1-Agnus Dei 4.29
2-Bait and Chase 4.40
3-The Beast Within 3.07
4-Lento 5.48
5-Candles In The Wind 3.20
6-Wreckage and Rape 2.41
7-The First Attack 4.18
8-Lullaby Elegy 3.39
9-Death Dance 2.15
10-Visit to The Wreckage 2.02
11-Explosion and Aftermath 2.19
12-The Dragon 3.05
13-The Entrapment 3.40
14-Adagio 4.14

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

MCA Records
MCD10629

Producteur:
Matthias Gohl
Musique supervisée pour
Twentieth Century Fox par:
Elliot Lurie

Artwork and pictures (c) 1992 Twentieth Century Fox Film Corp. All rights reserved.

Note: *****
ALIEN 3
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
Réalisateur de clips musicaux et publicitaires, le réalisateur David Fincher signa en 1992 son premier film, 'Alien3', un film qui connut pas mal de déboires avant d'arriver à sa forme finale que nous connaissons tous maintenant. Après le chef-d'oeuvre de Ridley Scott en 1979 (film d'une maîtrise incroyable lorsque l'on sait qu'il s'agit en fait de son deuxième film après 'The Duellists' en 1977) et l'oeuvre colossale de James Cameron en 1986 (beaucoup critiqué pour son aspect bourrin alors que la maîtrise technique du film et la mise en scène sont d'une qualité rare pour une production de ce genre), les producteurs de la 20th Century Fox cherchait un nouveau réalisateur capable de donner une autre vision pour ce troisième épisode qui devait constituer la fin de la trilogie bien avant que les producteurs envisagent en fait un quatrième épisode. L'aspect le plus célèbre de la terrifiante saga des 'Aliens' reste le fait qu'à chaque épisode, un réalisateur à la personnalité différente a imposé son propre style et sa vision personnelle de ces films. La production s'est alors tourné vers David Fincher qui dépoussiéra le mythe et en proposa une vision totalement différente de ce que Scott et Cameron en avait fait. 'Alien3' est nettement plus dramatique et psychologique que les deux autres 'Aliens'. Fincher y apporte une touche plus humaine en évoquant des personnages face à une mort inexorable qui viendra les prendre un par un et ce malgré leur 'foi' en Dieu. L'histoire est on ne peut plus simple: alors qu'un incendie s'est déclenché à bord du Sulaco, le vaisseau dans lequel se trouvent Ripley avec à son bord Newt, Hicks et Bishop, seuls survivants du massacre sur la planète Acheron. L'incendie provoqué par l'acide d'un face hugger resté à bord provoque des dégâts avec les capsules d'hibernation et oblige le groupe à se séparer avec une capsule de secours qui va se crasher sur la planète Fiorina 161, une planète pénitentiaire aménagé par la puissante Weyland Yutani. Sortie de son sommeil et encore sous le choc, Ripley découvre alors qu'elle a atterrit au milieu d'un groupe de criminels et de pervers, tous enfermés dans cette sombre prison isolée de tout. Elle découvre aussi que Hicks et Newt sont morts durant le crash, tandis que l'androïde Bishop a été complètement mis en pièce durant le choc du crash. Seule, elle doit rester dans cette prison jusqu'à ce qu'une équipe de scientifiques envoyée par ses employeurs de la Weyland Yutani viennent la récupérer. Sous le choc de la mort de Newt, sa jeune protégée qu'elle considérait comme sa fille morte sur terre, Ripley ne tarde pas à découvrir quelque chose de pire encore: elle a un alien dans le ventre et elle est condamné à mourir. Mais le face hugger présent dans la capsule s'est emparé du chien d'un prisonnier et a aussi pondu un oeuf d'alien dans son ventre, et très rapidement, le nouvel alien va naître et va massacrer toute la population de la prison. Mais Ripley va tout faire pour qu'il soit détruit avec l'alien qu'elle a dans le ventre. L'issue de l'histoire est donc inévitable.

Tragique, l'histoire d'Alien3 l'est assurément. Ripley sort d'un cauchemar pour atterrir dans un autre: la dimension tragique est amenée ici par le fait que l'alien représente la mort qui vient prendre tout ceux qu'elle aime et qui l'entoure, jusqu'à ce que d'une certaine façon, ce soit la mort elle même qui vienne la chercher. C'est tragique et pourtant, c'est quelque part une métaphore de la vie, car nous devons tous mourir un jour ou l'autre, certains d'une manière plus douce que d'autres. C'est l'inexorabilité du destin de Ripley et de l'issue de cette terrible histoire qui rendent ce film si différent des deux autres épisodes (plus le fait que certains plans de l'alien sont fait en image de synthèse, une bonne partie restant avec des maquettes terrifiantes de réalisme) et nettement plus sombre et dramatique. Si 'Alien' et 'Aliens' reposaient sur l'incertitude (comment Ripley va t'elle s'en sortir? Va t'elle pouvoir échapper aux aliens? Comment va t'elle les détruire? Etc.), 'Alien3' repose sur une histoire dont on connaît déjà la fin dans la première demie heure. Mais comme le dit un personnage du film: "vous êtes tous condamnés à mourir. Le tout est de savoir comment". C'est aussi ce qui fait tout l'intérêt de ce script original mettant en scène une héroïne condamnée à l'avance mais qui va tout faire pour que sa mort servent à exterminer une bonne fois pour toute les aliens et à sauver ainsi la race humaine. Sigourney Weaver est poignante dans ce rôle qui lui collera à la peau jusqu'à la fin de sa carrière, une femme qui tente pendant un moment de retrouver goût à la vie en se liant avec Clemens (Charles Dance), le médecin de la prison qui, comme tout les autres, est condamné à mourir dans le carnage de l'alien. Mais si l'on regarde bien, les 'Aliens' ont toujours été plus ou moins tragiques. Ellen Ripley est une femme comme les autres: elle cherche une vie paisible, un métier qui lui convienne, une vie de famille, etc. Mais depuis le massacre du Nostromo et la bataille sur Acheron, les aliens ont complètement détruit sa vie et c'est ce qu'elle résume bien lorsque, dans une scène clé du film, elle se retrouve seule face à la bête en lui disant: "tu es dans ma vie depuis si longtemps, que je ne me souviens plus de rien d'autre". Ripley est donc condamnée depuis le tout premier 'Alien', condamnée à ce que le destin s'acharne contre elle, condamnée à ne pas pouvoir mener une vie paisible et saine. Là est réellement l'essence de la tragédie dans les 'Aliens'. 'Alien3' vient confirmer tout cela d'une manière surprenante, jugée apparemment trop surprenante par un public U.S. qui semble avoir boudé le film à sa sortie en 1992 et qui reprochait la trop grande noirceur du film ainsi que le fait que le film évite à 100% le traditionnel happy-end à l'américaine. Pourtant, et même si 'Alien3' n'a ni le charme plastique du premier opus, ni l'intensité de la mise en scène du deuxième épisode, il n'en reste pas moins un épisode surprenant et accrocheur dans une saga riche en frissons.

Alors que la post-production semblait s'éternisait et que le script passait de mains en mains sans jamais réussir à trouver une solution, c'est Elliot Goldenthal qui fut engagé pour écrire le score d'Alien3, Goldenthal étant encore méconnu en 1992, n'ayant écrit que les musiques de 'Cocaine Cowboys' (1979), 'Drugstore Cowoby' (1989), le téléfilm 'Criminal Justice' (1990), 'Grand Isle' (1991) ainsi que le ténébreux 'Pet Sematary' (1989) qui semble lui avoir permit de trouver sa place sur 'Alien3'. C'est avec ce film que Goldenthal assit sa réputation de compositeur avant-gardiste et expérimental pour le cinéma américain en écrivant une partition sombre et tragique, une BO riche, envoûtante, prenante et puissante à la fois. C'est aussi avec ce film que Goldenthal pose les bases de ses orchestrations et de son style très personnel qui développera par la suite dans des scores tels que 'Interview With The Vampire', 'Sphere', 'Final Fantasy' etc. Ayant eu devant lui beaucoup de temps pour réfléchir et faire mûrir sa partition, le compositeur ancien élève d'Aaron Copland et de John Corigliano a crée avec 'Alien3' une musique d'une noirceur rare, alliant le tragique avec le frisson comme rarement un compositeur avait put le faire sur un film. Atonal, parfois tonal à de très rares moments et parfois aussi expérimental, 'Alien3' est une BO touchée par le génie d'un compositeur qui sut trouver dans le très sombre film de David Fincher l'occasion de se laisser aller à son inspiration spontanée et de créer quelque chose de nouveau sur ce score. L'aspect avant-gardiste et expérimental de Goldenthal se ressent particulièrement dès l'Agnus Dei du générique de début du film, le premier grand élément majeur de la partition. Goldenthal a tenu à évoquer l'idée de la foi qui lie tous les prisonniers de cette prison avec Dillon (Charles Dutton) leur 'père spirituel' chargé de les ramener dans la bonne voie en priant Dieu, mais une fois tragique, la foi humaine faible face à l'inexorabilité de la mort incarnée par l'alien (ce n'est pas pour rien qu'un morceau de l'album décrivant les méfaits de l'alien s'appelle 'Death Dance' ou 'danse de la mort'). C'est quelque chose de très pessimiste d'esprit et c'est ce qui ressort particulièrement dans l'Agnus Dei du Main Title, l'Agnus Dei étant un chant religieux latin issu de la messe catholique et chanté par les fidèles avant la communion ('Agnus Dei, qui tollis peccàta mundi: dona nobis pacem' --- traduit littéralement: 'Agneau de Dieu qui enlève le pêché du monde: donne nous la paix'). Le morceau commence dès le générique de début sur des sonorités métalliques et sinistres du synthétiseur (très utilisé par Goldenthal dans ce score pour renforcer l'atmosphère macabre et glauque de sa musique et du film) illustrant le vide de l'espace et du néant surgit la voix d'un jeune garçon soprano entamant les premiers vers de l'Agnus Dei. Ici, Goldenthal fait allusion à la liturgie Grégorienne (déjà bien en vogue depuis les travaux du milieu des années 50 avec par exemple les oeuvres d'Arvo Pärt ou plus tard de Maurice Duruflé). Mais le chant d'espoir représenté par l'Agnus Dei qui est une prière d'espérance adressée à Dieu se transforme ici en un chant macabre dont la mélodie aux accents de la monodie Grégorienne se confond avec le climat noir et dissonant de l'atmosphère que Goldenthal a crée pour accompagner ce magnifique morceau très symbolique dans le film. Ce sinistre et lugubre Agnus Dei est évoqué avec des sonorités profondément noires mêlant synthétiseur et orchestre avec voix et choeur latin dans un style qu'aucun compositeur n'avait encore envisagé dans un film (c'est ce qui explique la popularité de ce morceau et le nombre d'imitations que cela a engendré par la suite - on pense à 'End of Days' de John Debney, mais aussi 'Broken Arrow' de Zimmer, etc.). Innovant et d'une originalité rare pour une musique Hollywoodienne, ce Main Title renvoie donc à ce faux espoir, à cette foi des prisonniers condamnés à tous mourir de manière inexorable. Mais quelque part, l'Agnus Dei est aussi une métaphore music
ale du personnage de Ripley, qui est quelque part le symbole de Jésus Christ (L'Agneau de Dieu), un être atterrissant parmi les humains pour leur apporter la paix par son sacrifice (le sacrifice final de Ripley). Finissant de manière chaotique, le morceau suit le crash de la navette de Ripley sur la planète pénitentiaire, et la voix du soprano résonne au loin avec les dernières paroles de l'Agnus Dei (donne nous la paix), ultime espoir d'une paix impossible. (on finit sur le style d'une monodie Grégorienne mais tout en suspension). Astucieux et très bien réfléchie, ce début plein de promesse annonce des choses grandioses quand à la qualité du reste du score: pari tenu, Goldenthal nous réserve encore plein de surprises dans le reste de sa partition.

La thématique n'a visiblement pas été son propos sur ce score atonal et expérimental à la fois, même si l'on peut entendre le thème de l'Adagio (un motif de 3 notes ascendantes) dans les moments les plus tragiques du film ou le thème plus sombre entendu à la fin de 'The Beast Within', dans 'Adagio', au début de 'The Entrapment' ou bien encore dans le passage funèbre du magnifique 'Lento'. Goldenthal a voulu éviter de tomber dans le piège des thèmes faciles pour renforcer une partition rendue encore plus déroutante par son manque de balises et de repères traditionnels. On notera l'autre grand morceau à caractère religieux, le très poignant 'Lento' dont la voix du jeune garçon soprano (absente dans le film car jugé être de trop par rapport aux scènes qu'il accompagne) chante une fois de plus un Agnus Dei cette fois sous une autre forme: une vision désespérée et désolée d'un chant censé évoquer l'espoir. Avec l'aide de cordes résignées, d'un piano et d'un hautbois solitaire, ce 'Lento' (caractéristique de Goldenthal: le compositeur donne fréquemment des noms de terme de mouvement classique à certaines de ses pièces, faisant ainsi habilement référence à son autre carrière de musicien de concert. Ainsi donc, on trouve par exemple 'Adagio' dans 'Alien3', 'Andante' dans 'Sphere', 'Allegro Agitato' dans 'Interview with The Vampire, etc.) évoque le lien qui unit progressivement Ripley et Clemens, deux êtres solitaires en quête de paix. Le morceau intervient ainsi deux ou trois fois dans le film pour suivre les séquences ou les deux individus partagent leurs sentiments et se confient l'un à l'autre. Dramatique, le morceau l'est pour deux raisons: parce que l'on voit dans le film deux êtres en quête de paix qui errent seuls dans leurs univers respectifs, Ripley dans l'espace, Clemens dans cette sinistre prison (l'espace est aussi une prison pour Ripley car elle n'en sort jamais. Effectivement, venant de la terre, aucun des trois films n'a déjà montré Ripley retournant sur la terre) et qui tentent de s'apporter un peu de réconfort sans vraiment y arriver. Ensuite, parce que le destin fait tout pour empêcher Ripley d'avoir une vie sentimentale normale où elle pourrait envisager de trouver la paix (elle s'était attaché au caporal Hicks dans 'Aliens' alors que ce dernier meurt au début d'Alien3). Ce sont les deux principales raisons que nous connaissons tous bien (à condition d'avoir bien suivi les deux premiers 'Alien') et que Goldenthal concentre au sein de ce morceau profondément triste, amer et original dans les scores des trois 'Aliens' (effectivement, ni la partition de Goldsmith ni la partition d'Horner n'incluaient des morceaux d'un tel caractère au sein de leurs musiques respectives).

Après ce chant arrive une partie entendue plus loin dans le film (l'ordre chronologique des morceaux n'est pas respecté sur l'album), faisant intervenir l'orchestre de manière plus imposante, avec timbales, ligne de cordes et cuivres imposants. Typique de l'écriture orchestrale de Goldenthal, le morceau suit la séquence où Clemens emmène Ripley voir l'impressionnante fonderie de la prison. 'Lento' finit donc sur une troisième et dernière partie, celle que l'on retrouve ailleurs dans le film pour la petite cérémonie et la crémation des corps de Newt et Hicks jetés dans la lave. Goldenthal installe un climat dramatique et poignant nous permettant avec des cordes sombres de ressentir à ce moment là la douleur de Ripley qui voit deux êtres chers à son coeur partir pour l'au-delà (symbolisé par la chute des deux corps dans la lave). La scène est d'autant plus tragique lorsque l'on s'imagine que Hicks et la jeune Newt sont quelque part la famille que Ripley n'a jamais eu la chance d'avoir. Goldenthal réutilise le thème poignant de l'adagio avec une sonorité dissonante du synthé qui rend cette séquence intriguante puisqu'elle est mise en parallèle avec une autre séquence, celle de la naissance sanguinaire de l'alien. On a donc ici une brillante mise en parallèle et pour suggérer les va et viens entre les deux séquences, Goldenthal choisit d'assombrir son adagio funèbre avec une sonorité sombre du synthé qui rend cette séquence de la chute (tonale) plutôt dissonante. L'effet est très astucieux, tout comme cette mise en parallèle entre deux éléments totalement opposés - la mort des deux corps qui font une chute vers les profondeurs/la naissance de l'alien qui s'élève du ventre du chien. On a donc mis côte à côte les deux éternelles notions de l'existence, la vie et la mort, évoqués par les deux extrémités (la naissance/l'enterrement) renforcé aussi par une opposition entre le bas et le haut (les deux corps tombent, l'alien s'élèvent). La naissance de l'alien est terrifiante et rendue encore plus sinistre par la musique de Goldenthal qui utilise une masse dissonante de sonorités synthétiques et samplées (notons la réutilisation de voix semblant surgir de loin) avec l'aide de cordes stridentes et de sonorités menaçantes et lugubres, le morceau étant la parfaite incarnation de tout le mal que représente l'alien. (qui n'est finalement rien d'autre qu'un parasite fatal pour toute forme de vie qui croise son chemin)

Avec 'Lullaby Elegy', on retrouve la dimension dramatique et désolée du score de Goldenthal. Cette pièce mettant en avant les sonorités sombres de l'orchestre évoque la scène où Ripley se lamente sur le corps de Newt en lui demandant pardon après avoir demandé à Clemens de l'autopsier pour vérifier qu'elle n'avait pas un alien dans le ventre. Le piano intervient ici dans une sorte de nocturne désolée survolée par des cordes froides et sinistres. Goldenthal évoque la scène avec une certaine retenue et une fragilité illustrée par le piano. On aurait bien vu l'Agnus Dei du 'Lento' sur cette scène mais le compositeur en a décidé autrement et c'est très réussi dans cette triste séquence.

L'alien commet ses premiers méfaits avec 'First Attack' dont la première partie utilisant habilement vents, harpe et cordes pour illustrer la séquence du début où les hommes de la prison récupèrent les corps de Ripley, Newt, Hicks et Bishop. La deuxième partie du morceau évoque la première attaque de l'alien qui tue Clemens et s'approche de Ripley en s'immobilisant quelques secondes devant elle (il n'ose pas la tuer car il sait qu'elle a un alien dans le ventre et qu'il doit tout faire pour protéger la future reine). Terrifiant, ce passage s'enfonce dans les sonorités orchestrales et synthétiques les plus profondes et les plus cauchemardesques qui soit (notons les cordes stridentes et la masse dissonante de la fin de 'Lento' pour évoquer l'aspect menaçant et repoussant de la bête). Avec 'Candles In The Wind', on arrive à une autre séquence de tuerie du film où la bête fait deux autres victimes, cette fois dans des souterrains éclairés par des bougies qui s'éteignent toutes les unes après les autres. Goldenthal installe ici un climat glauque et sinistre à l'aide de sonorités profondes du synthé qui renforcent le côté glauque des décors en donnant un certain sentiment d'isolement et de claustrophobie. Ces sonorités du synthé qui semblent résonner au loin (notons l'utilisation de profonds cuivres rampants qui évoquent le danger très proche qui guète les personnages) installent un climat de suspense suffoquant. Mais l'alien est là et il tue sauvagement un des trois prisonniers. Devant la terreur de la scène et des deux autres prisonniers tentant de s'enfuir, Goldenthal déchaîne son écriture orchestrale faite d'effets de col legno de cordes, de glissendi et de tremolos de cuivres et de cordes diversifiés et mélangés avec des samplers de synthé. Les deux prisonniers retrouvent alors le cadavre mutilé de leur compagnon. Pour ce moment clairement morbide, Goldenthal réutilise des sons synthétiques terriblement dissonants pour évoquer la peur, le cauchemar éveillé, le morceau finissant dans le chaos le plus total alors que l'alien vient de tuer un autre prisonnier devant les yeux d'un survivant terrorisé. (notons la puissance des timbales et des cuivres avec ces trémolos de cors impressionnants à la fin du morceau) Goldenthal prolonge son exploration d'une écriture orchestrale atonale faite d'effets divers et de travail de sons et de samplers de synthés très diversifiés dans le reste de son score. (les sonorités du synthé sont nombreuses et paraissent être infinies. Elles n'interviennent uniquement que pour créer un climat de terreur et de peur profonde dans ce score, et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est très réussi. Le terrifiant et cauchemardesque 'Candles In The Wind' est là pour nous le prouver)

Dans le tragique et sombre 'The Beast Within', Ripley passe son ventre au scanner et découvre qu'elle a réellement un alien au fond d'elle. La montée orchestrale tragique de ce morceau évoque le sentiment d'inexorabilité de la fin de cette scène, évoquant par conséquent l'inévitable: la condamnation de Ripley à mourir atrocement. La montée crescendo intense de ce morceau dramatique revient dans 'Visit To The Wreckage' alors que Dillon fait son speech devant les prisonniers pour leur expliquer que leur mort est inévitable mais qu'ils doivent se battre pour détruire ce monstre coûte que coûte. Tout aussi dramatique que 'The Beast Within', l'inexorable 'Visit To The Wreckage' est renforcé par l'utilisation de percussions de style tambours renforçant la détermination des prisonniers à se battre jusqu'à la mort pour tuer le monstre. Ces tambours sont aussi là pour donner un côté à la fois funèbre à la scène, car le spectateur sait très bien que tous ces hommes vont mourir et que leur fin est inévitable.

Dans 'Explosion and Aftermath', Goldenthal montre son incroyable maîtrise de l'orchestre auquel le compositeur impose une virtuosité d'écriture saisissante. Après la mort du chef de la prison, Ripley et le groupe de prisonniers se réunissent dans les sous-sols pour tenter de piéger l'alien à l'aide d'un liquide radioactif hautement explosif. Mais les choses tournent mal et l'un des prisonniers se fait tuer par le monstre, lâchant son explosif sur le contenu d'un baril, provoquant une explosion puissante balayant tout dans les sous-sols. La virtuosité et la puissance de l'orchestre sont saisissants ici. Les cors semblent hurler dans le registre le plus aigus pour leurs instruments, tandis que les cuivres, les vents, les timbales (plus des sons métalliques du synthé) et les traits virtuoses des cordes sont là pour évoquer la puissance de cette explosion. Mais c'est la puissance des cors qui est ici impressionnante, atteignant des extrémités de registre rarement atteint pour des cors. Après que l'explosion disparaisse, Ripley et les prisonniers viennent voir les dégâts commis par l'alien. Le morceau finit sur un climat désolé réutilisant une partie de l'Adagio.

'The Dragon' évoque à travers une atmosphère lugubre la menace de l'alien avec de très sombres sonorités atmosphériques du synthé et un orchestre se frayant un chemin parmi l'osmose orchestre/synthé crée par Goldenthal et hautement maîtrisée. On notera le très surprenant 'Wreckage and Rape' qui commence de manière normale avec l'orchestre reprenant la partie de la fin chaotique du 'Agnus Dei' lorsque Ripley va chercher la carcasse de Bishop dans les débris de la capsule. Mais alors qu'elle quitte la pièce, elle tombe sur une bande de prisonniers qui l'agressent et tentent de la violer. Là, Goldenthal utilise un style plutôt hard-rock/trash à l'aide de samplers de voix imitant des hurlements sauvages d'hommes, des samplers de guitares électriques très hard-rock et des percussions sauvages. Le morceau surprend et jure inévitablement avec le reste du score. Mais cela démontre une fois de plus le réel besoin qu'a Goldenthal de se laisser aller à l'expérimentation parfois anarchique dans sa musique (anarchique mais toujours très bien réfléchie et maîtrisée), une expérimentation musicale toujours suggérée par les besoins du film (ne l'oublions pas!). Dans 'Bait and Chase', la traque finale commence: Ripley et les prisonniers doivent amener l'alien jusqu'à la fonderie pour le coincer dans une pièce avec un piston gigantesque qui sera censé l'écraser. De tous les morceaux de terreur, 'Bait and Chase' est probablement le plus déroutant et le plus surprenant. Goldenthal utilise différents effets orchestraux (tremolos de cordes, effets de col legno, etc.) au sein d'une écriture orchestrale qui lui est si personnelle, renforçant le climat de terreur/poursuite du morceau avec l'aide de divers sons de synthé. Effectivement, et c'est ce qui est le plus surprenant ici, Goldenthal a recours à de nombreux sons métalliques du synthé créant un climat à la fois froid et déroutant pour ce passage. Les sonorités sombres du synthé planent aussi au milieu des percussions diverses (Goldenthal les utilisant parfois de manière chaotique) et de samplers bizarres et étranges du synthé (notons ce passage utilisant des samplers de cuivres retravaillés avec un effet de stéréophonie faisant passer le son de gauche à droite des enceintes et vice-versa). Sans cesse entrecoupés par des arrêts, la musique suit la séquence où l'alien poursuit les prisonniers dans les tunnels en direction de la fonderie et du couloir avec le piston. Dans le but de capturer dans sa musique l'étrange vision de l'alien et les mouvements surhumains qu'il produit lorsqu'il se déplace (il arrive à se coller au plafond), Goldenthal a élaboré dans ce très sombre morceau toute une série de samplers de synthé très travaillés au sein d'un orchestre virtuose et plein d'effets instrumentaux hérités de la musique contemporaine du 20ème siècle. 'Death Dance' évoque les derniers instants de l'alien avec une écriture orchestrale atonale, dissonante et terrifiante, Goldenthal utilisant des percussions sauvages comme pour évoquer cette sombre 'danse de la mort' marquant la fin du monstre. Dans 'The Entrapment', Ripley et le dernier survivant arrivent alors à piéger l'alien dans la fonderie. Goldenthal crée une sorte de canon à son orchestre débutant sur des cordes graves et montant crescendo jusqu'à ce que les cuivres viennent rejoindre les cordes dans un climat de plus en plus chaotique et terrifiant. Notons les arpèges de cordes à la fin du morceau (scène où l'alien est sous la pluie après s'être fait noyer sous un déluge de plomb en fusion) qui rendent ici très clairement hommage à Vivaldi et à son incomparable manière d'écrire pour les cordes. (on pense ici à un Allegro de 'l'été', une des pièces des très célèbres '4 Saisons' de Vivaldi) Ce petit clin d'oeil à peine déguisé à Vivaldi montre une fois de plus le talent de Goldenthal à manier différents genres musicaux tout en sachant garder une ligne directrice: celle de l'expérimentation dictée par le film et sa très grande inspiration lorsqu'il composa ce superbe score.

Finalement, le film trouve sa conclusion sur le magnifique 'Adagio', morceau poignant évoquant le sacrifice final de Ripley se jetant dans la lave avec l'alien dans son ventre. Les hommes de la Weyland Yutani viennent enfin d'arriver pour récupérer Ripley et l'alien. Ripley reconnaît alors un visage familier: celui de Bishop (Lance Henriksen) qui tente de la convaincre qu'ils ne veulent pas du monstre. Mais Ripley sait très bien ce qu'elle doit faire et elle sait que les scientifiques veulent ce monstre. Goldenthal crée un climat dramatique avec une très belle écriture des cordes et une atmosphère vraiment poignante. On sent parfaitement l'aspect inévitable et tragique de la fin de cette scène. C'est pourquoi le compositeur réutilise aussi son thème tragique de l'adagio lorsqu'elle fait son sacrifice. Ripley n'a donc plus d'autre choix que de se suicider pour éviter une nouvelle catastrophe qui provoquerait la fin de la race humaine. Dans un élan d'ultime bravoure, elle se jette dans le vide avec l'alien naissant à ce moment là. Goldenthal retranscrit avec un élan orchestral poignant la grandeur de ce geste. Les cordes deviennent hautement dramatique et la musique prend alors une proportion grandiose dans un tutti orchestral puissant évoquant une double libération, celle de la race humaine sauvée par le sacrifice de Ripley et la propre libération de Ripley qui quitte la vie pour rejoindre Newt et Hicks dans l'au-delà. De Ripley, il ne reste plus qu'un très vieux message du Nostromo capté sur une balise radio qui retransmet ce message lointain. Parmi des cordes apaisées et sombres à la fois subsistent quelques instruments, dont une trompette qui semble errer seule à la fin du morceau et du film.

Que dire de plus sur 'Alien3' si ce n'est qu'il s'agit probablement là du chef d'oeuvre d'Elliot Goldenthal, un score saisissant et inspiré dans lequel le compositeur a magnifié le film d'une façon rare et qui a crée une très solide partition, sombre et tragique à la fois, terrifiante et dramatique en même temps. Original et expérimental, c'est 'Alien3' qui a réellement fait connaître ce très grand compositeur déjà maître de son art. Comme nous l'avons déjà signalé beaucoup plus haut, 'Alien3' a permit au compositeur d'amorcer son style qu'il développera dans certaines de ses futures partitions. A l'image des réalisateurs qui ont apportés chacun leur vision personnelle des 'Aliens', les compositeurs ont agit de manière similaire sur ces trois films, avec le terrifiant score de Jerry Goldsmith pour 'Alien', le score guerrier et étouffant de James Horner pour 'Aliens' et le score cauchemardesque et hautement tragique d'Alien3, un chef-d'oeuvre de la musique de film et probablement l'une des plus grandes oeuvres musicales de la fin du 20ème siècle. Découvrir la musique d'Alien3 demande avant tout à être réceptif au style personnel et pas toujours facile d'accès de Goldenthal. Mais des écoutes approfondies et mûries sauront faire ressortir toute l'intensité et le génie de cette partition exemplaire.


---Quentin Billard