1-Organ Prelude 3.12
2-Tales from the Hood 3.02
3-Rogue Cop Revelation 10.46
4-Boys Do Get Bruised 13.47
5-KKK Comeupance 10.29
6-Hard Core Convert 8.54
7-Chorale Postlude 2.38

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Edition promotionnelle
CD96001

Produit par:
Christopher Young,
Douglass Fake

(c) 1995. All rights reserved.

Note: ***1/2
TALES FROM THE HOOD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
On connaissait déjà le film à sketch à travers quelques grands classiques du genre tels que ‘Tales from the Crypt’, ‘Creepshow’, ‘Body Bags’, ‘Tales from the Darkside’ ou bien encore le plus récent ‘Terror Tract’. ‘Tales from the Hood’ se présente à son tour comme une variante de ce genre de contes horrifiques transposé dans l’univers des afro-américains. Stack (Joe Torry), Ball (De’aundre Bonds) et Bulldog (Samuel Monroe Jr.), trois jeunes dealers noirs, débarquent un soir chez Mr. Simms (Clarence Williams III), sinistre croque-mort qui dirige les Pompes Funèbres de la ville, afin de lui extorquer de la drogue qu’il aurait caché chez lui. Mais le très rusé Simms retarde l’échéance et décide de conter à ces trois voyous de bien sombres histoires en faisant le tour des cadavres qu’il garde au fond de ses cercueils qui n’ont pas encore été posés sous terre. Comme l’indique une phrase sur le descriptif du film à l’arrière du DVD, ‘même les morts ont des histoires à raconter’. La première histoire met en scène trois flics corrompus et une jeune recrue encore innocente, Clarence (Anthony Griffith). Le jeune policier noir assiste un soir au passage à tabac par ses trois collègues de Martin Moorehouse (Tom Wright), activiste noir qui dénonce la corruption de certains flics ripoux. Les flics mettent Clarence à l’écart et emmènent Martin dans un coin isolé où ils déposent de la drogue dans sa voiture avant de l’envoyer dans une rivière. Les policiers forcent alors Clarence à ne rien révéler de ce qu’il a vu ce soir là. Un an plus tard, le jeune policier a donné sa démission et s’est réfugié dans l’alcool, mais il commence à entendre des voix d’outre-tombe, celle de Martin Moorehouse, qui, de l’au-delà, lui demande de lui amener les trois flics ripoux. Clarence exécute l’ordre et les trois flics sont alors pourchassés par Martin, devenu un mort-vivant assoiffé de vengeance. La seconde histoire met en scène le jeune Walter (Brandon Hammond), jeune enfant noir qui se fait un jour remarquer par son instituteur à cause des traces de coup qu’il porte au visage. Walter lui raconte que c’est le monstre qui vient le voir la nuit qui lui a fait ça, et que s’il le dessine sur une feuille et déchire ensuite le papier, il pourra peut-être tuer le monstre. Intrigué par cette bien étrange histoire, l’instituteur se rend chez Walter et découvre que son père roue de coup sa femme et son enfant, qui a confondu son propre père avec ce qu’il s’imaginait dans son jeune esprit être un ‘monstre’. Mais il semblerait néanmoins que Walter possède le sinistre pouvoir de blesser ou de tuer les gens à partir de dessins ensorcelés. La troisième histoire met en scène Duke Metger (Corbin Bernsen), sénateur américain connu pour être un raciste notoire qui habite dans une vieille demeure qui appartenait autrefois à un riche propriétaire esclavagiste qui massacra des centaines d’esclaves noirs à la suite d’un coup de folie. Les habitants du coin surnomment cette somptueuse bicoque la ‘maison des poupées’, car on raconte que les âmes des esclaves seraient détenues dans des poupées cachées à l’intérieur de la maison. Lorsque Duke perd son conseiller en communication qui se tue en tombant accidentellement dans les escaliers après avoir glissé sur une des fameuses poupées, le sénateur finit par comprendre que le mythe est bel et bien une bien sinistre réalité à laquelle il va devoir faire face, traqué par les poupées qui cherchent à se venger du sort qu’elles ont subies autrefois.

Enfin, la dernière histoire met en scène un jeune noir nommé Crazy K (Lamont Bentley) qui a assassiné beaucoup de ses semblables au cours de règlements de compte entre gang, et qui abat un soir un autre noir devant son propre domicile, avant d’être rattrapé par les amis de la victime et massacré sur le sol. Peu de temps après, Crazy K, qui a survécu, est envoyé dans un centre de recherche expérimentale secret où des médecins vont lui faire subir un programme spécial censé le ramener de force sur le droit chemin et gommer ainsi ses troubles du comportement. Mais Crazy K, abreuvé de force d’images d’une violence insoutenable, persiste et refuse d’être sauvé. Il trouve alors la mort qu’il mérite. Le film se conclut lorsque Mr. Simms révèle à ses trois extorqueurs de drogue sa véritable identité. Le film de Rusty Cundieff nous propose quatre contes horrifiques d’un intérêt inégal mais qui aborde quelques thèmes de société graves comme le racisme, la corruption, les violences conjugales ou le problème de la violence chez les jeunes. En filmant ses histoires à l’intérieur du monde des noirs afro-américains, le réalisateur/acteur Rusty Cundieff nous propose une variante étonnante et très intéressante du film à sketch horrifique, parsemé de quelques passages gores et d’une histoire – la 4ème – qui s’inspire beaucoup d’une scène de l’anthologique ‘A Clockwork Orange’ de Stanley Kubrick. ‘Tales from the Hood’ n’a rien d’un chef-d’œuvre du genre mais possède néanmoins un réel potentiel et une atmosphère crasseuse qui met le spectateur constamment mal à l’aise, une ambiance diabolique et sinistre qui doit beaucoup à l’interprétation quasi hallucinée de Clarence Williams III, acteur noir habitué aux séries TV que l’on aimerait voir bien plus souvent sur des films de cette envergure.

‘Tales from the Hood’ était le film parfait pour Christopher Young, le compositeur étant un indécrottable habitué des musiques de film d’horreur/thriller. Avec le long-métrage de Rusty Cundieff, Young s’en est donné à cœur joie en nous livrant une nouvelle partition horrifique pas vraiment très originale mais toujours aussi impressionnante, efficace et terrifiante à souhait! Le score s’ouvre au son d’un ‘Organ Prelude’ gothique à souhait, pièce pour orgue solo ancré dans une ambiance musique de cathédrale un brin baroque sur les bords, qui rappelle certaines musiques de film d’horreur rétro des années 50 (à noter que l’orgue est interprété ici sur des synthétiseurs à partir de samples d’orgue), une introduction idéale pour rentrer dans cette histoire diabolique de fantômes et de malédictions. Avec le morceau ‘Tales from the Hood’, Chris Young dévoile son thème principal introduit par un violon solo qui joue le fameux intervalle du triton surnommé ‘diabolus in musica’, un symbole musical traditionnellement utilisé pour évoquer le diable en musique. Puis, une chanteuse alto soliste entame un chant mystérieux accompagné par un violoncelle dans un registre envoûtant et mystérieux avant que le thème principal, déjà annoncé dans ‘Organ Prelude’, soit repris ici par des choeurs en latin sur fond d’orchestre, les choeurs chantant à l’unisson et en homorythmie, formant un seul bloc vif et solide, dans un genre qui rappelle ici aussi certaines musiques de films d’horreur à l’ancienne tendance ‘The Omen’ de Goldsmith, mais ici sans le côté dissonant (à noter que le thème des choeurs intervient dans le film lors du final uniquement). Avec ses deux premiers morceaux mystérieux, Christopher Young nous plonge dans une ambiance sombre et inquiétante qui annonce déjà clairement la couleur et nous offre quelques pistes sur ce qui va suivre. Les morceaux accompagnent en réalité les 4 histoires complètes, chaque morceau possédant ses propres caractéristiques, ses propres motifs et ses propres sonorités et atmosphères. Ainsi, le premier récit est illustré par ‘Rogue Cop Revelation’, pièce de plus de 10 minutes accompagné par une petite rythmique jazzy (batterie, basse, piano, flûte) suggérant discrètement les couleurs du jazz américain noir traditionnel mais dans un registre ici plutôt ‘free jazz’ expérimental. Les dissonances sont multiples, le piano joue continuellement des clusters et la batterie semble suggérer le chaos imminent, le tout entouré de quelques sonorités électroniques brumeuses, dissonantes et sinistres à souhait. Aucun doute possible, on est ici à fond dans le style suspense/horreur typique du compositeur, Young s’adonnant une fois de plus à ses expérimentations musicales qu’il affectionne tant.

‘Boys Do Get Bruised’ accompagne la seconde histoire du jeune Walter et du ‘monstre’ qui le violente quotidiennement. Le morceau (qui avoisine les 14 minutes) s’ouvre au son d’un nouveau motif plus fragile et mélancolique associé à Walter, introduit par un vibraphone sur fond d’accordéon et de cordes, un thème lent, fragile et mystérieux à la fois qui rappelle par moment certains scores de Pino Donaggio ou Bernard Herrmann. A vrai dire, ‘Boys Do Get Bruised’ se rapproche beaucoup de Bernard Herrmann par ses sonorités orchestrales et ses cordes froides, dissonantes et envoûtantes. Puis, très vite, la musique semble s’emballer et suggère la terreur qu’inspire le monstre au jeune enfant brutalisé. On y retrouve un travail de cordes dissonantes et atonales qui rappelle ses précédents efforts dans le domaine des thrillers et films d’horreur (‘Hider in the House’, ‘The Dark Half’, ‘Jennifer 8’, etc.), la seconde moitié du morceau débouchant sur un déchaînement orchestral de terreur qui ravira les fans des musiques horrifiques de Chris Young, et qui apporte une brutalité impressionnante à la seconde moitié (déjà très violente) de cette terrible histoire d’enfant battu par son père. A noter que le morceau se conclut sur une dernière reprise du thème mystérieux de Walter, qui semble alors suggérer quelque chose de moins ‘innocent’ qu’on aurait pu le penser au premier abord.

‘KKK Comeupance’ accompagne la troisième histoire, celle du sénateur raciste Duke Metger traqué par des poupées contenant les âmes des esclaves noirs en quête de vengeance. On retrouve ici le motif de triton du violon qui servait d’introduction dans ‘Tales from the Hood’, et qui suggère ici la menace des poupées maléfiques, associé à un motif de piano particulièrement sombre et grave. L’ambiance paraît plus fantomatique et moins orchestrale que le morceau précédent, Young jouant davantage sur les couleurs comme les clusters de piano en écho (à noter que Young utilise ici deux pianos), les effets de percussions diverses, les glissendi sinistres et les bourdonnements de cordes empruntés au score de ‘The Vagrant’, les effets électroniques étranges, le jeu très staccato et rebondi du violon soliste qui s’en donne ici à coeur joie, et les deux voix féminines étranges et fantomatiques, symbolisant la menace des âmes maléfiques. On retrouve ici un style expérimental/avant-gardiste cher au compositeur, qui met ici toute sa science musicale ‘moderniste’ au service d’une atmosphère étrange et angoissante dans un registre très clairement orienté vers le suspense et les montées de tension, une sorte de jeu du chat et de la souris qui doit beaucoup, comme souvent chez Young, aux grands musiciens avant-gardistes de la musique ‘contemporaine’ du 20ème siècle. On pense aussi très clairement ici au style de sa pièce bruitiste/concrète pour 'Holy Matrimony' (enregistrée sur l'album du score de 'Max and Helen').

‘Hard Core Convert’ accompagne alors la quatrième et dernière histoire, celle de Crazy K et de sa tentative difficile de ‘reconversion’ par un traitement de choc qui s’apparente plus à de la torture. Le morceau délaisse l’orchestre pour se concentrer autour d’une atmosphère électronique plus sinistre et déshumanisé. Young continue d’expérimenter et nous plonge dans une sorte de cauchemar musical suffocant à base de sonorités électroniques diverses et variées, que ce soit les nappes sombres pesantes, les quelques effets de cordes dissonantes et stridentes ou les sonorités synthétiques bizarres et angoissantes (on est guère loin par moment de la musique rejetée de Young pour ‘Invaders from Mars’ ou celle de sa pièce de musique concrète pour ‘Masses’ que l’on trouve sur l’album du score de ‘Max and Helen’. La seconde moitié du morceau accompagne le déferlement psychédélique et chaotique d’images violentes devant les yeux du jeune criminel à l’aide de loops électros étranges dans un style plus ‘industriel’. On ressent de plus en plus au fil du morceau cette ambiance oppressante et suffocante dans cette pièce 100% expérimentale particulièrement déstabilisante et proprement impressionnante dans la séquence en question du film. ‘Chorale Postlude’ conclut le film de façon plus conventionnelle, Young réutilisant une dernière fois le thème des choeurs de ‘Tales from the Hood’ sur fond d’orchestre plus massif et enlevé, aboutissant à une conclusion énergique et solide.

En écoutant le score de ‘Tales from the Hood’ sur l’excellent album promo publié par Intrada, on sent à quel point Christopher Young s’est fait plaisir en écrivant la musique du film de Rusty Cundieff. Le compositeur a eu une certaine liberté pour expérimenter et renouer avec un genre avant-gardiste qu’il affectionne tant, multipliant les ambiances diverses et variées avec ce souci constant de l’expérimentation jamais gratuite mais toujours ancrée au plus profond des images du film, que ce soit l’orgue gothique de ‘Organ Prelude’, les chœurs sataniques de ‘Tales from the Hood’ et ‘Chorale Postlude’, le free jazz atonal et dissonant de ‘Rogue Cop Revelation’, l’orchestre chaotique et ‘suspense’ de ‘Boys Do Get Bruised’, le mélange percussions/2 pianos/voix/violon étrange de ‘KKK Comeupance’ ou les bizarreries électroniques et oppressantes de ‘Hard Core Convert’. On pourra peut-être reprocher au compositeur le côté un peu fourre-tout de sa partition, même si Young accentue néanmoins le travail autour des thèmes et motifs, qui sont mineurs mais néanmoins présents, bien que l’unité thématique de la partition aurait cependant peut-être gagné à être davantage approfondie. Voilà en tout cas un score très intéressant signé Christopher Young, une partition expérimentale et terrifiante à réserver en priorité aux aficionados du compositeur et à ceux qui apprécient les atmosphères atonales et étranges chères au compositeur!


---Quentin Billard