1-Hace Mucho, Mucho Tiempo 2.11
2-El Laberinto 4.04
3-La Rosa y el Dragón 3.34
4-El Hada y el Laberinto 3.33
5-Las Tres Pruebas 2.04
6-El árbol que muere y el Sapo 7.08
7-Guerilleros 2.05
8-El Libro de Sangre 3.47
9-Nana De Mercedes 1.36
10-El Refugio 1.32
11-El Que Nos es Humano 5.52
12-El Rio 2.48
13-Un Cuento 1.52
14-Bosque Profundo 5.45
15-Vals de la Mandrágora 3.38
16-El Funeral 2.42
17-Mercedes 5.34
18-La Luna Llena y el Fauno 5.04
19-Ofelia 2.16
20-Une Princesa 3.59
21-Nana Del Laberinto del Fauno 1.47

Musique  composée par:

Javier Navarrette

Editeur:

Milan Music France 399 060-2

Musique produite par:
Javier Navarrette

Artwork and pictures (c) 2006 Warner Bros Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
EL LABERINTO DEL FAUNO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Javier Navarrette
Après le succès de ‘Hellboy’, film de super héros malin et pas si bête que ça, Guillermo Del Toro frappe à nouveau très fort avec son très attendu ‘El Laberinto del Fauno’ (Le labyrinthe de Pan), pour lequel il quitte temporairement Hollywood et retourne dans son pays d’origine, le Mexique (le film reste quand même produit en partie par la Warner), pour ce conte fantastique où magie, poésie, horreur et épouvante se mélangent dans un cocktail détonnant. ‘El Laberinto del Fauno’ se veut avant tout comme une puissante évocation tragique des horreurs du fascisme dans l’Espagne franquiste de 1944, à la fin de la guerre, mais une évocation contrastée à laquelle Del Toro ajoute une dimension fantastique. On suit ici l’aventure mouvementée d’Ofelia (Ivana Baquero), une jeune fille de 12 ans qui part s’installer avec sa mère Carmen (Ariadna Gil) dans la demeure de son nouvel époux, le très cruel et brutal capitaine Vidal (Sergi Lopez) de l’armée franquiste. Un soir alors qu’elle erre à l’extérieur de sa nouvelle maison, Ofelia découvre un mystérieux labyrinthe dans lequel elle fait la rencontre de Pan, un faune magique à l’apparence diabolique qui lui révèle un secret: la jeune fille est en réalité la réincarnation de la princesse disparue d’un mystérieux royaume enchanté. Le faune lui soumet une série d’épreuves magiques que la jeune fille devra accomplir si elle veut redevenir la princesse de ce mystérieux royaume. Pendant ce temps, le conflit fait rage à l’extérieur, alors que les rebelles multiplient les actions contre le capitaine et ses hommes.

Véritable film choc très attendu du réalisateur mexicain, ‘El Laberinto del Fauno’ brasse deux genres en un, le film de guerre et le conte fantastique, le tout avec une maturité d’écriture et de style proprement remarquable! On avait encore quasiment jamais vu un réalisateur jongler avec autant d’aisance entre le fantastique, le conte pour enfant et le drame de la guerre dans un même film, avec d’un côté la vision innocente d’une jeune fillette dans un univers onirique, et de l’autre la cruelle réalité d’une humanité prisonnière de la guerre et de la barbarie comme le symbolise ici la période franciste à laquelle se déroule l’histoire du film. Il faut dire que Guillermo Del Toro aura bien mis environ 20 ans avant d’accoucher de ce petit bijou du cinéma contemporain, une évocation terrifiante du fascisme vue à travers les yeux d’une jeune fille innocente qu’incarne magnifiquement à l’écran la jeune Ivana Baquero qui n’a certainement pas fini de faire parler d’elle! Mais la palme revient avant tout ici à Sergi Lopez, formidable dans la peau de ce capitane fasciste parfaitement répugnant, qui, malgré la présence de nombreuses créatures fantastiques (le faune, la créature aux yeux plantés dans la paume des mains, etc.), reste incontestablement LE véritable monstre du film, avec au passage quelques scènes particulièrement violentes et sanglantes assez audacieuses. De l’audace, il en fallait donc pour réussir à mélanger ces deux histoires, le film nous offrant ainsi une variété d’émotion assez ahurissante, passant de l’émerveillement à la terreur avec une fluidité exemplaire et des effets spéciaux magnifiques (scènes avec la créature aux yeux dans les paumes de main, scène avec le crapaud géant, scènes dans le labyrinthe, etc.). Pour résumer, ‘El Laberinto del Fauno’ est sans aucun doute l’une des plus belles surprises cinématographiques de ce mois de novembre 2006, un film qui ne devrait pas tarder à refaire parler de lui dans peu de temps, et qui confirme le talent de l’un des meilleurs cinéastes mexicains du moment.

La musique de ‘El Laberinto del Fauno’ a une fois de plus été confiée à Javier Navarrette, compositeur espagnol déjà connu pour avoir écrit la musique d’un précédent film de Guillermo Del Toro, ‘El Espinazo Del Diablo’ en 2002. La nouvelle partition de Navarrette pour ‘El Laberinto del Fauno’ ne s’éloigne d’ailleurs guère du précédent opus du compositeur. On y retrouve ce même classicisme d’écriture savoureux et maîtrisé, cette même atmosphère à la fois mystérieuse et lyrique, avec en plus ici une utilisation remarquable des choeurs, et la présence d’une magnifique berceuse associée à Ofelia, et qui évoque toute l’innocence du personnage qui se heurte à un monde cruel et barbare. La berceuse d’Ofelia est fredonnée par une jeune fille dans ‘Hace Mucho, Mucho Tiempo’, accompagnée avec douceur par un piano et des cordes. Cette berceuse magnifique provoque dès le début du film un petit pincement au cœur, surtout lorsqu’un choeur féminin mystérieux vient s’ajouter à l’orchestre, transformant la berceuse en douce mélodie rêveuse et éthérée dans laquelle règne une tendre mélancolie. La berceuse d’Ofelia (que sa mère fredonne d’ailleurs au cours d’une scène du film!) fait donc office ici de thème principal, berceuse que Navarrette développera tout au long du film sous de multiples variantes en fonction de l’évolution de l’histoire. On retrouve ce thème joué délicatement au piano et aux cordes graves au début de ‘El Laberinto’ avant de finir sur une partie plus sombre et mystérieuse lorsqu’Ofelia découvre le labyrinthe de Pan au début du film. L’orchestre devient alors plus présent et plus massif, bientôt rejoint par un choeur d’hommes mystérieux durant la scène de la découverte de l’énigmatique labyrinthe. A noter la très belle utilisation d’un violon soliste dans ‘El Hada Y El Laberinto’ toujours associée ici à l’ambiance mystérieuse et envoûtante du labyrinthe, soutenue par des orchestrations de qualité très soignée (à noter la présence des voix toujours synonyme de fantastique et de mystère ici!). Les choses semblent se compliquer avec ‘El Arbol Que Muere Y El Sapo’ durant la scène où Ofelia affronte le crapaud géant dans l’arbre malade – l’une de ses premières épreuves – La musique devient alors nettement plus sombre et tendue, mettant en avant cordes graves, trompettes en sourdine, bassons, xylophones, harpe, etc. Même ambiance pour le sombre ‘El Libro De Sangre’, toujours soutenu par un orchestre très coloré reflétant tout le savoir faire classique du musicien et son style très ancré dans la musique symphonique du 20ème siècle. A noter que le morceau se conclut de façon très agressive avec une série de clusters de cuivres durant la scène avec la créature aux yeux/paume de mains, reflétant alors toute la terreur dégagée par cette séquence particulièrement surréaliste et inquiétante.

On revient dans la réalité avec ‘Guerilleros’ et ses rythmes martiaux pour évoquer le capitaine Vidal, sans oublier une magnifique reprise de la berceuse dans ‘Nana de Mercedes’, fredonné délicatement par une voix de femme. Dès lors, la musique alterne entre le monde fantastique du faune et la guerre contre le capitaine et ses hommes, Navarrette ne dissociant jamais vraiment l’un et l’autre dans sa musique, préférant opter pour une proximité de style et de couleurs instrumentales parfaitement cohérente et relativement homogène (même si, par exemple, les choeurs interviennent surtout lors des scènes dans l’univers fantastique d’Ofelia, comme le confirme le très dense ‘El Que Nos Es Humano’). Certains morceaux se distinguent néanmoins par leur ambiance envoûtante particulière comme ‘El Rio’ et son utilisation remarquable de violons solistes avec quelques notes de piano et de harpe. A noter une utilisation plus intéressante du piano dans ‘Bosque Profundo’ où l’orchestre s’agite brusquement dans un dédale de dissonances et de notes furtives jouées à la main gauche du piano. La musique dégage ici un sentiment de terreur qui évite systématiquement le côté cacophonique en optant pour une approche contrapuntique très écrite par pupitre (cuivres, cordes, piano, vents, etc.), rappelant là aussi la culture classique du compositeur espagnol. Dans ‘Vals De La Mandragora’, on assiste à la scène où Ofelia pose des racines de Mandragore sous le lit de sa mère souffrante, les racines possédant selon les dires du faune un pouvoir magique permettant de guérir la mère d’Ofelia. Le côté plus fantastique/magique de la scène est retranscrit ici par une utilisation assez envoûtante et surréaliste des choeurs qui semblent presque surgir de l’au-delà dans la première partie du morceau.

Plus l’histoire avance, et plus la musique a ainsi tendance à devenir plus noire, sombre et agressive, comme le confirme la partie finale particulièrement dissonante et brutale de ‘Vals De La Mandragora’. Si le compositeur s’autorise une petite touche de mélancolie et d’intimité dans le poignant ‘El Funeral’ introduit par un piano solo et suivi par des cordes lyriques de qualité pour la scène des funérailles vers la dernière partie du film, ‘Mercedes’ fait monter la tension dans l’un des passages les plus sombres et les plus agressifs du score avec son lot de clusters et d’effets dissonants de cordes durant la scène où Mercedes se fait capturer par Vidal et réussit à s’échapper après avoir atrocement mutilé le capitaine. On retrouve les choeurs sur fond de percussions plus excitantes dans ‘La Luna Llena Y El Fauno’ pour la poursuite finale dans le labyrinthe de Pan, un autre morceau particulièrement sombre et enlevé du score de Javier Navarrette, débouchant sur le tragique ‘Ofelia’ et le très beau ‘Une Princesa’ qui reprend le thème de la berceuse dans une version particulièrement belle avec l’orchestre, le piano, les choeurs et la voix de la jeune fille soliste. Le compositeur nous offre en guise de bonus pour le générique de fin du film ‘Nana Del Laberinto Del Fauno’, superbe reprise du thème principal sous la forme d’une petite valse pour piano et violon d’une grande beauté, idéal pour conclure cette partition sur une ultime touche d’émotion et de délicatesse.

Javier Navarrette signe là un score remarquable et inspiré pour le film de Guillermo Del Toro, une partition à la fois envoûtante, belle, sombre et tourmentée, toute à l’image du film lui même et de sa jeune héroïne. La musique de ‘El Laberinto Del Fauno’ évoque ainsi magnifiquement ce mélange entre innocence et horreur avec un souci toujours constant dans la clarté des orchestrations et de l’écriture contrapuntique du compositeur. Si la musique de Navarrette n’apporte pas grand chose de neuf au genre (on reste dans un style très classique/contemporain pas franchement original), elle a au moins le mérite de confirmer le talent d’un compositeur encore méconnu du grand public mais qui devrait finir par percer grâce à cette nouvelle partition symphonique de qualité, apportant une émotion et une densité remarquable au film de Guillermo Del Toro. Voilà en tout cas une belle surprise à découvrir, en même temps que le film lui même!


---Quentin Billard