1-Maureen 1.04
2-Together Wherever We Go 1.23*
3-Hollywood And Vine 1.16
4-I'll See You Inside 0.33
5-There'll Be No Next Time 1.01**
6-Which Floor? 1.44
7-Should Get Some Sleep 0.48
8-Palace Del Sol 1.28***
9-He's Not Like That 1.11
10-The Chinese Restaurant 4.10
11-This Is My Daughter 3.17
12-End Of Story 2.14
13-Small Scratches 2.17
14-The Rules Had Changed 1.38
15-Hello Vince 2.44
16-Babes On Hand 3.04
17-The Truth Had Come Out 2.42
18-Who's Gonna Pay Me? 2.40
19-Only To Destroy Us 1.22
20-Get Out Of My Office 1.15
21-The Tape 7.52
22-Forgive Me 2.15

*Interprété par Kevin Bacon
et Colin Firth avec
The Lanny & Vince Telethon Orchestra
Ecrit par Richard Berry et
Joe Josea
**Interprété par Kevin Bacon et
Colin Firth avec
The Lanny & Vince Telethon Orchestra
***Ecrit par Mychael Danna
et Rob Simonsen.

Musique  composée par:

Mychael Danna

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6696

Produit par:
Mychael Danna
Producteur exécutif de l'album:
Robert Townson

Artwork and pictures (c) 2005 Serendipity Point Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
WHERE THE TRUTH LIES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mychael Danna
3 ans après son bouleversant ‘Ararat’, le réalisateur égyptien Atom Egoyan nous revient en pleine forme sur ‘Where The Truth Lies’ (La vérité nue), adaptation du roman de l’écrivain anglais Rupert Holmes. L’histoire se passe dans l’Amérique de 1959. Lanny Morris (Kevin Bacon) et Vince Collins (Colin Firth) sont deux célèbres comiques dont la côté de popularité ne cessent de grimper aux Etats-Unis. Spécialistes du rire mais aussi de l’émotion lorsqu’ils participent à des Téléthons inoubliables, Lanny et Vince sont riches et respectés de tous. Mais un jour, un événement inattendu et tragique les oblige à mettre fin à leur collaboration : le corps d’une jeune femme est retrouvée dans la baignoire de leur suite d’hôtel. Leur réputation est très vite ternie par ce meurtre mystérieux mais les deux inséparables compères réussissent malgré tout à se blanchir en fournissant un alibi en béton. Après s’être séparés, Lanny et Vince mènent leur propre carrière solo, en décidant qu’ils n’évoqueraient plus jamais la mort de la jeune femme. 15 ans plus tard, Karen O’Connor (Alison Lohman), une jeune journaliste ambitieuse, réussit à obtenir une interview avec Lanny et Vince. Elle se passionne pour cette histoire de meurtre et décide d’en savoir un peu plus en interrogant successivement les principaux intéressés. Et l’histoire dont Lanny et Vince ne voulaient plus entendre parler va brusquement ressurgir, amenant les deux compères à révéler de biens sombres secrets qu’ils auraient sans aucun doute préférés enfouir à tout jamais.

Atom Egoyan s’essaie donc au thriller dramatique avec ‘Where The Truth Lies’, en dressant un portrait très sulfureux du monde du spectacle des années 50 en Amérique. Derrière la façade des personnages inventés sur mesure par les deux comiques se cache une histoire privée et secrète bien plus sombre et tragique. Doublement tragique, car on y découvre l’envers du décor et les secrets de deux professionnels du rire et amis inséparables dont l’amitié est brusquement détruire à la suite d’un événement tragique, mais aussi dramatique parce qu’on y suit le parcours mouvementé d’une jeune journaliste amoureuse en secret de Lanny Morris et qui découvre petit à petit la face cachée de son idole. Mais à l’instar du monde du spectacle, l’histoire de ‘Where The Truth Lies’ est un formidable jeu de dupe, de cachotteries, de manipulations et d’illusion. Les rebondissements vertigineux du scénario sont la conséquence logique d’une trame narrative sous la forme d’un puzzle, dans lequel Atom Egoyan cherche à nous perdre pour mieux nous captiver – et ce à la façon des grands thrillers/films noirs d’antan. Ici, tous les personnages ont une résonance profonde et complexe. On est bien loin des héros hollywoodiens habituels, stéréotypés et manichéens. Au contraire, rien n’est tout noir et tout blanc, et même l’héroïne principale campée par la mignonnette Alison Lohman possède une face noire derrière son apparence juvénile candide, animée par des ambitions pas toujours très honnêtes. Entre ambiguïté et quête de la vérité nue, ‘Where The Truth Lies’ évoque au final la décadence de la célébrité et la duplicité du monde du show-business sur fond de passions secrètes et de tragédie enfouie. Le titre même du film associe deux mots parfaitement antinomiques: ‘Truth’ (la vérité) et ‘Lies’ (mentir), représentant ainsi parfaitement l’idée d’ambiguïté et de duplicité au coeur même de l’intrigue principale. Atom Egoyan ajoute ensuite une bonne touche de sexe (trop?), d’alcool et de drogue pour achever de rendre son nouveau film particulièrement osé et sulfureux (on n’est guère loin par moment des scénarios alambiqués à la Joe Eszterhas!). Au final, un thriller captivant qui vous tiendra en haleine jusqu’au bout!

Dès le début, Atom Egoyan savait que la musique occuperait une place majeure dans ‘Where The Truth Lies’. Effectivement, en 2005, au moment où la préproduction du film venait de débuter, Egoyan achevait la mise en place de l’Opéra ‘La Walkyrie’ tiré de la célèbre tétralogie de Richard Wagner à la Compagnie de l’Opéra Canadien. Envoûté par la musique de Wagner et la répétition de ses motifs, Egoyan conçu une bonne partie du film avec cette musique en tête, jusqu’à ce qu’il fasse appel à son fidèle complice, Mychael Danna, qui a écrit pour ‘Where The Truth Lies’ une partition orchestrale sombre, mystérieuse et envoûtante, respectant ainsi parfaitement les desideratas du réalisateur. Le score s’articule autour d’un thème principal mémorable, ‘Maureen’, entendu dès l’ouverture du film et qui annonce clairement la couleur: cordes mystérieuses envoûtante, harpe et cuivres sombres. Le thème principal illustre la mort mystérieuse de la jeune Maureen (Rachel Blanchard) et les secrets de Lanny et Vince tout en renforçant la dimension sulfureuse et sensuelle du film par son côté froid et envoûtant. Idem pour ‘Hollywood and Vine’ et ‘I’ll See You Inside’ dans lesquels Mychael Danna semble faire référence au style de Bernard Herrmann avec ses cordes tourmentées et ses couleurs orchestrales particulièrement denses (les orchestrations privilégient tous les pupitres de l’orchestre avec une grande aisance, que ce soit les cordes, les bois – ici, surtout les clarinettes et les bassons – et même le vibraphone pour le côté mystérieux de la musique). On ressent aussi très clairement ici une influence plus qu’évidente, celle du ‘Basic Instinct’ de Jerry Goldsmith, qui semble avoir servi de modèle à Mychael Danna sur la musique de ‘Where The Truth Lies’. Idem sur la trompette jazzy de ‘Which Floor ?’ qui évoque clairement ‘L.A. Confidential’ du même Goldsmith, dans un style proche par moment des musiques polar à l’ancienne. Danna utilise ici la trompette soliste avec le piano, le vibraphone et les cordes. Inversement, ‘Should Get Some Sleep’ utilise des guitares électriques plus présentes tandis que ‘Palace Del Sol’ nous plonge dans le jazz/swing des années 50/60 pour la scène où Lanny et Vince vont faire leur nouveau show au Palace Del Sol. Le morceau évoque clairement le strass et les paillettes et illustre le monde du show-biz avec un premier degré empreint d’une certaine ironie. Mais la tension et le mystère reprennent très vite le dessus avec ‘He’s Not Like That’ où l’on ressent un malaise plus flagrant avec des sonorités électroniques et une batterie au rythme lent et très marqué. Dès lors, la musique devient moins orchestrale et plus ambiguë avec l’utilisation de synthétiseurs. La scène où Karen dîne au restaurant chinois avec Lanny (‘The Chinese Restaurant’) est une sorte de slow jazzy particulièrement sensuel, apportant une certaine connotation de séduction à cette séquence par le biais de la trompette en sourdine soliste, de la flûte alto, de la section rythmique et du piano rhodes.

Mais Mychael Danna n’en oublie pas pour autant l’énigmatique thème principal comme nous le rappelle ‘This Is My Daughter’ où les contrebasses reprennent le thème principal sur un tapis de cordes sombres et de vibraphone mystérieux, un morceau particulièrement envoûtant et inquiétant qui fait son petit effet à l’écran (et toujours au passage ces orchestrations de bois et de cordes à la Bernard Herrmann, dans le style de ‘Vertigo’!), le morceau recelant derrière son apparence froide et énigmatique une certaine mélancolie sous-jacente particulièrement sombre et ambiguë, preuve que les secrets que cachent Lanny et Vince sont particulièrement terribles et douloureux. De la même façon, ‘End of Story’ fait intervenir un piano menaçant et des cordes tourmentées pour évoquer la quête de vérité de Karen qui, plus elle se rapproche du but, plus elle découvre avec effroi le vrai visage des deux compères. Plus massif, ‘End of Story’ s’avère être sombre et tragique dans son utilisation des cordes, du piano et des bois. Les jeux sont faits, et aucun des trois personnages ne pourra désormais faire marche arrière. C’est du moins ce que tente de nous faire ressentir la musique à l’écran, dans un style une fois de plus très proche du ‘Basic Instinct’ de Jerry Goldsmith. ‘Small Scratches’ utilise une rythmique pop plus lente et mélancolique à grand renfort de guitares électriques, batterie, basse et synthés aux sonorités tourmentées (Karen tente de reconstruire le puzzle entourant la mort mystérieuse de la jeune femme dans la baignoire de Lanny et Vince). Les choses semblent s’aggraver dans les inquiétants ‘The Rules Had Changed’ et ‘Hello Vince’ qui évoquent les manipulations entre les trois protagonistes principaux. L’utilisation du piano dans ‘Hello Vince’ nous rapproche une fois encore de la partition-clé de Jerry Goldsmith (à tel point que l’on se demande parfois si le film n’aurait pas été temp-tracké avec le score de ‘Basic Instinct’). Idem pour ‘Babes on Hand’ avec son piano ‘thriller’ et ses cordes dissonantes qui nous plongent dans un malaise saisissant (scène où Karen est droguée et fait l’amour avec une femme, sous l’emprise des médicaments). La dernière partie du morceau permet à Danna de mettre l’accent sur un orchestre plus violent et agressif dans le style des musiques thriller hollywoodiennes habituelles (à noter l’utilisation très réussie d’un violon soliste dans l’envoûtant ‘The Truth Had Come Out’). ‘Who’s Gonna Pay Me?’ reprend les sonorités thriller/action de ‘Babes on Hand’ avec une grande solidité et fait monter la tension, notamment dans la façon dont Danna utilise des cordes aigues de façon staccato telles des lames aiguisées comme des rasoirs (on est une fois de plus très proche ici du ‘Psycho’ du grand Bernard Herrmann). ‘Only To Destroy Us’ et ‘Get Out Of My Office’ évoquent la découverte de la vérité et le drame qui s’ensuit, détruisant à tout jamais le duo Lanny/Vince et les illusions de Karen. Et dans ‘The Tape’, la jeune journaliste comprend enfin toute la vérité en assemblant les dernières pièces du puzzle. L’orchestre devient ici plus dense, avec des cordes sombres et le violon soliste (à noter qu’il s’agit du morceau le plus long de tout le score, avoisinant les 8 minutes pour le grand final du film). Finalement, les guitares électriques reviennent dans le mélancolique ‘Forgive Me’ avant une ultime reprise du thème de Maureen en guise de coda.

Partition thriller mystérieuse et envoûtante, la musique de ‘Where The Truth Lies’ permet au compositeur Mychael Danna de marcher sur les traces des grands maîtres des musiques de thriller/film noir d’antan, que ce soit Jerry Goldsmith ou Bernard Herrmann pour ne citer ici que les exemples les plus flagrants. Certes, on en vient rapidement à regretter le manque de personnalité d’un score thriller somme toute assez passe-partout, même si l’on adhèrera sans aucun doute l’esthétique globale de la musique et à son émotion qui s’en dégage à l’écran. Néanmoins, le style musical personnel de Mychael Danna est bel et bien présent et demeure d’un bout à l’autre de la partition, malgré les nombreuses influences du score (à noter que c’est Nicholas Dodd, l’orchestrateur attitré de David Arnold, qui a assuré ici les orchestrations du score de Danna aux côtés du compositeur). Voilà en tout cas un album qui devrait satisfaire tous les fans du compositeur et permettre à tous ceux qui ne connaissent pas bien Mychael Danna de se familiariser avec une partition de qualité, bien qu’assez conventionnelle de la part du musicien. En tout cas, la collaboration Mychael Danna/Atom Egoyan a encore de beaux jours devant elle!


---Quentin Billard