1-Theme from Schindler's List 4.15
2-Jewish Town (Krakow Ghetto
- Winter '41) 4.40
3-Immolation (With our Lives,
We Give Life) 4.43
4-Remembrances 4.20
5-Schindler's Workforce 9.08
6-OYF'N Pripetshok & Nacht Aktion 2.56
7-I Could Have Done More 5.52
8-Auschwitz-Birkenau 3.40
9-Stolen Memories 4.20
10-Making The List 5.10
11-Give Me Your Names 4.54
12-Yeroushalaim Chel Zahav
(Jerusalem of Gold) 2.17
13-Remembrances
(with Itzhak Perlman) 5.16
14-Theme from Schindler's List (Reprise) 2.59

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

MCA Soundtracks
MCAD 10969

Montage de la musique:
Ken Wannberg
Album produit par:
John Williams
Directeur en charge de la musique
pour Universal:
Burt Berman
Directeur en charge de la musique
pour MCA Records:
Kathy Nelson

Artwork and pictures (c) 1993 Universal Pictures/Amblin Entertainment. All rights reserved.

Note: *****
SCHINDLER'S LIST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Chef-d’œuvre incontestée de Steven Spielberg, ‘Schindler’s List’ (La liste de Schindler) est pour beaucoup l’oeuvre de maturité du réalisateur américain qui, la même année que le mastodonte ‘Jurassic Park’ (1993), semblait déjà davantage attiré par des projets plus personnels et ambitieux que ceux du simple cinéma de divertissement. Et pourtant, des films comme ‘The Color Purple’ (1985) ou ‘Empire of the Sun’ (1987) semblaient déjà indiquer un tournant majeur dans la carrière de Spielberg. ‘Schindler’s List’ s’inscrit ainsi dans la continuité des préoccupations du réalisateur, celles du passé, de l’histoire de son pays, de la 2de Guerre Mondiale, du peuple juif. Ce sont d’ailleurs ces deux dernières préoccupations qui seront au coeur de ‘Schindler’s List’, drame bouleversant évoquant l’histoire vraie d’Oskar Schindler (Liam Neeson), un industriel allemand catholique qui, suite à l’invasion nazie de la Pologne, employa des juifs pour créer une usine d’ustensiles de cuisine en émail à Cracovie dès 1939. Cette usine lui permettait de protéger les juifs des massacres perpétrés par les nazis et réunissait près de 900 ouvriers juifs. Dès 1944, alors que les horreurs s’intensifient dans les camps d’extermination, Schindler décida de sauver 800 hommes juifs du camp de Gross-Rosen et 300 femmes juives du camp d’Auschwitz en déplaçant son usine en Tchécoslovaquie, qui fut alors transformée en usine d’armement. Cette usine permit à l’industriel allemand de sauver de nombreuses vies et d’être aujourd’hui reconnu comme ‘Juste des Nations’, titre honorifique que Schindler reçu en 1962.

‘Schindler’s List’ est sans aucun doute l’un des plus puissants films jamais réalisé sur la Shoah. Il faut dire que la création du film ne s’est pas faite sans difficulté. On raconte que le tournage fut si éprouvant que Spielberg aurait carrément demandé à son ami Robin Williams de venir les distraire sur le plateau du film. En tant que cinéaste d’origine juif, Steven Spielberg avait un rôle important à jouer dans ce long-métrage qui était pour lui un hommage bouleversant à son peuple et ses descendants. En prenant l’histoire poignante d’Oskar Schindler, Spielberg évoque en plus des horreurs de la guerre l’humanité qui tente de survivre dans cet enfer, l’espoir incarné ici par Schindler. L’émotion reste omniprésente tout au long du film, mais à l’inverse d’un long-métrage comme ‘Nuit et brouillard’ d’Alain Resnais, ‘Schindler’s List’ parle essentiellement du pardon, de la quête de rédemption, de la nature et la valeur d’une vie humaine. Certes, le film nous offre une grande leçon d’histoire, mais aussi de courage, d’humanité, de respect. On a même parfois reproché au réalisateur d’avoir un peu trop décrit Oskar Schindler comme un héros sauveur des juifs, mais pourtant, il n’en est rien, car le film conserve un ton extrêmement sobre et réaliste, utilisant le noir et blanc symbolisant la mémoire, le souvenir d’évènements tragiques que le monde n’oubliera plus jamais – et que personne ne doit jamais oublier.

Les scènes choc sont nombreuses, Spielberg cherchant aussi à faire mal, à faire réagir le spectateur qui ne ressortira pas indemne de cette terrible expérience cinématographique. Les scènes de la liquidation du ghetto de Varsovie, celles où Amon Goeth (interprété par un terrifiant Ralph Fiennes dans l’un des plus sinistres rôles de toute sa carrière d’acteur!) exécute gratuitement des juifs du haut de son balcon ou celle où l’officier nazi exécute au hasard un juif dans une rangée sont d’une violence éprouvante et horrifiante. Mais ce n’est évidemment pas l’essentiel du film, car les moments les plus forts émotionnellement restent sans aucun doute les scènes finales lorsque Schindler s’écroule en pleurant, avouant à son comptable juif Itzhak Stern (Ben Kingsley) : « j’aurais pu en sauver un de plus et je ne l’ai pas fait », sans omettre de citer la très belle phrase de Stern à Schindler à la fin du film : « qui sauve une vie sauve le monde ». Sans aucun doute la plus célèbre et plus représentative phrase du film de Spielberg. A noter pour finir que le réalisateur a refusé de toucher le moindre salaire pour ce film. Tous les bénéfices accumulés sur ‘Schindler’s List’ ont été entièrement reversés au compte de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, de quoi prouver une fois encore à quel point ‘Schindler’s List’ était et restera à jamais un film exceptionnel, un classique bouleversant et inoubliable de l’histoire du cinéma.

Avec ‘Schindler’s List’ en 1993, John Williams écrivait l’une des plus belles partitions de toute sa carrière, inévitablement inspiré par le film de son complice de toujours, Steven Spielberg. Pour Williams, écrire la musique de ce film fut un très grand défi. Il fallait absolument éviter de tomber dans les excès larmoyant et mélodramatique tout en conservant malgré tout une approche émotionnelle puissante et respectueuse du sujet. John Williams opta finalement pour une approche ‘classique’ de sa musique, s’offrant ainsi les services du célèbre violoniste Itzhak Perlman, qui participa à la musique de Williams pour des raisons personnelles, étant lui même d’origine juive. La partition de ‘Schindler’s List’ repose essentiellement sur deux thèmes inoubliables, deux thèmes d’une beauté poignante, le célèbre ‘Theme From Schindler’s List’ et le thème de ‘Remembrances’, sans aucun doute les mélodies les plus bouleversantes que John Williams ait écrit de toute sa carrière.

Le ‘Theme From Schindler’s List’ s’apparente à une sorte de mini concerto pour violon et orchestre écrit dans une veine très classique et dramatique d’esprit. De par sa beauté et sa force émotionnelle indissociable des images du film de Spielberg, le thème apporte un profond respect et une grande dignité plein de compassion à l’œuvre du cinéaste, rappelant à quel point la collaboration Spielberg/Williams a toujours été et restera exceptionnelle sur plus d’un point. A noter pour finir que le thème accompagne essentiellement les actions de Schindler tout au long du film, et sa quête pour sauver le plus de juifs possibles d’une mort certaine. Itzhak Perlman apporte à son interprétation une émotion rare et une subtilité de jeu d’une grande finesse. Le magnifique thème de ‘Remembrances’ accompagne quant à lui l’idée du souvenir des milliers de juifs mort durant la guerre, très présent tout au long du film aux côtés du thème de Schindler. A noter les harmonies raffinées et fines de ‘Rememberances’, absolument typique du langage classique très sophistiqué de John Williams. Ce dernier varie ainsi ses deux thèmes en nous proposant de multiples variantes instrumentales des deux mélodies.

La musique de Williams est entendue pour la première fois dans le film lorsque les juifs entrent dans le ghetto de Varsovie, l’hiver 1941, à la 18ème minute du film. Ainsi, Spielberg a choisi de laisser les 18 premières minutes de son film sans musique – accentuant davantage le réalisme du long-métrage. La musique de John Williams est d’ailleurs utilisée avec parcimonie tout au long de l’histoire. C’est le morceau ‘Schindler’s Workforce’ qui apparaît pour la première fois dans le film (‘Jewish Town’ n’étant pas utilisé au final), long morceau de plus de 10 minutes qui accompagne la séquence où Oskar Schindler recrute des juifs pour constituer la main d’œuvre pour ses industries. Après une ouverture lente et apaisée dévoilant les premières notes du thème principal aux violons et aux cors, le morceau évolue rapidement sur un ostinato rythmique soutenu par un tambourin, cordes et quelques instruments évoquant la musique tzigane – cithare et clarinette entre autre. Williams installe ici un rythme entêtant pendant près de 10 minutes, illustrant la détermination de l’industriel allemand, tandis que les sonorités ethniques suggérées par les deux solistes et l’orchestre suggèrent le « sauvetage » des juifs engagés par Schindler.

‘Stolen Memories’ apporte quand à lui un impact dramatique et émotionnel puissant à l’écran, durant la scène où les nazis entassent les objets et trésors volés aux juifs juste avant la scène du ghetto de Cracovie, hiver 1942. Williams utilise ici une flûte à bec soliste reprenant avec beaucoup d’émotion et de finesse le thème de la mémoire (‘Remembrances’) pour illustrer ici le souvenir de ce peuple humilié et meurtri par la barbarie humaine. A noter l’utilisation brillante d’un choeur chantant ici à bouche fermée, apportant une émotion supplémentaire à cette poignante lamentation élégiaque. Le morceau se conclut sur une reprise du thème de Schindler joué par une guitare solitaire (scène où l’industriel allemand sauve les époux Perlman), les instruments solistes ayant décidément un rôle important tout au long de la partition de Williams. La musique originale du maestro cohabite aussi tout au long du film avec de la musique traditionnelle juive, à commencer par le très beau chant pour enfant ‘OYF’N Pripetshok’, interprété par les choeurs de Tel-Aviv en Israël. On retrouve le motif de clarinette tzigane élégiaque de ‘Schindler’s Workforce’ pour le morceau ‘Nacht Aktion’, durant la bouleversante séquence de la liquidation du ghetto, clarinette interprétée ici avec une infime douceur par Giora Feidman – célèbre clarinettiste argentin d’origine juive, et grand spécialiste de la musique klezmer contemporaine.

La partition de John Williams prend clairement une tournure élégiaque poignante dans des morceaux tels que ‘Immolation’ et ses puissants choeurs dramatiques durant la scène de l’incinération des cadavres (à noter que, curieusement, l’introduction du morceau rappelle beaucoup le début de l’adagietto de la ‘5ème Symphonie’ de Gustav Mahler), véritable Requiem pour la Shoah d’une beauté tragique intense et bouleversante. ‘Making The List’ semble suggérer une très mince touche d’espoir alors que Schindler confectionne une nouvelle liste d’ouvriers, tandis que ‘Give Me Your Names’ reprend avec élégance le thème des souvenirs pour la scène où les nouveaux ouvriers donnent leur nom pour partir dans les convois les menant aux usines d’Oskar Schindler. A contrario, le terrifiant ‘Auschwitz-Birkenau’ nous plonge dans une atmosphère noire extrêmement funèbre avec un solo de violon à glacer le sang, morceau incroyablement sombre accompagnant la séquence dans le camp de concentration d’Auschwitz. Le violon funèbre d’Itzhak Perlman apporte ici une intensité dramatique assez éprouvante à l’une des scènes les plus dures du film de Spielberg. On retrouve ensuite les deux thèmes principaux dans le poignant ‘I Could Have Done More’ lorsque la guerre est enfin terminée, et que Itzhak Stern et ses compagnons remercient chaleureusement Schindler pour tout ce qu’il a fait pour eux. Le morceau permet à Williams de reprendre le ‘Theme From Schindler’s List’ dans un magnifique duo pour violon et violoncelle d’une beauté incroyable. Enfin, la partition se conclut sur ‘Theme From Schindler’s List (Reprise)’ qui nous permet de réentendre une dernière fois le thème principal joué avec une infime douceur par un piano, et repris ensuite une dernière fois par le violon et l’orchestre.

Comme vous l’aurez sans aucun doute compris, la partition de ‘Schindler’s List’ reste un sommet absolu de la collaboration entre John Williams et Steven Spielberg. La musique apporte un sentiment de tristesse et de profond respect au film, le maestro ayant composé une véritable élégie poignante pour la Shoah en hommage aux milliers de juifs victimes du régime nazi durant la seconde guerre mondiale. De par sa puissante force évocatrice et son élégance classique extrêmement raffinée, la musique de ‘Schindler’s List’ est sans aucun doute l’un des chef-d’oeuvres de John Williams, un très grand classique de la musique de film américaine bien connu de tous, qui ne pourra laisser personne insensible. Comme Spielberg sur son film, Williams a réussi à trouver le ton juste pour évoquer cet épisode tragique de la première moitié du 20ème siècle. En ce sens, sa musique pour ‘Schindler’s List’ devrait être connue de tous, marquant un aboutissement artistique parfait dans la collaboration Spielberg/Williams!



---Quentin Billard