1-Main Title 0.32
2-Van Chase 4.50
3-Murphy's Death 2.30
4-The Rock Shop 3.38
5-Home 4.05
6-Robo vs ED-209 2.00
7-The Dream 3.00
8-Across The Board 2.28
9-Betrayal 2.12
10-Clarance Frags Bob 1.40
11-Drive To Jones' Office 1.40
12-We Killed You 1.30
13-Directive IV 1.00
14-Robo Tips His Hat 2.00
15-Showdown 5.00

Musique  composée par:

Basil Poledouris

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-47298

Album produit par:
Basil Poledouris
Montage de la musique:
Tom Villano
Producteur exécutif:
Richard Kraft

Artwork and pictures (c) 1987 Orion Pictures Corp. All rights reserved.

Note: ****
ROBOCOP
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Basil Poledouris
'Robocop' est sans aucun doute l'un des plus célèbres films de Paul Verhoeven. Deuxième grosse production américaine qui suit le médiocre 'Flesh + Blood' (mieux vaut oublier cette triste production, premier 'essai' américain du réalisateur), 'Robocop' s'inspire du monde des comics américains en décrivant l'histoire tragique d'un flic de Detroit tombé au champ d'honneur et ressuscité sous les traits d'un cyborg mi-homme mi-machine, prêt à tout pour retrouver la trace de ses assassins. Aujourd'hui, ce thème a été abordé plus d'une fois au cinéma mais pour l'époque, Verhoeven nous en proposait une vision neuve et originale, un film abordé avec un humour noir particulièrement cinglant, humour qui semble avoir échappé à bon nombre de critiques, car 'Robocop', ce n'est pas un simple film de super-héros violent, c'est surtout une très grosse satire de la décadence de la société américaine, une critique sévère du matérialisme à outrance, du corporatisme malhonnête, des hommes d'affaire magouilleurs et du capitalisme froid et inhumain (est-ce un hasard si le grand patron de l'OCP ne porte aucun nom?). Certes, l'exercice s'avère être plutôt caricatural mais Verhoeven marque un point là où d'autres se seraient plantés en beauté. Comment ne pas rire lorsque le réalisateur nous montre des flash infos qui parlent durant quelques secondes d'une terrible catastrophe écologique survenue dans un autre pays avant d'enchaîner sur une publicité stupide et ridicule? Critique des médias, de la télévision (comment ne pas rire lorsqu'on voit cette publicité stupide pour 'NUKEM', jeu de société familial où le but du jeu est de tuer son adversaire en faisant exploser une bombe atomique sur son territoire ? - ironie, quand tu nous tiens!) du conformisme (les américains 'moyens' de Detroit regardent tous cette émission stupide du vieux pervers et de sa réplique cultissime: "j'en prendrai pour un dollar"! On découvre même que les hommes d'affaire pourtant censés être un peu plus cultivés regardent cette émission stupide puisque l'un des personnages de l'OCP y fait clairement référence dans une séquence du film) et du matérialisme qui s'en suit (tout le monde veut avoir la 6000 SUX, un modèle de voiture vantée fièrement par un spot publicitaire hilarant où l'on voit un dinosaure style 'Godzilla' kitsch parcourant la ville, suivi du slogan "la bête de la route"). En clair: ici, tout y passe.

L'histoire se déroule donc dans un futur proche à Detroit, où le crime règne en maître sur une ville gouvernée par le puissant cartel de l'OCP (Omni Cartel des Produits), sorte de gigantesque corporation massive qui exerce un contrôle quasi total sur la ville de Detroit. Richard 'Dick' Jones (Ronny Cox), le vice-président de l'OCP, a mis un point un programme de défense reposant sur une machine de protection censé renforcer la police et la défense du territoire: l'Echo-dépisteur 209, plus connu sous le nom de ED-209. Mais l'ED-209 s'avère être une belle bouse et il est clair que le robot n'est pas encore prêt à être mis en circulation dans les rues de la ville. C'est là que rentre en jeu Bob Morton (Miguel Ferrer), autre cadre de l'OCP et rival acharné de Dick Jones. Morton propose alors au grand patron de l'OCP (Dan O'Herlihy) une solution alternative au problème de l'ED-209: le projet 'Robocop': fabriquer un cyborg mi-homme mi-machine à partir des restes d'un policier abattu et qui sera chargé d'épauler la police et d'effectuer diverses missions suivant trois directives primordiales (protéger les innocents, servir le public et faire respecter la loi).

Alex Murphy (Peter Weller) est ce malheureux type, assassiné brutalement par la bande de tueurs de Clarence Boddicker (Kurtwood Smith), le plus célèbre bandit tueur de flics de Detroit à la tête d'un important trafic d'armes et de drogue. Ressuscité sous les trait d'un cyborg/policier, Murphy devient 'Robocop', un pur produit de l'OCP qui assurera la gloire de son créateur, Bob Morton. Mais les souvenirs de Murphy vont très vite resurgir à la surface et le cyborg-policier mettra peu de temps pour se souvenir qui il était auparavant. Les images de sa famille hantent son esprit, à côté de celles de ses tueurs. Avec sa collègue Anne Lewis (Nancy Allen), Robocop/Murphy va préparer sa vengeance et va très vite découvrir la conspiration mené par Dick Jones et Clarence Boddicker au sein même de l'OCP, qui tente de construire une nouvelle ville dans Detroit, 'Delta City', un nouveau réseau urbain où ces individus sans scrupules pourront contrôler librement la drogue, la prostitution et l'argent.

Les séquences humoristiques ne manquent pas ici (lorsque Robocop visite une école et dit: "soyez sages, les enfants!", et le journaliste de rajouter: "les enfants de l'école élémentaire Yakoka ont pu approcher celui que leurs parents ne connaissent que par les bandes dessinés", sans oublier la séquence hilarante où ED-209 se casse la figure dans les escaliers et se met à crier comme un sanglier, incapable de se remettre debout, etc.) et il est dommage de constater à quel point la plupart des critiques sont passés à côté de l'aspect humour noir cynique du film. Evidemment, 'Robocop' est aussi un film très violent, mais à l'inverse du regrettable 'Flesh + Blood' (qui se prenait en plus un peu trop au sérieux), 'Robocop' ne fait pas l'éloge de la barbarie mais montre la violence sous un côté théâtral et grand-guignolesque, parodiant la violence graphique de certains comics américains où les super-héros rossent les bandits de tout poil. Certes, on a ici des moments très durs (l'assassinat d'Alex Murphy au début du film, la mort de Clarence Boddicker, la mort d'Emil Antonowsky dans les produits toxiques, etc.) mais le tout est abordé avec un humour noir impeccable (du moins pour ceux qui sont réceptifs à ce style d'humour) et un côté théâtral très 'film d'action années 80'. Certes, aujourd'hui, les comités de censure américain seraient certainement plus impitoyables envers un tel projet, mais n'oublions pas que l'un des credo de Paul Verhoeven (le 'hollandais violent') a toujours été de provoquer l'auditoire américain et de défier les organismes de censure américaine. Mention spéciale à un casting de qualité réunissant le très sous-estimé Peter Weller (habitué à quelques obscures séries-B mais qui obtint grâce à 'Robocop' le rôle majeur de sa carrière d'acteur), l'excellent Kurtwood Smith dans le rôle du grand méchant de service, la discrète Nancy Allen et Ronny Cox qui, grâce à 'Robocop' et 'Total Recall' (1990), put enfin interpréter le rôle d'un grand méchant. (son premier rôle au cinéma fut dans le 'Deliverance' de John Boorman en 1972) Certains parlent de 'Robocop' comme un film culte, d'autres comme l'un des plus gros navet Hollywoodien de la fin des années 80. A vous de voir à quel camp vous appartenez!

Basil Poledouris retrouve Paul Verhoeven pour la seconde fois après avoir écrit un score médiéval/épique pour 'Flesh + Blood'. Le score de 'Robocop' fait déjà parti des classiques du compositeur à côté de partitions inoubliables telles que 'Conan The Barbarian' ou 'Hunt for The Red October'. Le score de 'Robocop' épouse à merveille le côté à la fois tragique, sombre et violent du film, une musique orchestrale qui, pour renforcer le côté froid et futuriste du film, fait appel aux synthétiseurs, très importants dans 'Robocop'. La partition de Poledouris s'axe autour d'une thématique primordiale puisqu'on trouve quatre thèmes parfaitement développés tout au long du film. Le 'Main Title' ne dure que quelques secondes le temps de l'apparition du logo 'Robocop', mais il amorce déjà la thématique du film puisqu'il nous permet d'entendre brièvement le mystérieux motif de 3 notes lié au souvenir de Murphy. La seconde partie du morceau est en fait le petit jingle que Poledouris a écrit pour les flashs info du film. On entre alors dans le vif du sujet avec le deuxième grand morceau du score, l'excitant 'Van Chase' décrivant la première séquence de poursuite au début du film entre la voiture de Murphy/Lewis et la camionnette de Boddicker et ses sbires. Poledouris nous introduit ici le superbe thème de cuivres graves associé à Clarence Boddicker (un sombre motif menaçant d'une dizaine de notes). Très rythmé, 'Van Chase' rend cette séquence de poursuite plutôt intense, faisant la part belle à une écriture action alternant cordes tendues et cuivres agressifs. On notera déjà ici l'utilisation du synthé à rôle rythmique, le synthétiseur étant, comme nous l'avons déjà signalé un peu plus haut, un élément majeur du score de 'Robocop' et un élément sonore tout à fait caractéristique de la musique puisque les mystérieuses sonorités électroniques choisies par Poledouris vont servir à unifier l'ensemble de la partition sur le plan sonore. La seconde partie du morceau est plus mystérieuse/suspense, pour la séquence à l'intérieur du repère de Boddicker, avant la scène de la mort de Murphy. A noter que le morceau finira sur une brève allusion au mystérieux motif de 3 notes qui prendra une plus grande importance par la suite.

La tragédie se profile déjà avec le terrible 'Murphy's Death'. Poledouris installe ici un climat de gravité à la fois froid et torturé. Murphy est emmené d'urgence à l'hôpital, mais on sait déjà que les médecins ne pourront rien faire pour lui. Blessé très gravement, entre la vie et la mort, Murphy est condamné à mourir. Les cuivres graves entament un parcours mélodique quasi funèbre et terrifiant de par la froideur amère et tragique qui se dégage de ce sombre morceau qui annonce déjà la suite de l'histoire (le synthé est là en arrière-fond pour renforcer le malaise de la scène). C'est là que 'Robocop' naît des restes de Murphy, et c'est avec 'Rock Shop' que le compositeur nous introduit enfin au célèbre thème principal de son score, thème héroïque comme il se doit. 'Rock Shop' correspond en fait à la séquence de l'attaque dans la fabrique de drogue de Boddicker et ses potes. Le morceau prend une tournure clairement déterminé en privilégiant le pupitre des cuivres (cors et trombones mis en avant avec les trompettes) et des percussions (cymbales et timbales). Le thème principal est plus héroïque d'esprit, et il évoque l'idée de la justice en marche, une justice implacable qui punira de mort tout ceux qui se mettront sur son chemin. Robocop devient donc le symbole de cette justice expéditive et aveugle, une chose que Poledouris a parfaitement représenté à travers son superbe et inoubliable thème principal. A noter que la seconde partie du morceau nous propose un développement particulièrement malmené du thème de Boddicker alors que Robocop lui tape dessus et le force à avouer qui l'emploie. Après le superbe et déterminé 'Rock Shop', on ne peut plus faire demi tour: on est lancé à fond dans l'action, telle une locomotive impossible à arrêter. Robocop est en marche, prêt à se venger et il ira jusqu'au bout. Poledouris va suivre ainsi son parcours en évoquant de manière particulièrement intense toute la noirceur et la violence du récit.

C'est le terrible 'Home' qui développe enfin le côté dramatique de l'histoire après le sinistre 'Murphy's Death'. Robocop se souvient de sa famille et retrouve l'adresse de son ancienne demeure. Poledouris fait intervenir ici des cordes particulièrement amères et torturées. En l'espace de 4 minutes, le compositeur arrive à nous faire ressentir toute l'intensité dramatique de cette terrible séquence: en parcourant cette maison désertée et pleine de souvenirs, Murphy/Robocop comprend qu'il avait autrefois une famille et qu'il n'est plus rien aujourd'hui. L'écriture torturée des cordes alterne entre amertume, tristesse et résignation. On sent aussi toute la colère intérieure qui envahit Murphy, surtout lorsque le thème principal de Robocop revient ici aux cordes sous une forme plus lente, froide et résignée. 'Home' est, avec 'Rock Shop', l'un des morceaux incontournables du score. A noter que le compositeur développe ici ses textures électroniques ainsi que son motif de 4 notes associé au côté tragique de l'histoire.

L'action revient dans la confrontation entre Robocop et ED-209 avec 'Robo vs. ED-209', Poledouris soutenant le rythme par des sons d'enclume renforçant le côté métallique de ces deux ennemis. On notera ici les quelques reprises développés du thème de Robocop confronté au matériau plus agressif lié à son ennemi. Dans 'The Dream', Robocop est attaqué par des flashs de souvenir soudains et incontrôlables. Poledouris installe un climat de dissonance particulièrement sinistre au début du morceau, créant une sensation de malaise de plus en plus persistante, débouchant sur une reprise orchestrale plus lente du thème de Robocop. Ici, Poledouris n'évoque pas le côté héroïque/justicier du personnage mais sa détermination à découvrir enfin la vérité et à punir ses agresseurs qui ont détruit sa vie et l'ont réduit à néant. Le synthétiseur renforce ici aussi l'ambiance de malaise crée par le morceau. On sent ici un combat intérieur que se livre Murphy/Robocop, la partie humaine ayant apparemment pris le dessus cette fois ci (ce qui expliquerait alors le mélange orchestre/synthé = humain/machine?). 'Betrayal' explore à nouveau le côté dramatique de l'histoire alors que les policiers sont chargés par l'OCP d'éliminer Robocop, devenu trop dangereux après avoir tenté de s'en prendre à Dick Jones, vice-président de l'OCP qui se cache derrière la fameuse 'directive IV' qui empêche Robocop de s'en prendre à un membre de l'OCP. Poledouris installe ici un climat plutôt sombre et pesant, le thème principal étant réexposé sous une forme plus résignée évoquant la dure épreuve que le héros traverse dans cette séquence. On notera une nouvelle allusion au sombre motif de 3 notes vers la fin du morceau, toujours associé à cette idée de mémoire, de combat intérieur entre l'humain et la machine.

'Clarance Frags Bob' donne enfin l'occasion à Poledouris de développer pleinement le sinistre thème menaçant de Clarence Boddicker, thème entendu ici sous une forme lente et menaçante par des cordes sombres lors de la scène où Clarence se rend chez Bob Morton pour le supprimer. Le morceau monte en intensité jusqu'à l'inévitable issue de la séquence. Malgré sa courte durée, 'Clarance Frags Bob' est important car il confie l'intensité dramatique du morceau dans la scène au thème du méchant qui possède ici son morceau 'emblématique'. Quand à 'Robo Tips His Hat' (le compositeur s'est trompé de titre, ce nom doit aller au morceau intitulé 'We Killed You'), il continue à prolonger le côté dramatique de l'histoire avec le motif de 4 notes entendu par des cordes sombres et résignées dans la scène où Robocop/Murphy enlève son masque et montre à Lewis ce qui reste de son visage (le morceau est repris en partie de 'Drive To Jones's Office'). On sent ici une certaine tristesse, une amertume poignante, mélancolique et sans espoir. L'utilisation très discrète d'un célesta et de quelques sonorités cristallines du synthé accentue le côté mélancolique de ce morceau triste et lent. La justice est en marche dans 'We Killed You' (Robocop se rend au bureau de Dick Jones pour l'arrêter) tandis que 'Directive IV' reprend le mystérieux motif de 3 notes évoquant la torture physique de Robocop qui atteint son apogée dans la séquence où notre héros-justicier ne peut s'attaquer à Dick Jones, la 'directive IV' l'en empêchant, et ce malgré le souhait de sa partie humaine de le supprimer. C'est le début de la confrontation finale avec l'excitant 'Showdown', long morceau d'action de plus de 5 minutes pour l'affrontement final dans l'usine désaffecté avec Boddicker et ses sbires. Le thème héroïque cuivré revient par fragment, opposé au thème du méchant. En l'espace de 5 minutes, Poledouris crée une pièce d'action particulièrement violente et noire, avec des sonorités électroniques insistantes et des orchestrations pesantes privilégiant les percussions et des cuivres déterminés. Les rythmiques du morceau multiplient l'impression de violence de cette longue confrontation/poursuite en faisant monter la tension d'une manière fort intense nous renvoyant au début de 'Van Chase'. Le thème de Robocop est plus déterminé que jamais, il monte ici en intensité telle la marche inexorable de la justice.

'Across The Board' correspond à la scène finale où Robocop affronte Dick Jones. Le morceau finit par une ultime reprise du thème principal héroïque comme dans 'Rock Shop'. 'Across The Board' (enchaîné au générique de fin dans le film) conclut le film en beauté et nous donne clairement l'impression d'avoir parcouru un très grand score inspiré et totalement maîtrisé, que ce soit sur le plan compositionnel, thématique ou sur le plan sonore (excellent choix des sonorités électroniques mélangées à l'orchestre). Il est rare d'entendre aujourd'hui un score aussi riche, intense et parfaitement ancré dans les images d'un film. Poledouris a réussi l'exploit de faire un score traduisant tous les aspects de l'histoire sans en trahir un seul: impossible de ne pas ressentir la torture intérieure de Murphy dans 'Home', impossible de ne pas sentir la puissance de la justice et la violence dans 'Rock Shop', etc. 'Robocop' est assurément un très grand score, l'un des grands classiques de Basil Poledouris alors au sommet de son art à la fin des années 80 (il avait déjà fait 'Conan The Barbarian' et 'Flesh + Blood' entre autre...). Un score incontournable dans la carrière très éclectique du compositeur!


---Quentin Billard