Four Chapters of "Blood and Bones"
for Solo Violin & Strings Orchestra

1-Chapter I Adagio
Elegiaco 5.26
2-Chapter II Andante Con
Amore 6.05
3-Chapter III Lento Molto
Pesante 7.41
4-Chapter IV Adagio Molto
Cantabile 7.45

Four Scores taken from
the original motion picture
Blood & Bones

5-Life and Death 5.09
6-To the Far East Island 4.44*
7-View of a Family 5.14
8-Until Dying Day 5.11
9-Memoir 3.46**

*Includes "Dung Geure Dang Sil"
Korean traditional song
**Secret track (variation of Chapter IV)

Musique  composée par:

Taro Iwashiro

Editeur:

Milan Records 301 721-3

Produit par:
Taro Iwashiro


Note: ****
BLOOD AND BONES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Taro Iwashiro
Dernier long-métrage du japonais Yoichi Sai, réalisateur de ‘Quill’, ‘Blood and Bones’ met en scène l’incomparable Takeshi Kitano qui passe cette fois-ci devant la caméra et nous prouve qu’il est décidément l’un des acteurs les plus talentueux de sa génération, en plus d’être un cinéaste de génie. En 1923, Kim Joon-pyong, un jeune paysan originaire de la Corée du sud quitte son pays pour partir s’installer à Osaka au Japon. Il n’a qu’une seule et unique ambition: faire fortune à tout prix. Il monte une usine de friand au poisson et commence à prospérer, mais son tempérament violent et explosif l’amène à maltraiter de plus en plus ses proches. Brutal et charismatique, Kim continue de mener ses affaires avec une poigne de fer, maltraitant femme et enfant. Pendant près de soixante années, Kim prospérera mais vivra dans le chaos, sa brutalité l’amenant à détruire progressivement sa famille et le destin de ses proches. Après la fermeture de son usine, il deviendra usurier et commencera à s’attirer la haine de sa famille, le condamnant finalement à la solitude. Ce drame bouleversant signé Yoichi Sai est entièrement porté par un Takeshi Kitano exceptionnel comme d’habitude. Il faut dire que le réalisateur aura quand même attendu six ans pour pouvoir tourner avec Kitano, car effectivement, le rôle avait été conçu pour lui depuis le début. Malgré sa longueur et son rythme parfois monotone (pratiquement 2h20), ‘Blood and Bones’ nous offre une leçon d’acteur totalement magistrale et immersive, que ce soit Kitano – qui habite complètement son personnage et reste fidèle à son style habituel – ou le reste des acteurs du film. ‘Blood and Bones’ évoque donc le destin d’un homme violent qui détruit progressivement sa famille et affrontera même certains de ses fils, multipliant à répétition les bagarres qui atteignent parfois une violence inouïe assez gratuite par moment (on se souvient par exemple de la très mémorable scène de bagarre entre Kim et son fils vers le début du film, revenu pour lui réclamer de l’argent). Les scènes de bagarre sont nombreuses, et le réalisateur s’arrange pour qu’elles paraissent le plus réaliste possible, quitte à demander à ses acteurs de se frapper pour de vrai afin d’augmenter le réalisme des scènes. On est très loin ici d’un drame à l’hollywoodienne, Yoichi Sai veut faire mal et provoquer les spectateurs, il veut que le public ressente à la fois haine et compassion pour le personnage incarné par Takeshi Kitano à l’écran (impossible de ne pas se sentir déprimé à la fin du film), une sorte d’anti-héros parfait qui ne laissera personne indifférent, en gros: un personnage fort sur lequel tout le film est entièrement bâti. L’émotion atteint son paroxysme dans une dernière demi heure particulièrement noire et tragique, le tout amené par un gigantesque crescendo dramatique géré avec beaucoup d’habileté. En bref, un film fort et dur, à ne surtout pas manquer ne serait-ce que pour savourer une énième démonstration de l’immense talent du grand Takeshi Kitano!

La musique de Taro Iwashiro contribue à son tour au côté noir et dramatique du film de Yoichi Sai. Le compositeur japonais est passé maître dans la mise en musique de drames asiatiques, lui qui avait écrit précédemment la très belle partition pour l’inoubliable ‘Memories of Murder’ (2003). Pour ‘Blood and Bones’, Iwashiro a opté pour une approche intimiste, lente et élégiaque, prenant le contre-pieds total de l’univers violent et oppressant du film. A la brutalité du personnage de Kitano le compositeur répond par une musique belle, mélancolique et lente, construite autour d’un adagio élégiaque pour cordes qu’il développe tout au long du film. Le thème de ‘Adagio Elegiaco’ est exposé en ouverture de l’album dans une série de morceaux de concert arrangés spécialement par le compositeur pour former une mini suite qui s’écoute hors du film, et qui se distingue par son classicisme d’écriture et son lyrisme poignant. Iwashiro utilise ici un violon soliste accompagné par un orchestre à cordes dans un style très classique d’esprit. Il associe le thème du ‘Adagio Elegiaco’ au personnage de Kitano tout au long du film. La seconde partie, ‘Andante Con Amore’ est une autre pièce pour violon et cordes dans un style toujours très classique et lyrique, avec une mélancolie à fleur de peau, un raffinement rare et particulièrement subtil (on est proche par moment d’un Massenet ou d’un Mahler). ‘Lento Molto Pesante’ renoue quand à lui avec les grands Adagio romantiques du 19ème siècle, toujours avec la présence du violon soliste et des cordes. Le thème de ‘Adagio Molto Cantabile’ est utilisé quand à lui dans le film, associé aux tourments que subissent les proches de Kim et les mauvais traitements qu’il afflige régulièrement aux membres de sa famille. Une fois encore, à la violence du film Iwashiro préfère répondre par une douceur mélancolique qui permet de prendre du recul par rapport au côté âpre (gratuit?) et sans concession des images. A ce sujet, le thème d’Adagio Molto Cantabile’ est sans aucun doute l’un des plus beaux thèmes de film écrit par le compositeur japonais. A noter que l'album contient une piste secrète située après la piste 8, et qui n'est autre qu'une magnifique variation de la piste 4 dans une version inédite pour voix féminine, violoncelle et guitare.

La seconde partie de l’album correspond aux arrangements musicaux tels qu’ils sont entendus dans le film. Ainsi, ‘Life and Death’ accompagne les moments les plus sombres du film reprenant le thème de ‘Adagio Molto Cantabile’, thème repris dans ‘To The Far East Island’ et qui évoque le personnage de Kim Joon-pyong avec une première partie faisant intervenir un chant coréen traditionnel en arrière-fond sonore comme pour rappeler les origines de Kim. ‘View of Family’ évoque le destin de la famille de Kim avec un côté par moment plus doux et apaisé, même si le sentiment de tristesse reste toujours présent. Le morceau se veut là aussi comme une parfaite réflexion sur les conséquences tragiques de la violence et du déchirement entre les êtres d’une même famille entraînés dans une spirale infernale. Le thème de ‘Adagio Molto Cantabile’ évoque plus intensément la descente aux enfers tragiques de la famille dans ‘Until Dying Day’ et la chute de Kim qui, au bout de 60 ans, devient vieux, sénile mais toujours aussi rempli de haine et de mépris pour tout ceux qui l’entourent. Dommage cependant qu’au bout de 50 minutes, la musique devienne monotone et ennuyeuse. On a effectivement l’impression d’entendre systématiquement le même thème sans variations particulières, en tout cas rien qui permette à l’auditeur de rebondir dessus. Si l’utilisation de la musique dans le film est tout à fait remarquable (elle est utilisée avec parcimonie et délicatesse, sans jamais prendre le pas sur les images), on risquera fort d’être moins enthousiaste à l’écoute de la musique sur l’album, qui, bien qu’indéniablement belle et remplie d’une émotion subtile et raffinée, devient assez lassante et supporte mal la longueur. Peu importe, le compositeur remplit néanmoins le cahier des charges et nous offre une magnifique oeuvre pour violon et cordes dans un style classique particulièrement lyrique et poignant. Sans aucun doute l’une des plus belles BO que Taro Iwashiro ait écrit à ce jour pour un film asiatique!


---Quentin Billard