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1-Aftermaths 4.08
2-Graysmith 1.28 3-Law & Disorder 4.13 4-Trailer Park 2.52 5-Dare to Dream 1.19 6-Avery & Graysmith, Toschi & Armstrong 3.28 7-Graysmith Obsessed 4.09 8-Are You Done? 2.24 9-Closer & Closer 3.13 10-Confrontation 3.34 11-Graysmith's Theme 2.31 Bonus Tracks: 12-Toschi's Theme (Unused) 2.18 13-Graysmith's Theme (Piano version) 1.48 Musique composée par: David Shire Editeur: Varèse Sarabande 302 066 799 2 Produit par: David Shire, Martin Erskine Producteurs exécutifs de l'album: Robert Townson, Ren Klyce Directeurs de la musique pour Warner Bros. Pictures: Doug Frank, Gary Le Mel, Suzi Civita Monteurs musique: Jonathan Stevens, Marie Ebbing Préparation de la musique: Rick Walsh Music Business Affairs pour Warner Bros. Pictures: Keith Zajic, Lisa Margolis Music Administration pour Warner Bros. Pictures: Debi Streeter Artwork and pictures (c) 2007 Paramount Pictures & Warner Bros. Ent. All rights reserved. Note: ***1/2 |
ZODIAC
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by David Shire
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A chaque nouveau film qu’il sort, David Fincher arrive toujours à créer un petit événement. 5 ans après l’inoubliable ‘Panic Room’, Fincher rempile pour un nouveau thriller totalement différent de ce qu’il a pu faire jusqu’à présent. C’est d’ailleurs devenu une rengaine tenace chez le réalisateur depuis ses débuts : varier les genres et les histoires avec une rigueur rare. L’auteur de ‘Alien 3’, ‘Fight Club’, ‘Se7en’, ‘The Game’ ou ‘Panic Room’ nous offre avec ‘Zodiac’ l’un de ses films les plus ambitieux et peut être les plus aboutis. Débarrassé de toute contingence technique d’artifice visuel dont il use traditionnellement dans la plupart de ses films (Fincher s’est formé à l’école des clips vidéos), le réalisateur nous offre 2h30 d’une enquête policière interminable et pourtant ô combien passionnante sur l’une des affaires criminelles les plus complexes et les plus difficiles qui ait secoué la Californie tout au long des années 70. A la fin des années 60, un redoutable serial killer baptisé ‘Zodiac’ répandit la terreur dans toute la région de San Francisco en multipliant les assassinats à un rythme affolant, à tel point que certains l’ont très vite comparé par la suite à ‘Jack l’éventreur’. Zodiac avait l’habitude d’envoyer à la police des messages cryptés à la suite de ses meurtres, dans lesquels il défiait les forces de l’ordre de retrouver son identité et de l’arrêter, narguant à la fois la presse et la police. Les journalistes et les policiers le traquèrent pendant plus d’une décennie, mais en vain, le Zodiac ne fut jamais arrêté. Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal), jeune et timide dessinateur de presse, décida alors de s’intéresser d’un peu plus prêt à l’affaire et de mener sa propre enquête. Alors que tout le monde autour de lui semblait échouer – son collègue Paul Avery (Robert Downey Jr.), spécialiste des affaires criminelles au San Francisco Chronicles et qui sombra dans l’alcool et la dépression, rendu fou par cette enquête sans fin – l’inspecteur David Toschi (Mark Ruffalo) et son partenaire William Armstrong (Anthony Edwards), qui firent à leur tour chou blanc après avoir enquêté durement pendant plus de 10 ans, etc. – Graysmith finit par trouver lui-même la solution de ce puzzle machiavélique. Il consacra pour cela plus de dix ans d’efforts à recueillir des milliers de preuves, de documents et de témoignages pour pouvoir rédiger deux livres sur le Zodiac, deux ouvrages d’une précision et d’une rigueur spectaculaire. Officiellement, l’enquête n’a jamais abouti, mais Graysmith est sans aucun doute le seul homme à s’être vraiment rapproché de la vérité à propos de l’identité de l’insaisissable Zodiac.
Filmé avec une précision et une rigueur quasi journalistique, le film de David Fincher décortique cette longue et difficile enquête à laquelle des policiers et des journalistes consacrèrent plus de 10 ans de leur vie, jusqu’à ce que le Zodiac cesse de se manifester. On attribue tout de même entre 37 et 200 victimes à ce véritable génie du crime qui ridiculisa la presse et la police avec ses cryptogrammes énigmatiques. Pour relater une histoire aussi complexe et difficile à mettre en image, David Fincher devait s’impliquer à fond dans son film. Il éplucha de nombreux rapports d’enquête, mena de nombreux entretiens avec les enquêteurs de l’époque, les proches des victimes et les survivants. A ce sujet, on peut certainement affirmer sans trop d’erreur que ‘Zodiac’ est de loin l’un des films les plus documentés de toute l’histoire du cinéma américain – ou du moins du cinéma U.S. contemporain. Pour retranscrire une affaire aussi énorme qui détruisit de nombreuses vies à commencer par celle de l’inspecteur Toschi, qui mena sa très longue enquête sur le Zodiac et finit par aboutir à une impasse, il fallait des comédiens de renom. Ainsi, Mark Ruffalo fut choisi pour incarner à l’écran Toschi, mais c’est Jake Gyllenhall qui tire véritablement son épingle du jeu. L’histoire est racontée à travers trois personnages principaux : celui d’Avery, journaliste brillant qui finira par sombrer dans l’alcool, celui de Toschi qui sacrifiera plus de 10 ans de sa vie à une enquête sans fin, et celui de Graysmith, campé par un Jake Gyllenhall virtuose, un homme totalement obsédé par sa quête du Zodiac. A noter que le personnage de l’inspecteur Toschi inspira à l’époque de nombreux films auquel ‘Zodiac’ fait référence, à commencer par ‘Bullitt’ en 1968 et surtout ‘Dirty Harry’ en 1971, célèbre polar avec Clint Eastwood et qui s’inspirait déjà très largement à l’époque de l’affaire du Zodiac. Par la suite, l’histoire de ce serial-killer mythique fut adaptée à deux reprises au cinéma avant la version de David Fincher : ‘The Zodiac Killer’ réalisé par Tom Hanson en 1971 et ‘The Zodiac’ de Alexander Bulkley tourné en 2005, avec Justin Chambers, Robin Tunney et Philip Baker Hall (coïncidence : ce dernier est d’ailleurs aussi présent dans le film de Fincher !). Mais aucune de ces deux précédentes versions n’est allé aussi loin que celle de David Fincher, qui, tout en voulant éviter la facilité du film documentaire, nous livre malgré tout un polar magistral et psychologique d’une intensité rarement égalée, un thriller obsédant à la précision quasi chirurgicale, à la manière des grands romans policiers d’antan. Bref, sans aucun doute le choc cinématographique parfait de cette fin d’année, et qui fait d’ailleurs l’ouverture officielle au festival de Cannes 2007! A l’origine, David Fincher ne souhaitait pas utiliser de musique originale pour ‘Zodiac’. Comme son film se déroule sur plusieurs décennies, il ne voulait utiliser que de la ‘source music’ de l’époque. Mais après avoir contacté le compositeur vétéran David Shire, le réalisateur décida finalement d’inclure une quarantaine de minutes de musique originale dans son film afin de booster certaines séquences. David Shire s’est fait très discret au cours des années 90, alors qu’il fut un temps où le musicien travaillait pourtant activement au cinéma hollywoodien, en particulier durant les années 70 et 80. Shire s’est d’ailleurs fait un nom en signant la musique de quelques thrillers « seventies » de renom comme ‘The Conversation’ (1974), ‘The Taking of Pelham 1 2 3’ (1974) ou bien encore ‘All The President’s Men’ (1976). Avec ‘Zodiac’, Shire a enfin l’occasion d’écrire à nouveau la musique d’un thriller ambitieux en nous livrant une partition à suspense dans la lignée de ses grandes musiques de polar des années 70. Les directives de David Fincher étaient sans ambiguïtés dès le début : il fallait absolument éviter tout aspect mélodique et empathique qui aurait nuit à l’ambiance réaliste et froide du film. Shire devait donc opter pour une approche plus minimaliste et mélodiquement très restreinte. Pour se faire, le compositeur utilise un orchestre à cordes avec une trompette aux sonorités jazzy, un cor et deux guitares, sans oublier le piano, instrument soliste principal de la partition de ‘Zodiac’, interprété par David Shire lui-même. Afin de retranscrire l’atmosphère froide et sombre du film de David Fincher, Shire a décidé d’utiliser un style harmonique plus complexe et tourmenté, basé sur un mélange entre atonalité, polytonalité et parfois même éléments de musique sérielle. De mémoire, on avait rarement entendu une musique thriller aussi ‘rétro’, alors que la plupart des musiques à suspense d’aujourd’hui utilisent majoritairement les synthétiseurs et les effets sonores artificiels. Dans ‘Zodiac’, point de synthétiseur en vue. David Shire se replonge dans un style musical avant-gardiste plus proche des grandes musiques thriller des années 70. Ainsi, le ton est de suite donné dans ‘Aftermath’, premier morceau à évoquer dans le film les méfaits du Zodiac. Pour cela, Shire utilise un canevas de cordes sombres sur des harmonies pesantes et noires – on découvre très rapidement ici des éléments de polytonalité dans la façon dont le compositeur construit ses différents accords. A noter l’intrusion d’une trompette aux accents vaguement jazzy, qui évoque l’univers des films noirs/polar à l’ancienne façon années 40/50 (un peu comme dans le ‘L.A. Confidential’ de Jerry Goldsmith). ‘Aftermath’ s’avère être une belle entrée en la matière, avec son ton résolument noir, pesant et pessimiste. Le score de ‘Zodiac’ mise essentiellement sur le caractère atmosphérique de la musique, comme le confirme ‘Graysmith’, qui introduit le thème de Robert Graysmith joué au piano par le compositeur lui-même. On est frappé ici aussi par la noirceur de la musique, qui, bien que très retenue, conserve malgré tout une certaine tension sous-jacente révélant l’ampleur de l’affaire du Zodiac et combien cette enquête difficile a pu affecter Graysmith et son entourage. ‘Law & Disorder’ développe quand à lui l’atmosphère harmonique sombre du début avec des cordes lugubres et tendues qui maintiennent un certain sentiment de gravité à l’écran. A noter que la musique conserve néanmoins systématiquement une certaine retenue assez impressionnante à l’écran. A noter que ‘Law & Disorder’ rappelle par moment certains passages du ‘The Thing’ d’Ennio Morricone, duquel on retrouve quelques couleurs harmoniques/sonores vaguement similaires (idem pour ‘Dare to Dream’ et ‘Are You Done?’ qui rappellent beaucoup certains passages orchestraux de ‘The Thing’ par moment). Shire a toujours eu une facette très européenne d’esprit dans sa façon d’écrire, et sa musique pour ‘Zodiac’ le confirme amplement. On pourra aussi chercher ici du côté des musiciens avant-gardistes des Etats-Unis, tels que Charles Ives pour le caractère chaotique de certains passages de ‘Law & Disorder’ (scène où le Zodiac commet deux nouveaux assassinats), ou John Adams pour le côté répétitif et résolument moderne de l’écriture des cordes dans l’intéressant ‘Graysmith Obsessed’. Ce dernier semble véritablement surgir d’une musique de film des années 70 tant le classicisme d’écriture des cordes (alternant jeu avec l’archet et pizzicati) paraît très rétro pour un thriller de 2007. Bonne nouvelle, Hollywood n’a pas encore tiré définitivement un trait sur la musique du passé et confirme que certains réalisateurs de talent comme David Fincher ont encore le courage d’imposer une musique puisant dans le passé pour leur film. ‘Graysmith Obsessed’ accompagne une séquence où Graysmith réunit des preuves et des documents sur le Zodiac. Shire illustre ici l’obsession du personnage à travers un véritable dialogue entêtant entre les cordes et un piano martelé de façon rythmique à la façon d’un Béla Bartok. Manifestement, le compositeur s’inspire ici de la musique savante du 20ème siècle pour en tirer le meilleur sur ‘Zodiac’ (David Shire cite même Bernard Herrmann parmi ses sources d’inspiration sur la musique du film de Fincher). On notera l’utilisation plus étonnante de deux guitares au début de ‘Trailer Park’ qui maintient une certaine tension au cours d’une scène d’enquête sur les nouveaux méfaits de l’insaisissable serial-killer, sur fond de cordes dissonantes impressionnantes et toutes en retenue. Dans le livret de l’album du score, David Shire explique que l’idée principale de sa partition pour ‘Zodiac’ était d’utiliser de construire des harmonies à base d’accords non résolus – à la manière de la célèbre progression harmonique du non moins célèbre Prélude de ‘Tristan & Isolde’ de Richard Wagner. Ici, Shire utilise de la dissonance ‘contrôlée’ pour accentuer à l’écran la tension liée aux méfaits du Zodiac et à la quête de Avery, Toschi et Graysmith, qui finit par virer à l’obsession la plus totale. ‘Avery & Graysmith, Toschi & Armstrong’ confirme d’ailleurs cette orientation clairement psychologique et retenue de la musique de David Shire avec des cordes sombres, dissonantes et mélancoliques dans l’âme. On retrouve ici quelques bribes du thème de Graysmith joué au piano sur fond de cordes ambiguës et tourmentées. L’utilisation du piano est d’ailleurs très proche ici du style de ‘The Conversation’ de David Shire (1974), score qui a servi de temp-track principal au film de David Fincher. Mais fort heureusement, le compositeur comme le réalisateur ne souhaitaient pas faire un simple décalque de cette musique, ce qui a permit à Shire de repartir sur du neuf à partir d’un style qu’il maîtrisait déjà. L’intrigue avance avec ‘Closer & Closer’ lorsque Graysmith réunit de nouvelles preuves qui le rapprochent de l’identité du tueur. On retrouve ici une écriture de cordes/piano plus fugace, dynamique et classique, proche de ‘Graysmith Obsessed’, avec toujours ce ton sombre et cette tension sous-jacente dans les harmonies complexes de la musique. ‘Confrontation’ reprend la trompette jazzy mélancolique du début avec des cordes résolument sombres, amères et pesantes, sans oublier ici l’utilisation d’un cor sur fond de cordes dissonantes associées au redoutable Zodiac. Enfin, en guise de bonus, l’album inclut une superbe reprise du ‘Graysmith’s Theme’ pour piano solo (l’écriture classique du piano impose forcément ici un grand respect pour la musique de l’un des derniers grands vétérans d’Hollywood encore en vie), et un thème non utilisé, le ‘Toschi’s Theme’, joué lui aussi au piano et qui devait être associé à l’origine dans le film au personnage de Mark Ruffalo. Malgré le peu de musique écrite pour le film (à peine une quarantaine de minutes sur 2h30 !), le score de ‘Zodiac’ impressionne par son classicisme d’écriture et son côté savant, une musique de thriller rétro comme on en avait plus entendue depuis des décennies à Hollywood. David Shire s’inspire ici du style de ses musiques à suspense des années 70 en puisant dans le langage musical savant du 20ème siècle, celui de John Adams, Bernard Herrmann, Charles Ives ou bien encore Arnold Schoenberg pour l’utilisation de quelques éléments de techniques sérielles, éléments que le compositeur avait déjà utilisé dans sa partition pour ‘The Taking of Pelham 1 2 3’ en 1974. La musique de ‘Zodiac’ retranscrit parfaitement à l’écran la crainte inspirée par le tueur fou, l’atmosphère de mystère et d’obsession liée à l’enquête que mènent les trois protagonistes principaux du film. Malgré le peu de musique originale écrite par le compositeur et malgré son côté très retenue et en apparence peu passionnant, la musique de David Shire grandit malgré tout au fil des écoutes et finit par hanter l’esprit de l’auditeur qui peut enfin s’en imprégner plus efficacement hors des images du film, constituant une écoute solide à la manière d’une grande pièce classique en plusieurs mouvements. Bonne nouvelle, on peut encore entendre des musiques savantes à l’ancienne sur des films hollywoodiens de 2007! Alors même si le score de ‘Zodiac’ risque fort de passer inaperçu à cause de son côté volontairement peu mélodique et son manque de morceaux palpitants et rythmés, jetez une oreille attentive sur le nouvel opus à suspense de David Shire, qui s’offre carrément ici le luxe de ressusciter son style musical des thrillers des années 70! ---Quentin Billard |