1-Ya Dzayer 1.52*
2-L'Algérie 1.33
3-L'Attente 4.35
4-Mort de Messaoud 0.51**
5-Indigènes 3.23
6-Seul 2.06
7-Mort du Frère 2.00
8-Ya Dzayer 4.30*
9-Monte Cassino 6.46
10-L'enterrement 2.54
11-Mort d'Ali 1.03
12-Sacrifice 5.27
13-Nostalgie 1.01**
14-Sur la Tombe 1.57
15-El Babour 5.28+
16-Retour 3.42

*Composé par Ahmed Wahby
Arrangement d'Armand Amar
**Musique additionnelle (co)composées,
écrites et interprétes par Khaled.
+Composé par Khaled
Arrangement d'Armand Amar
et Mathieu Coupat.

Musique  composée par:

Armand Amar

Editeur:

Universal France 9841881

Production exécutive
EuropaCorp:
Supervision musicale et
production exécutive:
Jérôme Lateur
Directrice de production:
Elise Luguem
Chargé de production:
Mehdi Sayah, Alexandre Mahout
Coordination juridique:
Vincent Lebègue
Gestion éditoriale:
Dominique Pisani
Long Distance Productions:
Katrin Oebel
Montage musique:
Hélène Bartolucci


Note: ***
INDIGÈNES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Armand Amar
Sans aucun doute l’un des plus grands évènements cinématographiques français de cette rentrée 2006, ‘Indigènes’ est le nouveau film du réalisateur Rachid Bouchareb, à qui l’on doit entre autre ‘Poussières de vie’, ‘Cheb’ ou bien encore ‘Little Senegal’. Avec ‘Indigènes’, Bouchareb s’attaque à l’exercice périlleux du film de guerre engagé en dénonçant les injustices des ‘indigènes’ arabes recrutés en Afrique en 1943 pour aider les alliés à libérer le pays de la domination nazie et qui tombèrent très vite dans l’oubli. Le film suit le destin de quatre de ces ‘indigènes’, Abdelkader (Sami Bouajila), Yassir (Samy Naceri), Messaoud (Roschdy Zem) et Saïd (Jame Debbouze), qui se retrouvent envoyés en première ligne. Survivant à une série de batailles difficiles, les quatre amis tentent de vivre chacun de leur côté en France, l’un cherchant l’amour, l’autre la fortune, l’autre la reconnaissance, etc. Leurs motivations finissent par diverger violemment, alors qu’ils sont pourtant unis pour une cause commune: la libération de la France. 60 ans plus tard, le gouvernement français n’a toujours pas versé de pension aux anciens tirailleurs africains qui participèrent à la libération de la France à la fin de la guerre, et ce jusqu’à ce que Jacques Chirac, après avoir vu le film lors d’une projection privée en septembre 2006, décide de réagir en demandant au gouvernement que le dégel des pensions allouées aux tirailleurs se poursuive comme il l’était pourtant prévu depuis plusieurs années déjà. Ce fut aussi l’occasion pour le Président de la République de rendre à nouveau hommage à tous ces ‘indigènes’ qui ont participés à la libération de notre pays à la fin de la guerre, évoquant au passage le talent des acteurs qui se sont tous énormément investis dans ce film (à commencer par Jamel Debbouze, bien loin de son rôle habituel de pitre échappé de la série ‘H’, puisque l’acteur a même participé à la production du film et s’est vraiment donné à fond dans ce rôle). ‘Indigènes’ s’impose donc comme une sorte de devoir de mémoire qui a finalement permit de réparer une grave injustice, et c’est en ce sens l’atout et l’inconvénient du film, l’atout car au delà de l’aspect purement cinématographique le long-métrage de Rachid Bouchareb a eu une résonance politique forte en France, l’inconvénient car on ne peut qu’adhérer à la prise de position radicale du film qui, à défaut d’ouvrir un réel débat, impose un seul et même point de vue (du coup, le film est strictement inattaquable!). La mise en scène reste quand à elle assez conventionnelle et sans grande surprise, avec des plans de transition en noir et blanc assez judicieux lorsque l’on voit apparaître la date et le lieu dans lequel se déroule l’histoire, renvoyant à l’idée de la mémoire, du devoir de souvenir, de respect du passé et de l’histoire de tous ces africains qui se sont battus pour libérer la France. Au final, ‘Indigènes’ demeure un film engagé et vif de bout en bout, poignant et révoltant, un film fort et humaniste qui ne donne jamais de leçon mais impose néanmoins un même point de vue assez radical.

Le compositeur Armand Amar (décidément très prisé ces derniers temps dans le cinéma français) a crée une partition symphonique mélancolique, lente et élégiaque pour les besoins du film, aux côtés de Khaled, célèbre chanteur de raï qui nous offre quelques magnifiques vocalises arabisantes pour les besoins du film. Le film s’ouvre d’ailleurs au son de la voix de Khaled accompagné par l’oud de Zaim Abdelouahed (sorte de luth typique de la musique du Maghreb et du Moyen-Orient), ‘Ya Dzayer’, chanson écrite par Ahmed Wahby et arrangé par Amar, qui évoque le destin de ces soldats durant la guerre. La partie orchestrale d’Amar intervient dans ‘L’Algérie’ alors que les jeunes soldats algériens sont recrutés pour partir au combat. Le compositeur met ici l’accent sur le pupitre des cordes et plus particulièrement des cordes graves avec quelques instruments à vent (clarinettes, flûtes), le tout évoquant un sentiment de mélancolie, de tragédie, de tristesse. Et c’est l’attente terrible de la première bataille pour ces jeunes soldats ‘indigènes’ dans ‘L’attente’ dans lequel Armand Amar utilise des percussions japonaises et métalliques pour accentuer la tension et l’angoisse de la scène. La seconde partie, toujours aussi pesante et mélancolique, nous permet de retrouver l’orchestre avec une pulsation électronique obsédante et quelques ambiances synthétiques sombres. Hélas, ce qui frappe à l’écoute de ce morceau ce n’est pas tant l’atmosphère élégiaque et sombre qui s’en dégage mais l’incroyable ressemblance avec ‘Journey To The Line’ du score de ‘The Thin Red Line’ de Hans Zimmer. A vrai dire, l’ensemble du score de ‘Indigènes’ semble avoir été entièrement inspiré par la composition de Zimmer, à tel point que l’on finit par se demander où est la personnalité d’Armand Amar dans cette composition orchestrale.

Khaled nous offre une série de vocalises arabisantes magnifiques sur le poignant ‘Mort de Messaoud’, co-composé par Amar pour l’orchestre et le chanteur pour la partie vocale, un véritable Requiem aux accents arabisants particulièrement intense et fort à l’écran, lorsque Messaoud meurt vers la fin du film (spoiler oblige, merci les titres des CD qui dévoilent le contenu du film !!!). L'association de la partie orchestrale d'Amar et de la voix de Khaled évoque bien évidemment ici le métissage musical associé au sort de ces jeunes algériens qui se sont battus pour un pays qui n'était pas le leur mais qu'ils ont néanmoins défendu avec courage et loyauté, un mélange entre la culture musicale occidentale et orientale particulièrement juste et savoureux, bien que finalement sans grande surprise et assez prévisible étant donné le sujet traité. Le morceau ‘Indigènes’ fait intervenir quand à lui des choeurs élégiaques et funèbres dans l’un des plus beaux morceaux du score, retranscrivant ici aussi les tragédies des combats et les injustices que vivent les ‘indigènes’ tout au long du film. On retrouve ici aussi un travail des percussions proche de ce que l’on avait déjà entendu dans ‘L’attente’, avec en prime un final particulièrement poignant et émotionnellement très fort, combinant choeur et orchestre pour ce qui pourrait s’apparenter au thème principal, basé sur une cellule de 4 notes descendantes aux cordes et associé aux quatre héros du film. C’est ce sentiment de mélancolie et de solitude qui rend la partition si pesante, autant sur les images du film qu’à l’écoute du disque, comme le confirme ‘Seul’ et ses cordes sombres avec l’utilisation d’un violoncelle soliste, ou ‘Mort du Frère’ dans lequel intervient une flûte aux accents orientaux pour la mort du frère de Yassir. Ce sentiment funèbre et élégiaque se prolonge dans le long et douloureux ‘Monte Cassino’ toujours dominé par les cordes, marqué ici par l’intervention d’un alto et d’une viole soliste. La flûte soliste de ‘L’enterrement’ résonne à son tour de façon très funèbre, pour la scène de l’enterrement du frère de Yassir. ‘Mort d’Ali’, ‘Sacrifice’ et le très émouvant ‘Nostalgie’ (co-composé et interprété par Khaled sur un fond de cordes élégiaques) achève de rendre la partition particulièrement riche en émotion, autant dans le film que sur le disque. Avec ‘El Babour’, Khaled nous offre un très beau morceau de raï pour le générique de fin du film, concluant le long-métrage en beauté. Quand à ‘Retour’, il s’agit sans aucun doute de l’un des morceaux du score d’Indigènes le plus inspiré de ‘The Thin Red Line’ de Hans Zimmer, sans grande imagination, hélas et bien trop proche de l’original pour susciter suffisamment d’intérêt!

Voilà en tout cas une magnifique partition orchestrale particulièrement respectueuse de son sujet mais aussi hélas bien trop proche des conventions musicales habituelles des films de guerre d’aujourd’hui. Effectivement, autant certaines critiques ont reprochés au film son côté ‘Saving Private Ryan’ de Spielberg, autant on pourrait formuler le même genre de critique à l’égard de la composition d’Armand Amar, finalement pas si inspiré que cela lorsqu’on compare avec la musique de ‘The Thin Red Line’ de Hans Zimmer qui a finalement sévèrement servi de modèle au compositeur, qui ne fait qu’appliquer les recettes des musiques élégiaques de films de guerre/drame d’aujourd’hui. Dans le même genre, la musique de ‘World Trade Center’ de Craig Armstrong paraissait bien plus personnelle. Le fond du problème est donc là : autant les compositions de Khaled sont musicalement irréprochables et contribuent à apporter une grande touche d’émotion et d’authenticité à la musique du film, autant la partie orchestrale d’Amar transpire le manque d’imagination et nous oblige à nous questionner sur les réelles motivations du compositeur à propos de cette bande originale pourtant riche en émotion, d’autant que le score de ‘Indigènes’ est quand même bien loin de réussir à égaler le génie de la composition de Hans Zimmer pour ‘The Thin Red Line’. Maintenant, c’est à chacun de juger!


---Quentin Billard