1-Opening Titles 3.54
2-Fingerling's Childhood 3.05
3-Suicide Blonde 7.34
4-Ned 3.00
5-11:12 p.m. 4.02
6-Finishing The Book 9.03
7-Laura Tollins 3.20
8-Room 23 5.37
9-Atonement 4.56

Musique  composée par:

Harry Gregson-Williams

Editeur:

New Line Records NLR 39081

Produit par:
Harry Gregson-Williams

(c) 2007 New Line Records, Inc. All rights reserved.

Note: ****
THE NUMBER 23
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Harry Gregson-Williams
Trois ans après ‘The Phantom of the Opera’, Joel Schumacher nous revient en pleine forme avec ‘The Number 23’, thriller psychologique diabolique dans lequel Jim Carrey nous livre une performance à total contre-emploi des rôles de clowns déjantés qu’il campe habituellement au cinéma. Walter (Carrey) mène une vie ordinaire, jusqu’au jour où il découvre l’existence d’un mystérieux roman intitulé ‘Le nombre 23’. Intrigué, Walter décide de se lancer dans la lecture de ce roman et s’aperçoit très vite qu’il existe d’étranges similitudes entre l’intrigue du livre et sa propre vie. Très vite, l’univers du livre finit par envahir la vie de Walter, transformant son existence en cauchemar, brouillant la frontière entre réalité et fiction. Le héros du roman, le détective Fingerling, finit par ressembler étrangement à Walter, avec lequel il partage désormais la même obsession dévorante pour l’énigmatique nombre 23, qui semble gouverner mystérieusement toute son existence. Fasciné par le pouvoir caché de ce nombre, Walter se retrouvé hanté par des images cauchemardesques et des hallucinations dans lesquelles il voit la vie de sa famille menacée. Il finit par comprendre qu’il est condamné à commettre le même meurtre que Fingerling dans le roman et va tout faire pour découvrir le secret du nombre 23, son unique espoir de mettre fin à ce cauchemar et de changer son destin.

Si ‘The Number 23’ est un énième thriller psychologique à rajouter dans la masse des productions hollywoodiennes actuelles, le film de Schumacher possède une particularité qui le distingue des autres : son intrigue. Construite autour de l’énigme du nombre 23, le scénario du film évoque un univers d’obsession et de folie autour des thèmes de la numérologie et de la symbolique des nombres. Cette énigme nous interroge sur notre rapport entre une information (un nombre) et un signal perçu par notre cerveau et notre esprit sur un plan plus mystique et symbolique. Certes, on nage ici en plein terrain de la superstition, avec des exemples célèbres comme vendredi 13 ou 666 (le chiffre du diable). Dès lors, tout a été fait pour que le chiffre 23 prenne des proportions plus mystiques que jamais dans ce film. Parmi les exemples aussi étranges que fascinants, on notera la boîte de production de Jim Carrey qui s’appelle JC23 Entertainment (on raconte que bien avant de participer au film de Schumacher, Jim Carrey était déjà lui même fasciné par ce nombre). L’axe de la Terre est à 23°, il y a 23 chromosomes de chaque parent dans l’ADN humain, le film est la 23ème réalisation cinématographique de Joel Schumacher, le rythme biologique de l’homme est de 23 jours, les psaumes les plus longs dans la Bible sont le 23e livre de l’Ancien Testament et le 23e psaume en est le plus célèbre, les versets du Coran ont été révélés au terme d’une période de 23 ans, etc. Que l’on croit ou pas à ces similitudes/récurrences étranges, force est de constater que certains hasards sont souvent pour le moins étranges et continuent de fasciner les hommes. C’est la base même du film de Schumacher, dans lequel Jim Carrey nous livre une performance ahurissante de noirceur et de tension. On est bien loin ici du comique de ‘Ace Ventura’ ou de ‘Liar Liar’ : l’acteur se livre ici corps et âme à son rôle qui mélange avec difficulté folie et obsession, un Jim Carrey comme on ne l’a encore jamais vu au cinéma. D’un point de vue réalisation, le film s’avère être très dense, un redoutable jeu de piste machiavélique qui se plaît à perdre son spectateur dans une noirceur absolue. On regrettera néanmoins l’utilisation d’effets ‘clip MTV’ too much, pas toujours bien dosées et souvent gratuits. Le rythme lui même est souvent discontinu et pas toujours bien dosé lui aussi. Certaines scènes accumulent quelques lourdeurs, notamment dans les dialogues, lorsque le mot ‘nombre 23’ revient une cinquantaine de fois en l’espace de deux ou trois minutes (ça en devient parfois fatigant). Néanmoins, malgré ses défauts, ‘The Number 23’ est un thriller captivant qui vous maintiendra en haleine de bout en bout, notamment grâce à son intrigue fascinante et au secret entourant le nombre 23, symbole de bien des mystères.

Harry Gregson-Williams retrouve Joel Schumacher pour la seconde fois après le magnifique ‘Veronica Guerin’ en 2003. Sur ‘The Number 23’, le compositeur nous livre une partition sombre et mystérieuse, toute à l’image du film. L’électronique domine majoritairement ici, avec un orchestre qui reste lui aussi très présent. Dès le traditionnel ‘Opening Titles’, Gregson-Williams pose d’emblée le ton du score avec un thème principal énigmatique et sombre, réellement fascinant. Les quelques effets de tremolos de cordes en harmoniques qui parcourent le début du morceau sont renforcés par l’utilisation d’une rythmique électronique et de sonorités synthétiques denses et autres effets sonores expérimentaux et pour le moins étrange. C’est le côté à la fois étrange, froid et mystérieux de cette ouverture qui attire tout de suite notre attention, alors que l’on voit à l’écran le nombre 23 parcourir des textes recouverts de goutte de sang (probablement l’un des génériques de début les plus magnifiques que nous ait offert Joel Schumacher dans un de ses films!). Le morceau se prolonge dans un formidable crescendo de tension d’une grande intensité jusqu’à aboutir à un final plus apaisé et orchestral. Avec un premier morceau aux sonorités énigmatiques, inquiétantes et fascinantes, Harry Gregson-Williams parvient sans peine à évoquer cet univers de secret et d’obsession qui caractérise si parfaitement ‘The Number 23’. Plus intime et apaisé, ‘Fingerling’s Childhood’ évoque la jeunesse de Fingerling dans le roman que lit Walter. Cordes et bois sont ici mis en avant sur fond d’arpèges de harpe, jusqu’à une seconde partie nettement plus froide mettant à nouveau en avant les sonorités électroniques froides proches du ‘Opening Titles’. La noirceur de cette dernière partie évoque les tourments du jeune Fingerling avec une noirceur toujours très présente. Idem pour ‘Suicide Blonde’ où le travail autour des sonorités synthétiques s’intensifie. Harry Gregson-Williams nous rappelle avec ce morceau qu’il est passé maître dans l’art de l’électro expérimental. On retrouve par moment des sonorités électroniques curieusement héritées des anciens scores de Media-Ventures, notamment des samples de choeurs féminins qui semblent sortir tout droit de ‘Broken Arrow’ ou de ‘Armageddon’. Le thème est de nouveau présent, représentant l’énigme du nombre 23 de façon quasi subliminale et réellement prenante. Le compositeur joue ici sur différentes couches sonores avec une densité qui rappelle certains scores atmosphériques de ses débuts. ‘Suicide Blonde’ permet à Harry Gregson-Williams de développer sur plus de 7 minutes une atmosphère intense de mystère et de tension durant la scène de la rencontre entre Fingerling et la blonde suicidaire (qui révèle un bout du puzzle diabolique au héros). On plonge dans de l’électro pure et dure durant la partie finale du morceau, à grand renfort de loops électros et autres effets synthétiques à la mode. Bref, un véritable retour aux sources pour Harry Gregson-Williams qui s’en donne ici à coeur joie!

On retrouve ces sonorités électroniques dans ‘Ned’ qui représente un véritable condensé des samples électro que Gregson-Williams utilise quasiment depuis ses débuts. La rythmique frénétique de cordes rappelle elle aussi certains anciens scores de Media-Ventures, comme si le compositeur avait senti le besoin avec le film de Schumacher de renouer avec un style des années 90 qui semble déjà très loin. C’est avec un certain plaisir que l’on retrouve le thème principal fascinant dans ‘Ned’ qui continue d’illustrer l’obsession et la folie de Walter, avec son travail remarquable autour des sonorités synthétiques et d’une flûte ethnique qui apporte une couleur particulière au thème. ’11-12 P.M.’ s’avère être plus orchestral et mélancolique, avec son mélange cordes/bois/harpe qui rappelle le début de ‘Fingerling’s Childhood’. Très vite, il apparaît clairement que la partie électronique du score est associée à la folie obsessionnelle de Walter tandis que la partie orchestrale représente sa part humaine qui ne demande qu’à retrouver la paix. ’11-12 P.M.’ évoque ainsi très clairement ce conflit entre la double face du personnage, sa part humaine et sa part des ténèbres, avec toujours ce côté sombre et mystérieux associé à l’énigme du nombre 23. A noter l’utilisation très inventive de flûtes et autres instruments ethniques orientaux vers la fin chaotique de ‘11-12 P.M.’ (avec cet effet de cut total sans réverbération typique de certains effets musicaux chocs des films d’épouvante d’aujourd’hui), qui évoque la descente aux enfers de Walter. ‘Finishing The Book’ prolonge cette atmosphère électronique/orchestrale dans un climat de plus en plus noir, pesant et intense. Pendant près de 9 minutes, Gregson-Williams s’en donne là aussi à coeur joie en expérimentant avec ses différents samples et sons électros, parmi lesquels les quelques rares touches orchestrales semblent devenues plus ternes et effacées. Les amateurs d’électro expérimental apprécieront ici aussi le travail remarquable du compositeur autour de ses différentes textures sonores (nappes, sonorités métalliques profondes, sonorités de flûtes ethniques, cordes en tremolos/harmoniques, jeu sur la panoramique des différentes sonorités, etc.) traduisant plus que jamais la folie du protagoniste principal (l’utilisation d’un contrebasson dans le registre grave extrême achève de rendre le morceau réellement angoissant et suffocant). Rares sont les fois où HGW aura eu l’occasion d’illustrer une telle tension psychologique à travers sa musique, rappelant par moment sa partition pour ‘Liar/Deceiver’. Le milieu du morceau bascule même dans le chaotique pur avec une utilisation plus conventionnelle de clusters de cordes dissonantes typiques des musiques de thriller habituelles. Idem pour ‘Laura Tollins’ qui fait monter la tension d’un cran avec le retour du thème principal toujours joué par la flûte ethnique sur fond de sonorités électros glauques et de tremolos de cordes. Les éléments de puzzle semblent se mettre progressivement en place dans ‘Room 23’ où Walter découvre enfin la vérité. Les sonorités électroniques semblent s’éparpiller puis se rapprocher pour former un magma sonore dense et sombre. Le climax du morceau est atteint lorsque HGW décide de réutiliser des effets de cordes dissonantes typiquement « thriller ». La conclusion, plus humaine et dramatique, nous permet de respirer enfin dans ‘Atonement’ où HGW nous propose un magnifique crescendo tragique de cordes déchirantes particulièrement émouvantes et tourmentées.

Avec ‘The Number 23’, Harry Gregson-Williams nous prouve qu’il est décidément l’un des compositeurs majeurs à sortir petit à petit de Media-Ventures pour imposer un style de plus en plus personnel. Visiblement très inspiré par son sujet, Gregson-Williams nous offre un score électronico-orchestrale expérimental et difficile d’accès, mais qui recèle derrière sa très grande densité sonore un incroyable travail de recherche qui risque fort d’en rebuter plus d’un (les mauvaises langues critiqueront sans aucun doute le score pour son côté ‘foutoir sonore’). Certes, ‘The Number 23’ est une musique abstraite et intense qui risque fort de diviser le public béophile et de satisfaire tout ceux qui s’attendaient à retrouver le grand Harry Gregson-Williams expérimental à l’ancienne. Car, ne nous y trompons pas, derrière son côté très moderne et abstrait, le score de ‘The Number 23’ illustre un véritable retour aux sources pour le compositeur qui synthétise ici tout son art de l’électronique en utilisant des samples et des sons que l’on n’avait pas réentendu depuis le milieu des années 90. Sa musique apporte au film de Joel Schumacher une densité rare, une noirceur absolue, une intensité psychologique saisissante. En clair, HGW nous livre pour ‘The Number 23’ un nouveau petit bijou qui devrait satisfaire pleinement tous les fans du compositeur et ceux qui préfèrent ses musiques plus difficiles d’accès!


---Quentin Billard