1-Main Titles 2.18
2-Evacuating Philadelphia 2.21
3-Vice Principal 1.56
4-Central Park 2.58
5-We Lost Contact 0.59
6-You Can't Just
Leave Us Here 1.43
7-Rittenhouse Square 1.59
8-Five Miles Back 1.13
9-Princeton 3.06
10-Jess Comforts Elliot 2.31
11-My Firearm Is My Friend 2.59
12-Abandoned House 1.32
13-Shotgun 4.27
14-You Eyin' My
Lemon Drink? 4.28
15-Mrs. Jones 1.44
16-Voices 1.36
17-Be With You 3.41
18-End Title Suite 8.36

Musique  composée par:

James Newton Howard

Editeur:

Varèse Sarabande
302 066 901 2

Produit par:
James Newton Howard
Co-produit par:
Jim Weidman,
Stuart Michael Thomas

Producteur exécutif:
Robert Townson
Producteur exécutif de l'album:
M. Night Shyamalan
Directeur de la musique
pour 20th Century Fox:
Robert Kraft
Musique supervisée pour la
20th Century Fox par:
Danielle Diego

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2008 Twentieth Century Fox Film Corp. All rights reserved.

Note: ****
THE HAPPENING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Newton Howard
Le toujours aussi prolifique M. Night Shyamalan revient avec un nouveau film-choc, « The Happening » (Phénomènes), dans lequel le réalisateur de « Sixth Sense » et « Signs » raconte l’histoire d’une menace invisible qui détruit l’humanité de façon sournoise et inexorable. Ce sont les producteurs eux-mêmes de la 20th Century Fox qui ont voulu pousser le genre « Shyamalan » encore plus loin, en demandant au réalisateur de traiter le sujet comme un film « R-rated » (équivalent d’une interdiction aux moins de 17 ans), poussant encore plus le loin la tension et la terreur. Shyamalan retrouve ainsi quelques uns de ses thèmes favoris dans « The Happening » : la reconstruction d’une famille brisée, l’amour, l’intervention subite d’un élément surnaturel qui bouscule subitement le quotidien, le protectionnisme américain, les idéaux réactionnaires d’une certaine catégorie de la population américaine (scène chez la vieille femme dans le dernier quart d’heure du film, qui n’est pas sans rappeler la ferme de « Signs » et son allégorie de l’autarcie U.S.), la montée de la paranoïa, la peur de l’inconnu, etc. Le réalisateur souhaitait rendre hommage aux thrillers des années 50/60 en établissant dès le début du film une ambiance paranoïaque assez impressionnante : on ne sait jamais d’où vient la menace qui pousse mystérieusement les individus à se suicider tout au long du film. Jouant sur le sentiment de catastrophe imminente et d’angoisse indicible, Shyamalan frappe fort et nous offre une histoire originale, celle d’un couple en crise, Elliot Morre (Mark Wahlberg, inattendu dans ce film) et sa femme Alma (Zooey Deschanel), qui tentent d’échapper à un mystérieux phénomène inexpliqué déclenchant un peu partout une vague de suicides et de morts accidentelles et incompréhensibles. Personne ne semble à l’abri de ce mal qui semble toucher toute la population, alors que la ville de Philadelphie semble déjà atteinte dans sa globalité. Elliot et ses amis doivent alors fuir loin de la ville pour tenter d’échapper à cette catastrophe sans précédent, mais hélas, le phénomène s’est déjà propagé à l’extérieur des villes. L’humanité est désormais aux bords du déclin.

Shyamalan frappe donc fort en nous offrant ce thriller surnaturel et angoissant, probablement l’un des films les plus personnels du cinéaste, et paradoxalement, l’un de ses films les plus détestés à ce jour. Il faut dire que la critique n’y a pas été de main morte, enfonçant le clou en annonçant que Shyamalan était « cinématographiquement » fini. Pourtant, même si le réalisateur n’atteint pas ici les sommets de son chef-d’œuvre « Signs », il signe néanmoins un film personnel, aux visuels tout bonnement étonnants. Jamais encore un réalisateur n’avait réussi à créer une telle angoisse et une telle tension en ne montrant rien, en jouant sur la suggestion permanente. Les plans de suspense au milieu des champs de grandes herbes sont ainsi très représentatifs du parti pris audacieux souhaité par le cinéaste : comment réussir à créer de la tension sans montrer concrètement la source du danger. Dès lors, les personnages - tout comme les spectateurs - se laissent prendre au piège : le danger peut provenir de n’importe où, d’où un très fort sentiment de paranoïa constant tout au long du film. A cela s’accompagne une maîtrise de la mise en scène assez rare de nos jours pour une production hollywoodienne de ce genre : Shyamalan multiplie les angles de caméra astucieux, les plans symboliques (le visage de John Leguizamo qui regarde vers l’ouverture dans le toit de sa voiture, et qui, sans un mot, parvient à capter l’angoisse tragique qui ronge le personnage) et les idées de mise en scène (plans fixes sur des visages qui suggèrent plus qu’ils ne montrent, utilisation intéressante du ralenti pour la vague de suicides des ouvriers vers le début du film, etc.). « The Happening » s’avère être techniquement bien plus intéressant et profond qu’il n’y paraît au premier abord. Shyamalan en profite aussi pour évoquer un thème d’actualité : la nature qui se retourne contre l’homme. Faut-il voir dans les phénomènes angoissants et meurtriers du film une sorte de mise en garde contre les méfaits de l’homme sur la destruction des écosystèmes de la planète ? Fable d’anticipation ou parabole écologico-paranoïaque, « The Happening » demeure un nouveau film fort dans la carrière du réalisateur, un film qui, malgré ses défauts (Zooey Deschanel semble peu convaincue de son rôle tout au long du film, et certaines scènes dans la ferme de la vieille Mrs. Jones basculent étrangement dans le grotesque sans raison apparente), demeure captivant de bout en bout, et démontre une fois de plus à quel point M. Night Shyamalan possède indiscutablement l’étoffe d’un grand cinéaste hollywoodien.

Avec « The Happening », James Newton Howard retrouve à nouveau Shyamalan pour la sixième fois depuis « The Sixth Sense » en 2000. La partition de « The Happening » s’inscrit ainsi dans la continuité des précédents travaux du compositeur pour les films de Shyamalan : ambiances troublantes et envoûtantes, motifs entêtants, utilisation fort inspirée d’un instrument soliste, sursauts de terreur, suspense à tous les étages, etc. A la première écoute, on reconnaît clairement l’ambiance si particulière des musiques de JNH pour les films de Shyamalan. Howard renoue avec ses couleurs orchestrales habituelles, utilisant quelques touches électroniques pour renforcer le sentiment de menace invisible tout au long du film, sans oublier l’apport indispensable du violoncelle soliste de Maya Beiser, célèbre violoncelliste classique qui nous offre ici quelques belles performances. JNH maintient ici une écriture concertante tout au long de sa partition, le violoncelle apportant une couleur particulière à la musique et au film, une idée que JNH avait déjà exploité avec le violon soliste de sa BO pour « The Village » (un autre Shyamalan) et pour la musique du film « Snow Falling on Cedars ». Dès le « Main Titles », le compositeur expose son thème principal, un motif de piano entêtant aux notes répétées, auquel s’ajoute le violoncelle dans un duo de qualité, soutenue par un tapis de cordes mystérieuses. On retrouve ici une atmosphère vaporeuse et énigmatique qui annonce clairement le côté menaçant et intriguant du film. La seconde partie du « Main Titles » s’attache ensuite à décrire le motif du danger, deuxième grand thème de la partition qui se distingue par son motif de 3 notes entêtantes répétées tout au long du film au cours des scènes de tension et de suspense. Avec ses deux thèmes principaux exposés dès le « Main Titles », JNH annonce clairement le ton noir et oppressant du film de Shyamalan.

Si « Evacuating Philadelphia » et « Vice Principal » s’attachent à décrire une ambiance mystérieuse et troublante à l’aide d’un violoncelle aux notes lentes et intrigantes, « Central Park » rentre clairement dans le vif du sujet en illustrant les premières vagues de morts accidentelles du film. Le morceau débute au son d’un violoncelle qui oscille constamment entre registre aigu et grave sur fond de nappe de synthétiseur inquiétante et de cordes dissonantes. Le morceau bascule clairement dans l’atonal pur pour une première montée de tension dans laquelle on retrouve un dialogue entre le thème principal au piano et le thème du danger aux cuivres. JNH superpose aux deux motifs un ostinato rythmique de cordes/percussions, le compositeur nous proposant pour l’occasion un travail assez inventif autour des percussions (bongos, crotales, etc.). L’ostinato grandit et finit par devenir quasi martial sur la fin du morceau. « Central Park » arrive parfaitement à faire véhiculer dans le film un très fort sentiment de danger imminent : quelque chose d’anormal est en train de se produire, d’où la présence menaçante de nappes de synthétiseur et de glissandi dissonants de cordes. On retrouve les mêmes sonorités dans « You Can’t Just Leave Us Here » avec des orchestrations inventives et un travail rythmique dans la continuité de « Central Park », alternant ses cordes staccatos menaçantes et ses vagues instrumentales entêtantes. Le motif du danger demeure constamment présent, comme pour rappeler que le phénomène est partout et demeure invisible pour l’homme.

Le suspense devient plus intense avec « Rittenhouse Square » où JNH décrit une nouvelle vague de morts accidentelles sur fond d’un inquiétant tapis de cordes/synthé dissonants et une nouvelle superposition du thème principal au piano et du thème du danger. La musique apporte ainsi à ces scènes de suspense une couleur particulière, avec ses notes entêtantes, ses dissonances de plus en plus présentes, et son caractère sournois, tout en retenue. Le score demeure toujours très lent, sans grandes envolées particulières. Au contraire, JNH préfère opter pour une approche plus sobre et subtile : quelques notes répétées et quelques couleurs instrumentales particulières suffisent à produire l’effet escompté dans le film : susciter un sentiment d’angoisse latente et intense. « Princeton » nous rappelle encore une fois l’omniprésence du terrible phénomène qui détruit petit à petit l’humanité sur le continent américain : le thème principal est à nouveau repris au piano avec ses notes répétées et envoûtantes associées aux protagonistes principaux du film qui tentent d’échapper au phénomène. Le violoncelle refait une apparition assez remarquable dans « Princeton », où l’ambiance se veut plus ambiguë, à la fois sombre, lente, menaçante et tragique. Derrière le danger et la mort se cache aussi un drame humain que JNH retranscrit à travers le timbre chaleureux et unique du violoncelle de Maya Beiser. L’émotion devient plus poignante dans « Jess Comforts Elliot » pour illustrer le rapprochement entre la petite fille et un Elliot complètement dépassé par les évènements, un peu d’intimité et d’émotion entre deux morceaux de suspense glauques et troublants.

La transition est d’ailleurs toute faite avec « My Firearm Is My Friend », où l’on devine clairement dès les premières secondes que quelque chose ne va pas : le synthétiseur et les cordes dissonantes de « Central Park » reviennent pour la scène où un policier est en train de répéter de façon étrange et incohérente la phrase « mon arme à feu est mon amie » avant de suicider et de lâcher son arme qui atterrit dans les mains d’un autre individu sur le point de se suicider, et ainsi de suite. La tension monte alors d’un cran tandis qu’une trompette s’ajoute à un amas de glissandi de cordes assez macabre, tandis que le thème de piano revient une fois encore comme pour personnifier musicalement le danger sous la forme d’un signal sonore, une idée qui n’est pas sans rappeler l’inoubliable thème énigmatique de « Signs ». JNH s’autorise alors une petite facilité : un sursaut de terreur pur au début du chaotique « Shotgun » pour la scène du coup de fusil vers la fin du film. A noter que le morceau s’inspire très clairement ici du style « thriller » de Bernard Herrmann, l’influence du compositeur attitré d’Alfred Hitchcock demeurant parfaitement évidente tout au long de la partition de « The Happening ». On sait d’ailleurs à quel point Hitchcock a toujours grandement inspiré Shyamalan dans sa façon de tourner ses films. Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve ici quelques allusions discrètes (mais très efficaces) à Herrmann, qui, trois décennies après sa mort, demeure encore et toujours un musicien de référence pour la plupart des compositeurs de musique de film. Certaines mesures de « Shotgun » ne sont pas sans rappeler ainsi des partitions telles que « Vertigo » ou « North by Northwest ». Idem pour « You Eyein’ My Lemon Drink », qui rappelle les orchestrations sombres et pâteuses chères à Bernard Herrmann (utilisation de clarinettes, trompettes en sourdine, harmoniques de cordes, etc.). Le violoncelle est toujours présent, comme pour rappeler que la menace n’est jamais loin, quel que soit l’endroit où se trouvent les personnages dans le film, idée confirmée par le chaotique et atonal « Mrs. Jones » pour la séquence du suicide de la vieille femme vers la fin du film (on retrouve ici l’ostinato martial de « Central Park »).

« Voices » développe un climat toujours aussi sombre, mystérieux et intriguant, tandis que « Be With You » se veut au contraire plus rassurant, alors que le couple décide enfin d’affronter le phénomène ensemble pour pouvoir se retrouver et s’aimer à nouveau. L’émotion devient plus palpable, plus présente, le violoncelle devenant soudainement plus vif et coloré. Le thème principal est repris dans une version inédite aux harmonies poignantes. JNH nous propose un éclairage différent avec ce thème qui perd enfin son côté « balise musicale » pour accompagner avec force l’envolée dramatique et lyrique de « Be With You » pour cette très belle séquence finale débouchant sur « End Title Suite ». Avec le générique de fin, JNH se fait plaisir et nous offre une sorte de mini concerto pour violoncelle d’une beauté rare pour un score hollywoodien, preuve qu’une fois encore, la collaboration JNH/Shyamalan demeure éminemment exceptionnelle depuis le début. Le compositeur prend le temps de développer sur plus de huit minutes une sorte d’adagio lent et sombre pour violoncelle et orchestre, reprenant le thème principal dans une version plus apaisée. Le couple s’est retrouvé et chacun a pardonné les erreurs de l’autre. La musique se veut plus contemplative et douce dans le générique de fin. Le violoncelle monte dans un registre plus aigu et devient soudainement plus lyrique. L’instrument dialogue alors avec le piano dans un style concertant qui n’est pas sans rappeler certaines pages de la musique de chambre classique du début du 20ème siècle. La deuxième partie du « End Title » développe quant à elle les rythmes entêtants et les couleurs sombres associées au phénomène meurtrier dans le film, le motif du danger étant exposé ici dans son intégralité, JNH rajoutant la dernière pièce du puzzle. Le violoncelle continue de dialoguer avec l’orchestre, le compositeur en profitant pour nous rappeler son incroyable maîtrise de l’écriture orchestrale, qui ne cesse de s’affiner au fil des années.

Moins accessible que « Lady in the Water » et moins profonde que « Signs », la partition de James Newton Howard pour « The Happening » demeure somme toute inspirée de bout en bout et d’une qualité assez exceptionnelle : avec un travail très soigné autour des orchestrations et une recherche de couleurs instrumentales audacieuses pour un score hollywoodien de ce genre, JNH apporte au film de Shyamalan une atmosphère troublante assez exceptionnelle, sans être pour autant un chef-d’œuvre du genre. Le jeu sensible et intrigant du violoncelle de Maya Beiser apporte à la musique de « The Happening » une densité incroyable, densité dramatique qui se répercute sur les images du film. Une fois de plus, la symbiose artistique Shyamalan/JNH fait des merveilles avec cette nouvelle partition déroutante et entêtante, une œuvre sombre, lente et morose illustrant le déclin de l’humanité avec un fatalisme rare chez le compositeur. JNH en profite aussi pour rendre hommage au grand Bernard Herrmann avec ses notes angoissantes et ses couleurs instrumentales sombres et inventives. Que l’on ne s’y trompe pas : « The Happening » n’a certes pas la classe absolue de « Signs » mais n’en demeure pas moins une nouvelle grande partition de qualité à rajouter dans la collaboration Shyamalan/JNH, une œuvre riche et forte qui colle très vite à la peau. A écouter sans plus tarder !


---Quentin Billard