1-Haunted Summer 2.45
2-Menage 4.40
3-Villa Diodati 3.38
4-The Night Was Made
For Loving 7.03
5-Polidori's Potions 4.13
6-Ariel 2.03
7-Confreres 2.04
8-Geneva 1.29
9-Alby 2.38
10-An Unquiet Dream 5.30
11-Hauntings 18.00
Hotel d'Angleterre/
In The Caves of Chillon/
Incubus/Mont Blanc

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Silva Screen FILMCD 037

Synthétiseurs de:
Mark Zimoski
Superviseur de la musique:
Joachim Hansch
Co-ordinateur de la musique:
Anne Atkins
Monteurs musique:
Virginia Ellsworth, Lisa Kauppi
Producteur exécutif pour
Silva Screen Ltd:
Reynold da Silva
Supervision de l'édition CD:
David Stoner, James Fitzpatrick
Publié par:
Cannon Music

Artwork and pictures (c) 1988 Cannon Films Inc. All rights reserved.

Note: ****
HAUNTED SUMMER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Réalisé par le tchécoslovaque Ivan Passer, ‘Haunted Summer’ (Un été en enfer) conte l’histoire dramatique et passionnée de la rencontre entre trois grands noms de la poésie/littérature anglaise du début du 19 ème siècle: Lord Byron, Mary Shelley et Percy Shelley. Au cours de l’été 1815, le jeune Percy Shelley (Eric Stoltz), accompagné de son épouse Mary Shelley (Alice Krige) et de sa demi-soeur Claire Goodwin (Laura Dern) se rendent dans la propriété de Lord Byron (Philip Anglim) à la suite de son invitation, propriété située sur les rives du lac de Côme en Angleterre. Tous semblent très vite fascinés par le charisme envoûtant de Lord Byron, mais très vite, Shelley et Byron se lancent dans une confrontation philosophique sur la nature de l’homme. Shelley croit en la bonté intrinsèque de l’homme et loue les vertus de l’amour, tandis que Byron est intimement convaincu que chaque être humain est essentiellement constitué de mal et que Dieu a échoué en faisant l’homme à son image. Byron fait en tout cas tout ce qu’il peut pour prouver ses théories, mettant ainsi en exergue son penchant pour la méchanceté alors même qu’il n’hésite pas à faire souffrir gratuitement son compagnon, le docteur Polidori (Alex Winter). C’est en fumant chacun à leur tour de l’opium que Byron et Shelley vont pouvoir prolonger la confrontation de leurs aspirations philosophiques, à travers des hallucinations et autres expériences excessives transformant cet été 1815 en un mélange infernal de jeu, de drogue et de sexe.

Le quatuor d’acteurs formé ici par Eric Stoltz, Alice Krige, Laura Dern et Philip Anglim porte entièrement le film d’Ivan Passer sur leurs épaules, les interprètes apportant une profonde conviction à leurs personnages, sur fond de manipulation, d’hallucination et d’amour. Le réalisateur apporte un souffle poétique et philosophique à son film sans jamais en faire de trop, traversé par quelques touches d’érotisme et des scènes d’hallucination assez dérangeantes. C’est aussi l’occasion pour le cinéaste de nous rappeler l’ambiance excessive de l’univers des poètes romantiques du début du 19ème siècle dont Lord Byron est l’un des plus symptomatique représentant, un homme complexe et ambigu qui marqua à tout jamais la poésie anglaise de l’ère Romantique. A noter que le film a été produit par le duo Menahem Golan/Yoran Globus, plus connu dans les années 80 pour avoir produit beaucoup de films d’action/aventure tels que ‘Invasion U.S.A’, ‘Cobra’, ‘The Delta Force’, ‘King Solomon’s Mines’ ou bien encore ‘Masters of the Universe’. Voilà en tout cas un film rare et captivant qui ne laisse pas de marbre et nous propose une brillante réflexion sur la nature humaine.

La musique de Christopher Young apporte une émotion particulière au film d’Ivan Passer. Il paraissait évident qu’un film au ton si particulier ne puisse être accompagné par une musique orchestrale ordinaire. C’est pourquoi Young a décidé d’utiliser des synthétiseurs de façon plus surprenante, avec quelques solistes incluant un violoncelle et une flûte, sans oublier une petite formation de cordes plus sombres. Le film s’ouvre au son de synthétiseurs new age cristallins un peu étranges, à travers une série d’ostinati mélodiques entêtants. Le côté new age de cette ouverture semble quelque peu décalé par rapport au sujet du film, et pourtant, cela crée une ambiance particulière en adéquation avec l’atmosphère générale déjà assez particulière du film, tout en possédant un côté majestueux qui évoque ici le début de l’été. On retrouve ces synthétiseurs dans ‘Menage’, dévoilant le magnifique thème principal du score joué ici par un violoncelle soliste sur fond de synthés et de cordes. Le thème poignant de ‘Menage’ est d’une beauté à couper le souffle, apportant une poésie à la musique de Young et aux images du film. Il évoque la romance entre Shelley et sa femme, et aussi l’attirance que ressent Mary pour Byron, une attirance nuancée et ambiguë. Il se dégage aussi de cette musique un doux parfum de sensualité, de mélancolie qui sied à merveille à l’ambiance du film. A noter une très belle reprise de ce magnifique thème dans ‘Alby’, joué cette fois-ci par une flûte alto chaleureuse. Dans un registre similaire, ‘The Night Was Made for Loving’ évoque ici les sentiments passionnés des protagonistes principaux à travers un morceau intime et serein où règne une douce mélancolie, un romantisme rêveur et nostalgique. Young nous livre un deuxième très beau morceau, entièrement dominé par des synthétiseurs new age et cristallin qui font parfois penser à certaines musiques de Vangelis de l’époque (chose étonnante chez Young!). On pourrait d’ailleurs faire le même rapprochement avec le très paisible et new age ‘Confreres’, où une flûte soliste et un violoncelle évoquent une scène où Byron et Shelley, assis tout deux aux bords du lac, scrute l’horizon, perdus dans leurs pensées. Un morceau comme ‘Geneva’ est quand à lui différent, utilisant un quatuor à cordes dans un style plus proche de la musique de chambre du 19ème siècle (l’époque à laquelle se déroule l’histoire du film).

‘Villa Diodati’ réutilise les synthétiseurs new age du début tandis que la petite formation de cordes refait son apparition accompagnant ici des synthés aux sons cristallins proche d’une boîte à musique, accompagnant subtilement la scène où Byron accueille ses invités dans son immense et luxueuse demeure. La musique demeure toujours très nuancée et retenue, évitant tout pathos émotionnel en conservant cette intimité qui colle parfaitement au film d’Ivan Passer (idem pour ‘Ariel’). C’est avec ‘Polidori’s Potions’ que les choses commencent à changer considérablement. On retrouve ici le Christopher Young des musiques d’horreur/thriller à travers un morceau atonal plus expérimental où le compositeur utilise différentes textures sonores électroniques traversés de sonorités brumeuses et suffocantes. La présence discrète d’une voix féminine lointaine au début du morceau et de bruits de sabots de chevaux (associés aux hallucinations de Mary Shelley dans le film, qui croit entendre durant une nuit le cheval issu du tableau de l'Incubus que lui a montré Byron) renforcent le climat résolument cauchemardesque de cette musique, l’utilisation des cordes dissonantes dans la seconde partie du morceau accentuant davantage la sensation d’être piégé dans une hallucination cauchemardesque. Le morceau évite néanmoins tout écueil horrifique et conserve au contraire un côté rampant et angoissant assez discret dans le film mais néanmoins présent. La froideur des cordes est ici impressionnante, les instruments semblant ici aussi ramper dans l’obscurité d’une nuit noire sans fin. Young traduit donc ce climat psychologique torturé à merveille dans le film, laissant libre cours à son imagination pour un premier morceau « d’hallucination » très réussi. ‘An Unquiet Dream’ traduit quand à lui à l’écran une atmosphère onirique et envoûtante à l’aide d’une utilisation toujours très fine et subtile des synthétiseurs qui accompagne ici la scène d’amour entre Shelley et Mary vers le milieu du film, scène filmée sans bruitage, entièrement portée par la musique de Christopher Young, preuve que le réalisateur a accordé une certaine importance à la musique dans son film, en tant que véhicule des émotions des différents personnages.

Finalement, Young nous propose un dernier morceau en guise de conclusion, une suite de plus de 18 minutes reprenant différents éléments du score de ‘Haunted Summer’: on commence par une petite mélodie ‘classique’ de piano, puis un deuxième passage atonal « d’hallucination » avec les cordes glaciales hypnotisantes de ‘Polidori’s Potions’ superposées au quatuor à cordes de ‘Geneva’ et au piano du début du morceau. Comme Young l’avait déjà fait dans sa musique rejetée de ‘Invaders from Mars’, le compositeur superpose dans ‘Hauntings’ différentes parties, créant des rencontres sonores déstabilisantes voire anarchiques. Young utilise ici les synthétiseurs dans un registre lugubre et cauchemardesque associé aux hallucinations de Shelley et Byron après avoir absorbé de l’opium, et aux cauchemars de Mary qui traversent une bonne partie du film. Young nous transporte ici dans un autre monde, où la confusion la plus totale semble régner alors même que les terrifiantes nappes de synthétiseurs déshumanisés, le piano, les cordes et les voix féminines alourdissent le climat et permettent au compositeur d’expérimenter dans un registre musical qu’il connaît bien, lui qui a toujours nourri une certaine passion à l’égard de la musique avant-gardiste du 20ème siècle (on sent même dans ce morceau les prémisses de futures partitions comme ‘The Grudge’ ou ‘The Exorcism of Emily Rose’). Le score se termine finalement sur un dernier morceau de synthétiseur plus calme et apaisé, aux sonorités new age, marquant la fin de l’aventure et le départ de chez Lord Byron.

Christopher Young évoque dans ‘Haunted Summer’ un univers particulier presque irréel où synthétiseurs et thèmes mélancoliques et passionnés se mélangent à des textures sonores tour à tour envoûtantes et terrifiantes. C’est le climat hypnotisant de cette musique qui fait ressortir ce mélange entre sensualité et malaise, deux termes qui pourraient finalement parfaitement résumer l’ambiance globale du film d’Ivan Passer. Evitant donc tout lyrisme excessif, Young a préféré opter au contraire pour une approche plus subtile et plus profonde, faisant ressortir les émotions et sentiments profonds des personnages avec un tact rare. Du coup, comme mentionné précédemment, la musique crée une ambiance particulière dans le film, renforçant la sensation de partager avec ces poètes une expérience humaine aux limites du rationnel, du monde humain. Le fait même que les hallucinations soient en partie provoqués dans le film par la consommation d’opium a certainement du guider Christopher Young dans le choix de ses textures sonores électroniques durant ses passages d’atonalité brumeuse et cauchemardesque. N’oublions pas que le film s’appelle ‘Haunted Summer’ (traduit littéralement: ‘l’été hanté’). C’est donc cette idée de hantise que le compositeur a voulu faire ressortir ici, quitte à frôler le style des musiques horrifiques habituelles, sans pour autant tomber dans les conventions du genre (pas de sursauts orchestraux ni même d’effets massifs!). Le psychologique et la folie contre la rationalité et le conventionnel en somme! Mais le musicien n’en oublie pas pour autant la partie plus romantique et intime en nous livrant un thème principal d’une très grande beauté, où règne une certaine tristesse, un lyrisme discret et sous-jacent. Voilà en tout cas une composition assez particulière et remarquable de la part de Christopher Young, qui prouve à quel point le compositeur sait se montrer inspiré lorsqu’il s’agit d’évoquer la noirceur et les tourments des êtres humains!


---Quentin Billard