1-Won't Somebody See
a Lady Home? 1.24
2-Tentacles 3.18
3-Bugs 7.49
4-Mist 1.32
5-Spiders 4.26
6-Expiation 2.24
7-The Host of Seraphim 7.19*
8-The Vicious Blues 3.48**

*Interprété par Dead Can Dance
Ecrit par Perry/Gerrard
Version spéciale pour le film
incluant matériel additionnel de
Mark Isham
**Extrait du film "Mrs. Parker
and the Vicious Circle"
Composé par Mark Isham.

Musique  composée par:

Mark Isham

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-6873

Produit par:
Mark Isham
Producteur exécutif:
Robert Townson
Montage musique:
Joe E. Rand

Artwork and pictures (c) 2007 The Weinstein Company. All rights reserved.

Note: ***
THE MIST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mark Isham
« The Mist » est une nouvelle adaptation cinématographique d’un roman de Stephen King. A la réalisation et au scénario, on retrouve Frank Darabont, qui signe là sa troisième adaptation d’une œuvre de Stephen King après « The Shawshank Redemption » et « The Green Mile ». L’histoire se déroule à l’intérieur d’un centre commercial d’une petite ville du Maine. A la suite d’un orage, David Drayton (Thomas Jane) et son petit garçon Billy (Nathan Gamble) partent au supermarché local afin de racheter de l’équipement pour réparer les dégâts dans leur maison. Hélas, une brume épaisse et mystérieuse vient d’envahir une bonne partie de la ville et bloque maintenant les clients à l’intérieur du magasin. Effectivement, tous ceux qui osent s’aventurer à l’extérieur sont mystérieusement décimés par des créatures maléfiques qui rodent dans le brouillard. Ensemble, les clients vont tenter de survivre et d’affronter leurs propres démons, tout en repoussant les attaques des créatures. « The Mist » est à coup sûr l’une des meilleures adaptations d’une nouvelle de Stephen King. Darabont s’autorise quelques libertés par rapport au récit d’origine afin de rendre l’intrigue encore plus terrifiante et captivante. L’intrigue du brouillard rappelle indiscutablement « Fog » de John Carpenter, tandis que le look des monstres et l’ambiance surnaturelle/claustrophobique du film n’est pas sans rappeler « Silent Hill » (coïncidence, Laurie Holden, qui interprète Amanda Dunfrey dans le film, jouait aussi dans « Silent Hill »).

Très vite, le réalisateur installe une atmosphère de huis clos claustrophobique en prenant comme toile de fond un supermarché - symbole du consumérisme américain, idée empruntée au « Zombie » de Romero - Puis, le groupe de survivants s’insurge contre la situation et des clans commencent à se former. Le réalisateur en profite alors pour passer en revue toutes les faiblesses humaines, et plus particulièrement celles du fanatisme religieux, alors qu’une femme qui croit parler à Dieu commence à répandre un vent de panique parmi les clients en annonçant que le jour du jugement dernier est arrivé. Coupé du monde sans radio, ni télévision, les hommes redeviennent des bêtes sauvages, retournent à un état primitif où seul la survie compte. Les croyances, le fanatisme, le désespoir et la peur poussent alors les gens à commettre l’irréparable : certains vont se suicider, d’autres vont prendre des risques inutiles - et irrémédiablement mortels - d’autres encore basculeront dans la folie et n’hésiteront pas à tuer pour s’en sortir. « The Mist » pose donc la question habituelle : entre les monstres et les hommes, quel est le pire ? A travers son histoire de créatures surnaturelles qui attaquent la ville, Darabont dépasse les clichés habituels des séries-B horrifiques rétros et brosse le portrait d’une Amérique rurale peu reluisante, celle où le puritanisme et l’endoctrinement religieux n’ont pas fini de commettre des ravages (sans oublier que les métaphores religieuses sont légion tout au long du film). Cerise sur le gâteau, le réalisateur nous offre une fin d’une noirceur absolue, d’un nihilisme étonnant pour une production hollywoodienne de cette envergure, une fin jusqu’au-boutiste qui permet de conclure ce très grand film qu’est « The Mist », un film qui, malgré quelques faiblesses (des effets spéciaux pas toujours convaincants et des scènes tendance série-B/téléfilm pas très bien réussies), n’en demeure pas moins une bien belle réussite, à ne manquer sous aucun prétexte !

La musique de Mark Isham demeure discrète tout au long du film. Frank Darabont a tenu à accentuer le sentiment de claustrophobie en économisant le plus possible l’utilisation de la musique à l’écran, si bien qu’il faut réellement atteindre la première moitié du film pour enfin entendre le début du score de Isham. Le compositeur a crée pour « The Mist » une partition atmosphérique sombre et envoûtante, à partir d’un mélange de sonorités électroniques déformées et de voix féminine éthérée. ‘Won’t Somebody See A Lady Home ? » permet au score de démarrer avec des nappes synthétiques glauques et des sonorités électroniques menaçantes. Le but de la musique était de donner l’impression d’être plongé dans un autre univers, celui des créatures qui hantent la brume tout au long du film (il est question d’un passage ouvert sur une autre dimension). A ce titre, la musique réussit parfaitement à véhiculer ce sentiment de menace surnaturelle. Dans le même ordre d’idée, « Tentacles » développe de nouvelles sonorités électroniques macabres pour la séquence de l’attaque des tentacules dans le garage. A noter ici l’emploi de loop de percussions électroniques métalliques, qui apportent une certaine intensité aux images du film. On retrouve ici le Mark Isham expérimental de « Fire In The Sky », avec des sonorités synthétiques diverses qui ne sont pas sans rappeler le travail du compositeur sur des films tels que « Impostor » ou « Fire In The Sky ».

Mark Isham nous propose ici tout un travail de sound design assez impressionnant, qu’il s’agisse des loops agressifs, des sonorités déformées ou des nappes sonores cafardeuses. Si « Tentacles » verse clairement dans l’expérimentation pure et dure, « Bugs » nous plonge carrément dans une atmosphère de claustrophobie et de cauchemar avec une première partie extrêmement mystérieuse - à base de sonorités cristallines proche d’un glass harmonica - pour la scène où les survivants découvrent les insectes volants collés sur les vitrines du magasin. La musique apporte à cette scène un sentiment d’étonnement, de découverte inquiétante, troublante, avec des synthétiseurs toujours très froids et déshumanisés. La seconde partie du morceau utilise plus particulièrement les percussions électroniques métalliques pour la séquence de l’attaque des créatures ailées. Isham reprend les sonorités glauques de « Tentacles » et les développe ici de façon plus intense et soutenue. A noter l’apparition soudaine d’une voix féminine qui interprète ce qui pourrait s’apparenter à un chant religieux - autre référence aux métaphores bibliques du film (les délires de Mrs. Carmody dans le film, l’idée de l’apocalypse, du jugement dernier, etc.). Le rythme devient plus soutenu et oppressant dans la seconde partie de « Bugs » avec ses percussions saturées et entêtantes lorsque les survivants affrontent les monstres ailés et tentent de les enflammer (« Bugs » est de toute évidence l’un des morceaux-clé du score de « The Mist »).

Mark Isham poursuit son exploration du sound design expérimental dans « Mist » où il évoque l’inquiétante brume à travers des nappes sonores mystérieuses, tandis que « Spiders » reprend les percussions électronique agressives de « Bugs » pour une scène d’affrontement contre les araignées vers la fin du film. On nage évidemment ici en plein cauchemar musical, Isham renforçant les sentiments de claustrophobie et d’angoisse à travers ses sonorités déformées et totalement déshumanisées. A noter la réapparition d’une voix féminine étrange à la fin de « Spiders » utilisée de façon quasi aléatoire, comme si la musique semblait basculer subitement dans la folie et la terreur pure. Enfin, le compositeur nous gratifie d’un morceau inattendu d’une beauté absolue, évoquant le déclin de l’humanité, « The Host of Seraphim ». Il s’agit d’une pièce pour chanteuse soliste, cordes et synthétiseurs, qui s’apparente à une sorte de complainte élégiaque et funèbre. Le morceau est entendu tout au long de la longue séquence finale à l’extérieur du centre commercial, apportant une émotion intense et inattendue à cette coda sans compromis. La voix de la chanteuse est renforcée par des chants psalmodiant à la manière des choeurs tibétains - une nouvelle référence religieuse dans la musique de Isham. A noter que « The Host of Seraphim » est en réalité extrait d’un album du groupe Dead Can Dance de Lisa Gerrard, utilisé ici pour les besoins du film avec quelques arrangements supplémentaires d’Isham, un morceau bouleversant qui, dans le film, illustre la fin de l’humanité avec une émotion rare.

Au final, Mark Isham signe pour « The Mist » une œuvre abstraite, étrange, insolite, une partition électronique expérimentale qui tranche radicalement avec les scores hollywoodiens orchestraux du moment. Isham développe de longues plages atmosphériques angoissantes et oppressantes en renouant ainsi avec les plus grands passages de son œuvre maîtresse, « Fire In The Sky ». Dérangeante, la musique l’est assurément, tout comme le film de Darabont lui-même. Isham manipule les sonorités électroniques avec un savoir-faire évident et nous offre une musique radicale mais très difficile d’accès, qui apporte néanmoins une noirceur et une émotion particulière au film de Frank Darabont. A réserver en priorité aux inconditionnels des scores expérimentaux et atonaux !


---Quentin Billard