1-Once Upon a Time in America 2.12
2-Poverty 3.37
3-Deborah's Theme 4.24
4-Childhood Memories 3.22
5-Amapola Part I 5.21
6-Friends 1.34
7-Prohibition Dirge 4.20
8-Cockeye's Song 4.20
9-Amapola Part II 3.07
10-Childhood Poverty 1.41
11-Photographic Memories 1.00
12-Friends 1.34
13-Friendship and Love 4.14
14-Speakeasy 2.21
15-Deborah's Theme/Amapola 6.13
16-Suite from
"Once Upon a Time in America" 13.32
17-Poverty-Temp Version 3.26
18-Unused Theme 4.46
19-Unused Theme Version 2 3.38

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Restless Records
742321619762

Réédition produite par:
Nick Redman
Producteur associé:
Chuck Kelley

Artwork and pictures (c) 1984 Warner Bros. All rights reserved.

Note: *****
ONCE UPON A TIME IN AMERICA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Pour son tout dernier film, le grand Sergio Leone nous livrait son ultime chef-d’oeuvre, l’immense ‘Once Upon a Time in America’ (Il était une fois en Amérique), brillante reconstitution de l’ère de la prohibition en Amérique, sur plus de 60 ans. Avoisinant les 4 heures (dans la version longue), ‘Once Upon a Time in America’ est de loin l’un des plus beaux films jamais réalisés sur la prohibition, un long-métrage magistral qui mélange amour, amitié, drame, regret, corruption, sexe, trahison, le tout avec une intensité et une mise en scène exécutée d’une main de maître par un Sergio Leone en pleine forme. L’histoire est racontée sous forme de flash-backs à travers les souvenirs de David Aaronson dit ‘Noodles’ (Robert De Niro). Lorsqu’il était plus jeune, au tout début des années 90 à New York, lui et sa bande de potes, Max, Cockeye et Patsy vivaient de menus larcins et de vols en tout genre dans le ghetto juif du Lower East Side de New York. C’était l’époque où ces jeunes voyous, issus de familles pauvres et livrés à eux-mêmes, devaient se débrouiller seul pour survivre dans la jungle urbaine de New York. Les inséparables compères multipliaient alors les méfaits en tout genre jusqu’au jour où l’un des plus influents caïds du quartier, Bugsy (James Russo), à qui ils faisaient de l’ombre depuis quelque temps, assassina l’un des leurs. Pour venger la mort de son ami, Noodles poignarda à son tour le caïd et un policier qui tentait de l’en empêcher. Il fut jeté en prison et ne ressortit que de nombreuses années plus tard. A sa sortie en prison, il retrouva ses anciens amis devenus des gangsters. Max (James Woods) est devenu le chef de la bande et propriétaire d’un bar, en pleine ère de la prohibition dans les années 20. Il retrouve aussi Deborah (Elizabeth McGovern), son ancien amour de jeunesse à qui il n’a encore jamais réussi à déclarer sa flamme, et qui rêve de devenir une star hollywoodienne. Devenus de redoutables gangsters, Noodles, Max et ses amis multiplient les contrats et empochent un bon paquet d’argent qu’ils stockent dans une valise enfermé dans le coffre d’une gare. Les années passent entre crimes, contrats, corruption, meurtres et dollars, jusqu’au jour où la prohibition est abolie par le gouvernement américain dans les années 30, obligeant les malfrats à se reconvertir. Max décide d’organiser un dernier coup particulièrement risqué, le hold-up de l’intouchable banque fédérale, mais Noodles refuse, sceptique quand au taux de réussite d’une telle mission suicide. Carol (Tuesday Weld), la compagne de Max, ne l’entend pas de cette façon et sait que s’ils font ça, ils se feront abattre par la police. Elle réussit alors à convaincre Noodles de tout faire pour empêcher ce hold-up, quitte à trahir Max et ses amis en téléphonant à la police pour mettre un terme à cette folie. Des hommes surgissent alors chez Max et ses amis et les abattent les uns à la suite des autres, tandis que Noodles réussit à prendre la fuite et à s’exiler. De retour à New York 30 ans plus tard, c’est un Noodles vieillissant qui ressurgit, hanté par les fantômes du passé et les regrets d’avoir trahi son meilleur ami et d’avoir perdu au passage le seul amour de sa vie.

On peut véritablement dire que ‘Once Upon a Time in America’ est un film totalement démesuré, car, au-delà de sa longueur (le montage d’origine avoisinait les 4h25, ce qui fut jugé bien trop long par les producteurs de la Warner qui obligèrent le producteur Arnon Milchan a imposer à Sergio Leone de nombreuses coupures pour ramener la durée du film à 2h30 environ), le tournage du film fut extrêmement long et dura plus d’un an, avec un important dépassement de budget qui avoisina les 30 millions de dollars vers la fin du tournage du film (le film a malheureusement fait un bide commercial total aux Etats-Unis puisqu’il n’a remporté que 2,5 millions de dollars de recettes). Le résultat est néanmoins inoubliable. Après avoir eu l’idée de porter à l’écran le roman d’Harry Grey intitulé ‘The Hoods’, il fallut pas moins de 10 ans à Sergio Leone pour obtenir les droits du roman et commencer le tournage de son dernier film. Entre temps, le réalisateur refusa de tourner un autre célèbre film de gangster, ‘The Godfather’ (1972). La grande réussite du film tient avant tout par la qualité du jeu des acteurs (Robert De Niro et James Woods en tête) et par la réalisation exceptionnelle d’un Sergio Leone qui, à la fin de sa vie, n’avait toujours rien perdu de son génie et de son statut de ‘grand metteur en scène de l’histoire du cinéma’. L’histoire de la vie ratée de Noodles est ainsi racontée ici à travers de multiples flash-backs sous la forme d’un puzzle complexe et déroutant. Le film débute dans un bain de sang lorsque des tueurs recherchent Noodles et s’en prennent à ses amis. Noodles se réfugie alors dans une fumerie d’opium du quartier chinois de New York dans lequel le gangster tente de tout oublier en se réfugiant dans l’opium. Dès lors, le puzzle se met lentement en marche avec une trame narrative complexe et passionnante, partant de la fin pour repartir tout de suite après sur le début de l’histoire afin de recoller bout à bout chaque morceaux du récit. L’alternance entre le passé et le présent est souvent très distincte bien que la fin laisse présager un doute, comme s’il s’agissait d’un rêve. De par sa construction narrative élaborée et judicieuse, ‘Once Upon a Time in America’ renvoie à la littérature et plus particulièrement à celle de Marcel Proust, auquel on a souvent comparé le film de Sergio Leone avec ‘La recherche du temps perdu’ et une construction narrative assez similaire chez le célèbre écrivain français. En plus d’une direction d’acteur irréprochable (la magnifique Jennifer Connelly faisait ici ses débuts au cinéma en 1984, âgée seulement de 24 ans. Elle interprète dans le film Deborah jeune, son visage angélique illuminant radieusement la scène où le jeune Noodles l’épie en train de danser), Leone joue beaucoup sur le montage sonore - à noter cette répétition déstabilisante d’une vingtaine de sonneries de téléphone interminables et absolument stressantes au début du film, accompagnant toute la première séquence de flash-back sur la mort des amis de Noodles, scène-clé qui semble déjà annoncer judicieusement la fin du film – sans oublier une utilisation souvent très judicieuse de la musique, qui n’hésite pas à alterner ‘in’, ‘out’ et ‘off’ avec une maestria rare, sans oublier une utilisation toujours très intelligente de la caméra et de certains effets de mise en scène qu’il serait bien trop long d’énumérer ici. Le ton du film se veut quand à lui résolument dur, amer et tragique, Leone nous peignant une société américaine chaotique en proie au banditisme et à la corruption dans les années 20/30, avec des personnages englués dans la spirale de la violence, du crime et de la mort et dont la destinée ne peut être qu’inexorablement tragique (d’où une certaine influence ici des films-noirs du ‘Golden Age’ hollywoodien des années 40/50). A noter que le film s’est même attiré les foudres de certaines communautés juives qui se sont senties humiliées par la façon peu glorieuse dont le réalisateur évoque les protagonistes juifs du film, tandis que certaines groupes féministes ont hurlés au scandale en voyant la façon dont
les personnages maltraitent les femmes tout au long du film, preuve que, au final, ‘Once Upon a Time in America’ ne laisse définitivement personne indifférent. Certains diront que c’est souvent comme ça que l’on reconnaît les grands films d’auteur de films plus artisanaux et commerciaux, et on ne peut que leur donner raison, car ‘Once Upon a Time in America’ est bel et bien un chef-d’oeuvre du 7ème art, sorte de film-testament du grand Sergio Leone qui conclut ici sa trilogie américaine débutée en 1969 avec ‘Il était une fois dans l’ouest’ et poursuivi avec ‘Il était une fois la révolution’ en 1971.

Qui dit Sergio Leone dit évidemment Ennio Morricone, fidèle collaborateur du réalisateur italien depuis l’exceptionnel ‘Il était une fois dans l’ouest’ pour lequel le maestro italien nous offrit un chef-d’oeuvre bouleversant. Considéré comme un très grand classique de l’histoire de la musique de film, la partition de ‘Once Upon a Time in America’ est typique de tout ce que Morricone a put écrire depuis ses débuts pour le cinéma italien, français et américain: un lyrisme poignant, des thèmes émouvants qui hantent l’esprit longtemps après, une écriture orchestrale toujours très savante et soutenue, et, comme souvent chez Leone, un sentiment très fort de nostalgie, sans aucun doute le mot majeur pour définir l’émotion si particulière qui se dégage de cette musique vibrante et émouvante. Basée autour de trois thèmes principaux, la musique de ‘Once Upon a Time in America’ s’attache à suivre le récit mouvementé de Noodles et ses amis, le premier thème apparaissant dès le début du film (à noter que le générique de début du film débute de façon extrêmement sobre sur fond noir, sans musique ni effet sonore), thème confié à des cordes et un piano dont la sonorité évoque les vieux pianos bar-saloon du far-west (une réminiscence des anciennes musiques westerns de Morricone?) avec un côté mélancolique et nostalgique, associé aux origines pauvres de Noodles et de ses compères du ghetto juif (on l’appellera ‘Poverty’s Theme’), et qui annonce par moment le style de certaines parties de ‘The Untouchables’ (1987), la seconde partie étant confié à une flûte à bec et une mandoline avec des cordes chaleureuses. Dans le film, le thème est plus souvent juxtaposé à une autre mélodie qui sera plus présente par la suite et que l’on intitulera ‘Friendship’s Theme’ (piste 1), thème de l’amitié entre Noodles, Max, Patsy et Cockeye, une très belle mélodie confié à des cordes lyriques et une flûte, et que Morricone déclinera tout au long du film comme un véritable leitmotiv empreint d’une nostalgie simple et touchante (à noter une légère approximation des cordes vers la fin du morceau piste 1). Mais le thème le plus magnifique de la partition de Morricone reste sans aucun doute le ‘Deborah’s Theme’, dont le lyrisme poignant des cordes évoque l’amour contrarié entre Noodles et Deborah, la distance entre les deux personnages étant caractérisée par un sentiment de nostalgie poignante où se mêlent regrets et songes rêveurs pour ce qui s’avère être le plus beau thème de la partition de ‘Once Upon a Time in America’. Afin de renforcer le lyrisme de ce thème poignant, Morricone fait intervenir sa fidèle soprano Edda Dell’Orso qui nous avait déjà tellement enchanté sur ‘C’era une volta il West’ et dont la beauté éthérée de la voix transcende le thème pour lui donner une facette plus puissante voire quasi angélique. Dès lors, Morricone utilisera ses trois thèmes tout au long du film à travers de multiples variantes qui accompagneront les personnages et les différentes émotions du film, d’où quelques utilisations parfois très habiles de la musique sur certaines scènes dont le pouvoir émotionnel se trouve totalement décuplé par l’association image/musique, apportant une touche opératique au film comme il l’avait déjà fait précédemment à plusieurs reprises sur ses anciennes partitions pour Sergio Leone.

Mais la plus grande surprise vient ici de l’utilisation tout à fait inattendue de la flûte de pan de Gheorghe Zamfir, grand spécialiste incontesté de cet instrument, et dont Ennio Morricone s’est adjoint les services sur sa partition. Dans le film, c’est le personnage de Cockeye (William Forsythe) qui joue de la flûte de pan, son instrument fétiche qui l’accompagne tout au long du film comme une véritable signature musicale (‘Cockeye’s Song’), une réminiscence de l’harmonica qui avait un rôle similaire avec le personnage de Charles Bronson dans ‘C’era una volta il West’. Dans le film, la flûte de pan (parfois joué ‘in’ et ‘off’) est associé aux moments plus dramatiques de l’histoire des quatre amis, comme lorsque Morricone réutilise la flûte de pan pour l’excellente scène où le jeune Dominic (Noah Moazezi) se fait abattre par Bugsy. ‘Childhood Memories’ dévoile ainsi un quatrième thème confié à la flûte de pan sur fond d’orgue aux résonances quasi religieuses, et qui évoque une fois encore ici le souvenir de l’enfance et le passé, sur un ton plus sombre et minimaliste (à noter une superbe utilisation de ce thème lorsque Noodles se rend sur le tombeau de ses trois amis, justifiant ainsi l’utilisation de l’orgue). La seconde partie du morceau nous propose une reprise du ‘Friendship’s Theme’ sous la forme d’une petite pièce de Big Band dans le style de la musique swing américaine des années 30, Morricone ayant ainsi eu l’occasion de revisiter pour les besoins du film de Sergio Leone toute une tradition musicale de la musique swing d’avant-guerre, parfois utilisé en ‘source music’ dans le film, et que l’on entend généralement pour toutes les scènes où les compères se réunissent dans leur Q.G. et profitent ensemble de leur nouvelle vie, comme dans ‘Friends’ et son côté sautillant et insouciant empreint d’une nostalgie toujours très présente, qui hante l’ensemble du film. Morricone berce même dans le romantisme à l’ancienne dans ‘Amapola (Part 1)’ qui, entièrement confié à des cordes (il s’agit d’une reprise d’une vieille chanson traditionnelle), accompagne la scène du dîner entre Noodles et Deborah vers la dernière partie du film, évoquant ici les musiques romantiques du ‘Golden Age’ hollywoodien. Les pièces jazzy/swing se multiplient, passant de la scène de la fête pour la fin de la prohibition dans l’enjoué ‘Prohibition Dirge’, l’entraînant ‘Speakeasy’ au léger ‘Amapola Part II’ et sa clarinette douce heureuse, sans oublier la reprise jazzy de ‘Friends’ à la piste 12. Morricone nous offre même quelques moments plus sombres et dissonants comme l’ouverture sinistre de ‘Cockeye’s Song’ avec ses cordes dissonantes qui nous renvoient au style de ‘The Thing’ (1982) et qui accompagne certains moments plus sombres du film de Leone. Le reste du film est quand à lui accompagné par de multiples reprises des principaux thèmes comme le ‘Poverty’s Theme’ dans ‘Childhood Poverty’ à la mandoline, comme le ‘Friendship’s Theme’ à la flûte dans ‘Photographic Memories’ ou le ‘Deborah’s Theme’ dans ‘Friendship and Love’. A noter que la réédition ‘expanded’ de la partition maîtresse de Morricone nous permet d’entendre deux thèmes ‘unusued’ ainsi qu’une suite de 13 minutes regroupant les meilleurs éléments les plus caractéristiques de la partition du maestro italien.

Vous l’aurez certainement compris, ‘Once Upon a Time in America’ est un énième chef-d’oeuvre de l’un des plus géniaux compositeurs de sa génération, un musicien qui n’a jamais hésité une seule fois à donner le meilleur de lui-même pour le cinéma qui resta, pendant plus de 40 ans, son terrain de prédilection. Avec l’ultime film de Sergio Leone, Ennio Morricone nous offrait en 1984 ce qui allait devenir l’un de ses chef-d’oeuvres les plus appréciés bien que le grand public ait plus souvent tendance à retenir ses musiques westerns telles que ‘Le bon la brute et le truand’ ou ‘Il était une fois dans l’ouest’ qui sont devenues extrêmement populaires au fil du temps. Du temps il est justement question dans la partition lyrique et nostalgique de ‘Once Upon a Time in America’, où le compositeur reflète ce récit amer et poignant d’un passé plein de regrets avec une maestria exemplaire et une sensibilité à fleur de peau. Morricone n’a jamais été autant inspiré que lorsqu’il fut amené à écrire de la musique pour son fidèle complice de toujours Sergio Leone, en qui le maestro puisait toute la vigueur de son inspiration qui, malgré près de 30 ans de collaboration régulière avec le cinéaste italien, ne s’est jamais estompé au fil des années, bien au contraire. La musique d’Ennio Morricone semble d’ailleurs se bonifier avec le temps comme un bon vin, une musique qui se déguste lentement mais sûrement et s’apprécie au fil des écoutes, car comment ne pas être bercé dans le film par la douce mélodie poignante du ‘Deborah’s Theme’ et cette voix de soprano éthérée ou ce thème nostalgique et émouvant évoquant l’amitié d’une bande de copains aujourd’hui disparus? La musique de Morricone apporte une émotion particulière au film, la musique semblant flotter parfois par dessus les images à la façon d’un rêve ou d’un souvenir, jouant la carte de la nostalgie vibrante qui ne peut laisser personne indifférent. Si le ‘Deborah’s Theme’ n’atteint pas complètement ici la beauté transcendante du thème de Jill dans ‘C’era une volta il West’, il n’en demeure pas moins un thème poignant et grandement mémorable qui hante longtemps l’esprit même après une première écoute. Au final, voici une autre partition incontournable d’Ennio Morricone à connaître absolument, un de ses chef-d’oeuvres qui, en 1984, concluait en beauté l’exceptionnel collaboration entre Ennio Morricone et Sergio Leone!


---Quentin Billard