1-Three Burials of Melquiades 2.03
2-Cinco Años 1.18
3-Fair to Midland 3.25*
4-Leaving Town 2.20
5-Mike Runs Off 3.59
6-I Wonder Who'll
Turn Out The Light 2.58**
7-Gift Horse 1.59
8-Can't Keep It Up 2.49
9-The Cheatin' Hotel 5.11***
10-Entering Town 1.16
11-Fleeing Illegals 1.18
12-This Could Be The One 2.48+
13-Horse of Death 1.35
14-Pete Confronts Sheriff 1.17
15-Stalking Mike 1.31
16-Workin' Man Blues 2.42++
17-Shoot Me 1.33
18-House Building 1.12
19-Before The Next
Teardrop Falls 2.32+++
20-No Jimenez 2.21
21-Forgiveness 2.04
22-Goodbye 2.45
23-You Can't Rollerskate
In a Buffalo Hero 1.54#

*Interprété par Dwight Yoakam
**Interprété par Bobby Flores
***Interprété par Hank Williams Jr.
+Interprété par Flaco Jimenez
++Interprété par Merle Haggard
+++Inteprété par Freddie Fender
#Interprété par Roger Miller.

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Recall Music For Films/
EuropaCorp RMFF03-8

Score produit par:
Marco Beltrami

Artwork and pictures (c) 2005 Europa Corp. All rights reserved.

Note: ***
THE THREE BURIALS OF MELQUIADES ESTRADA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
On connaissait Tommy Lee Jones en tant qu’acteur, mais on ne le connaissait pas encore en tant que réalisateur! Et pourtant, en 1995, l’acteur s’était déjà essayé à la réalisation avec le téléfilm ‘The Good Old Boys’, western classique où il donnait la réplique à quelques grands noms tels que Matt Damon, Frances McDormand, Sam Shepard ou Sissy Spacek. Il faudra finalement attendre 2005 pour que Tommy Lee Jones nous livre enfin son premier long-métrage pour le cinéma, qui n’a laissé personne indifférent et a été doublement récompensé au Festival de Cannes 2005 par le Prix du scénario pour le très inspiré Guillermo Arriaga (à qui l’on doit déjà les scripts de ’21 Grams’ et ‘Amores Perros’ d’Alejandro Gonzales Inarritu) et le Prix d’interprétation masculine pour Tommy Lee Jones. Pour son premier long-métrage pour le cinéma, Tommy Lee Jones étonne et nous offre un film maîtrisé de bout en bout. ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ est une sorte de western moderne dans lequel il est question d’une quête de rédemption sur fond de vengeance et de pardon. Pete Perkins (Tommy Lee Jones) est un vieux propriétaire de ranch du Texas. Il vit dans un petit village aux bords de la frontière Mexicaine, où la vie semble bien terne. Un jour, son ami Melquiades Estrada (Julio Cedillo), un modeste paysan mexicain qui travaille dans son ranch, est abattu par erreur par un jeune garde-frontière nommé Mike Norton (Barry Pepper). Pete mène sa propre enquête alors même que les autorités locales refusent de chercher le coupable, qu’ils cherchent à protéger afin d’éviter un éventuel scandale. A force de persévérance et de ténacité, Pete finit par retrouver Mike et l’oblige par la force à partir déterrer le corps de Melquiades pour entamer avec lui un très long voyage au Mexique, vers le village natal de Melquiades, là où ce dernier souhaitait être enterré lorsqu’il mourrait. Pete a promis à son ami de lui offrir une sépulture honorable sur sa terre natale s’il devait mourir avant lui, et le vieux cow-boy compte bien honorer sa promesse. Il va en profiter pour offrir à l’assassin de son meilleur ami une grande et bouleversante leçon d’humanité, qui changera son regard sur la vie et les valeurs morales à tout jamais.

Construit sous la forme d’une quête initiatique de la rédemption et du rachat des fautes, ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ est un vrai film d’auteur qui surprend par la qualité de son scénario (signé du génial Guillermo Arriaga, dont on retrouve ici le style narratif personnel et reconnaissable entre mille hérité de films tels que ’21 Grams’) et de la mise en scène de l’acteur/réalisateur, Tommy Lee Jones. C’est en 2001 que l’acteur/réalisateur rencontra Guillermo Arriaga pour lui proposer de travailler sur un script qui évoquerait l’ouest du Texas aux frontières du Mexique. Tommy Lee Jones est originaire du Texas, et cela faisait très longtemps qu’il souhaitait tourner un film sur sa patrie (à noter que l’action de ‘The Good Old Boys’ se déroulait déjà dans le Texas). Le but du réalisateur était ainsi de montrer le décalage social qui existe entre les différents individus qui peuplent l’ensemble de cette région, du Rio Grande et de ses alentours, entre traditions américaines et modernités, une cohabitation parfois hasardeuse que le réalisateur transcende à travers sa caméra, soutenu par une mise en scène sobre, au rythme lent et épuré, parfois contemplatif. Tour à tour dur, émouvant et drôle, le film de Tommy Lee Jones nous renvoie à cet univers de western où les cow-boys ne sont pas des héros invincibles mais au contraire des êtres humains qui respirent, vivent et souffrent comme n’importe quel homme ordinaire, et où les pistolets et les traditionnels duels cèdent la place à une réflexion sur le respect de la vie et des valeurs humaines. Le titre du film annonce en réalité la construction narrative du script de Guillermo Arriaga, qui se partage clairement en quatre partie: les trois enterrements de Melquiades (avec la scène de sa mort vu sous deux angles, d’abord par celle de son assassin, puis revisité une seconde fois du côté du principal intéressé, Arriaga évitant systématiquement comme d’habitude toute linéarité dans le déroulement du récit) et le grand voyage initiatique vers le Mexique. Chaque partie est délimitée et annoncée par des intertitres, en référence au cinéma muet d’antan, ce qui tend à renforcer astucieusement le côté traditionnel du film. ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ nous interroge au passage sur les problèmes liés à l’immigration clandestine mexicaine aux Etats-Unis, un sujet sensible que le réalisateur aborde avec brio, sans jamais enfoncer le clou, même si l’on sent bien un message moral un peu facile derrière tout ça, mais jamais asséné, fort heureusement. Enfin, le film s’articule essentiellement autour de la relation du personnage de Tommy Lee Jones (Pete) et Barry Pepper (Mike). Pete représente pour Mike la figure paternelle qui va l’aider à apprendre les vraies valeurs de la vie à travers un voyage initiatique difficile et douloureux. Le fait même que Pete surnomme Mike ‘fils’ à la fin du film n’est certainement pas du au hasard. Les détails autour de ce simulacre de relation père/fils se multiplient au fur et à mesure que l’histoire avance, tous comme l’émotion qui finit par submerger Mike, froid, creux et obsédé sexuel au départ, puis finalement attendri et plus compréhensif par la suite (cf. les scènes où il regarde un soap-opéra à la télévision, qui retranscrit de façon très ironique la pauvreté de sa propre existence). Avec sa mise en scène subtile mais complexe et toute en retenue, Tommy Lee Jones filme sa région natale avec une émotion et une finesse rare et nous offre un dépaysement considérable sur fond d’amitié, d’honneur, de moralité et de rédemption. On appréciera aussi la façon dont Tommy Lee Jones joue avec l’espace à travers sa caméra, filmant les personnages sous divers angles afin d’accentuer la profondeur psychologique de ses principaux protagonistes. Malgré quelques défauts - avec par exemple la scène où le shérif incarné par Dwight Yoakam souffre d’impuissance sexuelle, scène qui n’apporte pas grand chose à l’intrigue et qui casse maladroitement le déroulement du récit de façon inutile – ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ est un drame magnifiqu
e qui ne laisse pas indifférent, un western moderne bien loin des conventions du genre, filmé sur un ton serein quasi onirique, porté par une émotion rare qui nous permet de découvrir le Tommy Lee Jones réalisateur dans toute sa splendeur. Sans aucun doute l’une des bonnes surprises cinématographiques de cette fin d’année 2005!

L’une des grandes surprises du film de Tommy Lee Jones reste sans aucun doute la participation inattendue de Marco Beltrami à la musique du film. Il faut dire que le nom du compositeur était déjà écrit en gros sur les affiches du film, preuve que le réalisateur et les producteurs ont accordés une place de choix à la musique de Beltrami, qui sort ici de son registre hollywoodien habituel pour nous offrir une partition plus minimaliste et expérimentale. Son score est écrit pour un ensemble de guitares, percussions diverses, accordéon, flûte de pan, cordes et synthétiseurs. Les instruments et les sonorités évoquent bien évidemment la beauté des paysages du Texas et du Mexique, auxquels on associe bien souvent des sonorités très caractéristiques, que le compositeur s’amuse ici à détourner sans jamais tomber dans les clichés habituels de la musique de western (il faut savoir que Marco Beltrami fut l’assistant d’Ennio Morricone pendant trois ans environ!). Deux thèmes parcourent l’ensemble de la partition. Le premier est introduit dès le générique de début, bien mis en valeur par le réalisateur qui semble avoir donné une place de choix à la musique dans le film, même si cette dernière est toujours utilisée avec parcimonie. Dans ‘The Three Burials of Melquiades’, le thème est introduit par les guitares sur fond de petites percussions qui rythment l’ensemble avec des synthétiseurs atmosphériques typiques du compositeur, et même quelques cordes dissonantes annonçant la touche sombre du film. Basé sur une cellule de deux notes déclinées aux guitares, ce thème illustre à la fois par son mélange instruments acoustiques/électroniques le côté à la fois traditionnel et moderne du Texas d’aujourd’hui, tandis que la tonalité sombre du thème est associée au voyage initiatique et difficile qu’entreprendront ensemble Pete et Mike. La musique surprend ainsi d’emblée par son minimalisme apparent et son travail de sonorités – le compositeur est même allé jusqu’à enregistrer le son des épines d’un cactus pour en créer différentes sonorités en le manipulant ensuite sur ordinateur puis en créant des loops de ces différentes sonorités, une idée qui lui a été suggérée par le fait que certains musiciens mexicains utilisent des épines de cactus pour créer des rythmes et des motifs musicaux (preuve que le compositeur aime définitivement expérimenter et explorer différents territoires musicaux). ‘Cinco Años’ dévoile le second thème majeur de la partition, introduit par quelques cordes avec un accordéon, sur fond de pizzicati légers, un thème touchant joué tout en retenue et associé dans le film à l’amitié entre Pete et Melquiades, amitié qui poussera Pete à honorer les souhaits de son ami qui souhaitait être enterré dans son pays natal s’il venait à mourir au Texas. Ce thème de l’amitié possède un côté intimiste et émouvant très européen d’esprit (on est guère loin par moment de certaines musiques western d’Ennio Morricone pour des films de Sergio Leone – ça tombe bien, le film de Tommy Lee Jones rend un bien bel hommage aux westerns, sans en être un à proprement parler). Après avoir installé ainsi ces deux thèmes, Beltrami va nous proposer une série de variantes et de pièces oscillant entre une certaine intimité émouvante et une facette plus sombre et déterminée voire dramatique.

Dans ‘Leaving Town’, Beltrami utilise les guitares, avec une flûte de pan, un petit groupe de cordes et quelques percussions lorsque Pete et Mike quittent la ville et entament ensemble leur très long voyage vers le Mexique. ‘Mike Run Off’ illustre quand à lui la facette plus sombre du score de ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’. On retrouve ici le style atonal avant-gardiste cher au compositeur, mais avec une formation instrumentale plus originale et très éloignée de ses musiques d’horreur/thriller habituelles! Ici, guitares, percussions, synthés, accordéon et cordes sont de la partie, formant un tout relativement tendu et dissonant, alors que Mike tente de s’échapper avant d’être rattrapé par Pete. La musique est ici associée au point de vue du personnage de Barry Pepper, puisqu’elle évoque sa peur face à la situation à laquelle il se retrouve brutalement confronté, en conséquence de son acte (l’assassinat de Melquiades). Avec ‘Gift Horse’, on retrouve le thème de l’amitié joué ici avec une infime tendresse à l’accordéon avec un accompagnement léger de guitares, percussions et quelques cordes, l’arrangement instrumental rendant ici le thème encore plus poignant, accompagnant les images du voyage au Mexique de façon plus émouvante, comme si la musique cherchait à évoquer déjà le rapprochement de type père/fils entre Pete et Mike. Comme on pouvait s’y attendre, le morceau suivant nous fait retrouver le style plus sombre et atmosphérique de la partition. ‘Can’t Keep It Up’ utilise son groupe instrumental dans un style assez dissonant, illustrant les déboires de Mike dans le désert à la frontière du Mexique. Beltrami joue ici aussi sur ses diverses sonorités instrumentales sans jamais faire redondance avec les images, la musique se contentant d’apporter une sorte de supplément émotionnel aux différentes scènes-clé du film, tout en apportant un rythme musical important au long-métrage de Tommy Lee Jones. L’arrivée au Mexique se fait au son du thème principal repris dans ‘Entering Town’ avec les guitares et les cordes. Si l’on suit donc le schéma (un peu prévisible au bout de quelques minutes) de l’alternance quasi systématique morceau intimiste et doux/morceau sombre et dissonant, on se doute bien que la prochaine pièce sera bien plus sombre. Gagné! ‘Fleeing Illegals’ s’impose par son rythme plus soutenu de guitare qui installe une certaine urgence avec un accordéon dissonant et des effets de col legno de cordes (jeu sur les cordes du violon avec le bois de l’archet) et de petites percussions incluant même des timbales synonymes de danger et de tension ici.

Surprise, le morceau suivant casse la routine de l’alternance douceur/tension du score en imposant une atmosphère plus sinistre et inquiétante dans ‘Horse of Death’ illustrant une scène du voyage où l’on voit le cadavre de Melquiades porté par l’un des trois chevaux. A noter ici l’utilisation plus accentuée des synthétiseurs atmosphériques et modernes et d’une voix d’homme aux consonances indiennes qui pourrait évoquer quelque part le souvenir de Melquiades, réduit à l’état de cadavre en décomposition (à ce sujet, le film nous offre d’ailleurs quelques scènes particulièrement macabres). Le premier affrontement entre Pete et Mike dans ‘Pete Confronts Sheriff’ continue à son tour de développer cette tension avec des synthétiseurs froids, des percussions, des guitares et des cordes dissonantes et agitées, ambiance sombre que l’on retrouve aussi dans les atmosphériques ‘Stalking Mike’ et ‘Shoot Me’. ‘House Building’ ramène alors un peu d’humanité dans la partition avec un très beau rappel du thème de l’amitié lorsque Pete et Mike construisent ensemble la maison de Melquiades à la fin du film, tandis que ‘No Jimenez’ rappelle le thème principal joué de façon plus mélancolique et lente aux guitares et aux cordes, lorsque Pete découvre que Melquiades lui a menti et que sa prétendue ville natale de Jimenez n’existe pas. Le morceau évoque ici le sentiment de trahison que ressent Pete à ce moment là, la musique conservant ainsi continuellement cette facette psychologique typique du score de Marco Beltrami. La partition se conclut sur un rappel très émouvant du thème de l’amitié dans ‘Forgiveness’, réexposé de façon lente et intime aux cordes et aux synthétiseurs lorsque Mike obtient le pardon de Pete à l’issu de leur voyage, aboutissant au très beau ‘Goodbye’ et ses guitares mélancoliques en tierces parallèles, qui évoquent le Mexique à l’issue du voyage, avant qu’un rythme vienne se greffer sur la dernière partie du morceau pour la conclusion du film.

Partition minimaliste aussi émouvante que sombre, ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ dévoile une facette moins connue de Marco Beltrami, son style plus minimaliste et expérimental, bien que le mot soit un peu exagéré par rapport au réel contenu de la partition du film. C’est par son mélange de sonorités instrumentales inattendues que la partition s’avère être expérimentale, l’ensemble demeurant malgré tout assez convenu dans son genre, Beltrami ne révolutionnant pas la musique de film avec cette nouvelle partition. Cela fait néanmoins plaisir de constater que le compositeur s’essaie à nouveau au film d’auteur après avoir fait un petit détour du côté de chez Ole Bornedal pour lequel il nous a offert une partition orchestrale magnifique et poignante pour ‘I Am Dina’. Le score de ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ évoque par ses sonorités un monde de western moderne sans les clichés des sempiternels harmonica ou trompette mariachi, mais avec une petite formation instrumentale restreinte illustrant la psychologie et les différents états émotionnels des deux protagonistes principaux, qui sont véritablement au coeur de la musique de Beltrami. Le score ne surcharge jamais le film, bien au contraire. Il ponctue habilement les scènes-clé tout en se faisant discret durant une bonne partie du film, la preuve qu’une utilisation à bon escient de la musique dans un film est toujours préférable à une avalanche de musique non-stop qui alourdit bien souvent le rythme du film. Certes, ‘The Three Burials of Melquiades Estrada’ n’est pas le nouveau chef-d’oeuvre de Marco Beltrami et ne révolutionne en rien le genre. Mais les qualités indéniables de cette partition nous donnent vraiment envie d’en entendre plus, en espérant que le compositeur d’origine italienne continuera d’oeuvrer à l’avenir sur des films d’auteur du même acabit, qui lui permettront très certainement d’atteindre une maturité musicale que les grosses productions hollywoodiennes ne lui permettent pas toujours.


---Quentin Billard