablement, et même si Leviathan a été descendu par toutes les critiques le dénonçant comme un odieux plagiat d'Alien et The Thing réunis, le film de Cosmatos n'en reste pas moins le plus réussi des deux face à Deep Star Six, un film très impopulaire dans son domaine. Même si l'histoire et l'intrigue de Leviathan sont très minces et recrachent les formules d'Alien (une équipe de scientifiques qui vont mourir les uns après les autres à cause d'une bête parasite, un monstre visqueux qui se cache partout dans les couloirs d'une base, etc...), le film n'en reste pas moins fort sympathique et très réussi techniquement, la créature du film étant admirablement bien construite et animée par le génial Stan Winston et son équipe de techniciens habituels, Winston étant déjà l'auteur des Aliens dans le film de James Cameron ainsi que le responsable de la création et l'animation du monstre extra-terrestre dans 'Predator' de McTiernan. Rajoutons à cela que Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis, le duo gagnant d'Alien revient sur les effets de la créature de Leviathan, ce qui renforce la qualité technique irréprochable du monstre (on est bien loin des images de synthèse à deux balles de la plupart des productions d'horreur de maintenant). Le monstre de Leviathan a été fait à l'ancienne avec un design et une animation de haute qualité. En bref, le réalisateur de Leviathan s'est assuré les services d'artisans très doués dans son domaine ce qui assure une certaine suprématie technique par rapport au bide total que fut 'Deep Star Six'. Leviathan possède une mise en scène hyper banale et archi conventionnelle, mais le tout est finalement très bien réalisé (Peter Weller reste dans les rôles de série-B sans prétention auquel il est habitué même si Verhoeven lui a donné le rôle de Robocop en 1987) ce qui fait de Leviathan un très honnête spectacle d'horreur/suspense aquatique.

La similitude avec Alien va même jusqu'au choix du compositeur puisque c'est de nouveau Jerry Goldsmith qui s'y colle (Goldsmith a déjà travaillé avec George P.Cosmatos sur 'Rambo: First Blood Part II'). Loin de la partition géniale d'Alien, le score de Leviathan constitue l'exemple même d'un score de Goldsmith très intéressant et pourtant méconnu et très sous-estimé (probablement à cause des très mauvaises critiques qui ont descendus le film en flèche). Leviathan est pourtant un score thriller/action très solide et réellement prenant dans lequel le compositeur semble s'être montré assez inspiré même si la musique est loin de fleure le statut de chef d'oeuvre. En concentrant son habituelle écriture orchestre/synthétiseur (très présents une fois de plus), le maestro a crée une ambiance parfaite pour le film, basé autour de trois thèmes et d'une atmosphère suspense/action du plus bel effet.

Avec 'Underwater Camp', Goldsmith propose une lente et belle entrée en la matière. A l'aide de samplers du synthé imitant le sons des dauphins, Goldsmith crée une atmosphère mystérieuse dans ce générique de début avec l'orchestre et les textures synthétiques évoquant les profondeurs sous-marines, et ce au fur et à mesure que la caméra descend le long d'une paroi rocheuse. 'Underwater Camp' est assez intéressant au niveau des textures électroniques utilisées, des sonorités que l'on retrouvera tout au long du score (à noter que Goldsmith reprend ici certaines sonorités de son précédent score pour 'Criminal Law' -1988- une influence incontestable au niveau des sonorités électroniques de sa partition - ceci est surtout valable pour ces sons en écho que l'on entend ainsi dans des pièces telles que 'It's Growing' ou 'The Body Within'). Alors que la caméra arrive à la base sous-marine de forage minier, Goldsmith fait allusion à son thème principal, un thème majestueux qui reviendra dans 'Escape Bubbles' et 'A Lot Better'. L'action commence bien avant que le monstre n'atterrisse dans la base. Dans 'Decompression', un des miniers commencent à s'asphyxier dans sa combinaison qui fonctionne mal. A l'aide d'une excitante rythmique orchestrale/synthé qui se met progressivement en place, le compositeur a l'occasion d'aborder tout de suite le registre de l'action en évoquant le danger de DeJesus menacé d'asphyxie dans sa combinaison et qui doit rentrer d'urgence dans la base. Mais ce petit morceau d'action assez tendu n'évoque pour l'instant qu'un danger de circonstance qui sera très vite résolu.

Les réels problèmes pour l'équipage de la base sous-marine commencent avec 'Discovery' alors Sixpack (Daniel Stern) s'introduit dans l'épave d'un bateau russe après avoir mystérieusement disparut. Goldsmith installe le mystère toujours aidé de ses sons synthétiques évoquant à la fois l'ambiance aquatique et le mystère de la soudaine disparition de Sixpack, qui ressort alors de l'épave avec un petit coffre. Mystérieux et tendu à la fois, 'Discovery' permet très clairement à Goldsmith de faire comprendre à l'auditeur/spectateur que les conséquences de tout cela seront mortelle pour l'équipage. Si 'Situation Under Control' réutilise une allusion au thème principal (c'est probablement le seul morceau vraiment paisible du score), 'One of Us' permet d'entendre le deuxième thème qui ne sera utilisé que deux fois dans le film et que Goldsmith semble avoir pris plaisir à composer. Thème intime et doux à la fois, cette sorte de 'Love Theme' évoque l'amitié entre Beck et Willie qui vont devoir se soutenir durant leur lutte cauchemardesque contre le monstre. Utilisant le piano (du synthé) avec des cordes chaleureuses et une harpe, ce très beau morceau apporte une petite touche de nostalgie et d'émotion très agréable et qui permet de respirer un bon coup avant de partir pour l'enfer. (la musique intervient pour une scène où Beck et Willie discutent tout les deux) On appréciera donc cette petite touche poétique inattendue que Goldsmith a apporté et dont la charmante intervention ne peut qu'être appréciable au sein d'un score très sombre.

Le reste du score s'enfonce petit à petit dans un climat de tension et de suspense de plus en plus prenant, jusqu'à ce que les morts s'accumulent et que l'action commence vraiment. Ainsi donc, le sinistre 'The Body Within' accompagne la scène où DeJesus se fait attraper par une sorte de serpent marin. Terrifiant, le morceau est renforcé par des sonorités effrayantes du synthé (toujours influencé par 'Criminal Law') ainsi qu'un orchestre traduisant clairement l'horreur de la situation (cuivres graves en avant et cordes aiguës)Goldsmith évoque avec sa musique une certaine inéluctabilité des problèmes auxquels l'équipage va devoir face après que Sixpack et Bowman aient bu tout les deux un verre de vodka contenant une substance expérimentale mortelle. (on notera les ressemblances de certaines sonorités électroniques avec des passages suspense du score de Rambo III de Goldsmith, le maestro réutilisant probablement la même banque de sons)

Dans 'It's Growing', Goldsmith évoque la présence menaçante du monstre qui se balade dans la base et qui grossit au fur et à mesure qu'il se gave de sang. Les samplers de synthé utilisés par Goldsmith sont sinistres et effrayants à la fois. Ils traduisent non seulement le danger mais aussi la menace que représente la présence de ce monstre difforme. Dans 'Can We Fix It', on peut enfin entendre le troisième thème, le thème du monstre, un thème rythmique très excitant et utilisé dans les meilleurs passages d'action du score. Confié aux cordes avec une rythmique de synthé, le thème évoque clairement le danger représenté par la menace du monstre. Superbe passage d'action, 'Can We Fix It' souligne la fuite de l'équipage qui va tenter d'échapper au monstre et de s'échapper de la base avant qu'il ne soit trop tard. Fidèle à son écriture action/thriller habituelle, le compositeur se montre toujours très à l'aise dans ces passages qui vont prendre une proportion de plus en plus excitante au fur et à mesure que l'on va se rapprocher du final.

L'action monte un cran au dessus dans le très prenant 'Too Hot' qui réutilise le thème du monstre devenant de plus en plus pressant et effrayant. La terreur évoquée par le monstre laisse place à l'action. Les trois survivants doivent fuir. Rythmique en perpétuel mouvement, ligne rythmique du synthé, contrepoints agités entre les cordes et les cuivres, 'Too Hot' plonge le spectateur dans un sentiment de danger et d'action devenant de plus en plus prenant. Le travail de développement du thème du monstre est ici très intéressant, mais la forme la plus intéressante de ce thème n'arrive que dans l'incroyable 'Escape Bubbles', un véritable tour de force orchestral qui permet à Goldsmith d'évoquer la confrontation finale entre Beck et le dernier monstre. Ayant réussis à fuir hors de la base, les trois survivants remontent à la surface où un hélicoptère vient les chercher. Réutilisant les sons de dauphins de 'Underwater Camp' et de 'Situation Under Control', Goldsmith évoque la tension de la remontée jusqu'à ce que la résolution se fasse avec le retour du thème principal exposé cette fois ci sous sa véritable forme, un thème cuivré enjoué et héroïque. Le thème donne une véritable sensation de soulagement après l'enfer vécu à l'intérieur de cette base, mais ce n'est que provisoire. Avec le savoir faire de Goldsmith, la musique s'arrange pour évoquer le fait que tout n'est pas encore gagné. Avec des coups de percussions et l'orchestre, le morceau semble prendre une tournure plus menaçante jusqu'à ce que l'hélicoptère arrive. L'aventure semble alors être terminée alors que les cordes commencent à prendre une tournure plus enjoués jusqu'à ce qu'un son de synthé très bref annonce que le monstre est là et qu'il ne va les laisser partir si facilement. Excitant, ce morceau oscillant entre action et aventure trouve son apogée dans l'ultime retour du thème du monstre, Goldsmith évoquant l'urgence de la situation en speedant ce thème et en lui donnant un tempo plus rapide. Avec sa ligne de basse synthétique et son aspect menaçant, ce thème devient de plus en plus puissant tout en faisant monter la tension. Pour cette confrontation finale, Goldsmith frappe très fort (notons l'effet stéréophonique de la rythmique du synthé passant de gauche à droite sur les enceintes) et prouve une fois de plus son talent à composer des parties d'action excitantes et prenantes à la fois. Le superbe 'Escape Bubbles' trouve alors une conclusion triomphante sur le retour du thème principal affichant une ultime note d'héroïsme pour la conclusion de cette histoire, un véritable soulagement que le compositeur nous fait déguster avec un thème très entraînant.

C'est le superbe 'A Lot Better' qui sert de brillante conclusion au score, le compositeur s'étant amusé à réutiliser ses deux thèmes principaux dans ce très bon morceau. Si le thème principal héroïque est utilisé en première partie du générique de fin, le Love Theme de 'One of Us' revient magnifié aux cordes au milieu du morceau, apportant une petite touche de lyrisme avant que le morceau ne revienne dans le triomphe et l'héroïsme du superbe thème principal, enjoué et entraînant, un thème d'aventure comme Goldsmith sait si bien les faire (pensez par exemple au thème principal de 'King Solomon's Mines').

Vous l'aurez donc compris, Leviathan est un score d'action/suspense ménageant ses grands moments en préparant progressivement l'ambiance et l'atmosphère du film. Si le mystère et le suspense priment dans la première partie du score, avec des orchestrations pleine de tensions et des sonorités électroniques intriguantes et troublantes à la fois (le travail des sons de synthé est très réussi dans ce score. Une fois de plus, le compositeur californien sait cerner 'la couleur' d'un film à travers ses claviers), c'est la terreur et l'action qui vont prendre la tête de la deuxième partie du score, jusqu'à ce trouver l'apogée dans le final du film. On appréciera le fait que Goldsmith se soit amusé à utiliser deux thèmes très mélodiques pour son score, l'un héroïque, l'autre plutôt nostalgique. Cela apporte un plus indéniable à sa partition et prouve une fois de plus qu'une partition a toujours besoin de moments de 'respirations'. Prenant et vraiment très intéressant, le score thriller/action de Leviathan fait partie de ce que Goldsmith a fait de mieux dans ce domaine durant les années 80. Malheureusement, le score a subit le fameux syndrome tellement répandu du 'le film est nul donc la musique aussi', et c'est finalement ce qui explique le fait que cette très sympathique partition de Goldsmith soit aussi méconnue et sous-estimée alors qu'elle mérite vraiment une chance, comme certaines autres BO de Goldsmith subissant le même sort.



---Quentin Billard