Dans la liste exceptionnellement longue des films totalement inutiles, ‘Species II’ (La mutante II) devrait occuper une place de choix. Suite du ‘Species’ de Roger Donaldson, ce second épisode reprend les formules du premier épisode en les amplifiant dans un nouvel opus où se mélangent gore et érotisme. Fils d’un prestigieux sénateur américain, l’astronaute Patrick Ross (Justin Lazard) ramène d’une expédition sur Mars de précieux échantillons de la planète rouge qu’il compte offrir aux scientifiques à son retour sur terre. Ce qu’il ignore, c’est que lui et ses deux compagnons Dennis (Mykelti Williamson) et Anne (Myriam Cyr) ont ramenés une substance extra-terrestre qui a pris possession de leur corps et qui contrôle désormais l’esprit de Patrick Ross. Quelques jours après son retour triomphant sur terre, Patrick se lance dans une quête terrifiante: il séduit et engrosse des femmes qui mettent au monde peu de temps après des bébés extra-terrestres qui naissent en éventrant sauvagement le ventre des femmes. Pendant ce temps, le Dr. Laura Baker (Marg Helgenberger) travaille sur le projet Eve (Natasha Henstridge), qui se trouve être le clone de Sil, l’ancienne alien à l’apparence humaine qui avait commis autrefois quelques ravages dans les environs avant d’être anéantie par une équipe. Les scientifiques mènent des expériences sur la résistance physique de Eve à des produits anti-alien, et ce malgré les contestations systématiques de Laura qui ne supporte plus de voir Eve traitée comme un animal de laboratoire. Le colonel Burgess (George Dzundza), assisté de Press Lenox (Michael Madsen), l’homme qui affronta autrefois Sil, rentre alors en contact avec Laura Baker et lui demande d’utiliser Eve afin qu’elle rentre psychiquement en contact avec Patrick Ross pour tenter de stopper les méfaits sanglants de l’alien avant qu’il ne soit trop tard et que son ascendance envahisse notre monde. A noter des créatures de qualité signées H.R. Giger, et des effets spéciaux réalisés par le talentueux Stan Winston. Hélas, le film a beau être résolument gore et sexy, on regrette quand même le rôle mineur accordé à Natasha Henstridge (qui avait été révélé au public cinéphile par le premier opus en 1995), le film étant finalement plus centré sur le personnage masculin de Patrick Ross alors que la ravissante blonde canadienne n’a plus qu’un simple rôle secondaire dans cette série-B horrifique banale et extrêmement routinière.

En l’espace de quelques années, le jeune Edward Shearmur a réussit à s’imposer dans le milieu de la musique de film, après avoir été pendant un certain temps l’assistant et orchestrateur de Michael Kamen. Malheureusement, ‘Species II’ fait partie des scores les moins intéressants dans la jeune carrière de Shearmur, une partition orchestrale mineure écrite pour un film mineur. Dès ‘Red Planet’, on sent bien qu’il manque un soupçon de personnalité, d’originalité. Des cordes mystérieuses survolent une atmosphère orchestrale sombre et pesante alors que les cosmonautes américains arrivent sur Mars, la musique personnifiant d’emblée la menace qui pèse sur les personnages. ‘On the Surface’ conserve quand à lui le côté atmosphérique et mystérieux du début de la musique à l’aide des cordes, des vents et des cuivres, le tout saupoudré d’un zest d’électronique. La musique évoque dans un premier temps la menace alien, puis c’est avec ‘Mating Season Begins’ que les choses se corsent sérieusement. Avec une pulsation électronique mystérieuse, Shearmur installe une ambiance inquiétante à l’aide de sons de flûte vaguement orientale évoquant le côté prédateur de Patrick, qui s’est mis en tête de séduire et d’engrosser toutes les femmes qui tomberont dans son piège. On appréciera ici le côté envoûtant et inquiétant du morceau, associé au personnage de l’homme/alien.

‘First Blood’ bascule très vite dans l’action/horrifique traditionnel avec sont lot de sursauts orchestraux et de clusters massifs, lorsque les bébés aliens naissent en crevant le ventre des femmes. L’électronique est ici utilisée afin de renforcer l’action, le tout couplé à un orchestre massif aux orchestrations de qualité. Dès lors, Shearmur installe dans sa musique un rythme effréné qu’il ne quittera pas jusqu’à la fin du film. ‘Starting a Family’ confirme cet état de fait avec un nouveau morceau d’action déchaîné, à base de cordes, de rythmiques électroniques et de cuivres massifs, toujours associé aux méfaits sanguinaires de l’alien. Idem pour ‘Pursuit’ et son rythme de battements de coeur samplés qui renforce la tension du morceau lors d’une scène de poursuite avec l’alien dans le parking d’un centre commercial. On notera la présence inattendue de voix d’enfants dans le sombre ‘Cocoons’, lorsque l’alien protège les cocons de sa progéniture dans la ferme où il s’isole avec sa nouvelle petite famille. Le contrepoids musical apporté par les voix d’enfants achève de rendre le morceau vraiment glauque et inquiétant, avec un canevas orchestral très bien ficelé qui parvient à capter le côté sombre de cette scène, débouchant sur le sombre ‘In The Barn’ pour la violente confrontation finale et l’atmosphérique ‘Eve’ avec son motif de piano associé au personnage de Natasha Henstridge qui, à l’instar de l’actrice, aurait certainement gagné à être plus présent tout au long du film.

Rien de bien original en soi dans une partition d’action aux effets horrifiques comme on en a déjà entendu des milliers à Hollywood. Pour son premier gros film hollywoodien, Edward Shearmur ne fait pas vraiment des étincelles et manque de dévoiler son talent et son potentiel, talent qui, heureusement, a enfin réussi à éclore avec les récents projets de l’un des meilleurs jeunes compositeurs oeuvrant à l’heure actuelle à Hollywood. Loin de la qualité de la précédente partition horrifique diablement efficace de Christopher Young, le score de ‘Species II’ s’avère être purement et simplement fonctionnel et anecdotique, ne dépassant jamais le simple cadre des images, même s’il est indéniable que la musique apporte son lot d’action, de tension et de frisson au film de Peter Medak. Une déception d’autant plus évidente qu’elle sera corrigée quelques années après par des partitions de bien meilleures qualités, qui permettront d’imposer Edward Shearmur comme un nouveau jeune talent à l’avenir plus que certain. Mais qui pourrait en vouloir au jeune compositeur de n’avoir pas su être inspiré par pareille médiocrité?


---Quentin Billard