1-Dream Lover 2.40
2-Moreland's Galloper Waltz 2.51
3-Just For You 4.07
4-One Last Dance 2.31
5-Seen Before 2.09
6-The Green Palace 1.44
7-False Face 1.47
8-Lena Lai 3.55
9-Forget Me Not 3.36
10-Black Widow 3.15
11-Flying 4.36
12-Dead of Night 3.16
13-Dream Lover's Waltz 1.34
14-Sweet Dreams 3.34

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Koch Screen 3-8700-2H 1

Produit par:
Christopher Young
Producteur exécutif:
Nick Redman
Coordinateur de la musique:
Carol Sue Baker
Monteur de la musique:
John La Salandra
Assistant musical:
E. Gedney Webb
Bibliothécaires:
Marco Beltrami, Dennis Smith
Support technique:
Zandy Jenko

(c) 1994 KOCH International L.P. All rights reserved.

Note: ***
DREAM LOVER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Imaginez que vous rencontriez enfin la femme idéale. Imaginez que vous tombez follement amoureux, et que du jour au lendemain, tous vos rêves se réalisent. Imaginez maintenant que vous appreniez un jour que tout ceci est un énorme piège et qu'on vous a manipulé depuis le début ? C'est sur cette intrigue que repose 'Dream Lover' (Une épouse trop parfaite), thriller signé Nicholas Kazan, le fils du célèbre Elia Kazan, plus connu jusqu'à présent pour avoir été le scénariste de films tels que 'Reversal of Fortune', 'Mobsters' ou les récents 'Bicentennial Man' et 'Enough'. Ray Reardon (James Spader) est un riche architecte à qui la vie semble sourire. Sortant à peine d'un divorce avec son ex-femme Martha (Kathleen York) avec qui il garde de bon contact, Ray rencontre par hasard au cours d'une soirée une jeune et jolie femme nommée Lena Mathers (Mädchen Amick). Peu de temps après, il la recroise dans un supermarché et c'est le coup de foudre immédiat: après avoir passé ensemble plusieurs nuits d'amour passionnées, Lena et Ray se marient très rapidement et fondent une famille. Pour Ray, tout va pour le mieux: il a un bon travail, une bonne maison, sa femme est quasi parfaite, belle, sexy, intelligente, etc. Tout semble parfait, et pourtant, derrière ce rideau de perfection se cache une vérité plus sombre: très vite, Ray fait des découvertes au sujet du passé de sa femme et commence à s'interroger sur sa véritable identité. Pire encore, il commence à douter de sa fidélité et plonge dans un univers de paranoïa qui va l'amener aux frontières de la folie, plongeant son existence dans un cauchemar où l'issue semble être inévitablement tragique. C'est sur cette intrigue simple d'une épouse trop parfaite que Nicholas Kazan tisse un suspense psychologique (d'après son propre scénario) digne d'un Alfred Hitchcock. James Spader et Mädchen Amick forment un couple parfait dans le film, Amick rivalisant de sensualité, d'érotisme et de malice face à un James Spader au charme 'yuppie' toujours aussi charismatique. L'érotisme des scènes d'amour côtoie ainsi un sombre suspense psychologique qui ne cesse d'aller crescendo tout au long du film, le héros allant de révélation en révélation jusqu'à un climax final particulièrement sombre. 'Dream Lover' se laisse donc regarder et s'apprécie pour la sobriété de la mise en scène (on pourra peut-être trouver bizarre les scènes de cauchemar dans le cirque qui entrecoupent maladroitement chaque moment clé du film) et l'intrigue de paranoïa captivante de ce modeste thriller sans grande prétention.

Voilà en tout cas un film auquel Christopher Young ne pouvait évidemment qu'être associé, lui qui, en 1994, avait déjà à son actif bon nombre de partitions pour des thrillers en tout genre comme 'Flowers in The Attic', 'Hider in the House', 'The Vagrant', 'Jennifer 8', etc. Avec 'Dream Lover', Christopher Young signe un score où le suspense côtoie une certaine sensualité oscillant entre le tonal charmeur et l'atonal inquiétant. Pour arriver à ses fins, Young utilise un piano avec des synthétiseurs, tandis qu'il réserve la partie orchestrale à la valse du film associé dans le film à la séduisante Lena Mathers. A la première écoute, le score risque fort de décevoir à cause de son côté atmosphérique et lent, mais une écoute plus approfondie dans le film permettra de mieux saisir toutes les qualités d'une oeuvre mineure de Young mais qui possède un charme particulier. Fidèle à ses explorations de sonorités insolites, Young a décidé d'ouvrir le film au son d'un petit motif de piano entêtant avec un petit ostinato rythmique de synthé, des sons d'orgue de barbarie et un choeur féminin sensuel suivi d'une soliste féminine évoquant le personnage de Lena Mathers. Cette ouverture ('Dream Lover') possède un côté à la fois mystérieux et envoûtant proche d'une atmosphère onirique avec ces voix féminines qui semblent flotter avec grâce dans l'air (idée que Christopher Young reprendra quatre ans plus tard pour le 'Main Titles' de son score pour 'Urban Legend'). L'ouverture du score de 'Dream Lover' résume parfaitement toute l'ambiance du film de Nicholas Kazan, avec la froideur des synthétiseurs et la sensualité des voix féminines, deux particularités de cette introduction qui représentent à merveille le côté à la fois sensuel et manipulatrice du personnage de Mädchen Amick, le côté onirique du morceau étant évidemment lié au titre du film, 'Dream Lover' (la femme idéale, qui n'existe que dans les rêves, ce que semble vouloir nous dire ici le compositeur avec cette astucieuse introduction).

Un peu excentrique sur les bords, la partition de 'Dream Lover' nous balade de surprise en surprise avec l'introduction du thème de la valse associé à Lena dans 'Moreland's Galloper Waltz' sous la forme d'une valse de fête foraine jouée ici par un synthé imitant le traditionnel orgue de barbarie associé à une fanfare. La mélodie de la valse s'apparente à un flonflon populaire que le compositeur utilisera avec parcimonie dans le film tout en apportant à l'histoire une certaine ironie qui semble en dire long sur le côté faussement idéalisé de la sensuelle Lena Mathers. De sensualité, il en est justement question dans 'Just for You', morceau plus atmosphérique et romantique utilisant des sonorités électroniques plus aériennes et un piano intimiste pour une des premières scènes d'amour du film. On notera le retour des voix féminines en arrière-fond sonore couplées à un son d'ocarina, le tout baignant une fois encore dans une espèce d'atmosphère onirique encore plus douce que l'introduction et surtout nettement plus légère et éthérée. Young décrit ici la passion qui unit Lena et Ray au début du film, donnant l'occasion au compositeur de suggérer à nouveau le thème de Lena repris ici de manière lente et plus intimiste au piano, totalement débarrassé de son rythme de valse charmeuse. Le compositeur amorce alors dans le film le côté plus atmosphère et lent de sa partition et, si 'Just for You' reste encore romantique et intimiste, le reste de la partition va très vite s'enfoncer dans une atmosphère nettement plus sombre, mystérieuse et tendue. Ainsi, on ne tarde pas à découvrir le côté plus psychologique de la partition de 'Dream Lover' dans 'Seen Before', évoquant le début des sentiments de suspicion de Ray à l'égard de Lena, lorsque cette dernière croise une femme qui semble la reconnaître tout en l'appelant par un autre prénom. Young utilise ici les synthés avec un travail autour du piano, des petites rythmiques électroniques, des nappes de synthé plus sombres, des sons de cloches et diverses sonorités plus étranges, le compositeur étant ici proche d'un style de musique concrète qu'il semble tant apprécier (cf. 'The Vagrant' ou sa musique rejetée pour 'Invaders from Mars').

'False Face' développe cette atmosphère ambiguë et mystérieuse à l'aide de nappes de synthé, d'un piano, de voix féminines lointaines et d'une harpe qui créent un certain climat énigmatique d'inquiétude, de tension sous-jacente, de paranoïa. Young installe de manière minimaliste une certaine tension psychologique très largement véhiculée par le mélange synthé/piano qui évoque à merveille les doutes et les tourments de Ray. 'Lena Lai' semble se détacher du lot avec son envoûtant duo pour piano et violoncelle qui apportent un côté à la fois charmant et fragile au personnage interprété par Mädchen Amick. Young nous a rarement donné à entendre une musique aussi minimaliste et intimiste, preuve que le compositeur a toujours souhaité s'éloigner du registre des partitions d'horreur/suspense auquel on l'a trop souvent catalogué afin d'explorer d'autres horizons musicaux. Si l'essentiel de la partition dans le film se résume à ces lentes et mystérieuses ambiances de tension psychologique, le score surprend ainsi grâce à ses excentricités comme le numéro de cabaret de 'One Last Dance' (scène du cauchemar de Ray dans le numéro de cabaret/cirque) ou l'amusante reprise swing/big-band rétro du thème de Lena dans 'Forget Me Not', sans oublier la version 'valse nostalgique à la parisienne' du thème avec accordéon franchouillard dans la seconde partie de 'One Last Dance' (impossible de reconnaître ici le style habituel du compositeur, qui se prête à un véritable exercice de style fort amusant bien qu'un peu artificiel dans le contexte du film). A noter que le compositeur est même allé jusqu'à écrire de la source music pour une scène dans un restaurant japonais avec 'Black Widow' où il évoque la musique japonaise traditionnelle.

Evidemment, ces quelques passages plus amusants et légers sont autant de 'fausses pistes' qui, à l'instar de Lena, tentent de nous éloigner de la vraie personnalité de la protagoniste principale du film. 'Flying' nous replonge à son tour dans le style musique concrète/atonal du début avec un ostinato de petits sons métalliques accompagnant un excellent travail autour des sonorités électroniques et de brefs rappels lointains du thème de la valse version fête foraine, le tout baignant dans une atmosphère plus menaçante et quasi expérimentale ici. Young s'amuse à jouer sur ses différentes sonorités électroniques, créant une atmosphère de rêve et de mystère qui semble devenir ici de plus en plus inquiétante, à l'image des révélations qui ne cessent d'assombrir le portrait de Lena et d'empoisonner l'existence de Ray dans le film. On pourra peut-être reprocher à la valse d'être ici un peu trop envahissante et agaçante sur les bords, même si cela coïncidence parfaitement avec l'objectif de Christopher Young. 'Dead of Night' reprend ces éléments de musique concrète avec ces petits ostinatos de sons en tout genre, d'étranges effets en tout genre de flûte totalement désorientés (sons de respiration dans l'instrument, effets de 'flatterzunge', sons quasiment détimbrés, etc.) et des nappes de synthé dissonantes et lugubres qui, combinés ensemble, créent une nouvelle ambiance expérimentale, étrange et insolite qui fait encore mieux ressortir la tension psychologique dans la dernière partie du film (on est très proche ici des expérimentations de Christopher Young sur 'The Vagrant'). Le film se conclut sur une dernière reprise de la valse de Lena qui après toute une série de variations en tout genre, se termine ici sous sa forme 'parisienne' avec accordéon, avant de céder la place au conclusif 'Sweet Dreams' où Young reprend une dernière fois le thème de Lena avec un piano mélancolique et des cordes, suivies des voix féminines de l'introduction (à noter que les chanteuses prononcent ici le nom de 'Lena'), le tout accompagnant le générique de fin du film.

'Dream Lover' est une partition étrange et insolite, loin du style thriller orchestral habituel que Christopher Young nous a fait entendre jusqu'à présent. Avec le film de Nicholas Kazan, Young a de nouveau eu l'opportunité d'expérimenter à la manière de 'The Vagrant', mélangeant musique atonale/concrète et musiques de valses plus dansantes et insouciantes totalement opposés à la noirceur et à la froideur des passages atonaux plus atmosphériques et mystérieux du score. On regrettera d'ailleurs le fait que l'album mette de côté pas mal de morceaux atmosphérique du score pour se concentrer sur une suite de variations du thème de valse populaire qui finit par devenir agaçante et un peu envahissante. Néanmoins, il y a dans le score de 'Dream Lover' une réelle sincérité musicale d'un compositeur soucie d'allier l'originalité du traitement musical du film avec un souci de cohérence absolue avec l'ambiance et les personnages du film. Toutes les excentricités, toutes les touches d'humour et toutes les expérimentations du compositeur sur 'Dream Lover' trouvent écho dans les images du thriller de Nicholas Kazan et rien n'est fait au hasard, à commencer par l'habile introduction du score et ses voix féminines sensuelles. Evidemment, 'Dream Lover' fait partie des partitions mineures de Christopher Young, mais une partition assez insolite que l'on ne pourra que conseiller à ceux qui s'intéressent à la facette plus originale et expérimentale du compositeur!


---Quentin Billard