Décidément, Hollywood aime les films sur le sport. ‘The Replacements’ (Les remplaçants) est encore un de ces films qui vantent les mérites de sportifs déterminés prêts à tout pour gagner un match décisif dans une étape cruciale de leur vie. Réalisé par Howard Deutch (spécialiste des comédies nunuches), ‘The Replacements’ met en scène Keanu Reeves dans la peau de Shane Falco, une ancienne star du football américain qui s’est retiré à la suite d’une défaite cuisante que personne n’a oublié et qui vit seul sur son bateau près d’un port. Le jour où une grève des joueurs professionnels est déclenchée, c’est la panique pour les propriétaires des stades et les entraîneurs d’équipe. Pour celle des Washington Redskins, c’est la catastrophe. S’ils ne trouvent pas de remplaçants sous peu, ils perdront le prochain match une fois encore. L’ancien coach Edward O’Neil (Jack Warden) n’a plus de solution. Il est trop vieux et doit désormais passer la main à quelqu’un qui sache trouver des remplaçants à temps afin de remporter la prochaine compétition de football américain. Il s’adresse alors à un vieil ami, Jimmy McGinty (Gene Hackman), qui devra reconstituer une nouvelle équipe en un temps records. Pari tenu: McGinty fait intervenir des joueurs passionnés sur le déclin, à qui il offre une seconde chance. Parmi les nouveaux joueurs se trouvent un policier brutal, un lutteur sumo, un joueur de soccer play-boy, deux grands frères gardes du corps et bien d’autres encore. Shane Falco fait partie de cette nouvelle équipe, engagé par McGinty pour venir redorer le blason des Washington Redskins. Pour Falco, cette nouvelle équipe est pour lui l’occasion de faire table rase du passé en s’offrant une seconde chance. Après des débuts calamiteux, l’équipe deviendra plus soudée que jamais, même si chacun sait que l’aventure ne sera que provisoire, le temps que la grève des joueurs professionnels prennent fin. Pendant le peu de temps qu’il leur est imparti, et malgré le charivari des grévistes, les remplaçants vont tout faire pour tenter de mener les Washington Redskins à la victoire, avec l’appui d’un coach déterminé et d’un quaterback prêt à tout pour gagner.

Ne vous attendez pas à grand chose de neuf avec ‘The Replacements’, film méconnu et passé inaperçu lors de son arrivée dans les salles françaises. Nombreux sont les films à traiter du sport comme ‘Best Shot/Hoosiers’, ‘A League of Their Own’, ‘Any Given Sunday’, ‘Remember The Titans’, ‘Major League’, ‘The Longest Yard’, ‘Rudy’, ‘The Mighty Ducks’, ‘Friday Night Lights’ ou bien encore ‘For Love of The Game’ de Sam Raimi, des films qui en tous en commun les idéaux du dépassement de soi, de l’esprit d’équipe, de la cohésion de groupe, de la détermination et de l’acharnement à gagner. La comédie d’Howard Deutch (une fois de plus à son actif) n’apporte donc rien au genre, le film s’appréciant pour l’interprétation de Keanu Reeves parfait en loser qui s’offre une seconde chance et se défonce pour gagner, épaulé par un Gene Hackman dans un rôle mineur mais toujours en pleine forme, un rôle qui n’est pas sans rappeler celui que l’acteur tenait dans ‘Best Shot/Hoosiers’ de David Anspaugh (1986). Le film nous montre aussi l’exploit d’une équipe provisoire insolite mais soudée par une même envie de gagner. L’ensemble reste bien évidemment prévisible, stéréotypé au maximum (le héros tombe amoureux de la jolie fille, etc.) et totalement routinier, malgré une certaine énergie et une bonne ambiance. Un film sur le sport divertissant mais tout à fait quelconque!

John Debney s’essaie avec ‘The Replacements’ à la musique pop/rock/techno façon Media-Ventures, un genre déjà abordé dans sa musique pour le documentaire ‘Michael Jordan To The Max’ (2000), qui traitait déjà du monde du sport, qui n’est rien d’autre qu’une variante musicale de sa musique pour ‘The Replacements’ (le score ayant été composé la même année que celui pour le documentaire sur Michael Jordan, ceci expliquant cela). Le score utilise l’orchestre traditionnel auquel le compositeur ajoute une bonne partie de synthétiseurs avec rythmiques modernes d’ambiance rock/techno et une touche d’électro tendance, créant un rythme ‘cool’ et branché dans le film d’Howard Deutch. Premier problème apparent à l’écoute de la musique dans le film: le score a beaucoup de mal à se faire une petite place avec la pluie de chansons qui envahissent le film, le score se rapprochant souvent d’ailleurs du style moderne des chansons entendues, ce qui donne parfois l’impression que le score n’a rien à dire en particulier, qu’il fait simplement office de bouche-trou alors qu’il aurait pu posséder sa propre personnalité, ses propres déclinaisons musicales. On sent ici à quel point le compositeur a été tenu de coller au plus près des temp-tracks du score, puisque bon nombre de passages évoquent manifestement le style synthético-orchestral de Media-Ventures, un style assez inhabituel chez John Debney, preuve que le compositeur est un véritable caméléon qui peut se fondre dans n’importe quel style musical (au détriment, hélas, d’une véritable personnalité musicale). Avec ‘The Replacements Remix’, Debney utilise quelques cordes et quelques cuivres soutenus par une rythmique techno/électro et quelques synthétiseurs qui viennent apporter un dynamisme certain à la musique durant la plupart des scènes de match. Les images, qui se succèdent rapidement, amplifient l’intensité des matchs de football américain, soutenus par la musique techno/rock de Debney. Le procédé est extrêmement simple et redondant, puisqu’il s’agit avant tout d’imposer un rythme musical très soutenu pour des scènes déjà très rythmées en soi. A noter que le compositeur a fait appel au groupe de rock ‘Font 48’, qui intervient occasionnellement dans des morceaux comme ‘Strikebreakers’ et ‘R.O.W.D.I.E./Sample Play’.

L’exemple le plus flagrant de l’influence des temp-tracks provient de ‘The Dallas Game’, accompagnant le match final contre Dallas à la fin du film. ‘The Dallas Game’ s’apparente à un gros morceau d’action clairement calqué sur les musiques d’action de Trevor Rabin (on pense aussi à certains passages du ‘Bad Boys’ de Mark Mancina), avec grosses rythmiques techno/rock à l’appui et un orchestre noyé sous les synthétiseurs et les rythmiques techno. John Debney = Trevor Rabin? Impossible, et pourtant, Debney l’a fait, bien qu’il n’ait jamais rien composé auparavant qui puisse ressembler de près ou de loin aux musiques d’action du très décrié compositeur de ‘Armageddon’ et ‘Enemy of The State’! Ceci confirme, si vous en doutiez encore, l’orientation commerciale bien ‘tendance’ de la musique de ‘The Replacements’, un titre finalement très ironique quand on sait qu’après tout, John Debney est là pour remplacer un Hans Zimmer ou un Trevor Rabin! On heureusement, on pourra se rabattre sur quelques morceaux plus orchestraux comme l’intime ‘Falco’ pour cordes et vents ou le joli ‘Wild Yam/The Look in Your Eyes’ avec sa jolie écriture pour guitare et cordes, évoquant la romance entre Falco et Annabelle (Brooke Langton). Mais ce sont évidemment les morceaux techno/rock rythmés qui priment ici, comme ‘Chicks Dig Scars’ avec ses percussions électroniques plus agressives, ‘Football: Replacements Style’ et ‘Falco Chases The Play’ avec leurs excitantes rythmiques techno à la Trevor Rabin ou le cool ‘Training Camp’ (scène de l’entraînement au début du film) avec son rythme RNB sympathique, agrémenté d’un orgue hammond. Rien de plus, rien de moins.

Evidemment, on ne peut qu’en rester sur notre faim, déçu par le manque de personnalité d’une composition ‘tendance’ assez passe-partout et d’une banalité affligeante. John Debney, qui n’a jamais particulièrement brillé de par son originalité, nous a pourtant habitué à mieux. On est loin ici du style des musiques de Jerry Goldsmith pour ‘Rudy’ et ‘Best Shot/Hoosiers’ ou de Basil Poledouris pour ‘For Love of The Game’. ‘The Replacements’ s’avère donc être une petite déception dont l’utilisation dans le film n’apporte pas grand chose et fait plus office de bouche-trou qu’autre chose. Un score sans grand intérêt, à réserver en priorité aux fans des musiques rythmées à la Media-Ventures, et à ceux qui ne jurent que par les scores d’action de Trevor Rabin!


---Quentin Billard