1-L'enfant qui Voulait
être un Ours (VO) 2.29
2-Le Choix (VO) 2.41
3-Vers la Ville 2.37
4-Le Trou 2.53
5-Le Père 2.43
6-Les Apparitions 2.58
7-Les Loups 2.20
8-L'Habit 2.32
9-Transformation 2.39
10-La Mort de l'Ours 1.54
11-Le Retour du Père 1.24
12-Les Poissons 2.41
13-L'Attaque des Loups 1.16
14-Les Monts Roses 1.20
15-La Fuite 2.35
16-La Pêche 1.16
17-L'enfant qui Voulait
être un Ours (VF) 2.29
18-Le Trou dans la Neige (VF)2.53
19-Le Choix (VF) 2.41

Musique  composée par:

Bruno Coulais

Editeur:

Virgin Records France
7243 580707 2 9

Album produit par:
Bruno Coulais

(c) 2002 Dansk Tegnefilm 2/Les Armateurs. All rights reserved.

Note: ***1/2
L' ENFANT QUI VOULAIT ÊTRE UN OURS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruno Coulais
Spécialiste du film d’animation aux techniques rétro, le danois Jannik Hastrup nous livre avec ‘L’enfant qui voulait être un ours’ l’un de ses meilleurs films. Ce conte touchant et dramatique à la fois nous transporte dans l’univers de la banquise. Un couple d’ours blancs est traqué par une horde de loups affamés, et ce alors que la femelle ours ne va pas tarder à donner naissance à son premier petit. Après avoir réussi à semer leurs assaillants, le couple se réfugie dans une caverne où la femelle ours accouche. Mais le bébé est un mort-né, et la femelle en reste définitivement inconsolable. Le père, qui ne sait plus quoi faire, erre hors de son territoire et aperçoit la maison de deux humains et de leur bébé. L’ours s’introduit dans la maison et enlève l’enfant qu’il ramène ensuite à maman ours. Cette dernière, qui feint de l’ignorer dans un premier temps, décide de prendre le minuscule petit homme dans ses bras pour le réchauffer. Désormais, il sera son fils et s’appellera ‘petit ours’. Pendant plusieurs années, l’enfant est élevé comme un ours, parlant le langage et vivant comme les ours, avec comme seule compagnie un corbeau jacasseur et une mignonne oursonne qui vient lui rendre visite de temps à autre. Mais le couple humain, inconsolable d’avoir perdu leur enfant, décide de tout mettre en oeuvre pour le retrouver en traquant tous les ours de la banquise. Un jour, le père finit par découvrir l’enfant et tue maman ours avant de s’emparer de son fils qu’il s’empresse de ramener chez lui. Mais petit ours est malheureux parmi les hommes, il ne se sent pas à sa place, il appartient définitivement au monde des ours. Il finit par s’enfuir et rejoindre les ours de la banquise. Désormais, il est temps pour lui de rencontrer l’esprit de la montagne et d’affronter les trois épreuves initiatiques qui feront définitivement de lui un ours.

Ce petit film d’animation franco danois met en avant un graphisme sobre et épuré réalisé à l’aquarelle avec un crayon et un pinceau, agrémenté de quelques retouches numériques. L’ensemble possède donc un style visuellement très modeste, plus proche de la peinture ou de planches de bandes dessinés, une esthétique voulue par le réalisateur Jannik Hastrup, mélange de naïveté et de simplicité qui résument parfaitement le style visuel de ‘L’enfant qui voulait être un ours’. L’histoire aborde plusieurs sujets comme le chamanisme chez les Inuits, les croyances spirituelles et la quête initiatique d’un jeune enfant qui cherche à devenir un ours. L’animal représente ici la dualité homme/animal avec la bête qui habite en nous et que l’enfant cherche ici à réveiller pour trouver sa propre identité (peut-être une métaphore du passage au stade d’adulte pour l’enfant?), d’où l’idée d’épreuves initiatiques à la fin du film, le tout sous la forme d’un conte polaire bourré de poésie. Mais le film regorge aussi de moments plus sombres, tristes et dramatiques où le réalisateur, bien loin d’édulcorer son film faussement naïf, montre aussi un monde violent et sans concession, lorsque la mère humaine s’effondre en larme après le rapt de son enfant, lorsque le père tue la mère ours (il est rare de voir un dessin animé ‘pour enfant’ montrer du sang comme le fait le film) ou lorsqu’un des ours s’empale sur la lance de l’homme vers la fin du film. L’histoire évoque aussi la dureté du monde sauvage de la banquise et des êtres vivants livrés à eux mêmes, obligés de se débrouiller pour survivre dans un monde aussi hostile, d’où l’importance tout au long du film des nombreuses scènes de pêche ou de chasse aux phoques. Mais que l’on se rassure, ‘L’enfant qui voulait être un ours’ conserve malgré tout ce mélange entre poésie enfantine et naïveté rassurante du début jusqu’à la fin, sans oublier un final en forme de conte de fée particulièrement magnifique. Les personnages sont tous très attachants, y compris le corbeau jacasseur, qui derrière son côté pipelette et comique cache en fait un sage aux conseils forts avisés. Point d’effets numériques ici, point d’effets de mise en scène à l’hollywoodienne, juste une histoire simple et émouvante que le réalisateur veut nous faire partager avec une grande fraîcheur. Entre symbolique, poésie et drame, ‘L’enfant qui voulait être un ours’ est un dessin animé de qualité, à voir et à revoir, en famille de préférence!

La musique de Bruno Coulais apporte une poésie et une fraîcheur indéniable au film de Jannik Hastrup. Comme d’habitude, le compositeur délaisse l’approche orchestrale habituelle en utilisant des sonorités vocales qui lui sont chères, ici des chants ethniques proches des pays des grands froids ou des chants inuits. Coulais mélange ces différentes sonorités vocales/instrumentales ethniques pour les besoins du film d’Hastrup (il s’agit pour Bruno Coulais de sa première musique pour un dessin animé!). Le thème principal du score, léger et mélodique, est interprété par des voix diverses -un chant d’enfant associé à petit ours dans le film- sur fond de petites percussions évoquant la nature, -des cailloux frappés ensemble pour jouer un rythme, des branches d’arbre frappées, etc.- timbales, piano et instruments ethniques divers dès le générique de début (‘L’enfant qui voulait être un Ours’), alors que l’on voit à l’image différentes formes d’animaux se former et se déformer en morphing – il s’agira par la suite du personnage de l’esprit de la montagne, capable de prendre différentes formes animales. Avec cette première apparition du thème principal, on n’est guère loin par moment du style de 'Himalaya', ‘Microcosmos’ ou ‘Le Peuple Migrateur’ et ses voix ethniques toujours fraîches, simples, charmantes et envoûtantes. Bruno Coulais voulait donc éviter l’utilisation d’une musique de cartoon traditionnelle qui n’aurait absolument pas collé à l’ambiance du dessin animé de Jannik Hastrup. Au contraire, il fallait une musique plus spéciale, plus retenue, plus libre et originale pour évoquer l’ambiance du film plutôt que de souligner chaque mouvement en musique. C’est cette approche musicale originale et intéressante qui fait ici tout le charme de la très belle partition pour ‘L’enfant qui voulait être un ours’. Dans ‘Le choix’, Coulais développe une nouvelle phrase mélodique plus mélancolique d’esprit, avec la voix du jeune Nicolas Lemoine accompagné un quatuor à cordes, une guitare, un piano et des petites percussions. Dans ‘La Ville’, Coulais utilise le quatuor à cordes avec les rythmes de cailloux et les timbales pour évoquer une certaine urgence lorsque petit ours rejoint la ville des humains. On ressent bien ici que quelque chose ne va pas, la musique paraît légèrement plus sombre et agitée, traduisant les sentiments de petit ours qui se sent perdu dans ce monde qui n’est pas le sien.

A noter une écriture rythmique typique du compositeur dans ‘Le Père’ avec son instrumentation toujours originale et inventive, tandis que ‘Les Apparitions’ réutilise la voix d’enfant doublée par un piano pour la scène dans la montagne vers la fin du film, le tout englobée dans une très grande douceur et une retenue simple et touchante, parfaite sur les images du film. Dans ‘Les Loups’, Coulais dévoile son second thème, une très belle mélodie de berceuse qu’interprète dans le film la mère humaine lorsqu’elle berce son enfant au début du film. Coulais se sert de cette mélodie pour évoquer le lien entre petit ours et son côté humain, un refrain simple qui pourrait presque faire penser à une petite berceuse populaire. Ce thème de berceuse sera ainsi très présent tout au long du film, évoquant l’enfance et la naïveté du jeune protagoniste principal face à un monde dur et violent. On pourra apprécier au passage une très belle reprise du thème principal chanté par Nicolas Lemoine dans ‘L’Habit’ (lorsque maman ours donne un habit à petit ours pour qu’il supporte mieux le froid), sans oublier ‘La mort de l’ours’ pour la poignante scène de la mort de maman ours. Coulais réutilise ici la phrase mélodique de piano/voix de ‘Le Trou’ qu’il associe au drame de la mort de la mère ours, en conservant une retenue et un minimalisme touchant. A aucun moment la musique ne sombre dans le pathos ou le dramatique, au contraire, Coulais préfère conserver cette grande douceur respectueuse du film d’Hastrup. A noter une magnifique mélodie fredonnée par Nicolas Lemoine dans le très beau ‘Les Poissons’ pour la scène de l’apprentissage de la pêche, un morceau d’une grande douceur recelant une certaine émotion simple et subtile, une mélodie associée ici au jeune petit ours et à son apprentissage de la vie. On découvre ensuite des voix plus proche des chants inuit/indien dans ‘L’attaque des loups’ sur fond de rythmes de cailloux, de tambours et de timbales pour l’attaque des loups vers le début du film, rappelant la facette plus ethnique de la musique de ‘L’enfant qui voulait être un ours’. ‘La Pêche’ reprend la flûte sur fond de piano et de guitare pour une autre scène de pêche avec un ton toujours très doux, une atmosphère minimaliste et retenue, en adéquation avec cette nature à la fois simple, belle et parfois brutale et sauvage (‘L’attaque des loups’).

Vous l’aurez compris, La BO de Bruno Coulais pour ‘L’enfant qui voulait être un ours’ reste dans la continuité logique de tout ce que le compositeur français a pu entreprendre auparavant, notamment sur l’utilisation des voix (une quasi constante chez Bruno Coulais) qui prennent ici une tournure quasi opératique sur les images du film, sans oublier l’approche instrumentale minimaliste très caractéristique de la musique de ‘L’enfant qui voulait être un ours’. Coulais a donc eu suffisamment de liberté sur ce film pour écrire la musique telle qu’il la sentait, une chose rare dans le cinéma actuel mais qui existe encore fort heureusement. Sa musique apporte au film de Jannik Hastrup une poésie pleine de fraîcheur et de simplicité et un rythme agréable, le tout enrobé de ce côté humble, retenu, touchant par sa simplicité et son honnêteté musicale, bien loin des conventions de la musique de dessin animé habituelle. A une époque où se multiplient les gros mastodontes symphoniques – notamment dans les films d’animation actuels, surtout chez Disney – il est bon de revenir aux sources et d’écouter une musique plus subtile, minimaliste et inventive pour un dessin animé de ce genre, preuve du savoir-faire d’un compositeur dont les principales préoccupations musicales semblent se résumer de plus en plus vers les voix opératiques et une mise en musique plus recherchée, mélangeant souvent influences occidentales et ethniques.


---Quentin Billard