Disc 1

1-Overture 2.42
2-Main Title 2.51
3-Pharsalia 1.17
4-Caesar to Egypt 1.57
5-The VIPs/King Ptolemy 0.59
6-Pompey's Ring 2.53
7-A Gift for Caesar 1.51
8-Only Yesterday 1.31
9-Epilepsy 3.20
10-Great Library 2.05
11-Moon Gate 4.20
12-Taste of Death 1.47
13-Sympathy 1.45
14-Coronation 1.51
15-Fertility 4.49
16-Alexander's Tomb 3.45
17-Calpurnia 1.59
18-The Fire Burns/Son of Caesar 3.43
19-Caesar's Departure 3.40
20-Cleopatra Enters Rome 6.49
21-By Divine Right 2.06
22-Death in the Garden 1.44
23-Caesar's Assassination 4.57
24-Requiem 1.32
25-Farewell 1.39
26-Entr'acte (Caesar & Cleopatra) 2.32
27-Hail Antony 3.12
28-Isis 1.23
29-Love Theme (Reprise) 0.30

Disc 2

1-Cleopatra's Barge 2.54
2-Most Becoming 1.38
3-Food 0.54
4-Antony & Cleopatra in Tarses 3.38
5-Bacchus 2.41
6-Antony & Cleopatra's Love 3.10
7-One Breath Closer 2.40
8-Love and Hate 2.16
9-Athens 2.37
10-Cleopatra's Ambition 1.15
11-War 0.44
12-Interlude/Sea Battle 14.36
13-My Love is my Master 4.17
14-Two Heads 0.46
15-Better Late Than Never 2.37
16-Cleopatra's Son/
Antony's Camp 2.19
17-Never Fear 3.16
18-Grant Me An Honorable
Way to Die 2.37
19-Antony's Retreat/Transitions 2.02
20-Dying Is Less Than Love 4.26
21-Octavian the Victor 4.05
22-Antony...Wait 3.55
23-Epilogue 2.25
24-Exit Music
(Antony and Cleopatra) 2.26

Musique  composée par:

Alex North

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6224

Album produit par:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Robert Townson
Producteur de la restauration:
Lukas Kendall
Producteur exécutif pour
Prometheus Entertainment:
Kevin Burns
Directeur du soundtrack pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Consultants du projet:
Richard Green, Goeffrey Sharpe

Artwork and pictures (c) 1963 20th Century Fox. All rights reserved.

Note: ****
CLEOPATRA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alex North
Grand classique de l’histoire du cinéma américain, ‘Cleopatra’ est le monument cinématographique de Joseph L. Mankiewicz, à une époque où le péplum avait encore sa place à Hollywood dans les années 60. Cette énorme superproduction hollywoodienne nécessita un budget colossal pour l’époque de 44 millions de dollars, incluant près de 65 costumes différents pour Elizabeth Taylor – le budget costume atteignait la somme record de 194.800 dollars, et tout cela pour un seul personnage – un budget de 1 million de dollars pour l’actrice principale – un autre record pour l’époque – deux ans de préparation et dix mois de tournage. Mankiewicz a filmé l’histoire de la célèbre reine Cléopâtre avec une grandeur et une démesure qui conviennent parfaitement à ce drame historique. Durant les quelques 4 heures de film (qui est présenté la plupart du temps dans une version tronquée de 3h30 environ, alors que le film fait 4h28 dans sa version intégrale), on assiste dans un premier temps à l’amour entre Jules César (Rex Harrison), empereur de Rome, et Cléopâtre (Elizabeth Taylor), reine d’Egypte en Alexandrie, alors que l’Egypte est placée sous la tutelle romaine. A la suite de leur liaison, Cléopâtre donne naissance à un enfant, que César accepte de reconnaître officiellement, avouant ainsi à tous sa liaison extra conjugale avec la reine égyptienne. Excédés par l’attitude de César, des sénateurs décident de comploter contre lui et l’assassinent. Marc Antoine (Richard Burton), le plus vaillant général de César, décide de traquer et de tuer les auteurs de ce crime pendant près de deux ans. Puis, une fois César vengé, Marc Antoine finit par succomber à son tour aux charmes de la reine égyptienne, qui compte unifier leurs deux royaumes, Rome et l’Egypte, pour bâtir ensemble une seule et même nation. Pendant ce temps, Octave (Roddy McDowall), l’héritier légitime de César, est devenu le nouvel empereur romain. Marc Antoine épouse alors Octavia (Jean Marsh) la soeur d’Octave. Ce mariage politique doit permettre d’assurer la stabilité de l’empire et le partage des différents territoires entre Octave et Marc Antoine. Mais Cléopâtre finit par le convaincre de s’installer avec elle en Alexandrie. Il décide de divorcer et prendre Cléopâtre comme nouvelle épouse. Ce scandale politique ébranle tout l’empire et force Octave à déclarer la guerre à Alexandrie. Au cours d’une bataille décisive sur mer, Marc Antoine est défait et doit se retrancher sur terre avec ses hommes. Mais ses troupes, fatiguées et en nombre inférieur, l’abandonnent. Livré à lui même, il décide de rejoindre Cléopâtre où ils se donnent ensemble la mort, afin de se retrouver à nouveau dans le royaume de l’au-delà.

Le reste fait désormais partie de l’histoire. ‘Cleopatra’ est un véritable monument du genre, un film où le faste et la grandeur sont les maîtres mots d’un chef-d’oeuvre épique bien qu’extrêmement académique pour l’époque. Mankiewicz, fidèle à son habitude, filme des plans larges et grandioses comme la très spectaculaire entrée de Cléopâtre à Rome ou la scène de la bataille navale vers la fin du film, sans oublier les scènes romantiques et intimes qui sont ici très nombreuses, rappelant l’univers tragique et passionné de cette histoire de grandeur et de décadence de la plus célèbre reine égyptienne du temps de l’empire romain. Tous les ingrédients étaient donc réunis pour accoucher de cet énorme film démesuré, réunissant – comme toujours dans ce type de film – un casting impressionnant incluant outre la radieuse et sublime Elizabeth Taylor (inoubliable de sensualité et de charme dans la peau de Cléopâtre), Richard Burton, Rex Harrison, Hume Cronyn, Roddy McDowall, Martin Landau, George Cale, etc. Bref, un casting essentiellement constitué de stars britanniques qui apportent une très solide contribution au film de Mankiewicz. Mais une fois encore, le film est marqué à jamais par la beauté à la fois froide et chaude, grandiose et retenue d’Elizabeth Taylor, sans aucun doute la plus célèbre Cléopâtre de toute l’histoire du cinéma, et aussi l’une des plus belles. On savait qu’à l’époque, Liz Taylor était devenue une figure incontournable du cinéma américain, capable de porter entièrement un film sur ses épaules et de le vendre par son seul nom. C’est sur cet atout majeur que comptèrent les producteurs de la 20th Century Fox pour vendre ce péplum grandiose, romantique et académique. Hélas, le tournage ne fut pourtant pas de tout repos: le premier réalisateur engagé fut viré au début du projet, Mankiewicz fut à son tour viré à un moment donné mais du revenir car lui seul pouvait terminer le montage du film, Liz Taylor tomba malade pendant le tournage du film, des employés du Cinecitta Studio à Rome (où se tourna la scène de l’entrée royale de Cléopâtre à Rome) volèrent de nombreux équipements, sans oublier le fait qu’à la fin des années 50, la 20th Century Fox avait une santé financière très fragile à la suite de nombreux flops majeurs. Malgré tous ces problèmes, ‘Cleopatra’ vit néanmoins le jour en 1963 et reste aujourd’hui un monument du genre, un grand classique hollywoodien qui permit de relancer définitivement la mode des péplums/film d’épée et de sandale au milieu des années 60, et plus particulièrement en Italie, où le genre a connu une lente agonie jusqu’à la fin des années 70.

L’énorme partition symphonique d’Alex North a sans aucun doute contribué à la popularité de ‘Cleopatra’. Le compositeur fut engagé par Joseph L. Mankiewicz après que ce dernier ait entendu la musique d’Alex North pour ‘Spartacus’ de Stanley Kubrick (1960), autre grand chef-d’oeuvre du péplum américain. Mankiewicz souhaitait retrouver sur son film ce même ton musical épique, romantique et démesuré, tout à l’image de son film. En plus du traditionnel orchestre symphonique, North a aussi etoffé son orchestre d’instruments supplémentaires tels qu’un quatuor de mandolines, des flûtes, des hautbois, quatre bassons, un très large pupitre de percussions incluant sistre (sorte de crécelle d’origine égyptienne utilisée dans l’Antiquité lors de cérémonies dédiées au culte d’Isis), petites cloches, cowbells, 5 cymbales suspendues, 5 triangles suspendus, 2 petits gongs, deux cloches tubulaires, un gamelan et un piano, bref, une formation instrumentale ample et parfaitement adapté au faste et à la grandeur du film de Mankiewicz. Avec le traditionnel ‘Main Title’ qui ouvre le film, North dévoile son magnifique thème principal qui n’est autre que le ‘Love Theme’, une très belle mélodie dramatique, romantique et mélancolique à la fois, associée dans le film à la romance entre Cléopâtre et César. Niveau thématique, le score est servi par trois thèmes, le Love Theme de Cléopâtre/César, le second Love Theme de Cléopâtre/Marc Antoine et un thème aux allures plus orientales et amples pour l’ambitieuse reine égyptienne, entendue dès la traditionnelle ‘Overture’ (qui est une pièce symphonique de concert réunissant les principales idées thématiques du score, très fréquent à l’époque). Le ‘Main Title’ dévoile ainsi une écriture de cordes romantiques et extrêmement raffinée et tourmentée à la fois, tout à fait représentative de l’ambiance du film et des sentiments de la grande reine égyptienne. La musique prend très vite dès la première partie du film une tournure sombre et agitée, avec l’apparition des traditionnelles fanfares romaines comme ‘Pharsalia’ ou les trompettes pompeuses de ‘The VIP’s/King Ptolemy’, mais à la différence des fanfares péplum à la Rozsa ou à la Newman, l’écriture de cuivres d’Alex North s’avère être harmoniquement bien plus torturée, avec des enchaînements parfois audacieux et étranges, rappelant tout le talent du compositeur qui a toujours manifesté tout au long de sa carrière un goût sur pour une écriture orchestrale résolument moderne. Un morceau comme ‘Pompey’s Ring’ surprend par ses dissonances et son côté résolument sombre et limite atonal, plus proche de la musique ‘contemporaine’ du 20ème siècle, un élément musicalement étonnant dans un genre aussi académique que la musique de péplum hollywoodien. Et c’est pourtant cette approche moderne, dissonante et audacieuse qui va faire tout le charme et la puissance de cette gigantesque partition symphonique de plus de 156 minutes. ‘Epilepsy’ est d’ailleurs très représentatif de ce style moderne et dissonant de la partition, avec ses cordes stridentes, ses intervalles torturés et ses orchestrations complexes, le tout associé ici à la scène de la crise d’épilepsie de César vers le début du film. Idem pour ‘Moon Gate’ et son écriture de percussions particulièrement spontanée et riche, évoquant Bartok voire Stravinsky.

‘A Gift for Caesar’ et ‘Only Yesterday’ dévoile quand à eux le thème de Cléopâtre, une mélodie aux consonances vaguement orientales confiée ici à des vents (les hautbois dans ‘A Gift for Caesar’ lors de la première rencontre entre Cléopâtre et César au début du film) ou aux flûtes dans ‘Only Yesterday’. Idem dans ‘Coronation’ pour la scène du couronnement de Cléopâtre avec son utilisation des cloches reprenant habilement le thème de Cléopâtre, faisant ici référence à la musique antique égyptienne – démontrant ici aussi tout le savoir-faire d’un compositeur qui, comme beaucoup de ses confrères du Golden Age hollywoodien, n’avait pas peur de faire quelques recherches musicologiques pour les besoins de ces grands films historiques. A noter une reprise poignante du Love Theme aux cordes dans ‘Caesar’s Departure’, lorsque César quitte Cléopâtre pour se rendre à Rome. A noter ici l’excellente écriture contrapuntique du compositeur utilisant le quatuor des cordes avec une élégance chère au compositeur et parfaite dans le film. Mais le premier climax de la partition est atteint dans le superbe ‘Cleopatra Enters Rome’, véritable petit poème symphonique pour l’entrée majestueuse et grandiose de Cléopâtre à Rome. Le thème de Cléopâtre atteint ici son apogée, transporté par une écriture plus massive des cuivres, des vents (à noter les traits ascendants des piccolos ici) et surtout des percussions cérémoniales, liant la scène avec son aspect chorégraphique démesuré. On retrouve ici une modernité d’écriture incroyable, le morceau rappelant ici aussi le Stravinsky du ‘Sacre du printemps’ ou des ‘Noces’ avec une puissance orchestrale et un contrepoint extrêmement soutenu. ‘Caesar’s Assassination’ nous propose quand à lui une reprise très tourmentée et audacieuse du Love Theme teinté ici de dissonances, comme pour exprimer l’inexorabilité de la tragédie à venir, l’assassinat de Jules César. North en profite pour nous offrir un ‘Requiem’ pour les funérailles de César, écrit principalement pour le pupitre des percussions. On pourra aussi relever une très intéressante reprise du Love Theme dans ‘Farewell’ écrit en contrepoint d’une mélopée orientalisante des hautbois, évoquant subtilement l’union Rome (les cordes)/Egypte (les hautbois) brisée par l’assassinat du grand Jules César, thème résumée dans le somptueux ‘Entracte (Caesar & Cleopatra)’.

Avec le très dissonant et cuivré ‘Hail Anthony’ (dominé par une écriture de cuivres/cordes et percussions extrêmement syncopée et martiale), on entre dans la deuxième et dernière partie de ce score monumental du grand Alex North. Le compositeur nous offre un passage typiquement orientalisant dans ‘Cleopatra’s Barge’ lorsque Cléopâtre rencontre Marc Antoine dans la seconde partie du film. Le thème de Cléopâtre est développé ici aux vents et aux cordes sur un ostinato rythmique soulignant le faste et la puissance de la reine. Idem pour ‘Food’ et ses sonorités orientales plus typiques de la seconde partie du film. Etant donné que l’histoire se concentre plus cette fois-ci du côté de l’Egypte plus que de Rome, il était par conséquent évident que la musique suivrait le même schéma et se concentrerait davantage à son tour sur la partie plus orientale/égyptienne de la musique de North (à noter par exemple l’excellente danse orientale de ‘Bacchus’ avec ses violons en quintes à vide et son excellent contrepoint de vents). On découvre aussi le très beau Love Theme associé à Cléopâtre et Marc Antoine dans la seconde partie de cette partition (‘Anthony and Cleopatra’s Love’), un thème teinté d’un romantisme flamboyant plus optimiste que celui de Cléopâtre et César, et que North tempère néanmoins tout au long du score, préférant opter pour une approche moderne et nuancé de son matériau romantique. Avec ces deux Love Theme, Alex North nous a probablement offert deux de ses plus beaux thèmes d’amour de toute sa carrière, inspirés par un film magistral et grandiose. Avec ‘War’, la partition nous amène dans les batailles finales du film avec une brutalité orchestrale rare pour une musique de péplum des années 60. Les dissonances deviennent ici extrêmes, évoquant la brutalité des affrontements sur mer, idée développée largement dans le massif ‘Interlude/Sea Battle’ et son écriture de percussions martiales de qualité. La musique devient plus torturée et tourmentée dans ‘Two Heads’ évoquant clairement les échecs guerriers de Marc Antoine, comme le sombre ‘Grant Me An Honorable Way To Die’ lorsque Marc Antoine, cerné par les troupes d’Octave, se poignarde devant eux afin de se donner une mort de guerrier honorable. Finalement, ‘Epilogue’ conclut l’histoire avec une reprise poignante du thème principal dans une version aux cordes particulièrement douce et émouvante, les deux amants trouvant finalement le réconfort dans la mort, avant une reprise romantique flamboyante du Love Theme de Cléopâtre et Marc Antoine dans ‘Exit Music (Antony and Cleopatra)’, dans un esprit très ‘Golden Age’ hollywoodien dans la plus pure tradition du genre.

‘Cleopatra’ est certainement l’une des plus grandes oeuvres d’Alex North, dans la lignée de ‘Spartacus’, auquel ‘Cleopatra’ doit quand même beaucoup puisque certaines mesures de ‘Spartacus’ se retrouvent dans le film de Mankiewicz, North ayant du réutiliser des éléments de son ancien score pour des questions de temps imparti à la tâche – une pratique assez courante à l’époque, chez Steiner ou Rozsa notamment. Partition aux orchestrations complexes, aux harmonies à la fois tonales et parfois atonales, mélangeant musique symphonique académique et approche plus moderne et audacieuse, ‘Cleopatra’ est l’un des summums du savoir-faire musical d’Alex North, une grande oeuvre aux influences variées, un bijou du Golden Age hollywoodien. En approchant la musique de péplum par son approche typiquement moderniste, Alex North renouvelait ce genre musical à une époque où Hollywood s’était particulièrement entiché d’un académisme ambiant représenté par quelques figures emblématiques telles qu’Alfred Newman ou Miklos Rozsa. Grâce à la récente restauration du film et de la bande originale d’Alex North, ‘Cleopatra’ peut enfin être apprécié dans toute sa splendeur grâce à la ressortie en ‘deluxe edition’ chez Varèse Sarabande, retranscrivant tout le faste, la grandeur et la puissance de score incontournable du compositeur. Attention, cette partition n’en demeure pas pour autant facile d’accès et nécessitera néanmoins de nombreuses écoutes variées afin d’en apprécier toutes les subtilités. Si ‘Cleopatra’ fait incontestablement partie de ce genre de partition complexe et dense que l’on aura du mal à réellement apprécier dès la première écoute (en particulièrement à cause de sa longueur assez épuisante et de sa densité musicale parfois difficile aux premières écoutes), elle n’en demeure pas moins une partition extrêmement solide et aboutie qui grandit en nous au fil des écoutes, avec un impact aussi fort sur les images du film que sur l’album de Varèse Sarabande!


---Quentin Billard