1-Sunlight Full That Day 1.13
2-Main Title 0.33
3-Face 2.24
4-If You Dot Not Surrender,
The Quarters Die Rotting 0.48
5-To In Darkness 1.22
6-Railroad Crossing 0.39
7-Reed Field 1.14
8-Like Swallow 2.51
9-Waiting In The Rain 2.10
10-Woman In The Rain 2.23
11-Light of the Factory 0.57
12-Scream 0.15
13-Stepping 0.50
14-Running of Month Night 1.45
15-Eye of Shrine Maiden 1.44
16-On The Other Side of the Hill 0.36
17-Encounter of Moment 0.13
18-Confession 1.17
19-After the Confession 0.35
20-Night Journey 0.36
21-The Death Which Is Notified 1.57
22-White Face 0.43
23-Fatigue 1.03
24-Girl In Darkness 1.21
25-Say That You Killed 1.26
26-The Letter Which Comes
From the Distance 1.22
27-Defeat 1.59
28-Positive Shining Full Today 0.52
29-Recollection of Homicide 3.15
30-Recollection of Rain 3.46
31-Recollection of Night 5.37
32-Dejected Letter 4.58

Musique  composée par:

Taro Iwashiro

Editeur:

Sony Music Direct (Japan) Inc.
MHCP 209

Produit par:
Taro Iwashiro
Score orchestré et conduit par:
Taro Iwashiro
Synthétiseurs programmés par:
Nobuhiko Nakayama,
Hide Fukazawa

Superviseurs de la musique:
Masa Sakuma, Akiko Takakuwa

(p) 2003 Sidus. All rights reserved.

Note: ****
MEMORIES OF MURDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Taro Iwashiro
‘Memories of Murder’ reste incontestablement l’un des films phares du cinéma asiatique de l’année 2003. Véritable révélation et succès sur toute la ligne pour ce polar sud-coréen réalisé par Joon-ho Bong qui, dès son second long-métrage, a su créer l’événement en imposant un style plus particulier au genre du polar asiatique, bien loin des clichés hongkongais habituels et à des années lumières du cinéma hollywoodien. L’histoire se déroule dans la Corée du sud dans les années 1986, dans la petite province de Gyunggi. Le corps d’une jeune femme violée et assassinée est retrouvé en pleine campagne. Peu de temps après, on découvre de nouveaux corps dans un état similaire. La police tente de mener l’enquête mais aucune piste tangible ne semble aboutir, d’autant que le pays n’avait encore jamais connu une vague de crimes d’une telle ampleur. Une équipe spéciale est formée au commissariat local pour tenter de traquer et d’arrêter le redoutable serial-killer. C’est le détective local Park Doo-Man (Kang-ho Song) qui est chargé de mener l’enquête, en collaboration avec le détective Seo Tae-Yoon envoyé fraîchement de Séoul pour épauler la police de Gyunggi. Très vite, la tension monte entre les deux policiers aux méthodes totalement contraires: l’un croit à l’instinct et néglige complètement les protocoles habituels d’enquête, s’adonnant à la torture systématique sur toutes les victimes qu’il appréhende. L’autre, plus jeune, croit au contraire à la rigueur scientifique et aux faits, menant l’enquête avec beaucoup plus de sérieux que ses collègues. Très vite, la tension monte entre Park et Seo alors que leurs méthodes diffèrent radicalement. L’enquête piétine et les fausses pistes se multiplient, d’autant que le passage à tabac des suspects présumés n’arrangent rien à l’affaire. Et pour corser le tout, le serial-killer continue de multiplier les victimes, jusqu’au jour où ils décident de prélever de l’ADN sur le corps d’une des victimes. Mais la police sud-coréenne n’a aucune technologie moderne à sa disposition et, faute de moyen, elle est obligée d’envoyer les précieux échantillons à analyser aux Etats-Unis. Les deux policiers n’ont donc pas fini de se tourmenter et de douter.

‘Memories of Murder’ s’inspire d’un fait réel survenu en Corée du sud dans les années 80. Un serial-killer avait effectivement assassiné et violé de nombreuses femmes sans qu’il n’ait jamais été arrêté. Il faut dire que c’était la première fois que la Corée du sud avait à faire à un tel cas de serial killer. Plus de 3000 suspects furent interrogés et près de 300 000 policiers furent mobilisés pour une enquête qui n’a jamais aboutit. Le film de Joon-ho Bong dénonce ainsi le manque de moyen de la police sud-coréenne et les méthodes archaïques qu’usent les policiers pour mener leurs enquêtes, bien souvent bâclées pour faute de rigueur et de réelle démarche scientifique sérieuse. Quand on voit la façon dont les scènes de crime ne sont même pas respectées au début du film ou la manière dont les policiers mènent des interrogatoires musclées sur des suspects éventuels, on ne peut qu’être révolté contre cette situation dramatique qui profita alors à un sinistre serial-killer qui ne laissait aucune trace derrière lui et qui pouvait commettre ses crimes en toute impunité sans jamais être inquiété, et ce malgré la ténacité quasi obsessionnelle des deux policiers qui menaient l’enquête. Quand on sait que les policiers coréens en sont même arrivés à faire appel à des voyants pour mener à bien leur enquête, il y a de quoi s’interroger sérieusement sur le fonctionnement du système policier dans ce pays. Mais ceci n’est finalement qu’un prétexte pour permettre au réalisateur d’amener un long et douloureux crescendo dramatique, alors que les policiers sombrent progressivement dans le doute et la violence, les interrogatoires se faisant de plus en plus violents et totalement contraire aux respects des droits humains. La dernière partie devient alors particulièrement intense et tragique, le spectateur assistant impuissant à cette sombre descente aux enfers de deux flics qui ne parviennent pas à voir le bout de cette enquête difficile, accumulant fausses pistes et indices bidons tandis que le tueur continue de commettre ses méfaits, une inexorabilité dramatique digne des grandes tragédies grecques. Les deux acteurs principaux sont particulièrement bons dans leurs rôles respectifs ainsi que le reste des acteurs. Seule ombre au tableau : l’humour un peu bizarre durant toute la première partie du film, qui nous amène à nous demander si nous sommes réellement dans un polar ou plutôt une comédie, le film ayant le cul entre deux chaises le temps d’une première partie un peu satirique et grinçante. Au final, ‘Memories of Murder’ fait partie de cette catégorie de film coup de poing qu’il est bon de voir de temps à autre, histoire de rompre avec la monotonie quotidienne. A une époque où le genre du polar semblait sombrer de plus en plus dans les stéréotypes hollywoodiens, le film de Joon-ho Bong s’avéra être une grande surprise, une tentative de dépoussiérage du film policier dans une ambiance dramatique et humaine époustouflante, sombre, grinçante, violente (la violence du film est particulièrement oppressante, puisqu’elle concerne plus le comportement des protagonistes principaux que le criminel lui-même), noire, amère et bouleversante à la fois, du quasi jamais vu pour ce qui reste l’un des meilleurs polars asiatiques du cinéma coréen, un cinéma décidément en pleine effervescence ces derniers temps et qui n’a pas fini de nous étonner!

La musique du compositeur japonais Taro Iwashiro a sans aucun doute contribué au succès du film de Joon-ho Bong. Le compositeur a choisit d’illustrer cette sombre histoire à travers un style plus intime, mélancolique et lyrique, comme le musicien l’affectionne tant. Certains passages sont parfois plus noirs et sombres, et d’autres plus tristes et réservés. Iwashiro utilise du piano avec quelques cordes et des synthétiseurs, comme le confirme par exemple ‘Sunlight Full That Day’, qui ouvre le film sur un piano nostalgique accompagné par des nappes de cordes et de synthétiseurs cristallins. Ambiance similaire dans le ‘Main Title’ qui reprend l’atmosphère nostalgique et intime du début. Dans ‘Face’, les policiers découvrent le premier corps. Iwashiro utilise ici des percussions mélodiques de synthé aux consonances asiatiques avec quelques nappes de cordes. On retrouve ici un style nostalgique et rêveur vraiment magnifique alors que le début du film est au contraire assez sombre (il s’agit quand même de la découverte d’un cadavre d’une jeune femme violée). Le contre-emploi reste subtil, apportant une certaine distance aux images, Iwashiro préférant opter ici pour l’émotion, avec une côté mélodique/harmonique très japonais d’esprit (pour un peu, on se croirait être en train d’écouter une musique du grand Joe Hisaishi!). ‘To In Darkness’ confirme l’orientation mélancolique/intime du score avec un très beau thème de piano sur fond de synthétiseur et qui évoque le drame des crimes commis par le serial killer. Ici aussi, Iwashiro préfère prendre de la distance par rapport aux images et opter pour une approche musicale plus humaine et émotionnelle. Néanmoins, le compositeur n’en oublie pas la facette thriller pour autant avec un morceau comme ‘Waiting in the Rain’ qui évoque l’une des scènes de meurtre perpétré par le serial-killer qui attend tranquillement sa victime sous la pluie. Iwashiro utilise ici des sonorités synthétiques glauques proches du son d’un didgeridoo australien (associé au tueur) avec quelques vagues notes de piano/cordes dans un style plus atonal et sinistre, créant une tension particulièrement forte à l’écran. ‘Light of the Factory’ reprend le thème dramatique que l’on avait déjà entendu dans ‘Railroad Crossing’ dans une magnifique version poignante pour cordes et synthé. Le compositeur nous fait pleinement ressentir ici le caractère tragique de ces meurtres sauvages, tandis que ‘Scream’ et ‘Running of Month Night’ rompent avec le style intime/mélancolique de la partition pour les seuls passages d’action du score, utilisant des percussions électroniques sur fond de cordes et de synthétiseurs. ‘Running of Month Night’ illustre la poursuite entre les deux flics et l’un des suspects éventuels en pleine nuit. La poursuite se prolonge dans le frénétique ‘Eye of Shrine Maiden’, toujours accompagné par cet ostinato de percussions électroniques obsédantes.

Mais l’on retrouve très vite le caractère plus humain et mélancolique de la partition avec ‘On the Other Side of the Hill’ dans une ambiance éthérée avec piano et synthétiseur, ou ‘After the Confession’ qui reprend le thème de piano mélancolique de ‘To In Darkness’ évoquant les tourments des deux policiers sur cette enquête difficile. ‘The Death Which Is Notified’ développe quand à lui le thème dramatique dans une version particulièrement tragique aux cordes alors qu’une nouvelle victime est retrouvée et que l’enquête traîne lamentablement. La musique devient alors particulièrement dramatique et intense sur les images, illustrant la tragédie de la situation: les policiers n’ont toujours aucun indice et le meurtrier vient de commettre un nouveau crime pendant qu’ils tentaient d’interroger par la force un éventuel suspect qui est en réalité innocent. A noter l’utilisation d’un hautbois à la fin de la pièce qui permet de relancer l’intérêt du morceau. Iwashiro continue de développer ses thèmes comme le confirme ‘Fatigue’ qui reprend le thème de piano mélancolique, toujours associé aux deux policiers et qui évoque ici leurs doutes, leur lassitude et leurs tourments, sous un angle toujours très humain, intime et émotionnel. Le thème explose enfin dans toute sa splendeur dans le poignant ‘Say That You Killed’ où il est exposé aux cordes avec piano et synthétiseurs pour l’un des plus beaux passages du score de ‘Memories of Murder’, une ambiance mélancolique et dramatique typique de Taro Iwashiro. Ambiance similaire dans le mélancolique ‘The Letter Which Comes From the Distance’ lorsque les policiers reçoivent la lettre de l’analyse de l’ADN à la fin du film, dans ce qui reste là aussi l’un des plus beaux passages du score, porté par une très grande émotion dramatique assez intense à l’écran (la musique évoque ici la « chute » des deux policiers qui se retrouvent alors dans une impasse).

L’émotion devient alors plus grande dans le poignant ‘Defeat’ qui évoque une issue dramatique dans cette enquête difficile, alors que le criminel n’a toujours pas été arrêté malgré tout ce qui a été mis en oeuvre. A noter ici la qualité de l’écriture des cordes et des harmonies qui permettent au compositeur de traduire magnifiquement à l’écran toute l’amertume de la défaite des deux policiers qui ont échoués. ‘Positive Shining Full Today’ nous permet finalement de retrouver les phrases de piano mélancolique du début, comme pour rappeler un souvenir lointain, la boucle étant bouclé - traduit littéralement, le titre du film signifie ‘souvenirs d’un meurtre’. Partant de ce postulat, on comprend mieux l’utilité de certains morceaux magnifiques comme ‘Recollection of Homicide’ qui reprend le thème élégiaque de ‘The Letter Which Comes From the Distance’ dans une variante pour voix féminine (évoquant probablement le souvenir de toutes ces malheureuses femmes assassinées) avec piano, orchestre et synthétiseur. A noter que la seconde partie du morceau reprend le thème dramatique dans toute sa splendeur, le morceau accompagnant en fait le générique de fin du film, un morceau incontournable par l’incroyable beauté et la tristesse bouleversante qu’il dégage, du quasi jamais entendu dans un film policier asiatique de ce genre! Iwashiro se fait plaisir en nous offrant quelques dernières variations de ses autres thèmes comme le thème de piano de ‘Recollection of Rain’ ou celui de ‘Recollection of Night’ pour piano solo et synthétiseur.

Impossible de rester impassible face à une partition d’une telle beauté qui oscille entre tristesse, introversion et suspense, un score dramatique particulièrement poignant qui révèle tout le talent de Taro Iwashiro pour les ambiances dramatiques et élégiaques (pour un peu, on serait presque tenté de comparer le compositeur japonais à James Horner pour son côté lyrique et son goût pour les musiques dramatiques). La musique apporte un certain recul aux images du film. Malgré la présence de quelques passages de style suspense et de deux, trois passages d’action, le score de ‘Memories of Murder’ demeure essentiellement dominé par l’émotion et la mélancolie. La musique de Taro Iwashiro incite à la réflexion, au respect, et prend du recul par rapport au film lui-même, préférant opter pour la retenue et l’émotion malgré quelques passages dramatiques plus intenses et sombres. Décidément, c’est le mot émotion qui semble le mieux définir la musique de ‘Memories of Murder’, une émotion à fleur de peau que le compositeur nous fait pleinement ressentir tout au long de sa partition, un compositeur visiblement très inspiré par son sujet qui a su trouver le ton juste sans jamais verser une seule fois dans l’illustration musicale hollywoodienne. C’est peut être cette prise de distance salutaire avec les images du film qui rend cette musique aussi forte et émouvante! Au final, si vous ne connaissez pas la musique de Taro Iwashiro et que vous voulez commencer par l’une de ses meilleures partitions, ruez vous sur ‘Memories of Murder’, incontestablement l’une de ses partitions maîtresses!


---Quentin Billard