1-Opening Titles/Blood Drips 2.47
2-The Glacier 3.02
3-Kay's Theme 3.41
4-Kay's Bag 2.15
5-Fog 5.12
6-Will Hides The Gun 2.11
7-Call To Hap's Widow 3.43
8-Crimescene 2.23
9-The Dead Dog 3.30
10-Walter's Phone Call 3.22
11-Kay's Funeral 1.19
12-Walter's Apartment 3.36
13-Ellie's Theme 1.50
14-Will Confronts Walter 2.42
15-Will's Confession 2.33
16-Walter's Lake House 5.47
17-"Let Me Sleep" 2.42
18-Closing Titles 4.05

Musique  composée par:

David Julyan

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6357

Produit par:
David Julyan
Producteur exécutif:
Robert Townson
Programmation et synthétiseur:
David Julyan
Montage musique:
Alex Gibson
Coordination de la musique:
Maggie Rodford, Becky Bentham
for Air-Edel Associates Limited
Préparation de la musique:
Dakota Music Service

(p) (c) 2002 Insomnia Productions, L.P. All rights reserved.

Note: ***
INSOMNIA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by David Julyan
Après la claque cinématographique que représentait ‘Memento’ en 2000, Christopher Nolan était véritablement attendu au tournant pour son nouveau film. Avec ‘Insomnia’, le réalisateur britannique décida de s’attaquer au remake d’un thriller norvégien éponyme datant de 1997. Will Dormer (Al Pacino) et Hap Eckhart (Martin Donovan), deux détectives de Los Angeles, sont envoyés en Alaska pour enquêter sur le meurtre d’une jeune adolescente qui a défrayé la chronique dans une petite bourgade où il ne se passe généralement pas grand chose d’ordinaire. Au cours d’une poursuite dans un brouillard à couper au couteau, Will abat accidentellement son partenaire, Hap, qu’il a confondu avec le tueur qu’il était en train de pourchasser. Il se trouve qu’Hap était sur le point de révéler à ses supérieurs d’importantes informations qui risquaient de compromettre Will dans une affaire sur laquelle enquête l’IGS. Pris de panique, Will ramasse le pistolet qu’a laissé tomber le tueur et le place près du corps de Hap afin de faire accuser le tueur à sa place, convaincu que de toute évidence, personne ne croira à l’accident. Peu de temps après, Will est contacté par un certain Walter Finch (Robin Williams) qui se trouve être l’assassin de la jeune adolescente que Will poursuivait dans le brouillard le jour du drame. Walter décide de le faire chanter en affirmant avoir été témoin de la scène et lui propose le marché suivant : Will devra l’innocenter en faisant accuser à sa place l’ancien petit ami de l’adolescente. Il devra créer de fausses preuves afin de le faire passer pour le meurtrier de la jeune fille. S’il ne respecte pas le deal, Walter ira dénoncer Will à la police. Ce dernier, rongé par les remords, commence à souffrir d’insomnies chroniques, alors que la nuit ne tombe jamais dans cette région d’Alaska. Maintenant qu’il a de moins en moins les idées claires, Will devient plus vulnérable et entame une longue descente aux enfers, toujours autant tourmenté par sa conscience et son envie de mettre un terme aux sombres desseins de Walter.

Le scénario, identique au film d’Erik Skjoldbjaerg, nous dévoile une trame policière originale, un face à face entre un Al Pacino magistral et un Robin Williams totalement inattendu dans le rôle du meurtrier maître-chanteur. L’acteur rompt ici avec son image traditionnelle de comique et campe un manipulateur froid et rusé, avec en face de lui un Al Pacino totalement désabusé et cynique, qui joue à merveille le policier rongé par les remords et ses crises d’insomnie qui finissent par lui détruire la santé (à noter aussi la présence de l’excellente Hilary Swank dans le rôle de la jeune policière débutante qui voue une certaine admiration pour le vétéran Will). A l’instar de ‘Memento’, ‘Insomnia’ est porté par une mise en scène lente et froide, une photographie mettant en avant la lumière, mais sous un angle oppressant. D’habitude, les polars se déroulent très souvent la nuit, mais ici, Nolan a décidé de détourner l’utilisation de la lumière du jour pour en faire quelque chose d’oppressant, d’obsessionnel, d’où une atmosphère résolument pesante et inexorablement déprimante tout au long du film. Décidément, après le coup de maître de ‘Memento’, Christopher Nolan se révèle être un metteur en scène inspiré car il a une fois de plus réussit à donner une vraie consistance à son film, bien loin de la banalité des thrillers hollywoodiens traditionnels. La densité psychologique du récit et de son déroulement lent et oppressant en font un vrai bijou du genre, un polar intense et noir comme on en avait pas vu depuis des lustres à Hollywood (au moins depuis les débuts de Bryan Singer avec ‘Usual Suspects’ en 1995, avant que ce dernier ne tombe dans la routine hollywoodienne des ‘X-Men’). A travers l’insomnie du protagoniste principal, Nolan explore les thèmes de la culpabilité et s’interroge au passage sur le droit de faire du mal pour servir une bonne cause, inversant le traditionnel schéma du gentil héros intègre face au méchant pervers et machiavélique. Ici, Al Pacino tient plus de l’anti-héros que du bon flic intègre, rongé par une culpabilité qui l’empêche de dormir, l’insomnie symbolisant sa propre conscience qui le torture intérieurement et le tient éveillé. Avec son ton très introverti, sa lumière froide et obsédante et son atmosphère oppressante, lente et pesante, ‘Insomnia’ est bel et bien une nouvelle grande réussite de la part d’un Christopher Nolan plus que jamais inspiré, décidément très à l’aise dans le registre du polar!

Après ‘Following’ et ‘Memento’, Christopher Nolan retrouve son compositeur attitré David Julyan sur ‘Insomnia’, pour lequel le musicien anglais nous offre une partition froide et pesante, toute à l’image du film lui-même. Essentiellement dominée par les cordes avec quelques synthétiseurs, la musique de ‘Insomnia’ traduit à son tour cette atmosphère froide et oppressante par des notes qui semblent bien souvent flotter dans les airs de façon vaporeuse et obscure. Le compositeur a décidé de délaisser les traditionnels effets de suspense indissociables des musiques de thriller hollywoodiennes pour se concentrer essentiellement autour d’une ambiance plutôt psychologique et envoûtante. Dès l’ouverture du film (‘Opening Titles/Blood Drips’), la musique s’impose par son ton froid et sombre dominé par des cordes atmosphériques, de percussions discrètes et des sonorités électroniques totalement dénuée de chaleur, alors que l’on aperçoit lors d’un travelling les premiers décors de l’Alaska et de ses glaciers (‘The Glacier’). Deux thèmes traversent la partition de façon très discrète et introvertie. Le premier, ‘Kay’s Theme’, est associé au meurtre de la jeune fille sur lequel enquête Will et Hap. Dominé par des nappes de synthétiseurs froides et de cordes, ce thème apporte un parfum de mort et de mystère profond au film, entendu dès la scène où Will et Hap fouillent dans la maison de Kay à la recherche d’éventuels indices. On ressent une mince touche d’espoir dans ‘Kay’s Bag’ où les cordes énergiques et rythmées sont nuancées par un côté toujours un peu mystérieux lié à l’enquête sur l’assassinat de la jeune Kay. Puis, très vite, la tension revient avec ‘Fog’ pour la poursuite dans le brouillard au début du film. Julyan met ici l’accent sur les percussions et les synthétiseurs sombres et atmosphériques, le rythme s’accélérant, la tension montant brusquement d’un cran avec le côté plus dissonant de la musique et toujours cette même froideur dans la musique, ce que semble confirmer les morceaux suivants que sont ‘Will Hides The Gun’ (scène où Will, après avoir abattu Hap, pose le pistolet du tueur près du corps de son partenaire) et le mélancolique ‘Call To Hap’s Widow’ où Julyan nous fait entendre le thème mélancolique aux cordes associé à Will (et qui, curieusement, rappelle vaguement un thème entendu dans ‘Spy Game’ de Harry Gregson-Williams). Ici aussi, la musique de Julyan se place selon le point de vue du personnage, retranscrivant ses tourments intérieurs, son état psychologique. Dans ‘Call To Hap’s Widow’, la musique apporte une certaine tristesse poignante à la scène où Will téléphone à la femme de Hap pour lui annoncer une bien triste nouvelle. La musique n’en fait donc jamais de trop et conserve en continu ce ton retenu, psychologique et dense.

‘Crimescene’ reprend le mélange cordes/synthé avec l’ajout d’un piano et d’une harpe qui viennent un peu étoffer la formation instrumentale utilisé par le compositeur, tandis que la scène du cadavre du chien (‘The Dead Dog’) est illustrée à son tour par des sonorités électroniques plus blafardes et glauques qui ne cessent d’appesantir le climat déjà bien sombre et oppressant du film de Christopher Nolan. Idem pour ‘Walter’s Phone Call’ lorsque Walter téléphone à Will et lui rappelle leur deal, et ce au moment où Will commence à souffrir de ses insomnies à répétition. Les synthétiseurs et les cordes se veulent ici plus menaçantes voire dissonantes, tandis que le piano, plus chaleureux, évoque l’ancien bon policier que fut autrefois Will, et qui aujourd’hui est harassé par ses propres remords (et, de ce fait, par son incapacité grandissante à avoir les idées claires). On retrouve de temps à autre un ton plus mélancolique et dramatique avec par exemple ‘Kay’s Funeral’ (scène où Will se rend aux funérailles de Kay et rentre en contact avec son ancienne amie) et ses cordes moroses (idem pour le mélancolique et grave ‘Ellie’s Theme’ qui évoque l’amère désillusion du personnage d’Hilary Swank à l’égard de Will, son mentor), mais c’est le côté plus oppressant, lent et atmosphérique d’un morceau comme ‘Walter’s Apartment’ qui domine ici, avec son travail autour des sonorités électroniques et ses cordes froides, lorsque Will se rend dans l’appartement de Walter pour y cacher des preuves compromettantes. La rencontre entre Will et Walter est illustrée de façon froide et sombre dans ‘Will Confronts Walter’ sans jamais tomber dans de la dissonance manichéenne, Julyan préférant illustrer cette scène de dialogue entre le policier et le tueur sur un ton plus ambigu, plus nuancé. On retrouve ensuite le thème mélancolique de Will aux cordes dans ‘Will’s Confession’ lorsque ce dernier se confesse à la jeune femme de l’hôtel (Maura Tierney), probablement trop écrasé par son manque de sommeil et ses remords pour pouvoir continuer à garder pour lui tout ce qui le hante depuis trop longtemps déjà. Une fois encore, la musique adopte ce point de vue psychologique qui joue en faveur de l’atmosphère pesante du film de Nolan. A noter que l’on retrouve les cordes énergiques et plus extraverties de ‘Kay’s Bag’ dans ‘Walter’s Lake House’ lors de l’affrontement final qui débouche sur un mélancolique ‘Let Me Sleep’ où le thème de Will revient une dernière fois de façon toujours aussi poignante et mélancolique (- attention spoiler - ), mais avec un ton plus paisible, Will trouvant enfin le repos dans la mort. ‘Closing Titles’ conclut finalement le score et le film avec un orchestre plus dense et dramatique, comme pour rappeler une dernière fois l’issue tragique du film.

Ceux qui ont apprécié le travail de David Julyan sur ‘Memento’ devraient être aux anges avec ‘Insomnia’, tant le compositeur se plaît à développer ce genre d’atmosphère froide et pesante. Il est certain que le score de ‘Insomnia’ aura bien du mal à s’imposer parmi le public béophile à cause de son côté lent, monotone et répétitif, mais ceux qui apprécient les scores atmosphériques et moroses pourront se régaler avec cette partition électronico-orchestrale modeste et toute en retenue, une musique introvertie et psychologique qui sied à merveille à l’ambiance du film de Christopher Nolan et nous donne vraiment envie d’en entendre plus de la part des deux compères, et ce même si l’ensemble n’a rien de franchement extraordinaire!


---Quentin Billard