1-Remember Remember 6.42
2-Cry Me A River 2.48*
3-"...Governments Should Be
Afraid of Their People..." 3.11
4-Evey's Story 2.48
5-Lust At The Abbey 3.17
6-The Red Diary 7.33
7-Valerie 8.48
8-Evey Reborn 3.50
9-I Found A Reason 2.02**
10-England Prevails 5.44
11-The Dominoes Fall 5.28
12-Bird Gerhl 3.17***
13-Knives and Bullets
(And Cannons Too) 7.33

*Interprété par Julie London
Ecrit par Arthur Hamilton
**Interprété par Cat Power
Ecrit par Lou Reed
***Interprété par
Antony & The Johnsons
Ecrit par Antony Hegarty

Musique  composée par:

Dario Marianelli

Editeur:

Astralwerks ASW 58414
0946 3 58414 2 8

Directeurs de la musique pour
Warner Bros. Pictures:
Gary LeMel, Doug Frank
& Carter Armstrong
Producteurs exécutifs de l'album:
Errol Kolosine, Dario Marianelli
Directeur du soundtrack pour EMI:
Lisa Wohl
Album Business Affairs:
Keith Zajic, David Tockman,
Dan Butler

Montage musique:
Peter Clarke
Montage additionnel:
James Bellamy
Assistants de Dario Marianelli:
Bradley Miles, David Walter
Préparation de la musique:
Tony Stanton
Manager du projet:
Ashley Warren

Artwork and pictures (c) 2006 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: **1/2
V FOR VENDETTA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Dario Marianelli
Adaptation très réussie de la bande dessinée homonyme d’Alan Moore écrite en 1981 et illustrée par David Lloyd, ‘V for Vendetta’ nous plonge dans un Londres apocalyptique du 21ème siècle, alors que l’Angleterre s’est transformée en dictature après la prise de pouvoir du sinistre tyran Adam Sutler (John Hurt). La population n’ose plus sortir dans les rues de peur d’être arrêtée par la police secrète de Sutler qui fait régner la terreur partout dans la ville. Evey Hammond (Nathalie Portman) mène une existence anonyme et terne jusqu’au jour où, un soir, alors qu’elle allait être violée par deux policiers de Sutler, la jeune femme est sauvée in extremis par un mystérieux justicier surnommé V qui défait rapidement les policiers et s’impose par son look éminemment théâtral: chapeau, cape et masque à l’effigie de Guy Fawkes, célèbre anarchiste catholique anglais du 17ème siècle qui faillit faire exploser le Parlement avant d’être arrêté et exécuté avec sa bande (le film fait constamment référence à cette fameuse date du 5 novembre 1605). Depuis ce jour, le 5 novembre est devenu en Angleterre une célébration durant laquelle on brûle des représentations de Guy Fawkes tout en lançant des feux d’artifice. Le masque que porte V semble déjà symboliser tout ce pour lequel le mystérieux justicier se bat: supprimer tous les principaux sbires de Sutler, assassiner le tyran et restaurer la paix et la liberté dans le pays. Pour se faire, V mène de nombreuses actions terroristes un peu partout dans Londres, essayant par la même occasion d’attirer l’attention d’une population lobotomisée par le régime totalitaire de Sutler. Evey deviendra alors la seule véritable amie de V et aussi son unique amour, alors que le justicier vengeur est hanté par un passé tragique qui semble le rattraper davantage chaque jour. Au contact de V, Evey apprendra à voir la vie et ses valeurs autrement. Pour elle comme pour V, plus rien ne sera jamais comme avant.

Produit par les frères Wachowski et réalisé par James McTeigue qui signe là son premier film, ‘V for Vendetta’ est une très grande réussite, un film d’anticipation sombre et tragique qui ne laissera personne de marbre, dans la lignée du ‘1984’ de Michael Radford. Bien que le film prenne de nombreuses libertés par rapport à la BD d’Alan Moore (transposition cinématographique oblige!), ‘V for Vendetta’ s’impose néanmoins par son côté subversif, sa noirceur et son refus systématique du manichéisme. A l’inverse de bon nombre de productions hollywoodiennes de maintenant, les personnages de ce film ne sont ni tout noir ni tout blanc, et plus particulièrement le héros du film, V, qui alterne constamment entre le statut de héros et d’anti-héros, un cocktail détonnant d’ambiguïté, de contradiction, de bien et de mal. Effectivement, V est un justicier mais aussi un assassin et un terroriste - du moins est-il considéré comme terroriste par le gouvernement tyrannique de Sutler. Le film pose donc avec intelligence la question délicate du terrorisme et de ses revendications. Est-ce que, dans le cadre d’une dictature, les agissements de V visant à restaurer la liberté dans le pays peuvent être considérés comme de vrais actes de terrorisme? Si l’on faisait un parallèle facile avec la 2de Guerre Mondiale, on pourrait aussi se demander si le simple fait que les Nazis considéraient les maquisards français comme des terroristes suffisaient à considérer réellement les résistants comme de vrais terroristes. La terreur pour combattre la terreur...le terrorisme n’est-il pas tout simplement la représentation de la destruction et de l’annihilation pure et dure de la vie humaine dans un contexte pacifique et civilisé? Si l’on part de ce constat, difficile de considérer alors V comme un véritable terroriste tant son objectif paraît juste malgré la violence dont il fait constamment preuve (on ne combat évidemment pas une dictature avec des fleurs et des poèmes!). Le film nous ramène alors au coeur d’un thème décidément cher au cinéma américain: l’auto justice, ou tout simplement comme le suggère le titre du film, la vendetta. Le film évoque aussi le droit à la différence et les dérives du pouvoir et ses conséquences qui peuvent très vite devenir catastrophique pour un pays entier – évidemment ici, Sutler = Hitler. Cette grosse part de réflexion irrigue ainsi le film de l’intérieur, évitant certaines facilités avec bonheur. Les Wachowski restent ainsi fidèle à leur habitude et produisent un film où le muscle et la cervelle cohabitent intelligemment, loin de certaines productions hollywoodiennes trop formatées d’aujourd’hui. Nathalie Portman et Hugo Weaving (qui doit jouer tout au long du film le visage caché par un masque) crèvent l’écran, entouré d’un solide casting incluant John Hurt, Stephen Rea, Stephen Fry, Rupert Graves, Ben Miles, Roger Allam, Natasha Wightman, etc. Voilà en tout cas un film qui marquera les esprits à coup sur, tant par sa forme que la puissance de son histoire et son message.

Hélas, si le film s’avère être particulièrement brillant et mémorable, on ne pourra pas en dire autant de la musique de Dario Marianelli, qui s’avère être particulièrement terne et peu mémorable, un vrai gâchis étant donné la puissance et le potentiel dramatique du film de James McTeigue. Récemment révélé en 2005 avec sa musique ultra massive pour le ‘The Brothers Grimm’ de Terry Gilliam, le jeune compositeur italien Dario Marianelli continue de poursuivre son petit bonhomme de chemin et se voit confier des projets de plus en plus importants, ce qui, curieusement, semble ne pas vraiment avoir un impact positif sur la qualité de ses musiques. ‘The Brothers Grimm’ laissait déjà échapper une grosse faute de goût du compositeur, une surenchère orchestrale massive et lourdingue qui finissait par abrutir plus qu’autre chose autant dans le film que sur l’album. Hélas, le score de ‘V for Vendetta’, bien plus équilibré sur le plan formel, s’avère être malgré tout dans le même ordre d’idée: lourd, totalement dénué de la moindre once d’originalité et sans personnalité. La partition s’articule autour d’un thème principal qui reste pourtant assez mémorable, un thème constitué d’une montée de 4 accords puissants évoquant V et son combat pour la liberté. Le début commençait pourtant plutôt bien. ‘Remember Remember’ ouvre le film d’une façon sombre et nuancée avec quelques percussions martiales et un motif ascendant qui oscille astucieusement entre le mineur et le majeur, comme pour évoquer la confrontation entre deux mondes, celui de V et du dictateur sanguinaire. La brève mélodie de l’introduction possède un côté solennel que l’on retrouvera durant une première scène-clé du film, celle du discours pirate de V sur les écrans anglais, moment musicalement très poignant hélas honteusement absent du CD (on ne comprend vraiment pas du tout pourquoi ce passage fort n’a pas été retenu pour l’album, incompréhensible!). Puis, très vite, l’orchestre prend le pas et nous plonge dans un style plus sombre et atmosphérique avec la présence de percussions et de quelques choeurs discrets qui renforcent la tonalité sombre de la musique, sans oublier les sempiternelles effets électroniques qui restent toujours ici aussi discrets mais présents. A noter la façon dont Marianelli accentue les couleurs sombres et graves de l’orchestre comme pour renforcer ce sentiment d’oppression, de danger constant. Le morceau se conclut sur un (trop) bref morceau d’action avec son lot de percussions électroniques endiablées pour la scène où V défait les policiers au début du film.

Mais c’est à partir de ‘Governments Should Be Afraid of Their People’ que l’on comprend que quelque chose semble clocher dans la musique de Marianelli: le morceau évolue et s’écoule sans que quelque chose réellement palpitant vienne accrocher notre oreille. La musique conserve ici un côté fonctionnel particulièrement plat qui, en dehors des images, a bien du mal à s’apprécier pleinement en écoute isolée. Néanmoins, Marianelli parvient à apporter suffisamment d’émotion et de noirceur aux images mais n’a rien de bien passionnant en soi, faute d’un manque d’imagination particulièrement flagrant et violent. Le reste évolue d’une façon assez similaire. ‘Evey’s Story’ dévoile le thème plus intime et mélancolique associé à Evey, thème qui s’avère être quelque peu mystérieux et tourmenté avec ses cordes sombres et amères (sans aucun doute l’un des morceaux les plus sombres du score de ‘V for Vendetta’). ‘Lust at the Abbey’ diffère des autres pièces du score par son utilisation de plaint-chant grégorien mélangé à l’orchestre durant la scène à l’église où Evey tend un piège à un évêque corrompu que V va assassiner. Le mélange opère efficacement dans la scène et apporte un certain relief à la partition de ‘V for Vendetta’, la seconde partie s’avérant être plus dramatique et tourmentée à la fois pour accompagner une autre scène de vendetta du justicier masqué. ‘The Red Diary’ conserve à son tour ce ton dramatique et sombre, développant aux cordes et aux vents le thème mélancolique associé à Evey, avant que le morceau ne retombe dans de l’atmosphérique sinistre mais monotone. ‘Valerie’ commence quand à lui sur un bref morceau d’action avec percussions électroniques frénétiques avant d’enchaîner sur une très belle reprise du thème principal durant la scène où Evey lit la lettre poignante à propos de la dénommée Valerie et qui évoque le droit à la différence et à la liberté dans le monde, Marianelli nous proposant ici une reprise énergique et très réussie de son thème. A noter que la seconde partie du morceau devient plus intime, plus tendre et retenue. Le compositeur utilise ici le piano avec cordes et vents dans un style plus apaisé à la Thomas Newman pour la scène de la lecture de la fameuse lettre, la musique apportant une émotion plus en finesse durant cette scène-clé du film.

‘Evey Reborn’ reste sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux du score de ‘V For Vendetta’, durant la scène où Evey sort de prison et ‘renaît’ sous la pluie du soir. Marianelli nous réserve pour ce morceau sa plus belle et grandiose reprise du thème principal, développé ici dans toute sa splendeur à travers un crescendo surpuissant et enlevant avec choeurs et orchestre, parfait pour cette scène du film, un grand moment en somme! ‘England Prevails’ développe encore cette atmosphère sombre et oppressante du début avec des percussions martiales et un motif menaçant associé à Sutler et ses sbires, tandis que percussions et choeurs sont de nouveau de la partie pour faire monter la tension jusqu’à l’énergique ‘The Dominoes Fall’ durant la scène de la chute des dominos, métaphore de la concrétisation de la chute du régime despotique de Sutler, sans aucun doute l’un des morceaux d’action les plus réussis du score de Dario Marianelli, où le thème principal est de nouveau développé dans sa forme grandiose, sur un ostinato rythmique entêtant et déterminé, apportant un certain impact à cette superbe séquence (dommage que la plupart des autres morceaux ne soient pas à la hauteur de cet excellent passage!). Finalement, ‘Knives and Bullets (And Cannons Too)’ conclut cette grande aventure en démarrant sur le thème de Sutler sur fond d’ostinato rythmique martial suivi d’une ultime reprise grandiose du thème principal pour choeurs et orchestre. Le morceau se terminer finalement avec l’arrivée inattendue de l’introduction de la célèbre ‘Ouverture 1812’ de Tchaïkovski, que V diffuse sur des enceintes dans le film lorsqu’il détruit un monument du gouvernement de Sutler au début et à la fin du film, faisant ainsi sa propre révolution (le morceau de Tchaïkovski a été écrit pour illustrer la défaite des troupes napoléoniennes contre celles des russes durant la campagne de Russie en 1812).

Hélas, malgré ses points forts, on ne peut qu’être déçu par le côté résolument terne et bien peu inspiré de cette partition symphonique qui n’atteint jamais vraiment la grandeur et la puissance des images du film de James McTeigue hormis à deux ou trois reprises. Après la semi-déception du lourdingue ‘The Brothers Grimm’, on se serait attendu à quelque chose de bien plus inspiré et personnel pour ‘V for Vendetta’, surtout étant donné la puissance du sujet traité, mais force est de constater que la musique n’arrive jamais vraiment à se détacher des images du film. Le score semble s’écouler pendant de longues minutes dans le film sans qu’il se passe grand chose de véritablement mémorable ou trépidant, hormis quelques rares moments plus inspirés mais qui demeurent encore bien trop courts. Dommage, car en dehors du début et de la fin, la BO semble bien terne et monotone tout au long du film, un score typiquement hollywoodien dans le mauvais sens du terme, qui s’écoute distraitement sur les images sans réussir à capter vraiment l’attention du spectateur. Certains prétendent que lorsque la musique ne se fait pas remarquer dans un film, c’est signe qu’elle est réussie. Mais peut-on vraiment appliquer cet avis (très discutable) au cas de la musique de ‘V for Vendetta’? Ne pourrait-on pas parler tout simplement ici d’un cruel manque de personnalité et d’imagination de la part de Dario Marianelli, qui décidément, a encore bien du chemin à faire pour prouver de quoi il est vraiment capable? Espérons que le jeune compositeur fera mieux la prochaine fois!


---Quentin Billard