1-L'adoption 3.50
2-Le bateau en feu 1.19
3-Premier rendez-vous 1.22
4-Nous sommes deux personnes 3.06
5-Le coup de tonnerre 3.46
6-L'île du dragon 1.39
7-L'exode 1.21
8-Le voyage de Camille 2.28
9-La fin du voyage 5.16
10-La dérive 4.18
11-La Décision 2.18
12-En route vers la Chine 0.55
13-Naissance et révolution 1.53
14-Le lait du Viet-Nam 1.00
15-Le cercueil 1.11
16-Eliane retrouve Camille 2.57
17-Je n'ai plus de passé 2.31
18-Générique du film 4.28
19-Tango 3.40
20-La valse d'Yvette 1.28
21-La dernière rumba 1.26

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

WEA 9031-77338-2

Coordination artistique:
Tonia Davall
Supervision musicale:
Maggie Rodford
Air-Edel Associates Ltd.


Edition Paradis Films.

(c) 1992 Paradis Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
INDOCHINE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
Grande fresque dramatico-romantique signée Régnis Wargnier, ‘Indochine’ a fait date dans l’histoire du cinéma français des années 90. Récompensé à plusieurs reprises par 5 Césars, un Golden Globe et un Oscar, ce drame flamboyant évoque le destin d’Eliane Devries (Catherine Deneuve), une belle aristocrate française qui dirige une plantation d’arbres à caoutchouc avec son père dans l’Indochine des années 30, peu de temps avant le début des actes nationalistes anti-colonialistes, qui aboutiront à la longue à l’indépendance de l’Indochine qui deviendra par la suite le Viêt-Nam. Eliane vit en compagnie de Camille (Linh Dan Pham), une jeune fille qu’elle a adopté et qu’elle considère aujourd’hui comme sa propre fille. Eliane croise un jour la route de Jean-Baptiste (Vincent Pérez), un jeune officier de la marine française basé en Indochine, et réputé pour son tempérant impulsif et irraisonné. Jean-Baptiste la séduit mais Eliane craint de souffrir à nouveau d’amour, comme ce fut autrefois le cas. Elle décide alors de ne plus le revoir. Un jour, le séduisant jeune officier sauve la vie de Camille à la suite d’une fusillade dans une rue. Cette dernière tombe alors amoureux de Jean-Baptiste et va tout faire pour tenter de le revoir. Mais Eliane ne voit pas d’un très bon œil cette relation et essaie d’éloigner sa fille du jeune officier. Ce dernier débarque un soir dans une réception et agresse l’un des invités d’Eliane. Elle s’arrange alors pour que Jean-Baptiste soit éloigné le plus loin possible d’elle. On l’envoie alors dans une île lointaine où il ne dérangera plus personne. Camille, qui devait se marier à l’origine avec un autre homme, décide de tout plaquer pour faire un voyage à travers le pays afin de retrouver l’homme qu’elle aime. Elle finira par retrouver Jean-Baptiste après avoir été faite prisonnière par les troupes françaises et provoquera une terrible tragédie qui détruira sa vie et celle de son amant: le meurtre d’un officier français. Jean-Baptiste et Camille s’enfuient ensemble et iront se cacher là où on ne pourra pas les retrouver. Pendant ce temps, les nationalistes d’Indochine luttent contre les colons français et préparent la libération de leur pays. Les français commencent à quitter le pays et Eliane doit envisager sérieusement de tout laisser derrière elle pour retourner en France.

C’est dans ce contexte de crise sociale et politique que se déroule l’histoire magnifique de ‘Indochine’, ce magnifique drame de Régis Wargnier qui possède l’avantage de traiter d’un fait historique (la décolonisation de l’Indochine en 1954) sur fond d’intrigue tragique/sentimentale de toute beauté. Le film doit beaucoup à ses interprètes, avec une Catherine Deneuve comme toujours magistrale - on raconte que le tournage d’Indochine a été l’occasion pour l’actrice de montrer une image plus sympathique et généreuse d’elle, éloignée des clichés bégueule qu’on se fait d’elle généralement – un Vincent Pérez jeune et déjà formidable à l’époque, entre colère et passion irraisonnée, sans oublier la présence d’autres grands acteurs tels que Dominique Blanc ou l’inénarrable Jean Yanne, remarquable comme d’habitude. Le film est long, avoisinant les 2h40, mais sa longueur permet à Régis Wargnier de développer pleinement son intrigue et ses personnages avec une grande maestria, bien que l’on pourra toujours reprocher le côté extrêmement académique de la mise en scène du film (typique de Wargnier). Au final, le résultat est sans équivoque: un drame romantique et historique riche, passionnant et flamboyant, révélateur d’une époque où le cinéma français produisait encore des grands films de cette envergure.

La musique d’Indochine a été confiée au compositeur écossais Patrick Doyle, à une époque où il débutait dans sa collaboration avec Kenneth Branagh (‘Henry V’, ‘Dead Again’). Doyle a écrit une partition symphonique au classicisme flamboyant, apportant au film de Régis Wargnier une émotion et une élégance forte. Pour l’anecdote, on raconte que c’est après avoir entendu la formidable musique d’Henry V que Régis Wargnier décida d’engager Patrick Doyle sur ‘Indochine’, qui signe là sa première collaboration à un film du réalisateur français et qui sera suivi de ‘Une femme française’ (1996), ‘Est-Ouest’ (1999) et ‘Man to Man’ (2005). Doyle a eu l’occasion d’écrire pour une très grosse formation orchestrale incluant près de 120 musiciens doté d’un pupitre de cordes très large, ce qui est extrêmement rare pour la musique d’un film français. Il faut quand même savoir qu’Indochine possédait un budget musique assez énorme, sans aucun doute l’un des plus conséquents de tout le cinéma français des années 90. La production a donc donné les moyens à Patrick Doyle d’écrire sa musique comme bon lui semblait, suivant les traces de ses précédentes grandes oeuvres symphoniques pour un savant cocktail de romantisme flamboyant, d’accords mélancoliques et de thèmes dramatiques. On raconte d’ailleurs que Doyle fit entendre à Régis Wargnier l’une de ses premières ébauches de thème enregistré à l’époque sur un petit magnétophone de chez Fisher Price qu’il avait emprunté à sa petite fille, alors qu’il venait de casser son enregistreur à cassette. Passons maintenant à une analyse plus en profondeur de la musique de ‘Indochine’.

Le score se construit autour d’un thème principal majeur, mélodie simple aux notes descendantes puis ascendantes empreintes d’une certaine mélancolie et que Doyle varie à loisir tout au long du film, avec un côté éminemment romantique et passionné, toujours dominé par les cordes. Le film s’ouvre sur ‘The Adoption’, pièce pour percussions et choeur chantant ici une mélodie gracieuse et mystérieuse à la fois, presque religieuse, teintée de sonorités vaguement asiatiques et qui accompagne le générique de début du film avec une certaine élégance et un certain mystère. Puis, très vite, on retourne à un genre plus orchestral et conventionnel avec ‘Le bateau en feu’ pour la scène où Jean-Baptiste fait brûler le bateau des contrebandiers au début du film. On retrouve ici le style orchestral action typique de Patrick Doyle (on sent même ici les prémisses de partitions telles que ‘Frankenstein’) avec une écriture contrapuntique de qualité et une prédominance des cordes et des cuivres. Le romantisme se dévoile dans le mélancolique et élégant ‘Premier Rendez-Vous’ où le thème romantique fait son apparition, joué par des cordes plus douces et apaisées, mais un thème romantique assez mélancolique et peu enclins à l’espoir, comme si le compositeur cherchait à nous faire comprendre que la brève union entre Eliane et Jean-Baptiste est inévitablement vouée à l’échec. Le thème principal apparaît dans le très beau ‘Nous sommes deux personnes’ où règne à nouveau ce mélange entre romantisme et mélancolie, deux termes qui décrivent à merveille l’ambiance de la partition de ‘Indochine’. Le thème est ici associé aux sentiments d’Eliane pour Jean-Baptiste et deviendra par la suite un thème associé à Camille et Jean-Baptiste. L’action du ‘Coup de Tonnerre’ nous permet de renouer avec le style plus massif et agité de ‘Le bateau en feu’. Dommage cependant que ces morceaux plus rythmés et percutants soient les passages les moins intéressants du score de Patrick Doyle, qui se montre finalement bien plus à l’aise dans toute la partie romantique du score!

Nouveau rappel du thème principal aux cordes dans l’ample et dramatique ‘L’île du Dragon’ avec comme toujours chez Patrick Doyle un classicisme d’écriture remarquable qui colle à merveille au style académique du film de Régis Wargnier (les grands esprits se rencontrent pourrait-on dire!). ‘Le Voyage de Camille’ reprend le thème romantique mélancolique de ‘Premier Rendez-Vous’, associé cette fois-ci aux sentiments de Camille pour Jean-Baptiste alors que la jeune femme entame son voyage périlleux pour retrouver son bien aimé. ‘La fin du Voyage’ dévoile quand à lui un troisième thème, un thème plus dramatique et poignant qui intervient dans les moments les plus sombres du film, et qui marque ici la fin du voyage de Camille. Cette dernière s’échappe avec son bien aimé dans le très beau ‘La Dérive’ qui reprend le thème principal juxtaposé au thème dramatique avec un côté raffiné, des orchestrations de qualité et une grâce toujours typique de la facette plus lyrique et romantique de Patrick Doyle, décidément toujours très à l’aise sur ce type d’ambiance. Même chose pour ‘La Décision’, musicalement très proche de ‘La Dérive’ et qui utilise ici des instruments à vent solitaires pour exprimer le désarroi de Jean-Baptiste et Camille, condamné à errer comme des fugitifs pour éviter la prison après le meurtre de l’officier français. ‘Naissance et Révolution’ rompt avec le style intime et romantique du score pour nous permettre de retrouver une partie plus agitée et rythmée, avec cordes, cuivres et percussions ethniques. Le morceau évoque la scène de la naissance du bébé de Camille et la révolte qui s’empare des indochinois contre les colons français. Doyle illustre ce climat de panique et de confusion avec une agitation orchestrale massive et totalement maîtrisée, même si une fois encore, ces passages action massifs sont nettement moins intéressants et inspirés.

Le thème mélancolique revient avec grâce et fragilité dans ‘Le Lait du Viêt-Nam’ alors que le bébé de Camille grandit et est nourri par différentes femmes vietnamiennes. A noter que le thème principal n’est jamais très loin, Doyle le juxtaposant la plupart du temps au thème mélancolique comme s’ils ne formaient plus qu’un. On pourrait penser que ce serait une façon pour le compositeur d’illustrer le couple tragique Jean-Baptiste/Camille ou tout simplement la dualité du film entre la romance et la tragédie. A noter l’utilisation de percussions quasi martiales dans ‘Eliane Retrouve Camille’ lorsque Eliane se rend à la prison où est détenue Camille et retrouve sa fille des années plus tard. Les percussions résonnent presque ici de façon funèbre et tragique, évoquant le destin brisé de Camille, qui a été changée par les évènements survenus récemment dans son pays. La mélancolie règne toujours dans ‘Je n’ai plus de Passe’ où le thème principal toujours aussi triste et amer, revient une fois encore pour accompagner la scène où les français se préparent à quitter le pays. Pour finir, Doyle nous offre en guise de bonus trois morceaux de danse, ‘Tango’ qui accompagne une scène de Tango entre Eliane et Camille au début du film. A noter que la mélodie du tango est subtilement basée sur le thème principal de la partition de Doyle. ‘La Valse d’Yvette’ est quand à elle jouée par un piano plus intime et élégant, tandis que ‘La Dernière Rumba’ se distingue par son côté joyeux et entraînant, Doyle s’étant visiblement fait très plaisir en écrivant ces trois pièces de danse en guise de source music originale pour le film.

‘Indochine’ marque une première collaboration très réussie entre Patrick Doyle et Régis Wargnier, et ce même si la musique manque cruellement d’originalité, d’ambition, de fantaisie. A film académique, musique académique! Voilà qui pourrait finalement résumer à merveille le travail de Doyle sur ‘Indochine’. A noter que pour un film se déroulant dans l’Indochine des années 30, la musique n’utilise absolument aucune sonorité ethnique ou asiatique, un parti pris musical évident qui se place plutôt ici du côté de l’Europe et des français – bien que le style global du score résonne beaucoup comme une grande partition romantique hollywoodienne. Dommage cependant que le compositeur ait choisi de ne mettre aucune couleur asiatique dans sa partition symphonique, ce qui aurait néanmoins permit de rompre avec le côté un peu répétitif du score de Doyle vers le milieu du film. Dommage aussi que les morceaux d’action soient généralement bien moins inspirés. Au final, sans être un grand chef-d’oeuvre du genre, la musique de ‘Indochine’ fait néanmoins partie des scores recommandables de Patrick Doyle, à découvrir en même temps que le magnifique film de Régis Wargnier!


---Quentin Billard