Invaders from Mars

1-Invaders 34.29

The Oasis

2-Oasis 1.45
3-Maché Mirage 2.22
4-Devil's Food 8.59
5-The Heaven Tree 2.02
6-Funeral Mountain 2.14
7-Garlock 4.03
8-The Water Web 2.30
9-Rituals 2.28

10-Holy Matrimony
for Viola with Toys 10.53*

*Not a film score.

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Edel/Cinerama
0022032CIN

Album produit par:
Christopher Young
Musique arrangée par:
Christopher Young

Artwork and pictures (c) 1986 Cannon Films. All rights reserved.

Note: ***
INVADERS FROM MARS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Remake d’un classique de la science-fiction des années 50, le ‘Invaders from Mars’ de Tobe Hooper est une énième variante de la sempiternelle histoire d’invasion extra-terrestres, sauf qu’ici, les martiens ne sont pas des petits hommes verts mais des espèces de monstres difformes et visqueux couverts de dents, bien plus crédibles que les humanoïdes kitsch de la version de 1953. David Gardner (Hunter Carson), jeune enfant de 11 ans, aperçoit un soir derrière sa maison un gigantesque OVNI atterrir et disparaître derrière la colline au fond de son jardin. Il tente alors d’en informer ses parents, mais en vain, l’appareil semble avoir mystérieusement disparu. Le lendemain, David constate que son père, George (Timothy Bottoms), a un comportement bizarre, d’autant qu’il a une étrange blessure derrière la nuque. Le temps passe, et David finit par constater que Mrs. McKeltch (Louise Fletcher), sa prof de science, a elle aussi un comportement étrange, ainsi qu’une de ses camarades de classe, et à chaque fois, les individus concernés ont une étrange marque derrière la nuque. David ne tarde pas à comprendre que ces évènements sont liés à ce qu’il a vu la nuit dernière. Il tente alors d’alerter l’infirmière de l’école, Linda (Karen Black), qui, d’abord sceptique, se laisse très vite convaincre lorsqu’elle constate à son tour l’étrange comportement de Mrs. McKeltch et les mystérieuses marques derrière la nuque des personnes concernées. David s’échappe alors de l’école et part épier Mrs. McKeltch. Cette dernière se rend à la colline derrière la maison des Gardner et s’introduit dans un mystérieux endroit caché derrière la colline, qui abrite en réalité l’entrée de l’OVNI des martiens qui préparent secrètement l’invasion de la terre en contrôlant l’esprit des humains à l’aide de petits implants électroniques insérés dans leurs nuques. Lorsque David découvre l’existence des extra-terrestres et les rencontre en chair et en os, il s’enfuit terrifié et court prévenir Linda. Ensemble, les deux individus font tenter d’alerter l’armée pour pouvoir affronter les martiens et mettre un terme à cette invasion avant qu’il ne soit trop tard.

‘Invaders from Mars’ a le charme de ces séries-B de science-fiction des années 80, avec des acteurs de seconde catégorie et des effets spéciaux un peu kitsch bien que très impressionnants pour l’époque. On appréciera ici le soin apporté aux créatures et aux effets visuels, assurés en partie par John Dykstra, plus connu pour avoir collaboré aux effets visuels du tout premier ‘Star Wars’ de Georges Lucas en 1977. Du côté des créatures, c’est Alec Gillis qui s’occupe des monstres du film, lui qui avait déjà fait des merveilles sur le ‘Alien’ de Ridley Scott en 1979 (à noter que c’est le grand Stan Winston qui a conçu le design des aliens de ‘Invaders from Mars’). Bref, avec une telle réunion de talents, on ne pouvait qu’avoir un résultat visuellement captivant, même si au film, on ne pourra que déplorer le côté résolument kitsch et un peu maquette en plastique des créatures, un problème qui pourrait s’expliquer par le fait que durant le tournage, les producteurs de chez Cannon Films ont réduit le budget du film par deux, une contrainte financière sévère à laquelle Tobe Hooper et son équipe ont été obligés de se confronter. Certes, ce ne sont peut-être pas les plus beaux extra-terrestres que l’on ait vu dans un film de science-fiction de cette époque, mais le résultat reste visuellement très réussi malgré l’ambiance stroboscope/boîte de nuit un peu ridicule à l’intérieur de l’OVNI des extra-terrestres (il faudra vraiment attendre le ‘Fire in the Sky’ de Robert Lieberman en 1993 pour enfin voir de vrais aliens de qualité et un vrai OVNI digne de ce nom!). Dommage cependant que la seconde partie du film bascule dans de l’action bourrin alors que les militaires affrontent les aliens à grand coup de fusillades et d’explosifs, délaissant l’histoire au profit de quelques rares scènes d’action un peu molles. ‘Invaders from Mars’ n’est certes pas LE chef-d’oeuvre de Tobe Hooper, mais il rappelle néanmoins qu’après ‘Lifeforce’ (autre film d’invasion extra-terrestre du même réalisateur), Hooper est un spécialiste des films d’horreur et de science-fiction qui a toujours eu une très nette attirance pour les histoires d’extra-terrestre, un sujet qui le suivra tout au long de sa carrière (cf. l’épisode qu’il a réalisé pour la série TV ‘Taken’ ainsi que la série ‘Dark Skies’ en 1996). Une petite série-B d’invasion extra-terrestre très ‘eighties’ mais pleine de charme!

A l’origine, Christopher Young devait écrire la musique du film de Tobe Hooper, mais lorsqu’il fit entendre le résultat au réalisateur et aux producteurs, ces deniers décidèrent de rejeter sa musique. Pour Young, ‘Invaders from Mars’ représentait en 1986 sa toute première incursion dans le registre de la musique électronique expérimentale, incluant des éléments sonores trafiqués et des collages insolites dans le style de la musique concrète des années 50 (Schaeffer, Henry, etc.). Christopher Young n’a jamais caché sa passion pour les musiques avant-gardistes/expérimentales du 20ème siècle, un style musical qui l’a toujours profondément marqué et inspiré dans une bonne partie de ses oeuvres pour le cinéma. Hélas, les concepteurs de ‘Invaders from Mars’ auront certainement trouvé cette musique bien trop bizarre et étrange pour pouvoir coller avec un petit film de science-fiction somme toute très quelconque, ou peut-être ont-ils tout simplement redouté la réaction du public. La partition électronique/concrète de Young fut donc rejetée au profit d’un autre score électronique plus banal signé David Storrs. Young eut cependant la possibilité de continuer à travailler sur le film en écrivant quelques pièces orchestrales dans un style plus tonal et conventionnel. Ainsi, le générique de début du film, les premières scènes entre David et son père et toutes les scènes d’action de la dernière partie du film avec l’attaque des militaires sont accompagnés par les quelques portions du score orchestral de Christopher Young, le reste étant dominé par les synthétiseurs macabres et oppressants de David Storrs. Ce fut pour Young sa première expérience douloureuse dans le métier, celle de voir un de ses scores rejetés.

Quelques années plus tard, Christopher Young se vit offrir la possibilité de retravailler sa composition rejetée pour ‘Invaders from Mars’ afin de préparer une édition CD chez le label Edel/Cinerama, sorti en 1994 soit 8 ans après la sortie du film de Tobe Hooper. Pour Young, il n’était pas question de reprendre son score électronique sans y apporter quelques modifications fondamentales. La grande idée du compositeur fut ici de mélanger ses expérimentations concrètes/électroniques bizarres avec des chants religieux grégoriens, un mélange plutôt atypique et étonnant qui renforce le style ‘musique concrète’ de l’oeuvre de Young. Pour se faire, le compositeur a sélectionné 5 pistes de son score électronique et remixé le tout sous la forme d’une suite d’une trentaine de minutes. La pièce débute ainsi sur un cluster brutal de sons d’orgue trafiqués (quasi méconnaissable), de cris et de bruits difficiles à identifier. Au même moment apparaissent les chants d’hommes religieux et les plaint-chants grégoriens tandis qu’une nappe de synthé du premier bout du score électronique d’origine fait son apparition. Le compositeur explique qu’il a envisagé son oeuvre comme si l’auditeur se trouvait au milieu d’une cathédrale. En jouant sur les différentes panoramiques de ses multiples couches sonores, Young parvient à recréer la sensation physique de l’espace sonore. Ainsi, on trouve à l’avant-plan les choeurs, les chants religieux avec l’orgue, le piano et les cloches d’église (qui clôturent l’oeuvre). La seconde couche sonore, plus lointaine, est constituée de sons d’instruments divers et de petites percussions exotiques. Enfin, la dernière partie, plus lointaine, fait appel à toute une série de multiples sons ‘parasites’ étranges venus de diverses sources incluant les sons déformés, les cris, les paroles lointaines et confuses (dans des langues souvent étrangères), des musiques de manège, des musiques ethniques, etc. Young a retravaillé les sons d’orgue et de piano, tandis qu’il n’a apporté au reste du matériau sonore que des effets de réverbération, de stéréo et de fondus en tout genre. Le compositeur explique ainsi qu’au-delà du groupe des chanteurs religieux, l’auditeur pourra entendre une série de sons parasites (en plus du score électronique) qui ont pour effet de donner l’impression à l’auditeur d’envahir son espace sonore. C’est là où l’astuce du compositeur se révèle particulièrement perspicace, soulignant ainsi par analogie l’idée de l’invasion extra-terrestre du film de Tobe Hooper par une invasion sonore dans un environnement musical plutôt cohérent et simple (le chant grégorien), même si le compositeur a tenu tout de même à préciser que son nouveau travail sur sa musique rejetée de ‘Invaders from Mars’ n’avait plus aucun rapport avec le film d’origine. Au final, voilà 34 minutes d’une musique expérimentale plutôt étrange, bizarre et quelque peu dérangeante, un véritable magma sonore où la confusion côtoie un certain sentiment de malaise sous-jacent alors que les sons se chevauchent continuellement pour former une architecture sonore plutôt étonnante (inutile de préciser que l’on a véritablement l’impression d’écouter ici une musique d’extra-terrestre). Certes, le principe n’est pas neuf puisque Christopher Young emprunte ici le style des expérimentations de compositeurs de musique concrète des années 50/60, un style qu’il développera quelques années plus tard dans sa superbe partition ironique pour ‘The Vagrant’ de Chris Walas. A noter que l’album publié chez Edel contient aussi le score pour le film ‘The Oasis’ (1984) de Sparky Greene et une autre pièce de musique concrète particulièrement farfelue, ‘Holy Matrimony’, écrite pour jouets et alto, et qui annonce clairement par moment les délires de ‘The Vagrant’.

A noter pour terminer qu’en plus de cette musique rejetée et entièrement retravaillée, les fans du compositeur pourront aussi se délecter d’une suite d’une dizaine de minutes du score orchestral de Young pour ‘Invaders from Mars’ que l’on trouvera sur l’album double CD ‘Cinema Septet’ publié en 1993 par Intrada et regroupant des suites de quelques partitions méconnues du compositeur. La musique orchestrale de ‘Invaders from Mars’ est à des années lumières des expérimentations du score d’origine, Young ayant écrit un thème d’action pour le ‘Main Title’ et les scènes d’attaque militaire dans la base des martiens vers la fin du film, et un thème plus doux et nostalgique pour illustrer les rapports entre David et ses parents. C’est d’ailleurs ce très beau thème qui retiendra ici notre attention, apportant une chaleur inattendue dès le début du film avec sa gracieuse mélodie de flûte bientôt reprise par les cordes, les cors, la harpe et le piano. Le second thème est quand à lui extrêmement quelconque et joue à fond la carte de l’action. Seule ombre au tableau: il s’agit d’un motif rythmique qui trouve curieusement son inspiration dans le ‘Rambo II’ de Jerry Goldsmith. Christopher Young n’a jamais caché son admiration pour la musique du maestro californien, Young considérant par exemple ‘Alien’ de Goldsmith comme l’une de ses partitions fétiches. Mais ici, la ressemblance avec certains passages d’action du ‘Rambo II’ de Goldsmith (écrite en 1985 soit un an avant la composition de Young pour ‘Invaders from Mars’) est tellement flagrante qu’elle en devient presque quasiment honteuse. On sait qu’à ses débuts, Young s’est beaucoup inspiré du style de Goldsmith comme nous le prouvent des partitions telles que ‘Getting Even’ ou ‘U-Boat: The Wolfpack’, mais ici, la ressemblance est plus que jamais indéniable. Du coup, on a l’impression d’entendre du Goldsmith dès les premières secondes du générique de début du film et pas du Christopher Young. Finalement, à part cet emprunt décevant, on pourra se satisfaire dans cette sympathique suite orchestrale d’un thème intimiste et chaleureux d’une grande beauté, au charme indéniable, comme quoi, Young est aussi capable d’écrire des pièces tonales et mélodiques agréables. Voilà donc un album à réserver en priorité aux aficionados de Christopher Young et à tout ceux qui s’intéressent à ses travaux plus expérimentaux, souvent très difficiles d’accès pour les oreilles non averties. Avec sa musique rejetée pour ‘Invaders from Mars’, le compositeur nous offre une véritable messe grégorienne suffocante et déjantée, l’occasion pour Young de rendre hommage à tout ces compositeurs de musique concrète du milieu du 20ème siècle. Quand à la partie orchestrale située sur la compilation ‘Cinema Septet’, elle ne satisfera que ceux qui veulent se replonger dans l’ambiance musicale du film de Tobe Hooper et qui pourront compléter s’ils le souhaitent par l’enregistrement de la musique électronique de David Storrs publié par Enigma Records en 1986 (et qui n’a jamais été reédité en CD depuis).


---Quentin Billard