1-Why So Serious ? 9.14
2-I'm Not A Hero 6.34
3-Harvey Two-Face 6.16
4-Aggressive Expansion 4.35
5-Always A Catch 1.39
6-Blood On My Hands 2.16
7-A Little Push 2.42
8-Like A Dog Chasing Cars 5.02
9-I Am The Batman 1.59
10-And I Thought My Jokes
Were Bad 2.28
11-Agent Of Chaos 6.55
12-Introduce A Little Anarchy 3.42
13-Watch The World Burn 3.47
14-A Dark Knight 16.15

Musique  composée par:

Hans Zimmer/James Newton Howard

Editeur:

Warner Sunset/Warner Bros 511101-2

Album produit par:
Hans Zimmer,
James Newton Howard

Musique additionnelle de:
Lorne Balfe
Montage musique:
Alex Gibson, Daniel Pinder

Artwork and pictures (c) 2008 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ****
THE DARK KNIGHT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer/James Newton Howard
Trois ans après « Batman Begins », le célèbre homme chauve-souris est de retour dans une nouvelle aventure, toujours réalisé par Christopher Nolan avec Christian Bale dans le rôle de Batman. « The Dark Knight » s’inspire du comic book éponyme de Frank Miller, qui avait déjà servi de source d’inspiration pour Tim Burton en 1989 sur son « Batman ». On y retrouve donc deux méchants que les fans de la saga connaissent bien : l’inénarrable Joker, et Harvey Double Face (qui était incarné par Tommy Lee Jones dans « Batman Forever »). Cette fois-ci, Batman doit reprendre du service alors que la ville de Gotham City est terrorisée par les méfaits du Joker (Heath Ledger), un dangereux malfrat qui cherche à répandre le chaos et l’anarchie par pur plaisir. Avec l’aide du commissaire Gordon (Gary Oldman) et du procureur Harvey Dent (Aaron Eckhart), Batman repart en guerre contre le crime, prêt à tout pour stopper le Joker dans sa croisade effrénée pour l’anarchie. « The Dark Knight » s’avère être une superproduction somme toute très ambitieuse et audacieuse. Ce n’est pas tant les effets spéciaux qui étonnent ici mais la trame narrative du film, complexe et étonnamment élaborée pour une grosse production de ce genre. Aucun doute possible, Batman est rentré dans une nouvelle ère cinématographique, reflet d’une société américaine en plein chamboulement, qui s’interroge sur ses propres valeurs, celles de ses citoyens, de la nation, de la justice et du respect de l’ordre. « The Dark Knight » est un film sombre, au rythme assez lent pour une production aussi calibrée. Christopher Nolan apporte comme d’habitude un soin tout particulier à la psychologie du personnage, avec pour commencer un Heath Ledger épatant dans le rôle du Joker. Si l’on est loin de la performance inoubliable de Jack Nicholson dans le « Batman » de Burton, on pourra néanmoins apprécier la folie et le nihilisme explosif de ce Joker version 2008. Le film est d’ailleurs dédié à la mémoire d’Heath Ledger, malheureusement décédé en janvier 2008, alors qu’il venait de tourner l’intégralité de ses scènes. « The Dark Knight » nous offre au final quelques scènes d’action anthologiques (l’affrontement entre Batman et le Joker en pleine rue, les citoyens piégés sur les deux bateaux, et à qui le Joker a offert un détonateur pour faire exploser l’un ou l’autre, les laissant face à un choix particulièrement cruel, etc.), Christian Bale demeurant impeccable dans le rôle du Batman face à un Joker en total roue libre. A noter que le film dure 2h37, un exploit pour une superproduction de ce genre, un film de super héros intelligent qui prend le temps d’aborder de vrais sujets d’actualité, dans une société américaine post-11 septembre dans laquelle les héros ne sont plus ceux que l’on croit.

A la musique, on retrouve le duo James Newton Howard/Hans Zimmer, les deux compères s’étant à nouveau associé pour écrire une musique électro-orchestrale dans la continuité de « Batman Begins », même si l’objectif de « The Dark Knight » est sensiblement différent. Le mot d’ordre était cette fois-ci de faire une musique plus sombre et moderne, et aussi plus expérimentale et provocatrice, pour reprendre les propres termes des deux compositeurs. Si le premier opus s’avérait être musicalement très décevant, cette seconde mouture tient ses promesses et nous offre une partition sombre, ample et impressionnante, tout en demeurant dans la continuité directe du précédent score pour « Batman Begins ».

Le duo Zimmer/JNH nous propose pour commencer un nouveau motif pour le Joker, une sorte d’impressionnant crescendo de samples de guitare électrique déformé et dissonant qui évoque avec brio la folie du Joker et son goût pour l’anarchie. « Why So Serious ? » introduit ainsi le motif du Joker avec un premier morceau d’action sombre et agressif à grand renfort de cordes, de samples saturés et de percussions électroniques modernes. « Why So Serious » illustre parfaitement dans le film cette idée de chaos et d’anarchie, le morceau demeurant imprévisible de bout en bout, prêt à exploser à la moindre occasion - et ce à l’image du personnage d’Heath Ledger dans le film. Ici, pas de grande mélodie mémorable ou de motif quelconque, les deux compères ont préféré opter pour une approche musicale plus bruitiste, atmosphérique et dissonante afin de recréer au mieux le sentiment de folie anarchique qui anime le Joker tout au long du film.

Pari risqué mais fort réussi puisqu’on retiendra surtout après projection les sonorités cafardeuses et saturées associées tout au long du film au Joker, une véritable identité sonore qui rappelle le goût de Hans Zimmer pour les expérimentations synthétiques qu’il avait déjà mené sur des scores tels que « Black Hawk Down » ou « Hannibal » (le compositeur aurait même déclaré récemment que ses expériences sonores se rapprochaient du groupe électro allemand Kraftwerk). Pendant plus de 9 minutes, Zimmer et JNH font monter la tension, arrêtent le tout brusquement et repartent sur une autre section totalement différente, et ce avec un certain minimalisme très étonnant : c’est la description musicale parfaite du Joker, une force maléfique incontrôlable, un véritable ange de la mort, un agent du chaos que rien ni personne ne semble pouvoir stopper. Les compositeurs déclaraient dans une récente interview qu’ils avaient souhaité opter pour la provocation avec cette partition, bousculant ainsi les règles du genre pour mieux faire ressentir le chaos qui règne tout au long du film dans les rues de Gotham City. Sur papier, l’idée est bonne, mais le résultat demeure encore trop timide sur le terrain. Un morceau comme « Why So Serious ? » est particulièrement intéressant dans ce qu’il cherche à évoquer, mais aurait pu aller encore plus loin dans les recherches sonores, Zimmer ne faisant finalement que ressortir du placard des sonorités expérimentales déjà entendues (les sons de guitare électrique saturés de « Mission Impossible 2 », qui rappellent un morceau tel que « Chimera »). Malgré son côté chaotique et atonal, « Why So Serious ? » demeure encore trop carré et trop raisonnable pour évoquer totalement la folie furieuse du Joker. L’ensemble aurait gagné à être davantage aléatoire, encore plus imprévisible. Pour la provocation, on repassera !

« I’m Not A Hero » nous permet ensuite de retrouver les idées mélodiques associées à Batman et reprises du précédent épisode. Cordes agitées, ostinato rythmique électro et cuivres massifs nous permettent de retrouver l’identité sonore de l’homme chauve-souris, le morceau alternant passages atmosphériques et morceaux d’action pour illustrer les exploits de Batman, mais sans aucune véritable forme d’héroïsme. Au contraire, Zimmer et JNH ont préféré éviter tout élan héroïque, préférant jouer la carte de la noirceur et du mystère. « Harvey Two-Face » lève ensuite le voile sur le nouveau grand thème de « The Dark Knight », une mélodie au piano plus mélancolique et intime associée à Harvey Double Face dans le film, un thème tragique qui évoque la souffrance du personnage et la vengeance impitoyable qu’il mène pour retrouver les assassins de la femme qu’il aimait. Curieusement, on retourne ici à un style plus orchestral et mélodique, la partie électronique étant mise au second plan. On reconnaît d’ailleurs ici le style de James Newton Howard, Hans Zimmer greffant par dessus cette mélodie quelques touches synthétiques habituelles afin de conserver une unité stylistique et musicale, de telle sorte à ce que le style de l’un et de l’autre finissent par cohabiter sans que l’on puisse savoir au final qui a fait quoi.

Si « Harvey Two-Face » apporte une certaine émotion à la partition de « The Dark Knight » (avec un final majestueux qui se rapproche étonnamment d’un John Williams), « Agressive Expansion » renoue avec la partie action plus majestueuse et déterminée liée à Batman, tout comme « Always A Catch » qui reprend les sonorités dissonantes et saturées du Joker dans une montée de tension violente et radicale, illustrant dans le film les méfaits explosifs du bad guy. Certains morceaux comme « A Little Push » semblent même surgir d’un thriller/film d’épouvante, les deux compères basculant ici dans l’atonal et la dissonance pur en utilisant des sonorités électroniques expérimentales lorsque le Joker tend un piège à Batman et ses compagnons. On nage ici en pleine expérimentation musicale pour ce qui demeure incontestablement l’un des morceaux les plus sombres et les plus agressifs de la partition de « The Dark Knight ». Les fans de « Batman Begins » sauront ravis d’apprendre que Zimmer et JNH reprennent le fameux thème épique de « Molossus » dans « Like a Dog Chasing Cars » lorsque Batman s’élance avec sa Batmobile à la poursuite du Joker et de ses sbires. « Like a Dog Chasing Cars » apporte un sentiment d’espoir au sein d’une partition somme toute extrêmement sombre, dissonante et agitée. Dès lors, les deux hommes se livrent une bataille sans merci à travers des morceaux d’action aux rythmes électro continus comme « And I Thought My Jokes Were Bad » ou le puissant « Agent of Chaos » et ses ostinatos de cordes rythmiques continus - une idée récurrente dans la partition de « The Dark Knight ». Les sonorités saturées du Joker reviennent à nouveau pour rappeler la menace du dangereux criminel anarchiste, prêt à tout pour faire brûler le monde. Ces morceaux aux sonorités originales rappellent aussi à quel point le Joker, véritable génie du crime, est omniprésent (il est d’ailleurs LE véritable protagoniste principal du film de Nolan !). Cette idée culmine avec « Introduce A Little Anarchy » (affrontement final entre Batman et le Joker) où cohabitent les principaux éléments musicaux du score : le motif héroïque de Batman (repris de « Molossus »), les sonorités électroniques saturées du Joker, les ostinatos rythmiques de cordes et même quelques vagues samples de sons de chauve-souris en arrière-fond pour évoquer les exploits de Batman. L’affrontement débouche sur le dramatique et très prenant « Watch the World Burn », où pendant plus de 3 minutes, JNH et Zimmer font monter la tension durant la scène finale où Harvey Dent bascule dans la folie et commet l'irréparable, aveuglé par sa souffrance et sa haine devenue extrême (fruit d’une manipulation machiavélique orchestrée par le Joker). Le morceau apporte un éclairage dramatique assez impressionnant au final du film, avant la grande coda de « A Dark Knight », long morceau de plus de 16 minutes qui résume l’essentiel de la partition de JNH et Zimmer.

Si la partition de « The Dark Knight » n’a rien de la grande partition provocatrice annoncée par ses deux compositeurs, le score n’en demeure pas moins redoutablement efficace et bien plus intéressant musicalement que « Batman Begins ». Hans Zimmer et James Newton Howard évoquent parfaitement les idées d’anarchie et de lutte pour la justice dans une société en plein chamboulement, accouchant d’une partition sombre, noire et agitée, où le bien et le mal s’affrontent continuellement entre envolées majestueuses et sonorités dissonantes expérimentales. Comme pour « Batman Begins », on retrouve dans « The Dark Knight » le traditionnel mélange synthétiseurs/orchestre avec une touche d’expérimentation électronique en plus et une certaine intensité qui manquait un peu au précédent opus. La musique des deux compères s’affirme ici davantage, même si l’on regrettera toujours le recours à quelques formules musicales banales et sans surprise (les ostinatos de cordes en continu tout au long du score...). Zimmer renoue avec les sonorités synthétiques de « Mission Impossible 2 », épaulé par son compère JNH qui s’est totalement fondu dans la masse, même si au final, le style Zimmer prédomine par dessus tout. Curieusement, la musique demeure extrêmement fonctionnelle et peu mémorable dans le film, mais l’écoute sur CD demeure une véritable expérience en soi. La partition de « The Dark Knight » reste intense et noire de bout en bout, condensant toutes les idées du film de Christopher Nolan avec un brio rare pour une production de ce genre. Autant le dire de suite : JNH et Zimmer rattrapent enfin la bourde de « Batman Begins » et nous offrent une partition captivante et envoûtante, une oeuvre intense, sombre et nihiliste, à l'héroïsme très contenu. Et pour les inconditionnels du score, une édition 2 CD complète sortira en décembre 2008, pour mieux prolonger le plaisir. Recommandé !


---Quentin Billard