1-Camille 4.10
2-36 4.00
3-The Armoured Van 3.42
4-Club 3.41
5-Noir Sur Blanc 1.56
6-Seul 1.56
7-Léo et Camille 3.03
8-The Distress 3.18
9-Standby 5.25
10-Les Ecoutes 1.46
11-Strange Mood 3.26
12-Vox Inmenrentis 2.10
13-Accident 2.40
14-Camille Piano 1.00
15-Corvée de Bois 1.27
16-Vengeance 2.40
17-Résolutions 1.11
18-Don't Bring Me Down 4.25*

*Interprété par SIA
Ecrit par Sia Furler
et Blair Mackichan.

Musique  composée par:

Erwann Kermorvant, Axelle Renoir

Editeur:

Milan Records 301 711-4

Pistes 3, 8 et 12:
Musique composée par:
Axelle Renoir

Artwork and pictures (c) 2004 Gaumont. All rights reserved.

Note: ***
36 QUAI DES ORFÈVRES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Erwann Kermorvant, Axelle Renoir
Pour son second long-métrage, Olivier Marchal, ancien policier reconverti dans le cinéma, nous offre un nouveau polar dans la veine de son précédent ‘Gangsters’. ’36 Quai des Orfèvres’ est un drame sombre se déroulant dans le milieu policier (le titre fait référence au célèbre quartier parisien où se trouve le QG de la PJ, près de la Seine). Voilà quelques mois qu’un gang de braqueurs opère dans les rues de Paris en multipliant les attaques de fourgons blindés avec une extrême violence. Robert Mancini (André Dussollier), le directeur de la PJ, ordonne à ses équipes que tout soit mis en oeuvre afin que les bandits soient arrêtés le plus vite possible. Il expose alors clairement la situation à ses deux meilleurs éléments, Léo Vrinks (Daniel Auteuil), patron de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) et Denis Klein (Gérard Depardieu), patron de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme): celui qui arrêtera ce gang deviendra le nouveau grand patron du 36, quai des Orfèvres, alors que Mancini est sur le point de partir à la retraite. Amis dans le passé, Vrinks et Klein sont aujourd’hui rivaux, convoitant tout les deux le poste proposé, à la différence que Klein recherche le pouvoir par dessus tout, tandis que Vrinks, moins ambitieux et plus consciencieux, veut faire son travail correctement. Après avoir obtenu quelques noms par le biais d’indic, les deux flics s’associent le temps d’une opération visant à démanteler le gang des braqueurs pour de bon, en attendant la sortie des truands pour les prendre en filature. Mais l’opération tourne à la catastrophe lorsque Klein, impulsivement, décide de sortir de sa planque et de tirer sans sommation, provoquant une violente fusillade entre les truands et les flics. L’un d’eux, Eddy Valence (Daniel Duval), le meilleur ami de Léo, est abattu au cours de la fusillade. Les réactions ne tardent pas à se faire attendre: Léo et ses compagnons de la BRI accusent Klein d’avoir provoqué la mort d’Eddy, Léo décidant de témoigner contre son ancien ami devant la commission qui décidera de l’implication de Klein dans cette bavure policière. Klein contre-attaque en obtenant un renseignement au sujet de Léo, alors que ce dernier se serait fait piéger par l’un de ses indic et aurait couvert un meurtre commis par ce dernier devant ses yeux. Entre les deux hommes, c’est l’escalade de la haine, alors que Klein se rapproche de son objectif: devenir le nouveau patron de la PJ.

’36 Quai des Orfèvres’ s’inspire d’une série de faits réels survenus pour la plupart dans les années 80, alors qu’Olivier Marchal était encore un policier. Par exemple, la scène de l’opération contre le gang des braqueurs qui tourne à la tragédie s’inspire d’un fait similaire survenu dans la rue du Dr. Blanche à Paris au milieu des années 80. Marchal confère à son film un parfum d’authenticité, du bien évidemment à sa grande connaissance du milieu policier, un univers que l’on s’imaginait respectable et que l’on découvre ici sous son mauvais angle, dans cette sombre histoire mélangeant amitié, trahison, violence, manipulation, vengeance et corruption sur fond de guerre des polices et de lutte pour le pouvoir. Le face à face Daniel Auteuil/Gérard Depardieu est orchestré avec maestria, le réalisateur avouant s’être inspiré du fameux ‘Heat’ de Michael Mann et de l’affrontement entre Al Pacino et Robert De Niro (parmi ses films de référence, Marchal cite aussi ‘Sea of Love’ avec Al Pacino et Ellen Barkin) pour tourner cet impressionnant affrontement entre deux monstres sacrés du cinéma français. Le ton sombre et extrêmement pessimiste du film est totalement révélateur du passé policier du réalisateur, qui doit en avoir vu de toutes les couleurs pour nous livrer un film aussi noir et radical, à tel point que l’on se demande parfois si le ton dramatique du film n’est pas un exagéré et poussé au maximum de son réalisme. La mise en scène de Marchal est sans grande originalité, le réalisateur manquant clairement de personnalité dans sa manière de filmer (on ne le sent pas encore très à l’aise). En revanche, sa direction d’acteur est impeccable, même parmi les seconds rôles, tous très convaincants et réalistes (à noter la présence de Valeria Golino, superbe actrice italienne qui fait sa troisième apparition depuis 2004 dans un film français depuis ‘San Antonio’ et ‘Alive’). Cette énième variante de ‘la guerre des polices’ (autre film de référence, avec Claude Brasseur et Claude Rich) nous prouve en tout cas que le genre du polar à la française n’a pas perdu de sa vitalité et a encore un bel avenir en France!

La musique de ‘36, Quai des Orfèvres’ a été confié à Erwann Kermorvant et Axelle Renoir. Le premier est connu pour avoir écrit la musique de ‘Mais qui a tué Pamela Rose?’ du duo Kad et Olivier, la seconde est une chanteuse de variété française qui a déjà écrit auparavant la musique du précédent film d’Olivier Marchal, ‘Gangsters’ (2002) ainsi que les chansons originales du film ‘Les jolies choses’ (2001) avec Marion Cotillard et Patrick Bruel. A l’écoute de la musique dans ’36, Quai des Orfèvres’, on est immédiatement frappé par la surabondance de musique tout au long du film: jamais un seul moment de respiration ou de pause, la musique est entendu de façon continue tout au long du film, à tel point qu’elle finit par alourdir les images et le rythme du récit, tout en gâchant le côté réaliste de l’histoire. On sent curieusement ici une certaine volonté d’imiter un style musical indéniablement hollywoodien, et pour cause : lorsque le producteur Hugues Darmois demander à Kermorvant ce qu’il voyait comme musique, il parla d’un ‘climat assez lourd et mystérieux, quelque chose à la Craig Armstrong’. Effectivement, la ressemblance stylistique avec Craig Armstrong paraît évidente, le score de ‘36’ se rapprochant par moment de celui de ‘Bone Collector’ de Armstrong de par son côté radicalement noir, pesant, mélancolique et mystérieux. Le compositeur cite aussi parmi ses sources ‘Heat’ d’Elliot Goldenthal, ‘Road to Perdition’ de Thomas Newman et ‘State of Grace’ d’Ennio Morricone, autant de références musicales qui viennent étayer la partition de Kermorvant et Renoir. Le compositeur utilise essentiellement un orchestre à cordes en excluant les bois et les cuivres, ajoutant au pupitre de cordes un piano, une pléiade de synthétiseurs et une voix féminine dramatique. La partition repose sur une série de thèmes à commencer par le très beau ‘Camille’, thème de piano/cordes au lyrisme franc et poignant, associé à la femme de Vrinks interprétée par Valeria Golino. A noter que ce thème apparaît tardivement dans le film, pour la scène où Vrinks voit Camille pour la dernière fois avant que cette dernière ne soit tuée. Puis, toute la seconde partie du film n’est quasiment accompagnée que de cette mélodie de piano qui revient inlassablement, comme une sorte de refrain obsédant symbolisant la souffrance et le désir de vengeance de Vrinks. ‘Seul’ nous permet d’entendre le second thème de la partition, que l’on entend en fait au tout début du film, alors que l’on voit Vrinks pleurer sur son lit en prison, thème mélancolique de piano/cordes qui évoque ici la solitude de Vrinks après la mort de sa femme. D’autres motifs parcourent l’ensemble de la partition comme le motif de suspense aux cordes graves de ‘Vengeance’ qui possède un côté très Hans Zimmer, soutenu par ses rythmiques électroniques toujours très présentes, qui ne sont pas sans rappeler maints partitions de chez Media-Ventures.

Signalons que l’électronique est sans aucun doute l’un des axes majeurs de la partition de ‘36’, Kermorvant et Renoir utilisant loops électro, samples, rythmiques synthétiques, et ce dès le début du film. ‘Seul’ ouvre le film en introduisant le thème mélancolique de Vrinks, puis le morceau part très vite dans un style plus sombre et mystérieux avec ce caractère pesant et mélancolique et ces mélanges cordes/synthétiseurs, tout cela nous renvoyant clairement au ‘Bone Collector’ de Craig Armstrong. La musique surprend dès l’ouverture du film par son côté sombre et pesant, apportant une certaine intensité dramatique aux images d’une ouverture qui aurait pu rester bien plus banale sans l’appui (très forcé) de la musique de Kermorvant. Mais, très vite, on comprend que cette intensité n’est pas tellement du à la musique mais plus à son utilisation dans le film, où elle tend à alourdir considérablement la plupart des séquences alors qu’une meilleure gestion des pauses aurait été la bienvenue (trop de musique tue la musique! Olivier Marchal aurait du le savoir!). Le reste des morceaux ne fait donc que confirmer l’orientation dramatique et mystérieuse de la musique, avec des pièces comme ‘The Armoured Van’ d’Axelle Renoir pour la scène de l’attaque du fourgon blindé au début du film, morceau à base de sonorités électroniques assez froides, de samples/rythmiques électro et de cordes à la Craig Armstrong, les rythmiques apportant ici une pulsation intéressante sur la scène, comme dans ‘36’ où les cordes deviennent plus pesantes et inquiétantes, instaurant un malaise dans le film, le tout sur fond de loop électro. Un morceau comme ‘The Distress’ est plus représentatif de la tonalité sombre du film, avec ses cordes graves, sa guitare et ses ostinati rythmiques électroniques toujours omniprésents. A noter l’utilisation d’une voix féminine mystérieuse, que l’on retrouve dans le très sombre ‘Standby’ pour la scène de l’échec de l’opération de police vers la première partie du film. Les cordes deviennent quasiment funèbres et toujours aussi pesantes, tandis que les synthétiseurs affirment leur côté froid et dépressif, très vite rejoint par la voix féminine éthérée qui apporte une dimension dramatique excellente durant la scène où Eddy Valence est abattu par l’un des truands (dans le genre dramatique et mélancolique, impossible de passer à côté du poignant ‘Accident’ et ses cordes plaintives amplifiées par l’apport des voix). Idem pour ‘Les écoutes’ avec ses cordes pesantes et parfois dissonantes, sans oublier ‘Strange Mood’ et son atmosphère électronique extrêmement froide, inquiétante et mystérieuse. Heureusement, la partition nous réserve quelques beaux moments d’émotion comme le très beau ‘Léo et Camille’ pour une scène d’amour entre les deux personnages, accompagné sobrement par un piano et quelques cordes chaleureuses.

La partie finale met en avant le thème de Camille que l’on retrouve dans ‘Camille Piano’ tandis que ‘Résolutions’ nous permet d’entendre un nouveau motif de cordes mystérieux qui annonce la conclusion sombre et dramatique de cette histoire. Dommage que l’album ne propose pas plus de variantes du thème de Camille alors que dans le film, ce dernier est quasiment omniprésent (peut-être un peu trop d’ailleurs) durant toute la dernière partie du long-métrage. On pourra d’ailleurs reprocher au passage cette utilisation un peu répétitive et lourde du thème qui, à force de revenir trop souvent vers la fin du film, finit par perdre de son intérêt tout en devenant prévisible et émotionnellement un peu poussif. Comme il l’a déjà été signalé un peu plus haut, il y a beaucoup de musique dans le film et très peu de moment de respiration, un fait d’autant plus étonnant que la plupart des films français n’utilisent bien souvent les musiques originales qu’avec parcimonie, du moins était-ce le cas à une certaine période. Il est quand même regrettable de constater à quel point la musique de film française tend dangereusement à s’américaniser et à perdre sa propre personnalité et son identité. Même la partie composé par Axelle Renoir sonne très ‘hollywoodien’ d’esprit, surtout avec l’utilisation caractéristique des synthétiseurs et des rythmiques modernes. Avec un film de cet acabit, on se serait attendu à une musique plus surprenante et moins ‘hollywoodienne’, mais il n’en est rien! Décidément, elle est bien loin l’époque des musiques de polar expérimentales comme le ‘Police Python 357’ de George Delerue! Mais ne soyons pas trop sévère, car malgré ses nombreux défauts (trop de musique dans le film, thème trop excessivement utilisé vers la fin du film, style musical assez impersonnel et très U.S., entre Media-Ventures et Craig Armstrong, etc.), le score de ’36 Quai des Orfèvres’ confirme le talent d’Erwann Kermorvant qui, s’il parvient à l’avenir à se libérer de ses influences musicales hollywoodiennes encore trop évidentes pour l’instant (on pourrait faire le même constat au sujet du compositeur Alexandre Azaria), pourrait nous surprendre agréablement et nous offrir quelques grandes pages musicales pour de futurs productions françaises ou européennes. Croisons les doigts et voyons ce que l’avenir réserve à ce compositeur!


---Quentin Billard