1-Anthologie de la Traîtrise 4.14*
2-Agents Secrets 3.10
3-La Traque 1.58
4-Les Archives et le Saut 2.41
5-Les Enfants 2.04
6-Les Champs de Blé 3.05
7-L'Espionne 1.26
8-Les Clichés 1.27
9-Le Taxi à Casa 2.14
10-L'Enfermement 1.39
11-La Poursuite de Nuit 2.22
12-Le Grillage 2.14
13-Casablanca 2.35
14-Générique de Fin 2.50
15-La Drogue 1.16
16-La Visite en Cellule 1.36
17-La Nage 2.23
18-Voitures sous la Pluie 1.15
19-Helena 2.36
20-Les Pilules 2.39

*Interprété par
Akhenaton, Freeman
et Shurik'N (IAM)
Ecrit par Akhenaton,
Freeman et Shurik'N (IAM)
Musique de Bruno Coulais
Arrangements de Akhenaton
et DJ Kheops
Scracth de DJ Kheops

Musique  composée par:

Bruno Coulais

Editeur:

Milan Records
301 685-5

Producteur exécutif
de l'album pour Milan:
Emmanuel Chamboredon
Coordination légale:
Clarisse Grenon

(p) & (c) 2004 La Chauve Souris (c) 2004 Editions Milan Music.

Note: ***
AGENTS SECRETS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruno Coulais
Après avoir évoqué l’univers des policiers à la façon d’un simili-documentaire dans ‘Scènes de crimes’, Frédéric Schoendoerffer s’intéresse maintenant à l’univers des agents secrets français dans ‘Agents secrets’, où il évoque les difficultés de la vie des individus qui travaillent pour les services secrets français, la DGSE. Un jour, un mystérieux agent secret français (Charles Berling) est assassiné en Espagne par des tueurs à gages russes. Peu de temps après, la DGSE récupère sur son cadavre une puce contenant des informations sur un important trafic d’armes et de diamants en Afrique du sud. Le colonel Grasset (André Dussollier) est chargé de mettre en place une nouvelle mission à partir de ces précieuses informations, visant à démanteler le réseau de trafiquants et à neutraliser un certain Igor Lipovsky (Serge Avedikian), un important homme d’affaire résidant en Suisse, et qui se trouve être au coeur du réseau. Deux agents, le capitaine Georges Brisseau (Vincent Cassel) et sa coéquipière Lisa (Monica Bellucci) sont envoyés à Casablanca au Maroc, et avec la complicité de deux plongeurs, Loïc (Ludovic Schoendoerffer) et Raymond (Sergio Peris-Mencheta), ils sont chargés de faire sauter le ‘Anita Hans’, l’un des navires de Lipovsky. La mission est un succès, mais à leur retour, Lisa est arrêtée à la frontière suisse où la douane découvre de la drogue dans sa valise, tandis que Georges réussit à passer la frontière et à revenir à Paris comme prévu. Là, Raymond se fait assassiner par une mystérieuse jeune femme espagnole qui réussit à s’enfuir au moment où Georges venait voir Raymond. Excédé, Georges va tout mettre en oeuvre pour savoir qui les a piégé et pourquoi. Filmé de façon très réaliste, ‘Agents secrets’ est à des années lumières de l’univers des ‘James Bond’. Ici, les agents secrets sont des hommes ordinaires qui doivent accomplir une mission périlleuse où ils risquent tout, et où ils sont constamment les jouets de supérieurs omnipotents qui peuvent décider de leur sort en un clin d’oeil. Ainsi donc, exit ici la panoplie de héros séducteur et de gadgets ultra sophistiqués, ‘Agents secrets’ est plus une sorte de fiction/documentaire sur le métier d’agent secret, Schoendoerffer s’étant énormément documenté sur ce milieu avant de tourner son film, tandis qu’il permet au couple Vincent Cassel/Monica Bellucci de tourner ensemble pour la septième fois après quelques long-métrages comme ‘Méditerranées’, ‘L’appartement’, ‘Dobermann’ ou bien encore ‘Irréversible’. Voilà en tout cas un film intéressant qui nous offre une vision plutôt réaliste et sombre du métier d’agent secret, tout en s’écartant des clichés et autres stéréotypes habituels largement véhiculés dans les films d’espionnage conventionnels.

Bruno Coulais retrouve Frédéric Schoendoerffer après avoir collaboré ensemble sur ‘Scènes de crime’ (score inédit en CD malheureusement). Pour Coulais, le principal défi sur ‘Agents secrets’ était de retranscrire le caractère sombre, froid et lent du film à travers une atmosphère musicale privilégiant l’orchestre symphonique habituel agrémenté de quelques passages plus éclectiques comme des morceaux de style rock/électro, un passage ethnique aux sonorités arabes et même une chanson de rap pour le générique de fin, autant de styles qui permettent au compositeur de démontrer tout son savoir-faire et son goût pour l’éclectisme musical. C’est avec l’ouverture du film que le compositeur a l’occasion de poser les bases de sa partition, avec le générique de début ‘Agents secrets’ dominé par des cordes sombres et dissonantes, des timbales quasi funèbres, quelques vents, quelques cuivres et une harpe. C’est le caractère pesant et dissonant de cette ouverture qui rend l’introduction particulièrement noire et pesante, Coulais nous plongeant d’emblée dans le style thriller conventionnel dans lequel on l’a rarement entendu s’exprimer (même ‘Les rivières pourpres’ paraissait plus nuancé dans un genre similaire). La musique évoque ici l’univers clos et froid des agents secrets, évoquant la solitude des agents avec l’idée du mensonge, de la double identité – thèmes repris dans la chanson rap ‘Anthologie de la traîtrise’, interprété par Akhenaton (leader du groupe IAM), avec lequel Bruno Coulais avait déjà collaboré sur ‘Comme un aimant’ (2000). On est surpris d’entrée par la tonalité sombre et noire de la musique, une sorte d’ambiance polar assez conventionnel mais tout de même très efficace pour préparer le spectateur à ce qui va suivre.

La poursuite avec l’agent interprété par Charles Berling au début du film (‘La traque’) confirme la direction que semble suivre Bruno Coulais dans sa musique, celle de l’atmosphère thriller/suspense à l’ancienne, proche par moment de Bernard Herrmann et d’autres grands compositeurs américains du même genre. Ici, les timbales sont mises en avant avec une excellente partie de cordes survoltées qui apportent toute la tension à cette scène de traque. On passe très vite à un autre style dans ‘Les archives et le saut’ pour la scène où Georges saute en parachute, accompagné par une guitare électrique et une rythmique de batterie rock/électro assez entraînante. La partie électronique plus moderne évoque bien évidemment l’univers de haute technologie des agents secrets, un élément qui apparaît surtout au début du film, et qui sera moins présent par la suite. On retrouve cela dans le sombre ‘Les champs de blé’ où la guitare électrique véhicule un certain sentiment de tension et d’agressivité parfaitement intégré aux images du film. Une pièce comme ‘Les enfants’ est plus typique du côté sombre et morose de la partition, avec une écriture de cordes/vents assez dense, pour la scène où Lisa endort les enfants de Lipovsky pour le bien de sa mission au début du film. On ressent déjà ici le côté solitaire et froid du personnage (cf. ‘L’enfermement’ pour une ambiance similaire), comme dans ‘L’espionne’, qui évoque aussi les difficultés et les dangers de la mission, comme dans ‘Les clichés’ où Coulais joue sur différentes sonorités orchestrales – cordes, pizzicati, piano, vents, trompettes, célesta, etc. – afin d’accentuer les troubles de Lisa qui n’en peut plus de faire ce métier éprouvant et envisage de raccrocher. Bruno Coulais installe donc une véritable ambiance psychologique plutôt dense et lente, relayée par quelques passages plus rythmés qui apportent une certaine énergie et un rythme au film.

Coulais fait intervenir l’oud de Slim Pezin dans ‘Le taxi à Casa’ pour la scène de l’arrivée au Maroc, à Casablanca. Coulais utilise l’oud sur fond de cordes sombres qui prolongent une certaine densité harmonique et une ambiance toujours aussi sombre et parfois même oppressante, comme le confirme ‘La poursuite de nuit’ lorsque, de retour à Paris, Georges poursuit la tueuse en voiture la nuit. On notera la façon dont le compositeur évite ici d’avoir recours à un style action hollywoodien pour privilégier une écriture plus profonde et nuancée à l’aide d’un contrepoint de cordes soigné et bouillonnant, reflétant une fois encore la psychologie et les sentiments intérieurs du personnage, entre confusion et colère. Un morceau comme ‘La drogue’ confirme bien l’orientation psychologique de la partition, avec son thème de cordes sombres qui semble évoquer l’isolement et l’errance de Lisa après son emprisonnement. Des morceaux comme ‘La visite en cellule’ et ‘voitures sous la pluie’ sont typiques de l’ambiance plus sombre et dissonante de la partition, une atmosphère noire peu enclinte à l’optimisme et qui renforce la tension psychologique du film. On regrettera néanmoins ici l’absence d’un thème fédérateur fort, car, même si le compositeur utilise quelques phrases mélodiques et quelques motifs, on reste un peu sur notre faim d’un point de vue thématique, même si Bruno Coulais assure l’unité de sa partition à l’aide d’orchestrations de qualité et d’une ambiance sombre, tendu et morose parfaitement ancrée dans les images du film de Schoendoerffer.

La partition de ‘Agents secrets’ fait sans aucun doute partie des scores mineurs du compositeur, qui ne marqueront certainement pas les esprits. Mais que cela ne nous empêche pas de nous intéresser pour autant à la musique de l’un des plus talentueux compositeur officiant actuellement pour le cinéma français, car, avec ‘Agents secrets’, Coulais nous prouve une fois encore l’éclectisme de ses goûts musicaux en s’intéressant cette fois-ci à l’univers des partitions thriller plus conventionnelles. Exercice de style réussi pour le compositeur, même s’il n’y a certainement pas de quoi sauter au plafond aussi!


---Quentin Billard