1-Le mystère de la
chambre jaune 2.24
2-Mathilde Stangerson 3.36
3-L'inspecteur Larsan enquête 2.40
4-Le presbytère n'a rien perdu
de son charme... 2.40
5-Tout ce que nous ne voyons
pas mais qui est immense 2.46
6-L'amour secret 3.43
7-Le parfum de la dame en noir 2.08
8-Rouletabille en Amérique 1.56
9-...Ni le jardin de son éclat 4.09

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Crepuscule TWI 1138

Album monté:
Stéphane Lerouge

(c) 2003 Crepuscule. All rights reserved.

Note: ***
LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
‘Le mystère de la chambre jaune’, célèbre roman policier de Gaston Leroux, a été adapté à de multiples reprises au cinéma, que ce soit la version de Maurice Tourneur en 1912, celle de Marcel L’Herbier en 1930, celle d’Henri Aisner en 1948 ou bien encore le téléfilm de 1965 avec Claude Brasseur dans le rôle principal. Il faudra finalement attendre 2003 pour voir débouler sur nos écrans une nouvelle version de cette célèbre intrigue policière imaginée par Gaston Leroux en 1907. Ce grand classique du roman policier devient sous la caméra de Bruno Podalydès un subtil mélange entre comédie et huis-clos à suspense, s’éloignant par moment du sérieux du roman d’origine pour adopter un ton parfois plus désinvolte. Joseph Rouletabille (Denis Podalydès) est un jeune reporter accompagné de son ami le photographe Sainclair (Jean-Noël Brouté). Après avoir entendu parler du fameux mystère de la chambre jaune, qui cache un crime énigmatique, Rouletabille décide de se rendre sur les lieux du crime et de mener sa propre enquête afin de découvrir l’identité de l’agresseur qui a tenté d’assassiner Mathilde (Sabine Azéma), la fille du professeur Stangerson (Michael Lonsdale), qui réside dans le château de Glandier. Plusieurs questions subsistent alors. Au moment où Mathilde s’est faite agresser, elle se trouvait dans la chambre jaune fermée de l’intérieur. Alerté par des cris et deux coups de feu, Stangerson et ses compères forcèrent la porte et trouvèrent Mathilde gisant inconsciente sur le sol, avec une trace de sang à la tempe, mais aucune trace de l’assassin qui semblait avoir mystérieusement disparu. Un autre mystère subsistait: quel pouvait bien être le mobile du criminel? Rouletabille mène alors son enquête et rentre en concurrence avec l’inspecteur Frédéric Larsan (Pierre Arditi), dont les accusations semblent se diriger vers Robert Darzac (Olivier Gourmet), le fiancé de Mathilde. Mais pour Rouletabille, c’est un autre son de cloche, car le jeune reporter croit à l’innocence de Darzac et recherche la vérité ailleurs avec l’aide de son complice Sainclair, dans des détails qui semblent avoir échappé à tous. Ils décident de passer la nuit au château et de surveiller en permanence la chambre de Mathilde, persuadés que le tueur ne va pas tarder à ressurgir pour terminer ce qu’il était venu commencer.

Cet habile mélange entre comédie populaire et polar s’apprécie pour la qualité de son intrigue filmée ici à la manière des grands romans policiers à l’ancienne ou des jeux de société tendance ‘Cluedo’. A cette narration typiquement littéraire s’ajoute quelques péripéties rocambolesques comme la scène où Sainclair, caché dans l’horloge pour espionner l’assassin, se retrouve bloqué et obligé de ramper dans l’horloge. Denis Podalydès apporte à son personnage une énergie juvénile et un enthousiasme communicatif, entouré d’un casting de premier choix (Claude Rich, Sabine Azéma, Pierre Arditi, Michael Lonsdale, etc.). On a souvent fait le rapprochement ici entre Rouletabille et le célèbre personnage de Tintin de la BD d’Hergé. Effectivement, les similitudes entre les deux protagonistes sont nombreuses, à commencer par le château dans lequel se déroule tout le film et qui ressemble étrangement au château de Moulinsard dans les aventures de Tintin. Ensuite, parce que, comme ce dernier, Rouletabille est un jeune reporter en quête d’aventure et d’énigmes à résoudre. Pour finir, rappelons que le film est en partie belge, et que Tintin est né de l’imagination d’un dessinateur belge...beaucoup de coïncidence, n’est-ce pas? Bruno Podalydès tourne donc à sa façon une sorte d’ersatz de Tintin dans ‘Le mystère de la chambre jaune’, nous offrant une intrigue policière captivante à souhait et qui tient la route de bout en bout. On sent que les acteurs se sont tous fait plaisir sur ce film, qui, au final, rend un bien bel hommage au roman de Gaston Leroux. Deux ans plus tard, le réalisateur tournera la suite intitulée ‘Le parfum de la dame en noir’ et toujours inspiré du roman de Gaston Leroux.

La musique de Philippe Sarde est à l’image du film de Bruno Podalydès: légère, sombre et virevoltante à la fois. Il faut dire que si le compositeur s’est retrouvé à composer la musique du ‘mystère de la chambre jaune’, c’est bien parce que le réalisateur a découvert Philippe Sarde en écoutant l’album de la musique du ‘Locataire’ publié chez Universal Jazz France et qu’il est tombé amoureux de cette fameuse partition pour le film de Roman Polanski. Le réalisateur souhaitait donc retrouver quelques sonorités similaires sur son film mais sans le côté macabre et torturé de la musique du ‘Locataire’. Exécutant la tâche avec brio, Philippe Sarde nous livre un score tout en retenue reposant sur une petite formation instrumentale restreinte incluant quelques cordes, un hautbois, un piano, une clarinette et un mystérieux glass-harmonica (harmonica de verre) emprunté au ‘Locataire’. La musique, relativement présente tout au long du film, devait évidemment réussir à se frayer un chemin au milieu de dialogues abondants. C’est pourquoi le compositeur a préféré opter pour une approche minimaliste qui n’empêche évidemment pas la musique de s’exprimer dans le film, accentuant l’atmosphère si particulière du long-métrage de Bruno Podalydès. Le thème de Rouletabille est exposé dès la première piste à l’aide d’un violon virevoltant sur fond de cordes enjouées, tout à l’image du côté espiègle et malicieux du jeune reporter. La seconde partie du morceau, plus sombre, privilégie l’aigu du violon sur des cordes plus graves symbolisant le mystère de la chambre jaune. Mais le compositeur ne tombe jamais dans les clichés des musiques à suspense et évite systématiquement tout ce qui pourrait s’apparenter à une redite du ‘Locataire’. Le thème de Mathilde (‘Mathilde Stangerson’) se veut quand à lui plus mélancolique et lent avec sa très belle écriture pour quatuor à cordes et glass harmonica, qui apporte ici un certain mystère à la musique, et qui évoque par son lyrisme retenu et précieux les secrets de Mathilde et de son fiancé. Mystère est d’ailleurs ici le mot clé, une sensation d’intrigue que le compositeur a parfaitement sut retranscrire sans jamais tomber dans une forme de violence musicale ou de noirceur poussive.

Si ‘L’inspecteur Larsan enquête’ paraît plus sombre avec ses violons tourmentés, c’est pour mieux révéler les doutes de Rouletabille tout au long de son enquête qui reste constamment en désaccord avec l’inspecteur Larsan au sujet de la culpabilité de Robert Darzac. On appréciera au passage le classicisme d’écriture lyrique et raffiné du quatuor à cordes dans la très belle reprise du thème de Mathilde en forme de valse lente et mélancolique dans ‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme...’ (en référence à une phrase-clé du film) tandis que ‘Tout ce que nous ne voyons pas mais qui est immense’ montre une autre facette de la partition, un côté plus rythmé et mystérieux dans lequel le thème de Rouletabille est de nouveau partagé entre les cordes et le glass-harmonica symbolisant le mystère de cette bien intrigante enquête. ‘L’amour secret’ se partage quand à lui entre pizzicati sautillants, cordes ambiguës et clarinette mystérieuse, les pizzicati apportant ici une légèreté accouplée à une certaine retenue, un caractère confidentiel qui évoque une fois encore les secrets entourant Mathilde et son fiancé.

‘Le parfum de la dame en noir’ nous propose une nouvelle variation plus lente du thème de Rouletabille entre le hautbois, les cordes et le piano, tandis que ‘Rouletabille en Amérique’ nous permet de retrouver le même thème dans sa version pour violon sautillant d’origine, lorsque Rouletabille part finir son enquête en Amérique afin de trouver le dernier indice qui lui permettra de démasquer le coupable (à noter au passage une scène un peu bizarre mais pleine d’humour où l’on voit un petit train jouet transporter une bille à son bord) tandis que ‘…Ni le jardin de son éclat’ conclut l’album sur une dernière reprise du thème mélancolique de Mathilde. On pourra juste regretter que le réalisateur ait choisi de n’utiliser tout au long du film pratiquement qu’un seul et même morceau, celui des pizzicati légers et mystérieux, accompagnant les péripéties de Rouletabille et Sainclair tout au long de leur enquête, un choix un peu curieux qui oblige le réalisateur à délaisser certaines pièces du score de Philippe Sarde que l’on pourra néanmoins entendre sur l’album de la musique (Sarde n’a écrit que 26 minutes de musique pour le film). Minimaliste, légère, mystérieuse et par moment mélancolique, la musique du ‘Mystère de la chambre jaune’ apporte au film un accompagnement musical discret mais néanmoins présent, renforçant le côté à la fois espiègle et intriguant du film avec une sincérité de ton remarquable. Certes, ce n’est certainement pas le nouveau chef-d’oeuvre de Philippe Sarde, mais autant anecdotique et mineur que soit cette partition, elle n’en demeure pas moins réussie, preuve du talent d’un compositeur qui, après plus de 40 ans de carrière au service du cinéma français, n’a rien perdu de son imagination, même si on est très loin ici du brio des années 60/70!


---Quentin Billard