1-Ode To The Seven Swords 0.31
2-Massacre Rhapsody 3.37
3-Flute in Danger 2.41
4-Woman From Yonder 3.44
5-Fire From Heaven/
Mount Heaven Serenade 6.15
6-Trial and Conquest 4.08
7-The Attack Aftermath 4.43
8-In Search of Beauty in Life 3.49
9-Encounter at the Shrine 4.47
10-Going Home/
Ambush in the Mist 2.09
11-Setting the Horses Free 3.10
12-Death of Green Pearl 1.38
13-To Hell and Back 0.59
14-The Spirit of the Swords 7.07
15-The Final Sword Battle/
The Dragon vs. The Transience 7.35
16-Children at Dawn 6.45
17-Seven Swords Victory 6.05

Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

Recall Music for Films/
EuropaCorp NA 011

Album produit par:
Kenji Kawai


Note: ***
SEVEN SWORDS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
Nouvelle grosse production hong-kongaise de Tsui Hark, « Seven Swords » (Chat Grim en V.O.) est une sorte de « Sept samouraïs » remis à l’ordre du jour. Bien que le réalisateur ne l’ait jamais vraiment officiellement mentionné, le film est quand même très inspiré du chef-d’œuvre d’Akira Kurosawa puisqu’il reprend quasiment la trame principale du film. L’histoire se déroule en Mandchourie, aux alentours de 1660. Alors que le pays annexe la Chine pour y installer la dynastie Ching, Fire-wind, un chef militaire de l’ancienne dynastie, se met en tête d’aider le nouvel empereur afin de s’enrichir. Le gouvernement a décidé d’interdire l’étude et l’exercice des arts martiaux, afin d’éviter toute forme d’insurrection. Mais un petit village semble désobéir et est alors attaqué par les troupes de Fire-wind, qui y font un carnage. C’est alors qu’intervient Fu Qinqzhu, un redoutable guerrier et ancien bourreau bien décidé à lutter aujourd’hui pour la justice et le bien de tous. Réussissant à convaincre deux villageois de l’accompagner jusqu’au Mont Heaven pour y solliciter l’appui du Maître Shadow-Glow, Fu Qingzhu et ses nouveaux amis forment alors un groupe de guerriers baptisés « les sept sabres ». Ces sept nouveaux guerriers - dont certains sont encore inexpérimentés - se voient remettre chacun une épée différente, chaque lame possédant des propriétés uniques. Ensemble, les sept guerriers partent défendre les villageois en luttant contre l’oppression de Fire-wind et de ses soldats.

Si la trame de « Seven Swords » est effectivement très inspirée du film de Kurosawa, le traitement est totalement différent. Le long-métrage est en réalité adapté du roman populaire « Les sept épées de la montagne Tian », écrit par l’auteur chinois Liang Yu Sheng, ancien journaliste auteur de près de 35 romans et spécialiste du « Wu-xia ». Dans le cinéma Hongkongais, le « Wu-xia » est un genre cinématographique populaire dans lequel se mêlent combats à l’épée et arts martiaux, le genre ayant connu son âge d’or dans les années 60 avec les productions des Shaw Brothers. Aujourd’hui, ce sont des réalisateurs comme Ang Lee ou Zhang Yimou qui ont repris le flambeau avec des classiques tels que « Tigre et Dragon », « Hero » ou bien encore « Le Secret des poignards volants ». Tsui Hark ne déroge pas à la règle et nous propose son nouveau film de Wu-xia, « Seven Swords », superproduction épique mêlant film de sabre, éléments fantastiques, romances et épopée chevaleresque. Plus humain et plus historique que certains Wu-xia contemporains, « Seven Swords » est une œuvre malheureusement inégale, traversée de moments fulgurants mais aussi de passages bâclés ou mal amenés. Les personnages sont nombreux, peut être trop nombreux, et leurs contours mal définis, si bien que l’on finit par ne plus savoir qui est qui, et qui fait quoi. Les motivations des sept héros sont aussi très floues dans le film : on assiste très rapidement à la naissance du groupe mais on ne sait pas trop d’où viennent tous ces personnages : seuls quelques flashbacks tardifs vers la fin du film nous ramènent au passé des héros. Tsui Hark bouscule ainsi les conventions narratives et chamboule nos habitudes de spectateur, qu’il s’agisse des ruptures de ton soudaines (et parfois limite grotesques) ou d’éléments du récit amenés de façon peu orthodoxe. En apportant une profonde humanité à ses personnages, Tsui Hark réussit un film épique et magnifique, qui, malgré ses nombreux défauts, s’impose par sa beauté, ses combats impressionnants et la virtuosité du jeu des acteurs. Inégal de bout en bout et pourtant captivant et très prenant (le film fait quand même près de 2h17), « Seven Swords » s’impose alors comme l’un des meilleurs films de Tsui Hark et aussi l’un des plus beaux Wu-xia qu’il nous ait été donné de voir à ce jour !

C’est avec un certain plaisir que l’on retrouve Kenji Kawai à la musique de « Seven Swords », le compositeur japonais étant plus connu pour sa collaboration avec les réalisateurs Mamoru Oshii (« Ghost in the Shell », « Avalon ») ou Hideo Nakata (« Ring », « Dark Water », « Kaidan »). Pour « Seven Swords », le compositeur a évité certain cliché propre aux musiques de Wu-xia actuels et nous propose une œuvre plus occidentale d’esprit, plus « américanisée ». Les puristes risquent fort de sauter au plafond en apprenant que le nouveau score de Kenji Kawai pour le film de Tsui Hark ressemble davantage à celui d’un film d’action U.S. à petit budget qu’à celui d’une superproduction HK épique. Et pourtant, c’est bel et bien le parti pris insensé qu’a voulu relever le compositeur sur « Seven Swords ». Utilisant des rythmes synthétiques et un orchestre principalement constitué d’un pupitre de cordes et de cuivres, Kawai offre aux images du film une partition moderne et très orientée « action/émotion » dans un style un peu hollywoodien. Bien sûr, on y retrouve certaines touches asiatiques inévitables pour ce type de film, mais l’essentiel tient surtout dans l’esthétique synthétique et rythmée de la musique de « Seven Swords ». A noter néanmoins que l’utilisation d’un orchestre est assez inhabituelle de la part de Kenji Kawai, plus habitué à utiliser les synthétiseurs que l’orchestre.

Le score de « Seven Swords » s’articule autour d’une petite poignée de thème, un motif d’action rythmé et énergique pour les sept sabres (« Ode To The Seven Swords »), reconnaissable à son motif de 3 notes de cordes répétées inlassablement et exprimant la détermination des héros à combattre le mal. Kawai a évité tout élan héroïque et a préféré opter pour une approche plus rythmique et nuancée. On trouvera ensuite un Love Theme mélancolique et nostalgique (« In Search of Beauty in Life ») qui apporte une touche poétique et émotionnelle poignante à la partition, mais dont les premières notes rappellent curieusement celles du thème de la « Pavane pour une infante défunte » de Ravel (une coïncidence, probablement ?). Autre thème présent dans le score, un thème plus nostalgique qui évoque le passé des héros (« Going Home »), et qui possède un côté plus asiatique d’esprit. Dernier thème présent dans la partition de Kawai, un motif rythmique de cuivres/cordes que l’on entend dans la plupart des séquences évoquant les exploits des sept sabres.

Premier élément qui étonne à l’écoute de la musique dans le film : la piètre qualité des morceaux d’action, qui, curieusement, semblent ne pas du tout coller avec les images d’affrontement. La faute à un rythme simpliste et pas assez percutant et souvent en décalage avec les images. A qui est imputable la faute, au réalisateur qui souhaitait ce genre de musique d’action synthético-orchestrale à la Hans Zimmer ou au compositeur, qui semble peu à l’aise dans le domaine de la musique d’action ? Sa musique illustre les images avec un premier degré constant sans aucune nuance, à tel point qu’on frôle le caricatural à plus d’une reprise. Les scènes d’action sont ainsi constamment plombés par une musique envahissante et pas du tout adaptée pour les images : est-ce un problème d’écriture, de rythme, de mélodie, difficile à dire, tant le décalage semble être énorme (on dirait une musique écrite pour un autre film !). Des morceaux comme « Massacre Rhapsody », « Flute in Danger », « Trial and Conquest », « Encounter At The Shrine » ou bien encore « The Attack Aftermath » sont autant de passages rythmés, dominés par les percussions électroniques et des cuivres maigrichons et sans impact sur les images. Pas de sentiment d’affrontement épique, pas d’envolée grandiose ni même de rythmes excitants, juste des loops de percussions avec un orchestre pauvre et simplet. C’est triste à dire, mais nous sommes bel et bien en présence d’une musique déjà ringarde dès la première écoute. Quand on connaît la supériorité et l’exigence du compositeur sur certains de ses précédents travaux, on ne peut qu’être abasourdi par la piètre qualité de ces morceaux, proprement indignes du compositeur nippon !

Et pourtant, comble du paradoxe, la partition de « Seven Swords » nous révèle quelques belles surprises passé la déception des morceaux d’action sans grand intérêt. Ainsi donc, certains passages plus inspirés révèlent un talent lyrique plus typique du compositeur : « In Search Of Beauty in Life » semble s’inspirer du lyrisme français d’un Georges Delerue avec ses cordes contemplatives et mélancoliques évoquant les différentes romances du film, et la partie plus humaine du long-métrage de Tsui Hark. Dans un style similaire, « Going Home » nous propose une mélodie plus intime et nostalgie doublée par un instrument asiatique, apportant un peu d’émotion à un score constamment tiraillé entre la beauté des passages lyriques et la ringardise extrême (limite kitsch 80’s) des morceaux d’action. Paroxysme de l’émotion : le poignant « Setting The Horses Free », dans la scène où l’un des héros abandonne son cheval blessé dans le désert et fait ses adieux à son fidèle animal. On retrouve ici les traditionnelles touches électroniques/atmosphériques chères à Kenji Kawai, auxquelles s’ajoutent des cordes lyriques et poignantes qui évoquent ici aussi certaines pages de Georges Delerue. Dans un genre plus sombre et funèbre, « Death of Green Pearl » apporte un côté élégiaque poignant à la séquence de la mort de Green Pearl, l’ancienne esclave de Fire-wind, utilisant les cordes dans un style plus proche d’une lamentation plaintive. Le thème des sept sabres revient dans « To Hell and Back » avec son rythme de chevauchée aux cordes/percussions et ses touches synthétiques, tandis que « The Spirit of the Seven Swords » revient, sous forme de flashback, sur le passé des héros avec un côté plus intime et nostalgique, toujours dominé par des cordes chaleureuses et lyriques. Le morceau s’enchaîne ensuite sur un énième passage d’action aux rythmes de chevauchée sans grand intérêt. Même la bataille finale, qui aurait dû être véritablement épique, et ratée musicalement (« The Final Sword Battle/The Dragon Vs. The Transience »), ne parvenant jamais à hausser véritablement le niveau des images (déjà pourtant très riches en soi).

L’aventure touche à sa fin avec « Children At Dawn » qui développe un thème chanté par une chorale d’enfants pour le retour victorieux des sept sabres et la libération des enfants. Le morceau apporte une certaine nostalgie, le sentiment d’avoir vécu une grande aventure, et ce même si l’on regrettera une fois de plus le côté irrémédiablement premier degré de la musique (l’utilisation d’un chœur d’enfants pour la scène des enfants étant à la limite du caricatural, et assez niais). Kawai en profite pour développer ses textures électroniques dans des passages qui semblent plus personnels, « Children At Dawn » apportant à son tour une certaine forme d’émotion à ce final plus paisible et triomphant (à noter un retour poignant du Love Theme à la fin du morceau). A noter quelques passages aux sonorités plus atmosphériques/asiatiques, comme « Woman From Yonder » ou « Mount Heaven Serenade » et ses chœurs féminins religieux qui ne sont pas sans rappeler certains passages du score de « Ghost In The Shell ». Le score se conclut sur « Seven Swords Victory » qui récapitule les principaux thèmes de la partition sur le rythme de chevauchée action toujours aussi ringard et peu adapté au film.

Au final, la BO de « Seven Swords » est un véritable paradoxe musical en soi : mal écrite et mal adaptée aux images dans un premier temps, elle révèle pourtant de véritables moments d’émotion pure et semble apporter une certaine magie aux scènes plus intimes et humaines du film de Tsui Hark. Le problème vient donc, comme vous l’aurez certainement déjà compris, des morceaux d’action, trop synthétiques, trop métronomiques et surtout trop kitsch pour pouvoir coller réellement aux images. On n’est guère loin par moment d’un style synthético-orchestral à la Hans Zimmer, même si la touche Kenji Kawai est bien présente. Curieusement, Kawai a plongé à fond dans un style ringard rappelant les musiques de vieux films d’action japonais des années 80, avec ses synthétiseurs et ses orchestrations vieillottes et démodées. Les raisons d’une telle esthétique musicale paraissent plus que floues et incompréhensibles. Pourtant, si l’on passe outre cet aspect agaçant de la partition de Kenji Kawai, la musique de « Seven Swords » apporte une dimension poétique et humaine assez poignante au film de Tsui Hark, une musique qui demeure hélas bien trop souvent démonstrative et très premier degré pour pouvoir être vraiment appréciée à fond dans le film. Reste au final un album agréable à écouter et assez attachant pour ses quelques qualités, mais qui ne rejoindra pas le rang des chefs-d’oeuvre d’un compositeur japonais que l’on a pourtant connu plus inspiré !


---Quentin Billard