1-Crash 3.21
2-Go Forth My Son 0.57
3-Hands in Plain Sight 3.48
4-...Safe Now 1.03
5-No Such Things as Monsters 3.59
6-Find My Baby 4.23
7-Negligence 2.56
8-Flames 7.59
9-Siren 4.41
10-A Really Good Cloak 3.28
11-A Harsh Warning 2.51
12-Saint Christopher 1.55
13-Sense of Touch 6.44
14-In The Deep 5.55*
15-Maybe Tomorrow 4.34**

*Interprété par Bird York
Ecrit par Bird York et
Michael Becker.**Interprété par Stereophonics
Ecrit par Kelly Jones.

Musique  composée par:

Mark Isham

Editeur:

Superb Records SPB-CD 2512

Album produit par:
Mark Isham
Montage musique:
James Burt

Artwork and pictures (c) 2005 Lions Gates Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
CRASH
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mark Isham
Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur/scénariste Paul Haggis nous offre un film dur et bouleversant récompensé par le Grand Prix du jury au festival de Deauville 2005 et par 3 Oscars en 2006. ‘Crash’ (Collision) évoque le destin croisé de plusieurs individus dans le Los Angeles d’aujourd’hui, une ville rongée par le racisme, l’intolérance, la peur de l’autre, la violence, etc. Le réalisateur raconte que pour écrire le scénario du film, il s’est lui-même inspiré de ses propres expériences pour observer la société américaine d’aujourd’hui et nous en dresser un portrait rude et sans concession, un peu à la façon des films américains de société des années 70. Film choral dans la plus pure tradition du genre, ‘Crash’ suit un schéma à peu près similaire au ‘Short Cuts’ (1993) de Robert Altman, qui évoquait d’une façon similaire la rencontre entre plusieurs personnages issus de milieux différents à Los Angeles. ‘Crash’ s’articule ici autour du thème du racisme, comment la vivent ceux qui l’infligent aux autres et ceux qui en souffrent. Le film réunit un casting de stars assez impressionnant incluant Sandra Bullock (dans un rôle à total contre-emploi, l’actrice campant ici une épouse paranoïaque et colérique bien éloignée de ses rôles de midinette romantique habituels), Don Cheadle, Thandie Newton, Tony Danza, Keith David, Matt Dillon, Michael Pena, Jennifer Esposito, William Ficthner, Ryan Phillippe, Brendan Fraser, Terrence Howard, etc. Tourné en 35 jours seulement, ‘Crash’ est une véritable petite perle rare, plus proche du cinéma américain indépendant, avec une liberté de ton rare dans le paysage hollywoodien contemporain. N’ayant pas peur de mettre le doigt là où cela fait mal, Paul Haggis filme la collision des destins de plusieurs personnages d’origines ethniques et sociales diverses. Son récit se double d’une brillante réflexion sur la vie dans les mégapoles américaines d’aujourd’hui, sans manichéisme ni jugement. Il montre aussi que, derrière les préjugés et le pessimisme des grandes villes américaines se cache parfois une lueur d’espoir et d’humanité (cf. scène incroyablement poétique de la petite fille qui se fait tirer dessus par erreur). En bref, un film magistral, dur et poignant à ne surtout pas manquer!

La musique de Mark Isham permet au film de Paul Haggis d’atteindre une aura émotionnelle bien plus forte encore que les images du film lui-même. Bien loin du style des musiques orchestrales hollywoodiennes habituelles, la musique de ‘Crash’ se veut au contraire plus minimaliste et retenue, plus proche de l’esprit des musiques de films indépendants (il faut dire que le manque de budget consacré à la musique sur ce film obligea Isham à opter pour une approche forcément plus minimaliste!). La musique est entièrement écrite pour synthétiseurs avec lesquels Isham expérimente différentes textures et sonorités atmosphériques, que ce soit dès le début du film (‘Crash’) où une rythmique entêtante se mélange à diverses nappes électroniques pour créer une ambiance un peu particulière, une couleur à la fois froide et ‘urbaine’ associée ici à la ville de Los Angeles. ‘Hands in Plain Sight’ traduit quand à lui un certain sentiment d’amertume, de mélancolie, avec ses nappes sonores sombres et son motif de clavier solitaire et méditatif. On ressent ici une certaine gravité qui nous renvoie aux drames que vivent les différents personnages du film. Mais la partition d’Isham prend véritablement son envol à partir de ‘Safe Now’, qui introduit une voix féminine soliste sur fond de synthétiseurs new age (on retrouve la même ambiance dans ‘Negligence’). La voix soliste possède ici quelques accents orientaux et évoque parfaitement à l’écran l’idée d’une pluralité ethnique dans ce Los Angeles d’aujourd’hui. On pourrait même représenter le score de ‘Crash’ suivant deux axes simples : les synthétiseurs pour toute la partie associée à la ville et la voix féminine pour la partie plus humaine, dramatique et émotionnelle du film de Paul Haggis. Un morceau comme ‘No Such Things As Monsters’ est très représentatif de l’émotion que tente de véhiculer tout en douceur la musique d’Isham à travers des nappes de synthétiseurs plus cristallines qui accompagnent ici une scène entre un père et sa petite fille, une musique très simple et retenue mais d’une grande émotion à l’écran, bien loin du style des scores hollywoodiens mélodramatiques habituels!

‘Find My Baby’ se veut en revanche plus sombre et inquiétant avec ses nappes de synthé atmosphériques et pesantes, Isham expérimentant ici aussi sur ses différentes textures et sonorités électroniques avec un certain talent. Mais le véritable climax émotionnel incontournable du score est atteint dans le poignant ‘Flames’, sans aucun doute le plus beau morceau de toute la partition de Mark Isham. Le morceau se distingue par son utilisation d’une voix féminine soliste sur fond de synthétiseurs tendance new-age comme dans ‘Safe Now’ et ‘Negligence’, mais avec une connotation arabisante/orientale bien plus prononcée. Isham crée pendant près de 8 minutes une atmosphère d’émotion pure et de méditation durant la scène clé de l’accident de voiture où le policier (Matt Dillon) sauve la vie à la femme (Thandie Newton) qu’il avait violenté autrefois. La musique évite systématiquement tout au long du film d’accompagner l’action à l’écran mais demeure au contraire mise en retrait, comme une sorte de regard extérieur sur ce qui se passe tout au long du récit. La musique crée une certaine distance par rapport aux images, accentuant par la même occasion l’émotion très forte qui se dégage de certains morceaux comme ‘Flames’, de loin l’un des plus beaux morceaux que Mark Isham ait écrit pour un film au cours de ces cinq dernières années. La musique, magnifiquement mise en valeur dans le film, apporte un véritable crescendo d’émotion particulièrement poignant à la séquence de l’accident de voiture, avec une utilisation inventive des synthétiseurs accompagnant une voix féminine de toute beauté. ‘Siren’ sort quand à lui du registre atmosphérique et lent du reste du score pour se concentrer sur un travail de rythmique électro/techno plus représentatif du côté jungle urbaine de Los Angeles (idem pour le morceau ‘Go Forth My Son’). L’émotion revient néanmoins dans ‘A Really Good Cloak’, morceau dans la lignée de ‘Flames’ durant la scène magnifique de la petite fille qui évite de justesse d’être abattue par une arme à feu. Les vocalises féminines de ‘Safe Now’ reviennent dans ‘Saint Christopher’ comme une sorte de refrain un peu obsédant et mystérieux qui parcourt l’ensemble de la partition durant les moments clé du film. A noter que le thème de ‘Flames’ revient une dernière fois dans ‘Sense of Touch’, ultime moment d’émotion du score de ‘Crash’ idéal pour conclure le film en beauté. A noter pour finir la présence de trois chansons qui complètent bien l’ambiance du score d’Isham, incluant l’émouvant ‘In The Deep’ de Bird York et la ballade pop plus sereine de ‘Maybe Tomorrow’ de Stereophonics.

Sans être le nouveau chef-d’oeuvre impérissable de Mark Isham, ‘Crash’ n’en demeure pas moins une partition de qualité, minimaliste et émouvante, évoquant à merveille l’ambiance du film de Paul Haggis. Evitant le côté conventionnel de l’orchestre, Isham préfère donc se la jouer électronique et vocal avec quelques grands moments d’émotion comme ‘Flames’ ou ‘Sense of Touch’. On sent ici à quel point le compositeur s’est senti touché par le sujet du film, qu’il a voulu retranscrire avec tact et doigté sans jamais tomber dans le mélodrame ou le larmoyant facile. Subtile, la musique d’Isham pour ‘Crash’ l’est assurément, peut être même un peu trop, car à force de se distancer autant des images du film (tout en accentuant l’émotion qui s’en dégage), la musique devient plus froide et plus difficilement accessible, surtout en dehors du film. Plus psychologique que visuelle, plus viscérale que rationnelle, la musique de ‘Crash’ confirme le talent d’un Mark Isham décidément très éclectique, qui continue de toucher à tout comme il le fait depuis ses débuts, même si le compositeur a toujours manifesté un intérêt certain pour les productions plus intimes ou indépendantes.


----Quentin Billard