1-Ave Maria (création) 4.24
2-Ouverture 4.05
3-Hymne des fraternisés (piano) 1.26
4-Anna et Nikolaus 2.06
5-La guerre 5.59
6-Enterrement des soldats 3.04
7-Bist du bei mir 4.02*
8-Stille Nacht 4.15**
9-La lettre de Jonathan 0.51
10-Les souvenirs de Ponchel 1.18
11-Le match de football 1.49
12-Le discours de l'évêque 3.13
13-Le courrier des soldats 1.32
14-War adagio 5.07
15-Thème de l'absence 7.11
16-Hymne des fraternisés
"I'm dreaming of home" 4.15***
17-Adeste fideles 4.15+
18-Invitations
'I'm dreaming of home' 2.57
19-Anna et Nikolaus 2.29++
20-Aria pour violon et orchestre
(d'après l'Ave Maria) 3.59
21-Hymne des fraternisés
(murmures et vocalises) 4.25

*Ecrit par Gottfried Stözel
Arrangement de Philippe Rombi
**Ecrit par Franz Xaver Gruber
Arrangement de Philippe Rombi
Interprété par Nathalie Dessay
et Rolando Villazon
***Lori Bath - Gary Lewis/
Philippe Rombi
+Ecrit par John Francis Wade
Arrangement de Philippe Rombi
++Version incluant 'Nuit de Noël'.

Musique  composée par:

Philippe Rombi

Editeur:

Virgin Classics

Musique dirigée par:
Philippe Rombi
Arrangements vocaux:
Philippe Rombi
Consultant musical:
Edouard Dubois
Supervision musicale
et enregistrement:
Géraldine Rombi
Programmation:
Philippe Rombi, Eric Chevalier
(pistes 2, 5 et 12).


Note: ****
JOYEUX NOËL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Rombi
Pour son second long-métrage, Christian Carion s’inspire d’un fait divers méconnu survenu durant les premières années de la guerre de 14/18, un fait que, comme le souligne la tagline du film, l’Histoire a volontairement oubliée mais que ‘Joyeux Noël’ nous permet enfin de redécouvrir. ‘Joyeux Noël’ nous entraîne au tout début de la première guerre mondiale en 1914. On y découvre une galerie de personnages d’horizons divers dont les destins vont se croiser un soir qu’ils n’oublieront jamais. Il y a tout d’abord Nikolaus Sprink (Benno Fürmann), un célèbre ténor d’opéra berlinois, obligé de partir à la guerre et d’abandonner sa compagne, la soprano Anna Sörensen (Diane Kruger). Par amour pour Sprink, Anna décide d’obtenir un ordre spécial l’autorisant à rejoindre son bien aimée sur le front, même si la situation est très mal vue de la part du major allemand Horstmayer (Daniel Brühl). Puis, il y a le prêtre anglican Palmer (Gary Lewis), qui se porte volontaire pour partir soutenir son jeune compatriote écossais Jonathan (Steven Robertson) parti lui aussi sur le front. Côté français, le lieutenant Audebert (Guillaume Canet) a quitté sa femme enceinte pour combattre les allemands sur le front et ne rêve que d’une chose: que le conflit finisse le plus rapidement possible afin que chacun puisse rentrer chez soi et retrouver sa famille. Mais le premier soir de Noël 1914, français, allemands et écossais s’offrent une trêve inattendue et décident de sortir de leurs tranchées afin de fêter Noël ensemble à grand renfort de champagne, de chansons et de joie. Ils apprennent à fraterniser en pleine guerre, au milieu d’un champ enneigé près d’un petit village du nord de la France. Quelques jours après, les supérieurs respectifs des trois clans décident de mettre aux arrêts les responsables de ce qu’ils jugent comme une ‘trahison’ et une mutinerie, l’affaire étant très vite étouffée afin d’éviter un scandale. Hélas, il est bien regrettable que les livres d’Histoire ne nous ait jamais enseigné une telle chose à l’école, que des hommes avaient su trouver le courage de se serrer la main et de fraterniser au cours de l’un des plus graves conflits qu’a connu l’humanité au cours du 20ème siècle. Les mauvaises langues accuseront évidemment le film de verser dans les bons sentiments faciles, et pourtant, ce que raconte Carion dans ce film est réellement arrivé, que l’on ait du mal à le croire ou pas! ‘Joyeux Noël’, c’est donc un magnifique production européenne au propos humaniste, porté par un casting international exceptionnel (Guillaume Canet, un Dany Boon étonnant et inattendu dans un registre sérieux, la charmante Diane Kruger, Gary Lewis, Bernard Le Coq, et même une petite apparition surprise de Michel Serrault) et une mise en scène d’une sobriété exemplaire, ne versant jamais dans la mièvrerie en dehors de deux ou trois scènes à l’émotion un peu facile. On craignait que le film tombe aussi dans la démagogie, mais heureusement, Christian Carion évite le piège et nous offre une peinture assez objective et sobre de cet épisode méconnu de l’Histoire. La séquence où les clans se répondent par la musique d’une tranchée à l’autre pour se rapprocher par la suite est d’une beauté indicible, comme la séquence où le ténor émeut par sa voix magique écossais, allemands et français réunis ensemble le soir de Noël. ‘Joyeux Noël’ ne manque donc pas de poésie et, malgré un début un peu maladroit (la symbolique facile des bougies de l’église qui s’éteignent à l’annonce du départ à la guerre), on sent une réelle honnêteté de ton de la part du réalisateur qui, après un très long travail de recherche, est aujourd’hui en mesure de nous offrir cet hommage vibrant à ces hommes qui ont eu le courage de faire taire les armes le temps d’une nuit de Noël pas comme les autres. Sans aucun doute l’un des plus beaux films français de cette fin d’année!

Après ‘Une hirondelle a fait le printemps’, le compositeur Philippe Rombi retrouve Christian Carion sur ‘Joyeux Noël’, pour lequel le musicien confirme qu’il est bel et bien l’un des meilleurs compositeurs officiant actuellement pour le cinéma français. La partition musicale de ‘Joyeux Noël’ reflète à merveille l’émotion du film tout en illustrant le côté intime et chaleureux du film. Suivant ce postulat fort simple, Rombi a élaboré une musique symphonique teintée d’influences classiques, reposant autour d’une poignée de thèmes forts qui structurent l’ensemble de la partition, même si on pourra regretter le côté plus morcelée du montage de la musique dans le film (l’écoute sur l’album permettant de mieux ressentir la progression musicale de l’oeuvre de Rombi). Le thème principal de la partition est introduit dès l’Ouverture, précédé d’un autre thème joué discrètement par un piano intime et doux, thème qui sera associé à la fraternisation des soldats et que Rombi intitule ‘Hymne des fraternisés’. Le thème principal est quand à lui moins discret, confié à des cordes graves et quelques cuivres, et se caractérise par son aspect harmonique et ample, emporté par un crescendo dramatique puissant durant le générique de début. Seule ombre au tableau: une filiation bien trop évidente entre ce thème et celui, non moins magnifique, de ‘The Thin Red Line’ de Hans Zimmer. A vrai dire, la ressemblance est telle qu’on se demande si le consultant musical oeuvrant sur ce film n’aurait pas tout simplement imposé ce morceau comme une référence de temp-track à calquer pour le film. Si le cinéma français commence à repiquer les mauvais penchants du cinéma américain, on est quand même bien mal barré, pourrait-on dire non sans ironie. Quoiqu’il en soit, cette ouverture annonce quand même une très belle aventure humaine, placé sous le signe de l’émotion, même si le thème principal n’illustre que le côté dramatique de la guerre. Le reste de la partition se veut plus intime, plus retenu, plus mélodique aussi. Ainsi, le vrai thème fort de la partition reste sans aucun doute le magnifique ‘Ave Maria’ que Rombi a composé pour les besoins du film, se payant le luxe d’en confier l’interprétation à la prestigieuse soprano Nathalie Dessay, accompagnée par le London Symphony Orchestra, Philippe Rombi en profitant à l’occasion pour concrétiser l’un de ses plus vieux rêves: jouer ses musiques par le célèbre orchestre britannique à la réputation immortelle. Ce chant religieux est interprété dans le film par la soprano incarnée par Diane Kruger, symbolisant l’espoir et l’humanité sous un angle quasi divin, véritablement poignant.

La musique se veut comme l’un des éléments majeurs du film de Christian Carion puisque c’est par elle que les soldats apprennent à fraterniser et à dire non pendant un temps aux armes, ou comment mettre en œuvre le bon vieux adage, ‘la musique adoucit les moeurs’. A l’écoute du poignant ‘Ave Maria’ dans le film, il paraît difficile de ne pas ressentir tout le propos humaniste du film de Carion, propos qui transparaît aussi dans un autre grand thème de la partition, ‘L’hymne des fraternisés’, mélodie simple entonné au piano dès le générique de fin, puis de nouveau repris avec une grande sobriété dans la piste 3 de l’album, repris dans un très bel arrangement pour cordes et piano durant la scène du match de foot dans ‘Le match de football’, allant même jusqu’à faire intervenir un harmonica qui rejoint tardivement l’orchestre, une idée sympathique puisque l’un des personnages du film joue de l’harmonica dans les tranchées. Rombi nous propose deux autres variations de ce thème, dans le magnifique ‘I’m dreaming of home’ où la mélodie est chantée par un splendide choeur d’enfants anglais à l’ambiance très ‘soirée de noël’ (tendance ‘Home Alone’ de John Williams) sur des paroles évoquant l’espoir et la nostalgie du chez-soi (nostalgie que ressentent les personnages tout au long du film) puis dans la version finale de la piste 21, repris en murmures avec quelques vocalises. Les voix se veulent ici le symbole musical –un brin stéréotypé- du message humaniste du film. Rombi transforme ce chant en hymne grandiose à la dimension quasi universelle dans la piste 16, véritable hymne à l'humanité saisissant de beauté, de poésie et de simplicité.

Autre thème fort de la partition, le poignant ‘Thème de l’absence’ aux sonorités classiques évidentes, repris dans ‘Anna et Nikolaus’ et qui évoque la relation entre la soprano et le ténor allemand, introduite au piano puis repris aux cordes dans la piste 4, sans aucun doute l’un des plus beaux thèmes de la partition, d’une tendresse et d’une délicatesse infinie, avec un léger côté Ennio Morricone qui séduit d’emblée l’auditeur et l’invite à apprécier cette belle leçon d’amour entre deux êtres que la guerre ne pourra même pas séparer. A noter une version minimaliste et très douce de ce thème joué par un piano solitaire dans ‘Les souvenirs de Ponchel’. On ne pourra aussi pas passer à côté d’un autre grand moment musical, la scène de l’enterrement des soldats, porté par une cornemuse nostalgique avec whistles, orchestre et caisse claire dont les quelques rares roulements martiaux apportent un côté solennel inattendu à la scène où les soldats des trois camps enterrent leurs morts dans la paix et le calme (le morceau évoquant par moment ‘Braveheart’ de James Horner voire certains passages de ‘Gods and Generals’ de John Frizzell et Randy Edelman), la partie celtique de la musique étant évidemment liée ici aux écossais, la cornemuse nous renvoyant à l’instrument que jouent les écossais durant la scène du rapprochement des trois camps la nuit de noël. Le reste de l’album contient quelques beaux passages de ‘source music’ dont le très beau ‘Bist du bei mir’ interprété en duo par Nathalie Dessay et Rolando Villazon sur un arrangement de Philippe Rombi, ainsi que l’inévitable ‘Stille Nacht’ (Douce nuit), grand standard musical des fêtes de Noël. Pour finir, il nous faudra mentionner le magnifique ‘Aria pour violon et orchestre’, très belle variante du thème de l’Ave Maria repris ici sous la forme d’un mini concerto pour violon et orchestre de près de 4 minutes, entendu en partie durant le générique de fin du film, porté par un classicisme d’écriture et un lyrisme exacerbé et raffiné qui évoque les grands Romantiques du 19ème siècle, Brahms, Mahler voire Massenet.

Entre musique diégétique et ‘source music’ originale, le score de ‘Joyeux Noël’ est d’une richesse inattendue quasi insoupçonnée, preuve que Philippe Rombi a sut puiser dans le film de Carion toute son inspiration au service d’une leçon d’humanité brillamment mise en scène. L’approche de la musique dans le film a été savamment réfléchie de telle sorte à ce qu’elle soit à son tour un acteur à part entière du film, puisque le compositeur l’utilise sous les trois angles connus, ‘in’ (on voit la source de la musique à l’écran), ‘out’ et ‘hors-champ’ (on entend la musique mais sa source n’est pas visible à l’écran), le plus souvent utilisée en ‘musique de scène’ (les joueurs de cornemuse écossais dans les tranchées, le soldat qui joue de l’harmonica, le soprano et le ténor qui chantent en duo devant les soldats la nuit de noël, etc.). Tout nous amène ici à penser que Philippe Rombi a sans aucun doute écrit l’un de ses premiers chef-d’oeuvres, qui, sans être d’une folle originalité, parvient à susciter une vive émotion et à toucher le coeur des auditeurs/spectateurs, bien que l’on regrettera le manque de personnalité de certains passages, trahissant une optique ‘temp-track’ d’origine trop flagrante pour passer inaperçue. Malgré ses influences, le score de ‘Joyeux Noël’ est d’une très grande beauté et apporte au film de Christian Carion toute l’émotion dont ce dernier avait grandement besoin, complimentant les images sans jamais les accompagner de façon redondante. La musique apporte un plus émotionnel indéniable et participe à sa manière à cette belle aventure humaine, l’écoute de la musique sur l’album nous permettant de mieux apprécier toutes les qualités de cette partition remarquable, entre lyrisme, minimalisme et émotion. Gageons que la partition de Rombi pour ‘Joyeux Noël’ va très vite devenir la partition française préférée des béophiles pour cette fin d’année 2005!



---Quentin Billard