1-Arrivée à Chamonix 6.14
2-L'Aigle 3.36
3-Les Aiguilles Rouges 9.12
4-La Valse 3.27
5-Myriam 3.25
6-Sauvetage 5.23
7-Musette 2.38
8-Le Baiser 1.25
9-Thème "Les Aiguilles Rouges" 1.54

Musique  composée par:

Frédéric Talgorn

Editeur:

Naive France 9700

Musique dirigée par:
Frédéric Talgorn

(c) 2006 Opening Production. All rights reserved.

Note: ****
LES AIGUILLES ROUGES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Frédéric Talgorn
‘Les aiguilles rouges’, c’est un projet que le réalisateur Jean-Francois Davy portait dans son coeur depuis des années, et pour lequel il décida de se battre sans relâche afin de le concrétiser. Il faut dire que le film a été très difficile à faire pour le réalisateur. Tout d’abord, cela faisait près de 23 ans que Jean-Francois Davy n’avait pas tourné un film, l’obligeant à redémarrer dans le métier et à reconquérir la confiance de ses collaborateurs. Puis, lorsqu’il eu enfin l’occasion de tourner ‘Les aiguilles rouges’, il se heurta au manque d’intérêt de son entourage pour ce projet, si bien que Davy décida de financer lui-même son propre film. Il faut dire que son passé de réalisateur de nanar franchouillard style ‘Arrête de ramer t’attaques la falaise’ ou de pornos « seventies » ne l’a pas vraiment favorisé sur ce film. ‘Les aiguilles rouges’ s’avère être en réalité un film autobiographique dans lequel Davy narre une mésaventure qu’il a vécu à l’âge de 16 ans. En septembre 1960, le jeune Patrick et sa patrouille des Aigles partent en expédition scout dans la vallée de Chamonix. Il dirige un groupe d’adolescents assez turbulents, âgés de 12 à 16 ans. Parce qu’ils multiplient les jeux dangereux et les bêtises, les Aigles sont réprimandés par le chef de troupe du camp scout qui, en guise de punition, les envoie en randonnée de trois jours vers le massif du Brévent, face au Mont Blanc, à 2500 mètres d’altitude. Patrick doit alors diriger ces sept garçons que tout oppose dans une expédition périlleuse. Tous ont une histoire bien à eux – un s’inquiète beaucoup pour son frère parti se battre en Algérie, un autre s’intéresse particulièrement aux filles, un autre s’inquiète pour sa famille restée en Algérie, un autre se fait houspiller pour son passé de kleptomane, etc. Mais un même point commun unis ces jeunes garçons : ils n’ont absolument aucune expérience de la montagne et ignorent encore les dangers qui les attendent. ‘Les aiguilles rouges’ s’avère être un drame haletant et sobre, servi par de jeunes acteurs plein de spontanéité et visiblement très à l’aise malgré des conditions de tournage difficiles – le film a été tourné en pleine nature pour plus de réalisme. Davy a tenu à reproduire de la façon la plus identique possible l’aventure telle qu’elle s’est réellement déroulée, avec au passage quelques anecdotes véridiques – la scène où les jeunes pillent un refuge – Le film évoque aussi les dangers de la nature et le passage métaphorique à l’âge adulte, avec, en toile de fond, les préoccupations de la guerre d’Algérie (l’histoire se déroule en 1960) et l’éveil des consciences politiques chez les jeunes garçons. Niveau casting, on notera la présence de Jules Sitruk, jeune prodige du cinéma français, et de quelques autres jeunes acteurs de talent comme Damien Jouillerot ou Jules-Angelo Bigarnet. A noter quelques grands acteurs plus âgés qui font une apparition vers la fin du film, comme Rufus, Patrick Bouchitey, Richard Berry (qui, coïncidence, joue le père de Jules Sitruk dans le film alors même qu’il avait déjà dirigé le jeune acteur dans ‘Moi, César, 10 ans ½, 1,39 m’) ou bien encore Bernadette Lafont, ex-égérie de la Nouvelle Vague française et actrice fétiche de Jean-Francois Davy. Le film demeure sympathique de bout en bout, porté par un groupe de jeunes acteurs attachants, mais hélas, le succès n’a pas été au rendez-vous et la critique ne l’a pas épargné.

La musique des ‘Aiguilles rouges’ a été confiée à Frédéric Talgorn, compositeur d’origine toulousaine qui, après un passage à Hollywood, est revenu en France depuis 2003 avec sa musique pour ‘Laisse tes mains sur mes hanches’ de Chantal Lauby. A l’heure actuelle, Talgorn fait partie de cette génération de compositeurs qui arrivent encore à revendiquer un style symphonique classique dans une production cinématographique française bien pauvre sur le plan de la musique de film, un élément encore trop souvent occulté par la plupart des réalisateurs français de maintenant. Fort heureusement, la musique des ‘Aiguilles rouges’ demeure très réussie et magnifiquement écrite, témoignant du talent de l’une des valeurs sures actuelles de la musique de film française. Le score, entièrement orchestral, s’articule autour de deux thèmes majeurs : le thème principal associé au groupe des Aigles, introduit dès l’ouverture du film dans une très belle pièce pour piano et orchestre, et un thème plus grandiose et majestueux associé à la montagne. Dès le début du film, Talgorn impose un ton classique et raffiné à sa partition, avec l’introduction du thème principal au piano (‘Arrivée à Chamonix’) et qui rappelle beaucoup par sa ligne mélodique élégante et ses harmonies raffinées le style lyrique et dramatique de John Williams. A vrai dire, l’ensemble de la partition des ‘Aiguilles rouges’ sent clairement l’influence de John Williams, une influence probablement du à la présence d’Edouard Dubois à la supervision musicale et qui a semble t’il un certain penchant pour John Williams dans ses bandes sons temporaires (on pense par exemple ici à certains passages de ‘Angela’s Ashes’). Néanmoins, Talgorn n’a pas à rougir de la comparaison tant sa musique demeure parfaitement écrite et maîtrisée, servi par des orchestrations de qualité. La seconde partie de ‘Arrivée à Chamonix’ demeure plus légère avec une reprise sautillante et joyeuse du thème joué par des vents plus rythmés. La dernière partie du morceau transforme le thème principal en une sorte de valse à trois temps joyeuse, évoquant l’insouciance des jeunes garçons. ‘L’aigle’ dévoile le superbe thème de la montagne, qui, après avoir été introduit par un harmonica, prend son envol avec des cordes grandioses tel l’aigle qui parcourt le ciel tout au long du film. Le morceau possède évidemment un côté aérien et majestueux absolument savoureux à l’écran, évoquant la beauté incomparable de la nature sauvage. L’influence de John Williams est à nouveau incontestable sur la fin du morceau, qui respire une joie de vivre rappelant bon nombre de partitions plus anciennes de Williams pour des films de Steven Spielberg ou de Chris Colombus.

A contrario, ‘Les aiguilles rouges’ offre une vision inverse de la montagne avec un morceau plus sombre et inquiétant. Après un début plutôt chaotique et massif, le morceau prend des allures de menace avec un duo de clarinettes mystérieuses et des bois plus sombres. A noter la façon dont les instruments à vent se répondent ici, créant une ambiance à la fois inquiétante et apaisée, une ambiguïté parfaite à l’écran – les enfants commencent à se perdre mais font aussi l’expérience du bon comme du mal dans la montagne. Le piano intervient pour développer un motif de 3 notes issu de la tête du thème de la montagne, rendu ici clairement menaçant sur un tapis de cordes dissonantes et quelques sursauts orchestraux agressifs. La dernière partie bascule même dans un déchaînement orchestral ample et terrifiant, évoquant les dangers de la montagne avant de se conclure sur une reprise plus paisible du thème d’harmonica – apportant ici un soupçon de nostalgie et d’accalmie dans une coda lyrique et classique d’esprit absolument savoureuse. Le compositeur se fait par la suite plaisir en nous offrant par exemple une valse succulente dans ‘La valse’ alors que les jeunes flirtent et passent un peu de bon temps en ville, avant de partir à la montagne. Ici aussi, on retrouve une grande élégance classique dans cette superbe valse pour orchestre suggérant l’insouciance de la jeunesse. De l’élégance, il est justement question dans ‘Myriam’, morceau romantique de toute beauté écrit avec beaucoup de finesse et de tendresse, confié à une guitare et quelques cordes – on retrouve une ambiance similaire dans ‘Le baiser’, pour piano et orchestre. ‘Sauvetage’ ramène enfin l’espoir avec un retour brillant du thème principal pour la scène du sauvetage des huit garçons. Ici aussi, comme dans le reste de la partition, on reste absolument étonné par l’incroyable classicisme de la partition de Frédéric Talgorn, complètement maîtrisée de bout en bout, Talgorn restant probablement l’un des derniers à savoir écrire de cette façon pour orchestre dans le cinéma français d’aujourd’hui. Le compositeur se fait même plaisir et nous offre une ‘musette’ pour accordéon soliste et orchestre vers la fin du film avant de reprendre une dernière fois son thème principal en guise de conclusion (‘Thème les aiguilles rouges’), la boucle étant bouclée.

La partition de Frédéric Talgorn pour ‘Les aiguilles rouges’ confirme donc sans équivoque le talent d’un compositeur jusqu’ici trop peu présent dans le paysage cinématographique français et qui, fort heureusement, n’a de cesse de nous offrir des partitions de qualité depuis son retour au pays en 2003. Frédéric Talgorn reste à l’heure actuelle l’un des rares compositeurs de musique de film français sachant encore écrire parfaitement pour orchestre dans un langage classique savant, à l’instar de Philippe Rombi, Carolin Petit ou des musiciens de l’ancienne génération, Philippe Sarde, Antoine Duhamel ou Georges Delerue. C’est pourquoi sa partition pour ‘Les aiguilles rouges’ s’avère être une véritable bouffée de fraîcheur dans un paysage musical hélas galvaudé par la médiocrité, la facilité et le manque d’ambition artistique. Apportant un lyrisme et une émotion indispensable au film de Jean-Francois Davy, la musique des ‘Aiguilles rouges’ reste une nouvelle grande réussite de la part de Frédéric Talgorn, une musique symphonique au classicisme brillant et élégant dans la lignée de John Williams, à découvrir de toute urgence!


---Quentin Billard