1-"10 Haunted Hotels" 3.04
2-The Dolphin Hotel 1.45
3-Room 1408 7.45
4-The Doppelganger 2.10
5-Katie's Theme 2.48
6-Ship in a Painting 1.39
7-Bleeding Walls 4.59
8-Out on a Ledge 5.25
9-Mike's Fugue 2.43
10-Inside The Vent 4.11
11-Olin in the Minibar 5.50
12-Sinking Ship 3.11
13-Waking Up in L.A. 1.56
14-Back to 1408 1.50
15-"Don't You Love
Me Anymore?" 2.21
16-Fire! 4.43

Musique  composée par:

Gabriel Yared

Editeur:

Varèse Sarabande 302 066 828-2

Album produit par:
Gabriel Yared, Kirsty Whallery
Producteur exécutif:
Robert Townson
Arrangements et claviers:
Gabriel Yared, Kirsty Whallery
Directeur de la musique pour
The Weinstein Company:
Rachel Levy

Artwork and pictures (c) 2007 The Weinstein Company. All rights reserved.

Note: *****
1408
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gabriel Yared
Enième adaptation d’une nouvelle de Stephen King, « 1408 » nous plonge dans l’univers des lieux hantés, en mettant en scène un écrivain spécialisé dans l’épouvante, qui se retrouve confronté à la pire nuit de sa vie. Mike Enslin (John Cusack) a beau être un spécialiste des romans d’épouvante, il ne croit ni aux fantômes ni aux mauvais esprits. Pour lui, tout ceci n’est que pure invention. L’écrivain compte sur sa seule rationalisation et son esprit critique pour mener à bien ses travaux. Pour se faire, il se rend régulièrement dans des maisons hantées ou des cimetières pour écrire ses œuvres. Un jour, Mike apprend par hasard l’existence d’une mystérieuse chambre 1408 au Dolphin Hotel, à New York, chambre dans laquelle se seraient produites de nombreuses morts violentes et inexpliquées. Bien que le directeur de l’hôtel (Samuel L. Jackson) lui ait formellement interdit de se rendre dans la chambre, l’obstiné écrivain décide quand même d’y passer la nuit, convaincu que tout ceci n’est que baliverne, superstition et autre billevesée. Néanmoins, Mike va très vite perdre son scepticisme alors que la chambre commence à commettre ses premiers méfaits : manifestations paranormales, apparitions de spectres, évènements surréalistes, et le cadran du réveil qui indique un compte à rebours fatidique : Mike va devoir survivre à une heure de cauchemar pur et dur, piégé à l’intérieur de la chambre, sans aucune forme d’échappatoire possible autre que la mort.

« 1408 » est un thriller d’épouvante tout à fait classique dans la forme, plongeant un seul héros dans un huis clos suffoquant, une chambre maléfique qui contient des secrets non moins maléfiques. Un seul personnage coincé dans une chambre d’hôtel pendant plus d’une heure, il fallait oser le faire. C’est le parti pris risqué qu’a donc décidé de relever le réalisateur Mikaël Hafstrom, qui nous offre un film d’épouvante classique mais efficace, dans lequel la terreur côtoie la folie, et ce pour notre plus grand plaisir. John Cusack cabotine de temps à autre, mais c’est pour la bonne cause : il tente de nous faire croire à cette histoire de chambre d’hôtel hanté, à une époque où le genre du film de fantôme est devenu totalement désuet, voire ringard au possible (et ce ne sont pas les récents « The Ring » ou « The Grudge » qui inverseront hélas la tendance !). Hafstrom filme de façon très académique mais efficace la descente aux enfers du pauvre écrivain malmené par une pléiade de phénomènes paranormaux qui le harcèlent pendant une heure de folie furieuse. On n’est guère loin par moment de la saga d’épouvante « Amytiville », avec quelques petits clins d’œil au « Shining » de Kubrick (déjà lui-même adapté de Stephen King). Dommage cependant que certains plans virent un peu au grotesque nanar limite série-B (« même pas peur ! »). Malgré ses défauts, le film tient la route et réussit à nous maintenir en haleine jusqu’au final, ou, devrait-on dire, aux finals, puisque le réalisateur a décidé de tourner plusieurs fins qu’il a ensuite inclus sur le DVD du film (il n’était pas satisfait de la fin du roman d’origine). A réserver donc aux amateurs de film de fantômes !

A la musique, c’est la surprise totale puisqu’on retrouve Gabriel Yared, totalement inattendu sur un film de ce genre. C’est la première fois que le compositeur français se voit confier la musique d’un film d’épouvante hollywoodien. Le résultat est, comme d’habitude avec Yared, à la hauteur des attentes : le compositeur dévoile une facette méconnue de son talent, la musique atonale dissonante et expérimentale. Gabriel Yared illustre tout au long du film l’apparition des phénomènes paranormaux et maléfiques en utilisant toute une pléiade de sonorités électroniques macabres et déformées du plus bel effet, mélangés à l’orchestre symphonique traditionnel. « 10 Haunted Hotels » ouvre le film en imposant une atmosphère à la fois étrange, sombre et mystérieuse, teintée de notes de piano brumeuses, de sonorités synthétiques glauques et de cordes inquiétantes. « The Dolphin Hotel » annonce clairement le caractère maléfique des lieux que s’apprête à visiter Mike Enslin. Yared arrive à ses fins en nous proposant un travail assez original et audacieux des synthétiseurs, déformant le son et les fréquences afin d’obtenir des espèces de parasites qui ressemblent davantage à des sons de bande magnétique qui saute. Yared se montre particulièrement inventif dans sa façon de combiner les sons électroniques avec l’orchestre. A noter par exemple une très belle et envoûtante utilisation d’un violon soliste dans « The Dolphin Hotel » qui crée un climat ambigu assez saisissant, renforcé par le savoir-faire inégalé du compositeur.

« Room 1408 » permet au compositeur de développer sur plus de 7 minutes une atmosphère d’angoisse et de mystère à travers une succession de sonorités électroniques toutes plus étranges les unes que les autres, saupoudré de quelques touches orchestrales (cordes à l’appui). A noter parmi les sons électroniques des bruitages ressemblant à des planches en bois qui craquent, et quelques loops électro discrets. Les sons semblent onduler et s’enchaîner les uns à la suite d’un autre avec une fluidité étrange et saisissante. Yared va même jusqu’à inclure le son d’une personne qui siffle au loin, avec, entre deux couches de sonorités électroniques étranges et insolites, une mélodie mélancolique et solitaire de piano. Si Gabriel Yared voulait réussir à évoquer avec succès l’idée d’une présence surnaturelle dans un lieu maléfique, c’est parfaitement réussi ! « Room 1408 » impose un univers sonore étrange, surréaliste et oppressant, sans jamais tomber dans la surenchère sonore. On ne peut qu’être frappé ici par l’inventivité avec laquelle le compositeur multiplie les trouvailles sonores, apportant un impact musical indéniable aux images du film - à tel point qu’on finit par confondre le sound design du score et les bruitages du film. A noter un sursaut de terreur chaotique sur la fin du morceau, suivi d’une série de sonorités électroniques déformées et quasi anarchiques. Les amateurs de musique atonale expérimentale en auront ici pour leur argent !

Gabriel Yared prolonge ses sonorités électroniques expérimentales étranges dans « The Doppelganger » qui semble évoquer la présence menaçante d’un spectre, à l’aide de plages sonores mystérieuses, vaporeuses, surnaturelles. Yared déforme les fréquences de ses sonorités et les attaques de ses sons afin d’obtenir un sound design insolite, dérangeant. A noter une utilisation assez remarquable de clusters stridents de cordes qui semblent imiter ici des cris humains, une autre trouvaille sonore assez remarquable de la part du compositeur. Yared n’en oublie pas pour autant la partie plus humaine et tragique de l’histoire avec « Katie’s Theme », thème de piano mélancolique associé aux souvenirs de la petite fille de Mike dans le film. Une fois de plus, Yared nous prouve à quel point il possède un lyrisme de qualité dans sa musique, « Katie’s Theme » étant une fois de plus une de ses mélodies poignantes dont seul Yared en possède le secret. La partie symphonique devient néanmoins plus présente dans le massif « Ship in a Painting », dans lequel Yared met en avant les cuivres et des choeurs dans un morceau de terreur particulièrement épique et brutal, pour la scène des peintures qui prennent vie (idée reprise dans le très orchestral « Sinking Ship »). Idem pour le mystérieux « Mike’s Fugue » qui développe une sorte de canon atonal aux cordes, dans un style très écrit qui n’est pas sans rappeler Bernard Herrmann. Ajoutons que Yared prend le temps de bien développer ses atmosphères musicales angoissantes à travers des morceaux bien souvent longs (plus de 5 minutes pour certain), fait somme toute assez rare dans la musique de film hollywoodienne d'aujourd'hui !

« Bleeding Walls » reprend quant à lui le sound design des morceaux précédents avec ses sonorités déformées et abîmées (on n’est guère loin par moment du travail d’Akira Yamaoka sur la saga des jeux vidéos « Silent Hill » !) pour la scène où Mike découvre le mur de sang. Une fois encore, le résultat est absolument saisissant à l’écran : la musique crée un malaise constant tout au long du film, mélangeant bruitages et sound design avec audace. Même chose pour « Inside The Vent » dans lequel Yared va même jusqu’à sampler sa propre partie de cordes en la déformant ensuite par le biais de l’électronique afin d’obtenir un son assez insolite et particulièrement intriguant (une idée qui n’est pas sans rappeler le récent travail de John Frizzell sur « Stay Alive »). Le score atteint son apogée avec le brutal et gargantuesque « Back To 1408 » lorsque Mike comprend qu’il est toujours piégé à l’intérieur de la chambre 1408, morceau qui se conclut sur un ralentissement assez étrange, imitant la sensation d’un tournis qui vire au malaise - voire à la nausée. « Don’t You Love Me Anymore » nous plonge une dernière fois dans la terreur pure avec ses sonorités électroniques anarchiques et dissonantes, avant de se conclure sur « Fire ! » qui semble exprimer une sorte de soulagement, la lumière au bout du tunnel. Yared reprend le thème de Katie dans une très belle version ample pour orchestre, un morceau idéal pour conclure le score de « 1408 » en beauté.

Vous l’aurez donc compris, nous sommes bel et bien ici en présence d’une très grande œuvre signée par l’un des maîtres de la musique de film française actuelle, qui signe pour ce film d’épouvante hollywoodien une partition chaotique et expérimentale d’une inventivité rare. Alternant grandes envolées orchestrales/chorales massives et atmosphères sonores surréalistes, « 1408 » dévoile avec brio une facette méconnue de Gabriel Yared : la musique d’épouvante ! Exercice réussi pour le compositeur qui s’en tire haut la main, nous offrant ici une véritable symphonie des cauchemars, rivalisant sans problème avec les Christopher Young, les Marco Beltrami et autres pontes de la musique de film d’horreur ! Si vous cherchez une partition horrifique qui sort des sentiers battus et qui vous étonnera par son extrême richesse et la qualité de ses trouvailles sonores, ne cherchez pas plus loin : « 1408 » est fait pour vous ! Un Gabriel Yared à découvrir d’urgence, et probablement un de ses nouveaux chef-d’oeuvres !



---Quentin Billard