1-Dickensian Beginnings 3.24
2-Shrewd Thespians 0.42
3-Red Riding Hood 3.56
4-The Queen's Story 5.13
5-The Forest Comes to Life 9.14
6-Jake's Pledge 2.03
7-Muddy 3.08
8-Inside the Tower 3.12
9-The Queen Awakens 6.25
10-The French Arrive 2.52
11-Burning the Forest 2.24
12-The Eclipse Begins 6.52
13-A Slice of Quiche
Would Be Nice 4.37
14-It's You: You Know
The Story 8.03
15-Sleeping Beauties 3.50
16-And They Lived Happily
Ever After 3.40
17-End Credits 2.08

Musique  composée par:

Dario Marianelli

Editeur:

Milan Records M2-36136

Musique produite par:
Dario Marianelli

Artwork and pictures (c) 2005 Metro-Goldwyn-Mayer/Dimension Films. All rights reserved.

Note: ***
THE BROTHERS GRIMM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Dario Marianelli
Après un ‘Twelve Monkeys’ remarquable et un délirant ‘Fear and Loathing in Las Vegas’ (Las Vegas Parano), l’ex Monthy Python Terry Gilliam s’était attelé à la réalisation d’un projet avorté, une nouvelle adaptation cinématographique des aventures de Don Quixote, avec Jean Rochefort et Johnny Depp. Si le film n’a pas pu se faire, un documentaire de 90 minutes intitulé ‘Lost in la Mancha’ a été tourné en 2002 pour tenter d’expliciter et de décortiquer les raisons de cet échec. En revanche, ‘The Brothers Grimm’, le nouveau film de Terry Gilliam, a pu se faire sans problème. Seule ombre au tableau, le résultat, bien que spectaculaire et totalement démesuré, n’est rien de plus rien de moins qu’un spectacle hollywoodien plutôt indigne du talent de Gilliam. Le parti pris du réalisateur était de montrer Jacob (Heath Ledger) et Wilhelm Grimm (Matt Damon), les deux célèbres écrivains érudits allemands de la fin du 18ème siècle dans une histoire totalement fantaisiste racontant – sous une forme fictionnelle et absolument pas biographique – l’hypothèse selon laquelle les deux frangins auraient écrit leurs célèbres contes populaires en s’inspirant d’aventures qu’ils auraient vécus dans leur vie. Les frères Grimm sont connus pour être les seuls individus capables de combattre et de vaincre les démons et autres esprits maléfiques qui hantent les villages, moyennant une grosse somme d’argent. Ils vivent tout deux de cette activité dangereuse qui leur suffit à gagner leur vie, mais en réalité, les deux frangins ont un secret: avec l’aide de complices, ils organisent de grandes mises en scènes faisant croire à l’existence de ces monstres qui sont en réalité actionnés grâce à d’ingénieux trucages. Mais un jour, le général français Delatombe (Jonathan Pryce) découvre leur secret et les arrête sur le champ. Placé entre les griffes du tortionnaire et bras droit officiel du général, Cavaldi (Peter Stormare), Jacob et Wilhelm n’ont pas d’autre solution que d’obéir aux ordres du général, qui décide de les envoyer dans la petite ville de Marbaden où les habitants, terrifiés par la disparition mystérieuse de plusieurs jeunes filles, décident de faire appel aux deux frères pour leur venir en aide. Surveillés constamment par Cavaldi, Jacob et Wilhelm vont avoir fort à faire pour faire croire aux habitants qu’ils sont capables de les secourir. Ils rencontrent alors l’intrépide Angelika (Lean Headey), qui va les accompagner dans leur aventure jusqu’à la forêt maléfique qui se trouve à proximité de la ville. Là bas, ils découvriront un univers fait de sortilèges et de sorcellerie alors que la terrible Reine du miroir (Monica Bellucci), qui hante une tour lugubre en plein milieu de la forêt, capture les jeunes filles afin de l’aider à ressusciter et à retrouver son ancienne beauté pour rompre une très vieille malédiction.

‘The Brothers Grimm’ nous propose ainsi une sorte de croisement inédit et délirant entre de multiples contes populaires, que ce soit le Petit Chaperon rouge, Hansel et Gretel, le Petit Poucet, Rapunzel ou bien encore La Belle au Bois Dormant, le tout sous la forme d’une aventure totalement démesurée mélangeant action, aventure, humour noir, horreur et un zeste de poésie. Hélas, l’ensemble reste constamment figé dans un univers artificiel totalement hollywoodien, avec des effets numériques envahissants et un scénario – signé Ehren Kruger – incohérent et mal foutu, sans oublier quelques stéréotypes ‘français’ un peu faciles et agaçants à la longue (l’histoire se passe dans l’Allemagne occupée par les armées napoléoniennes à l’aube du 19ème siècle). Le duo Matt Damon/Heath Ledger fonctionne bien, même si Heath Ledger est loin d’avoir le charisme de Matt Damon (qui, au passage, ne signe pas là sa meilleure performance). On retrouve l’acteur fétiche du réalisateur en la personne de Jonathan Pryce qui interprète le méchant général français, tandis que Monica Bellucci campe de façon inattendue le rôle de la sombre reine maléfique. D’un point de vue esthétique, le film s’avère être assez réussi, avec quelques scènes spectaculaires comme la séquence dans la forêt qui prend vie, l’escalade de la tour de la reine ou la scène où le jeune garçon voit son visage s’en aller et se transformer en petit bonhomme de boue, scène totalement fantaisiste et un peu inutile, qui n’apporte absolument rien à l’histoire à part montrer une bizarrerie comme Gilliam les affectionne tant. On retrouve par moment le style de ‘The Adventures of Baron Munchausen’ ou bien encore ‘Time Bandits’, mais en nettement plus hollywoodien. Beaucoup diront que Terry Gilliam a signé là un film assez impersonnel et qu’il a vendu son âme à Hollywood, d’autant que ce mélange aventure/poésie/horreur n’est pas sans rappeler le récent ‘Sleepy Hollow’ de Tim Burton, film auquel on a souvent comparé ‘The Brothers Grimm’, à juste titre. Le film semble même avoir été quelque peu inspiré par le style fantaisiste/poétique de Tim Burton, à tel point qu’on pourrait presque croire que ‘The Brothers Grimm’ a été réalisé par l’auteur de ‘Big Fish’ et de ‘Beetlejuice’. Le film s’avère donc être indigeste, long, grotesque et abrutissant, un navet à gros budget qui a finalement échoué au box-office U.S., preuve que le public a lui aussi boudé la grosse machinerie hollywoodienne d’un Terry Gilliam en petite forme. Faute de mieux, on préfèrera se rabattre sur les anciens films du réalisateur, bien plus personnels et accrocheurs.

Prévue à l’origine pour Goran Bregovic, la musique de ‘The Brothers Grimm’ fut finalement confié à un jeune compositeur italien montant, Dario Marianelli, qui signe une partition symphonique totalement démesurée pour le long-métrage de Terry Gilliam. Mais à l’instar du film, la musique de Marianelli s’avère être elle aussi particulièrement indigeste. Néanmoins, le compositeur dévoile ici un certain talent, lui qui n’avait encore écrit ici que des musiques de téléfilm, de drames intimistes ou de court-métrages. Pour son premier gros film hollywoodien, Marianelli met les bouchées doubles et fait dans le massif et la démesure sans concession. L’ouverture (‘Dickensian Beginnings’) abonde ainsi en ce sens, car, après une introduction mystérieuse aux cordes et aux clarinettes, le thème principal fait son apparition sous la forme d’une mystérieuse petite mélodie de sept notes (confié à une flûte à bec) associée à cet univers de contes fantaisistes et de créatures maléfiques. Le titre apparaît au son d’une fanfare martiale et brutale très vite suivi d’une partie plus calme aux cordes avec quelques sonorités orientales inattendues. Sans surprise, l’ouverture dévoile donc le côté sombre et mystérieux de la partition avec son excellent thème principal de flûte à bec symbolisant cet univers si particulier, entre magie, mystère et maléfice. On retrouve ce thème dans ‘Red Riding Hood’ où le compositeur le développe efficacement sur fond de sonorités cristallines mystérieuses, de cordes sombres et d’éléments électroniques menaçants. Le compositeur porte un soin tout particulier aux orchestrations, l’un des points forts du score, tandis que le morceau part très vite dans de l’action pure et dure avec un rythme très soutenu entre cordes, cuivres et les sempiternels choeurs qui sont aussi de la partie, accompagnant la scène où les deux frangins combattent le faux démon au début du film. Impressionnante, la musique l’est assurément, en revanche, il est aussi parfaitement évident que la composition de Marianelli manque cruellement de personnalité, une impression qui ne cessera de s’étendre et de se confirmer au fil de l’écoute. ‘The Queen’s Story’ développe quand à lui le thème associé à la reine du miroir, après une ouverture martiale évoquant le général français et ses troupes. Marianelli nous plonge dans une atmosphère lugubre et mystérieuse alors que les cordes commencent à suggérer timidement le thème de la reine, avec, au passage, quelques choeurs d’hommes menaçants qui renforcent le côté lugubre et maléfique de la musique, parfaitement incorporée aux images du film de Terry Gilliam.

‘The Forest Comes to Life’ est quand à lui très représentatif de ce côté mystérieux et lugubre de la composition de Dario Marianelli. On notera ici une reprise du thème principal confié à des flûtes/célesta et cordes tandis que l’ambiance se veut plus lourde et pesante avec des effets de dissonance intéressants et un travail de recherche sonore à la fois acoustique/électronique du plus bel effet (mais sans grande personnalité hélas). Le compositeur évoque ici le côté maléfique de la forêt qui prend vie et s’en prend aux héros qui s’aventurent dans ces bois maudits. C’est aussi l’occasion pour le compositeur d’adopter un langage atonal particulièrement porté sur les dissonances, les montées de tension chaotique et les clusters de cuivres/cordes, rappelant au passage le côté horrifique de certains passages du film. A noter par exemple l’utilisation impressionnante à 3.50 de ce qui pourrait s’apparenter à des cris lors d’une brève et brutale montée de tension débouchant sur un nouveau morceau d’action massif et particulièrement brutal et tendu. Le compositeur en profite aussi pour développer toute une série de sonorités électroniques étranges associées au monde de la forêt maléfique, et qui n’ont de but que de renforcer le malaise et le climat oppressant durant la scène des bois. On regrettera néanmoins cette tendance à surcharger l’orchestre par des tas d’effets sonores qui ont bien souvent tendance à alourdir inutilement une musique déjà bien lourde en soi, et qui manque cruellement de relief. Heureusement, après 9 minutes chaotiques et quasi suffocantes, on respire un peu avec ‘Jake’s Pledge’ où le compositeur nous propose une nouvelle reprise du mystérieux thème principal à la flûte à bec, toujours associé aux frères Grimm et à leurs aventures fantastiques. Mais l’on retombe toujours très vite dans la démesure symphonique avec par exemple ‘Muddy’ pour la scène bizarre du petit bonhomme de boue, accompagnée par un orchestre massif aux rythmes frénétiques et aux dissonances quasi systématiques. Mais là aussi, si la musique s’avère être un peu trop surchargée, elle marque un point grâce à des orchestrations souvent inventives et très réussies, qui n’hésitent pas à donner beaucoup de fil à retordre aux musiciens.

Après le sombre et atmosphérique ‘Inside the Tower’, on entre dans la dernière partie du film lors du réveil de la reine (‘The Queen Awakens’). Le morceau accompagne par une grande montée de tension le réveil de la reine maléfique par le biais de sonorités s’apparentant à des frottements étranges d’objets métalliques (dont certains s’apparentent à des cordes de piano), des sons cristallins proche de l’harmonica de verre, des voix féminines, un choeur d’hommes, et bien entendu un orchestre toujours très présent, dominé par les sonorités sombres et graves. Le thème de la reine devient alors plus perceptible, plus présent, confié à des cordes amples qui lui confèrent un côté étrangement romantique à l’ancienne, très ‘Golden Age’ hollywoodien d’esprit, avec des harmonies assez subtiles. Le thème de la reine possède un côté à la fois ample et vaguement mystérieux qui lui confère un aspect de séductrice maléfique, une mélodie en tout cas très réussie qui apporte un certain charme au personnage de Monica Bellucci. ‘The French Arrive’ développe quand à lui les touches martiales et agressives associées aux troupes françaises dans la scène où le général ordonne qu’on brûle la forêt, scène illustrée massivement dans ‘Burning the Forest’, où l’on retrouve au passage le motif d’action déjà présent dans ‘Red Riding Hood’. La tension ne cesse de monter dans ‘The Eclipse Begins’, qui débute avec une citation inattendue au célèbre air de l’ouverture de ‘La pie voleuse’ de Rossini pour une scène où l’on aperçoit le général et ses sbires, en train de contempler le désastre de la forêt enflammée. Le compositeur cite un deuxième air célèbre, celui d’une fameuse berceuse enfantine qu’il incorpore ici dans son orchestre, passant d’un instrument à l’autre, comme pour rappeler le rapt des jeunes filles envoûtées par la reine, qui dorment d’un sommeil imperturbable, une petite touche d’humour pleinement assumée qui rappelle aussi l’univers de conte populaire du film (après tout, pour endormir les enfants, à part leur chanter une berceuse, réciter un petit conte fonctionne aussi très bien). L’atmosphère de ‘The Eclipse Begins’ ne cesse ainsi de s’appesantir et de s’assombrir considérablement, entre des cordes agitées, une voix féminine mystérieuse et des sonorités sombres et étranges alors que la reine aura récupéré tous ses pouvoirs lorsque l’éclipse sera devenue totale. ‘A Slice of Quiche would Be Nice’ illustre de la même façon l’affrontement entre Wilhelm et le général à la fin du film avec un nouveau morceau d’action totalement déchaîné et démesuré, à grand renfort de percussions (incluant des martèlements de ‘col legno’ des cordes – technique consistant à frapper les cordes des violons en utilisant le bois de l’archet), de cordes survoltées, de choeurs d’hommes et de cuivres massifs et autres effets dissonants (avec, comme toujours, ces effets de frottements de cordes de piano). L’agressivité de la musique de Marianelli est à son comble, avec au passage une excellente reprise du très rythmé thème d’action, le morceau aboutissant au long et massif ‘It’s You: You Know The Story’ pour l’affrontement final contre la reine où l’on retrouve l’excellent thème quasi majestueux et romantique de la reine, contrastant avec son côté maléfique. On respire enfin avec ‘Sleeping Beauties’ qui reprend le thème principal d’une façon plus apaisée et sereine, quasi mélancolique avant un final plus héroïque et majestueux, suivi de ‘And They Lived Happily Ever After’ qui reprend le thème principal dans sa forme initiale, à la flûte à bec doublée par le célesta avec quelques cordes et un piano, suivi du thème de la reine du miroir et d’un ‘End Credits’ reprenant le motif martial de l’introduction.

Si vous adorez les partitions symphoniques énormes et démesurées, le nouveau score de l’italien Dario Marianelli pour ‘The Brothers Grimm’ devrait pleinement vous ravir. Néanmoins, les amateurs de subtilité et de retenue risquent fort de faire la moue face à un score qui n’hésites pas à pousser constamment le volume sonore jusqu’au maximum à travers de gros morceaux d’action et des déchaînements orchestraux chaotiques qui frôlent par moment la cacophonie. Heureusement, face à cette hystérie instrumentale collective, certains passages s’avèrent être bien plus calmes et apaisés, mais ils sont bien trop rares – comme dans le film – pour pouvoir permettre à l’auditeur de respirer un peu. Du coup, l’écoute en devient vite pénible et fatigante, en particulier à cause de la longueur de certains morceaux (6 minutes, 8 minutes, etc.) et du manque de pause et de respiration dans la musique. Les thèmes sont présents et bien développés mais ils ne suffisent pas non plus à apporter un certain relief à la musique de Marianelli, et pourtant, malgré tous ses mauvais points et son côté fastidieux, le score de ‘The Brothers Grimm’ s’avère quand même être intéressant, car aussi massive et bruyante qu’elle est, la partition de Marianelli regorge néanmoins de bonnes idées, avec par exemple un excellent travail de sonorité particulièrement intéressant et fort bienvenue dans le contexte du film. Le compositeur évoque l’univers fantaisiste, sombre et féerique du film en utilisant des sons étranges, parfois acoustiques, parfois électroniques, le tout renforcé par une formation orchestrale énorme et quelques voix solistes avec le choeur d’hommes, autant d’éléments qui font de ‘The Brothers Grimm’ une musique qui ne manque ni de puissance ni de richesse, mais qui finit par fatiguer les oreilles à la longue, même dans le film, où elle s’avère être cruellement répétitive. Mais on devine néanmoins un certain potentiel dans la composition de Dario Marianelli, un compositeur à suivre, assurément, dont on ne devrait entendre que du bien par la suite!


---Quentin Billard