1-Burning the Past 2.48
2-Crusaders 1.41
3-Swordplay 2.01
4-A New World 4.21
5-To Jerusalem 1.38
6-Sibylla 1.49
7-Ibelin 2.05
8-The King 5.45
9-The Battle of Kerak 5.36
10-Rise a Knight 2.43
11-Terms 4.29
12-Coronation 3.03
13-Better Man 3.29
14-An Understanding 4.13
15-Wall Breached 3.43
16-The Pilgrim Road 4.07
17-Saladin 4.44
18-Path to Heaven 1.38
19-Light of Life
(Ibelin Reprise) 2.11*

*Soliste: Natacha Atlas
Paroles de Natacha Atlas.

Musique  composée par:

Harry Gregson-Williams

Editeur:

Sony Classical
SK 94419

Album produit par:
Harry Gregson-Williams

Artwork and pictures (c) 2005 20th Century Fox. All rights reserved.

Note: ***
KINGDOM OF HEAVEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Harry Gregson-Williams
Habitué désormais aux spectacles épiques, Ridley Scott nous revient en pleine forme avec ‘Kingdom of Heaven’, nouvelle grosse production d’aventure dans laquelle le réalisateur de ‘Alien’ et ‘Gladiator’ dépeint l’univers des croisades du 12ème siècle, et plus particulièrement lors de chute de Jérusalem en 1184 (entre la seconde et troisième croisade), qui opposa les troupes chrétiennes du roi Baudouin IV (dit ‘le roi lépreux’) et celles des musulmans du roi Saladin. Afin de retranscrire l’immensité épique de cette bataille, le réalisateur choisit de filmer selon le point de vue de son protagoniste principal, Balian (Orlando Bloom), jeune maréchal-ferrant français endeuillé par la mort prématurée de sa femme et de son fils. Un jour, Balian rencontre son père, Geoffrey de Ibelin (Liam Neeson), puissant seigneur croisé qui lui propose de venir se joindre à lui pour marcher vers Jérusalem et défendre les plus démunis. Dubitatif, Balian refuse sur le coup, mais un soir, alors que le prêtre du village le nargue et se moque de lui, il tue l’homme dans un accès de rage et s’enfuit précipitamment pour rejoindre Geoffrey et ses hommes. Quelques temps plus tard, après un naufrage en mer, Balian se retrouve en plein milieu du désert où il affronte le sbire d’un seigneur arabe à qui il laissera la vie sauve. Il saura par la suite que ce seigneur était en réalité le puissant roi Saladin. A la mort de son père, Balian hérite de ses terres à Jérusalem et tente de lutter pour maintenir une paix fragile qui survit encore sur la terre sainte entre les chrétiens et les musulmans. Mais l’arrogance des templiers fanatiques dirigés par Guy de Lusignan (Marton Csokas) ne fera qu’aggraver la situation et précipiter Jérusalem dans une bataille perdue d’avance pour les chrétiens, face à l’armée démesurée des musulmans du roi Saladin. De son côté, Balian commence à s’éprendre de Sybille (Eva Green), la jolie soeur du pacifique roi Baudouin IV qui finit par succomber à la lèpre. Devenu chevalier, Balian va tout faire pour protéger jalousement les vertus et les valeurs de la chevalerie, s’interdisant de succomber au charme de l’inaccessible future reine qui partage pourtant des sentiments pour le jeune chevalier. A la mort du roi, Sybille devient reine et le cruel Guy de Lusignan est sacré roi à son tour. C’est le début de la catastrophe pour les chrétiens d’occident. Jérusalem est désormais la proie des armées de Saladin qui n’avait été contenues jusqu’ici que grâce aux efforts pacifiques de Baudouin IV, que le sage roi musulman respectait pour sa loyauté et son désir de paix. Capturé par les musulmans au cours d’une première bataille, Guy de Lusignan n’est plus en mesure de diriger les croisés. Désormais, Balian doit compter sur sa ruse et sa force pour protéger les habitants de Jérusalem et tenter de repousser coûte que coûte les troupes de Saladin.

‘Kingdom of Heaven’ est un projet qui traînait depuis longtemps à Hollywood. A l’origine, Paul Verhoeven s’était intéressé au projet dès les années 90, où le script était alors connu sous le nom de ‘Crusade’. Ce fut finalement Ridley Scott qui permit au projet de se concrétiser, avec le script de William Monahan. Généralement apprécié pour la qualité de ses scènes de bataille (la prise finale de Jérusalem est techniquement irréprochable!), ‘Kingdom of Heaven’ a cependant été très critiqué sur le plan historique puisque selon la plupart des historiens, le film ne respecterait que très peu l’Histoire. On a essentiellement reproché au réalisateur d’avoir trop mis l’accent sur le côté fanatique des chrétiens et la sagesse et la noblesse d’âme des musulmans – Ridley Scott ayant heureusement évité de diaboliser les musulmans, comme certaines mauvaises langues l’annonçaient des mois même avant la sortie du film ! – et d’avoir proposé une relecture trop humaniste et idéalisée de cette période des croisades. La plupart des historiens s’accordent effectivement à dire que cette période du moyen-âge (celle de la seconde et de la troisième croisade) était une époque sombre et chaotique où les valeurs humaines se perdaient dans l’aveuglement des croisés et la barbarie des batailles et des génocides systématiques. Certains s’accordent même à dire que les croisades n’ont guère apporté grand chose à l’humanité. Pour Ridley Scott, le mot d’ordre était plus de mettre en valeur la chevalerie, le courage, la détermination, l’intégrité face au fanatisme, etc. A travers le personnage de Balian, interprété par le vigoureux Orlando Bloom, c’est une peinture très idéalisé de la chevalerie médiévale que nous propose Ridley Scott, l’idéal chevaleresque tel que certains troubadours du 12ème et 13ème siècle le décrivaient. En ce sens, on peut s’interroger sur le réel bien-fondé de l’intrusion de l’humanisme dans une époque obscurantiste, une intrusion qui paraît quelque peu anachronique (l’humanisme n’apparaissant que des siècles plus tard, à la Renaissance!). Il ne faut cependant pas oublier que ‘Kingdom of Heaven’ n’est pas un documentaire et qu’il n’a donc pas la prétention de proposer une lecture intègre et parfaite de l’Histoire. Le lyrisme des sentiments et des valeurs pourrait alors s’analyser comme une sorte de façon de s’interroger sur le drame humain en tant de guerre, plus particulièrement ici en pleine guerre de religion, Ridley Scott mettant l’accent sur le fanatisme religieux des chrétiens et ses graves conséquences sur la société, un sujet plutôt casse-gueule étant donné le contexte actuel. Le réalisateur s’en tire à bon compte, s’entourant d’un casting de qualité incluant Orlando Bloom, Liam Neeson, Edward Norton, Brendan Gleeson, Jeremy Irons et la ravissante Eva Green, dans son premier rôle majeur dans une grosse production hollywoodienne. Malgré sa longueur (145 minutes, alors qu’on attend sur le DVD une version longue de plus de 3 heures!), ‘Kingdom of Heaven’ est un spectacle de qualité, une fresque historique à l’ancienne faite de romance, de bataille et de chevaliers héroïques, qui s’interroge sur les conséquences du fanatisme religieux tout en nous proposant une relecture très discutable de l’époque des croisades au 12ème siècle. On est loin ici du côté barbare et fou annoncé (Verhoeven aurait certainement accentué le côté sanguinaire des batailles), faisant de ‘Kingdom of Heaven’ un film de qualité mais un brin édulcoré, bien en dessous de la réalité historique des croisades.

A l’origine, Hans Zimmer devait composer la musique de ‘Kingdom of Heaven’, mais ce fut finalement Harry Gregson-Williams qui fut engagé. Le camarade de Zimmer signe une grosse partition orchestrale épique, mélangeant choeurs, solistes vocaux, gros orchestre, percussions et touches électroniques habituelles. Le principal défaut du score jaillit dès lors à la première écoute de la musique dans le film: aucune originalité particulière, la musique ressemblant constamment à tout ce que l’on a déjà entendu dans le genre. Une fois encore, c’est soigné mais finalement très artisanal et totalement dénué d’imagination, d’audace. Dès l’ouverture dans ‘Burning The Past’, Gregson-Williams nous plonge dans une ambiance sombre évoquant le 12ème siècle à l’aide de tenues de cordes, de viole de gambe et d’un choeur aux résonances médiévales et religieuses. On appréciera ici le côté méditatif du morceau qui crée une ambiance musicale assez particulière pour les premières minutes du film. Cette approche chorale se confirme dans ‘Crusaders’ pour l’arrivée des croisés au début du film, où le compositeur accentue l’écriture des voix avec un orchestre toujours aussi sombre et nuancé. Le thème principal apparaît quand à lui dans ‘Swordplay’, thème simple et extrêmement banal relié tout au long du film à Balian, le héros du film. On regrettera le manque d’ambition et de grandeur d’un thème qui était pourtant censé représenter les idéaux chevaleresques du personnage d’Orlando Bloom et qui ne parvient jamais à captiver notre attention et à évoquer ce pourquoi il devait être écrit. Du coup, avec un thème principal totalement inefficace, l’intérêt de la partition d’Harry Gregson-Williams en prend un sacré coup et fait perdre un point précieux au score de ‘Kingdom of Heaven’.

Malgré ce gros défaut (il s’agit quand même de l’unique thème principal!), le reste du score s’attache avec plus ou moins d’efficacité à retranscrire la dimension dramatique et épique du film. Dans ‘A New World’, Gregson-Williams annonce l’arrivée de Balian en terre sainte à l’aide de quelques sonorités orientales/ethniques, que le compositeur continue de développer dans ‘Jerusalem’ où il utilise un violon, un duduk arménien, des tambours et des guitares. La partie plus intimiste apparaît dans ‘Sibylla’ où le compositeur évoque la relation entre Balian et Sybille à l’aide de cordes, harpe, piano et voix médiévales, avec ce côté méditatif que l’on retrouve ici aussi, et qui apporte un certain charme aux images. Les touches ethniques sont alors accentuées dans ‘Ibelin’ où le compositeur frôle la world-music d’une façon assez conventionnelle, évoquant avec une certaine légèreté la scène où Balian entretient ses terres à Jérusalem. On appréciera l’apport de la voix féminine soliste et du duduk dans l’envoûtant ‘The King’, qui nous permet de respirer avant l’agité ‘The Battle of Kerak’ qui illustre une des premières scènes majeures de bataille dans le film, à l’aide de l’orchestre, des percussions, des instruments ethniques et du choeur. Dès lors, Gregson-Williams développe son atmosphère épique, passant d’un morceau de bravoure à un autre avec une certaine efficacité, comme le confirme l’excellent ‘Better Man’ avec son orchestre déchaîné et l’apport du chanteur soliste aux résonances arabes, évoquant les troupes de Saladin. On constate très vite à quel point les chœurs et les voix occupent une place privilégiée dans la partition de ‘Kingdom of Heaven’, une façon pour le compositeur d’accentuer la dimension humaine du film et de rappeler que dans un conflit, ce sont avant tout des hommes qui se battent entre eux avant d’être des nations ou des religions (comme c’est le cas ici). ‘Coronation’ illustre la scène du couronnement de Sybille et de son mari Guy de Lusignan à l’aide de choeurs aux dimensions spirituelles, évoquant le faste de la cérémonie.

La bataille est illustrée de façon plus massive et grandiose dans le climax de la partition ‘Wall Breached’, où les percussions s’en donnent à coeur joie entre deux élans choraux/orchestraux du plus bel effet (scène où les troupes musulmanes réussissent à traverser les murs de Jérusalem, où la bataille fait rage). ‘Saladin’ accentue la victoire finale du roi des musulmans avec les traditionnelles sonorités arabes avant que la partition ne trouve une conclusion plus paisible et spirituelle dans ‘Path to Heaven’ où Harry Gregson-Williams nous propose une très belle pièce pour choeur a cappella qui évoque la musique religieuse du 17ème siècle, celle de Monteverdi et de Gabrielli (on est très loin ici de la musique religieuse du 12ème siècle, même si ce choix musical se justifie amplement par le traitement plutôt moderne de l’histoire du film), donnant ainsi au compositeur l’occasion de rappeler l’univers religieux des croisades. Le score se conclut comme d’habitude avec la sempiternelle chanson finale, ‘Light of Life’ (Ibelin Reprise), qu’interprète Natacha Atlas avec l’orchestre et les solistes ethniques, la musique de ‘Kingdom of Heaven’ se concluant ainsi sur une dernière touche orientale assez agréable.

On pourra dès lors apprécier la façon dont le compositeur a réussit à évoquer les deux clans adverses, celui des chrétiens (choeurs religieux, orchestre, etc.) et des musulmans (instruments arabes, atmosphères méditatives, etc.) avec une certaine spiritualité mais aussi une abondance de pièces dramatiques et de grosses pièces d’action épiques et massives pour l’immense bataille finale lors de la chute de Jérusalem. Pourtant, malgré tout ses efforts, la musique ne parvient jamais vraiment à s’imposer dans le film, tant l’accompagnement musical est quasi systématique tout au long du film et lassant à la longue, d’autant que le thème principal de la partition manque cruellement d’efficacité et d’imagination, tout comme l’ensemble de la partition d’Harry Gregson-Williams, qui ne marquera finalement pas les mémoires et demeurera un score mineur dans la filmo du compositeur, et ce malgré ses quelques bons points. Pour un film aussi épique et dramatique, on se serait attendu à une musique bien plus puissante et inspirée, d’autant que le traitement la musique dans le film n’est pas des plus heureux. Par exemple, que dire de l’influence écrasante ici des temp-tracks, puisqu’on retrouve carrément dans le film des pièces de musiques de film préexistantes, comme c’est le cas pour le ‘Vide Cor Meum’ du ‘Hannibal’ de Hans Zimmer utilisé lors de la scène de la mort de Baudouin IV ou ‘Valhalla/Viking Victory’ du ‘13th Warrior’ de Jerry Goldsmith durant la scène où Balian adoube les habitants de Jérusalem, sans oublier un extrait du score de 'The Crow City of Angels' de Graeme Revell et ‘Blade II’ de Marco Beltrami lors d’une scène d’action du film. On a du mal à le croire, et pourtant, c’est bel et bien ce que l’on peut entendre dans le film. Du coup, on en vient même à se demander avec inquiétude ce que pourrait devenir la musique de film à Hollywood si cette manie agaçante de toujours trop compter sur les temp-tracks finissait par anéantir les quelques rares efforts de musiciens qui cherchent encore à imposer leur point de vue dans un système totalement hermétique et de plus en plus dénué d’âme. C’est dans ce contexte de morosité artistique qu’apparaît la nouvelle partition d’Harry Gregson-Williams qui, s’il confirme un talent qu’on lui devinait depuis plusieurs années déjà (le compositeur s’éloignant ici de ses traditionnelles musiques d’action synthético-orchestrale de chez Media-Ventures), ne parvient pas vraiment à captiver nos esprits avec cette nouvelle composition épique mais totalement dénuée d’audace et d’originalité.


---Quentin Billard