1-Unrecht Oder Recht (Main Title) 2.25
2-River Havel 1.06
3-Countess Roundheels 1.21
4-Such A Boy 1.34
5-Kraut Brain Trust 1.04
6-The Russian Deals 1.11
7-A Good Dose 1.11
8-Muller's Billet 0.48
9-Wittenbergplatz 0.45
10-Trip Ticket 1.41
11-Safe House 0.57
12-A Nazi and a Jew 1.50
13-Dora 2.49
14-Kurfurstendamm 0.43
15-The Big Three 1.24
16-A Persilschein 1.35
17-Stickball 0.27
18-Golem 1.09
19-Atom Bomb 1.30
20-The Good German 2.09
21-Hannelore 1.00
22-Occupation Marks 1.19
23-U-Bahn 1.35
24-The Brandenburg Gate 1.25
25-Skinny Lena 1.44
26-Rockets For Our Side 1.49
27-Always Something Worse 2.05
28-Godless People (End Title) 2.44
29-Jedem Das Seine 2.49

Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

Varèse Sarabande
302 066 781 2

Produit par:
Thomas Newman, Bill Bernstein
Producteur exécutif:
Robert Townson
Interprété par:
The Hollywood Studio Symphony

Artwork and pictures (c) 2006 Warner Bros Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ****
THE GOOD GERMAN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
Le très éclectique Steven Soderbergh revient en force avec ‘The Good German’ (L’ami allemand), adaptation ciné du roman homonyme de Jospeh Kanon. ‘The Good German’ nous plonge cette fois-ci dans le Berlin de 1945, un an après la chute d’Hitler et de son troisième Reich. Le correspondant de guerre Jake Geismer (George Clooney) débarque à Berlin pour couvrir la conférence de Potsdam où les Alliés vont décider ensemble du sort de l’Allemagne tout en évoquant le futur de l’Europe. Le chauffeur de Geismer, le caporal Tully (Tobey Maguire), est un profiteur sans scrupule qui entretient une liaison avec une mystérieuse juive allemande, la belle Lena Brandt (Cate Blanchett). Or, il se trouve que Geismer connaît bien Lena. Avant la guerre, elle travaillait comme pigiste pour le compte de Jake. Ils entretenaient une liaison avant que la guerre les éloigne l’un de l’autre. Jake découvre alors avec stupeur que Lena est enfin réapparue après des années d’absence, et que Tully est désormais son amant. Ce dernier vit de la contrebande et de combines en tout genre. Un jour, il décide de monter un gros coup pour permettre à Lena de quitter Berlin. Tully s’arrange avec le général des troupes russes Sikorsky (Ravil Isaynov) et lui propose 100.000 marks en échange d’Emil Brandt, le défunt mari de Lena qui se trouve être recherché par les russes comme par les américains. Evidemment, Tully fait croire au général qu’il détient Emil et compte bien récupérer en échange de faux papiers d’identité pour sa belle. Mais le lendemain, Tully est retrouvé assassiné avec les 100.000 marks dans sa proche. Jake, choqué par la nouvelle du meurtre de son chauffeur, l’est encore plus lorsqu’il apprend que les américains et les russes ont pris la décision de classer rapidement cette affaire. Geismer décide alors de mener sa propre enquête et découvre les secrets liés à Lena, vers qui tout semble converger mystérieusement.

Avec ‘The Good German’, Soderbergh s’essaie au genre du film noir hollywoodien des années 40/50. Construit sous la forme d’un exercice de style académique, ‘The Good German’ s’impose comme une plongée étonnante dans un univers cinématographique d’une autre époque. Afin d’accentuer le réalisme de son film, Steven Soderbergh a décidé de filmer dans les mêmes conditions qu’à l’époque. Ainsi, il utilise les mêmes techniques d’éclairage et d’objectifs que Michael Curtiz, célèbre cinéaste hollywoodien très prolifique dans les années 30/40 et qui a servi de modèle pour Soderbergh. A ce sujet, difficile de ne pas remarquer les nombreuses similitudes avec ‘Casablanca’ de Curtiz (1942) tant dans la façon dont le réalisateur éclairage certains visages dans les gros plans que dans celle dont il met en scène certains personnages. La scène de fin de ‘The Good German’ est d’ailleurs un clin d’œil direct au final de ‘Casablanca’. Même l’affiche du film fait référence dans sa construction et ses images à celle de ‘Casablanca’. Parmi les autres sources d’inspiration de ‘The Good German’, on pourra aussi citer ‘The Third Man’ de Carol Reed (1949), autre grand classique du film noir hollywoodien des années 40. Soderbergh s’inspire ici de l’ambiance du film de Carol Reed et plus particulièrement de la trame d’espionnage de ce chef-d’oeuvre cinématographique du Golden Age hollywoodien. Autre source d’inspiration évidente : Alfred Hitchcock, et plus particulièrement ‘Notorious’ (Les enchaînés), polar qui évoquait déjà une intrigue d’espionnage autour de la fille d’un espion nazi et de son amant américain. Maîtrisant toutes ses influences avec un certain doigté, Steven Soderbergh nous offre un véritable hommage poignant au film noir à l’ancienne, avec un George Clooney parfait dans la peau de cet idéaliste romantique en quête de vérité, face à une Cate Blanchett dont le visage pur et clair évoque Ingrid Bergman ou Marlene Dietrich. A noter un rôle à total contre-emploi pour Tobey Maguire qui campe un opportuniste cynique et minable qui profite des circonstances pour magouiller à tout va. Avec ‘The Good German’, Soderbergh en profite aussi pour revenir sur l’époque de la fin de la guerre à Berlin en 1945, alors que l’on assiste déjà à des tensions très vives entre les américains et les russes – tensions qui annoncent déjà la Guerre Froide. Au final, même si l’on peut trouver cet exercice de style un brin académique bien qu’assez moderne par moment (la violence et les injures étant strictement bannies à l’époque des films des années 40/50), ‘The Good German’ demeure une bien belle surprise, avec une histoire sombre et intrigante, captivante de bout en bout. Espionnage, romance, jeu de dupe et rebondissements, voilà les ingrédients de ce film noir qui devrait faire parler de lui dans les mois à venir!

Prévue à l’origine pour David Holmes, la musique de ‘The Good German’ fut finalement confié à Thomas Newman, qui nous livre un véritable petit chef-d’oeuvre pour le nouveau film de Steven Soderbergh. On y retrouve le style harmonique et mélodique typique du compositeur, qui oscille ici entre retenue, introspection et noirceur avec quelques passages plus massifs et agressifs qui rappellent que le compositeur s’essaie depuis pas très longtemps au registre de la musique d’action quand l’occasion s’en présente (cf. certains passages particulièrement massifs et déchaînés de ‘Finding Nemo’). Le thème principal du score, motif tonitruant, sombre et massif, est introduit dans l’ouverture, ‘Unrecht oder Recht (Main Title)’, véritable ouverture classique à l’hollywoodienne qui expose les principales idées thématiques de la partition. Après le thème principal sombre confié à un orchestre ample, un second thème plus intime et mystérieux fait son apparition, et qui sera associé dans le film à Lena. Le thème de Lena se distingue par son côté ambigu et mystérieux, avec une touche de sensualité romantique élégante et envoûtante à la fois, un très beau thème dans la lignée des grandes mélodies de Thomas Newman. A noter ici un véritable travail harmonique d’orfèvre digne des grands maîtres, alors que la dernière partie du morceau, plus majestueuse et solennelle d’esprit, évoque certaines phrases typiques du Golden Age. Malgré l’exercice de style, Newman réussit pourtant à glisser ses propres trouvailles harmoniques avec des enchaînements d’accords pas toujours très conventionnels et quelque peu audacieux. En bref : une superbe ouverture dans l’esprit du grand Hollywood des années 40! Dès lors, le ton est donné et la partition peut enfin décoller.

‘River Havel’ dévoile un nouveau motif, sombre et mystérieux, confié à des cordes et des cuivres graves. Avec ses harmonies tendues et pesantes, ce motif énigmatique et inquiétant est lié à la sombre histoire du meurtre du caporal Tully, un vrai motif d’énigme policière avec une tension réellement très présente à l’écran. Idem pour ‘Countess Roundheels’ et ses orchestrations sombres. On notera un balancement de deux notes à la fin du morceau dans un style mystérieux très Bernard Herrmann. Cette tension reste omniprésente tout au long du score mais sans jamais basculer dans les explosions orchestrales. Thomas Newman joue sur une certaine retenue qui lui est chère, et qui renforce l’impact de la musique à l’écran : sans jamais en faire de trop, la musique reste très présente dans le film et porte en son sein une véritable tension qui, psychologiquement, conditionne le spectateur à suivre les péripéties d’un George Clooney malmené dans ce Berlin d’après-guerre. ‘Kraut Brain Trust’ évoque par son rythme de marche et ses cordes martelées le début de la conférence de Potsdam. Un vent de mystère et de secret semble flotter sur ‘The Russian Deals’ qui évoque les manigances secrètes des troupes russes, tandis que ‘A Good Dose’ reprend le magnifique thème tourmenté de Lena joué ici par un violon soliste qui pourrait presque faire penser par moment à une couleur de violon tzigane (la jeune femme est une allemande d’origine juive). Impossible ici de ne pas reconnaître les couleurs harmoniques indissociables du style de Thomas Newman, qui nous offre une mélodie élégante, raffinée mais qui cache une certaine mélancolie, un mystère très subtil. Du pur Newman, en somme! ‘Müller’s Billet’ se veut quand à lui plus grave et pesant avec ses arpèges de harpe et ses cordes graves alors que ‘Wittenbergplatz’ met en avant les dissonances et des cuivres plus inquiétants. On nage ici aussi en pleine musique de film noir avec des accords de cordes typiquement ‘Golden Age hollywoodien’. On appréciera la façon dont Newman distille le suspense, l’inquiétude et l’ambiguïté dans le psychologique et tourmenté ‘A Nazi and a Jew’ pour évoquer le lien entre Lena et son mari. La dernière partie du morceau se veut plus dissonante mais toujours très retenue, avec des sonorités réellement inquiétantes.

Le motif du secret revient dans ‘Dora’, servant d’introduction à un premier morceau d’action, agressif et massif à souhait, dans la lignée des passages action de ‘Finding Nemo’ du même Newman. Le morceau évoque la scène où Geismer découvre l’existence de l’un des savants du 3ème Reich caché dans une vieille battisse abandonné au fond d’un quartier de Berlin. L’utilisation du vibraphone à la fin de ‘Dora’ achève de rendre le morceau réellement sombre et menaçant, dans la lignée des grandes musiques thriller de Bernard Herrmann. A noter le retour du thème principal avec ses cuivres massifs et ses rythmes tonitruants dans ‘Kurfürstendamm’. Dommage cependant que la musique ait tendance à devenir quelque peu répétitive au bout d’une quinzaine de minutes, la partition semblant stagner sans jamais réellement évoluer. Ainsi donc, le score poursuit son petit bonhomme de chemin entre suspense pur et morceaux atmosphériques sombres (‘A Persilschein’, ‘Golem’, ‘Atom Bomb’ et ses timbales menaçantes ou le très tendu ‘U-Bahn’, etc.), quelques passages plus optimistes comme le joli ‘Stickball’ qui reprend le motif solennel final de l’ouverture, des reprises thématiques savoureuses (très belle reprise du thème de Lena aux cordes dans ‘The Good German’) ou des morceaux plus ambigus comme ‘Hannelore’ avec son motif de cordes qui reprend en fait astucieusement les premières notes du thème principal en accéléré avec plus de retenue. L’action reprend à nouveau dans l’agressif ‘The Brandenburg Gate’ avec ses cuivres dissonants sous la forme d’une marche inexorable et tonitruante (la conférence de Potsdam se déroule, les jeux sont faits), alors que l’on voit à l’écran l’armée alliée défiler dans les rues berlinoises. A contrario, ‘Skinny Lena’ se veut plus doux et retenu avec une très belle partie pour violon soliste, cordes et harpe associé à Lena et ses plans visant à faire sortir son mari de Berlin. Le motif du secret revient dans l’explosif ‘Rockets For Our Side’ pour la scène où Lena et son mari tombent dans une embuscade et sont sauvés in extremis par Geismer qui défait l’assassin au cours d’un violent affrontement. ‘Rockets For Our Side’ est l’un des rares morceaux d’action du score, massif, agressif et dissonant comme il se doit, parfait pour cette séquence climax du film. L’aventure touche enfin à sa fin dans le grand final, ‘Jedem Das Seine’ pour les adieux à l’aéroport (séquence à la ‘Casablanca’). C’est l’occasion pour le compositeur de conclure sa partition sur l’un des plus beaux morceaux de sa partition pour ‘The Good German’, reprenant le thème de Lena dans toute sa splendeur, joué par un hautbois puis par un violon.

Thomas Newman révèle avec ‘The Good German’ une autre facette de son talent : une composition symphonique ample à la fois sombre, tendue et retenue, qui témoigne du talent du compositeur pour écrire dans un style hollywoodien rétro dans la lignée des grands maîtres du Golden Age. Certes, on pourra regretter le côté finalement peu accessible d’une bonne partie de la musique qui se contente uniquement de distiller un sentiment de doute, de peur et de suspense sans jamais vraiment retenir notre attention dans le film. Et pourtant, la musique est très présente et possède un réel impact sur les images du film de Steven Soderbergh, preuve que Thomas Newman est définitivement un grand professionnel de la musique de film et un compositeur particulièrement doué pour les recherches sonores et les trouvailles harmoniques. Si sa musique pour ‘The Good German’ s’avère être nettement plus conventionnelle que ce qu’il fait d’habitude, elle n’en demeure pas moins très réussie, rendant un magnifique hommage aux musiques du Golden Age hollywoodien. C’est incontestablement là l’une des meilleures partitions qui nous ait été d’entendre de la part d’un Thomas Newman toujours au sommet de son art, qui n’a définitivement pas fini de nous étonner!


---Quentin Billard