1-Postcards 2.51
2-Mr. Gateau 3.02
3-Meeting Daisy 1.22
4-A New Life 3.39
5-Love in Murmansk 3.53
6-Meeting Again 2.41
7-Mr. Button 2.05
8-Little Man Oti 2.02
9-Alone at Night 2.33
10-It Was Nice to
Have Met You 1.43
11-Children's Games 4.10
12-Submarine Attack 2.40
13-The Hummingbird 2.35
14-Sunrise on Lake Pontchartrain 3.33
15-Daisy's Ballet Career 2.03
16-The Accident 2.38
17-Stay Out of My Life 1.44
18-Nothing Lasts 2.54
19-Some Things You
Never Forget 4.36
20-Growing Younger 2.14
21-Dying Away 2.58
22-Love Returns 1.44
23-Benjamin and Daisy 2.32

Musique  composée par:

Alexandre Desplat

Editeur:

Concord Records CRE-31231-02

Musique produite par:
Alexandre Desplat

Artwork and pictures (c) 2008 Warner Bros/Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE CURIOUS CASE OF
BENJAMIN BUTTON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alexandre Desplat
Nouveau film très attendu de David Fincher, « The Curiouse Case of Benjamin Button » narre l’histoire d’un homme qui rajeunit en vieillissant, et qui va vivre une grande histoire d’amour tout au long de son existence unique. Inspiré d’une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald, le film de David Fincher faillit bien ne jamais voir le jour, et ce pour une bonne raison : l’histoire du roman d’origine a été longtemps jugée trop difficile pour pouvoir être adaptée en film. Il aura finalement fallut attendre une quarantaine d’années pour que les producteurs Kathleen Kennedy et Frank Marshall se décident enfin à monter ce projet ambitieux confié à un réalisateur tout à fait inattendu sur ce film, David Fincher (le film devait être réalisé à l’origine par Ron Howard en 1998, avec John Travolta dans le rôle clé). L’histoire raconte donc l’étrange destin de Benjamin Button (Brad Pitt), un homme qui naquit à 80 ans en 1918 et vécut toute sa vie dans le sens inverse, sans jamais pouvoir altérer le cours du temps. A travers son parcours hors du commun, Benjamin va vivre de nombreuses péripéties, découvrira le monde et rencontrera le grand amour en la personne de Daisy (Cate Blanchett), une jeune danseuse passionné par son métier. Mais hélas, au fur et à mesure que le temps passe et qu’il rajeunit, Benjamin comprend qu’il va devoir faire des choix et ne pourra jamais vivre une vie normale. Poignant, émouvant, rafraîchissant, bouleversant, tels semblent être les mots clés du film de David Fincher, porté par un Brad Pitt parfait, qui subit une métamorphose physique spectaculaire tout au long du film - qui nécessita d’ailleurs un budget de près de 150 millions de dollars pour la complexité des effets spéciaux. « The Curious Case of Benjamin Button » nous raconte une histoire d’amour improbable entre une femme qui vieillit normalement et un homme qui rajeunit exceptionnellement, une histoire d’amour bouleversante mais difficile, avec des effets spéciaux numériques tout bonnement hallucinants. A la fois léger, drôle, frais et poignant, le film de David Fincher fait déjà parti des classiques instantanés du cinéma américain : tout simplement incontournable !

C’est la première fois que David Fincher collabore avec un compositeur français sur la musique d’un de ses films, et pas n’importe lequel : c’est ainsi que le très demandé Alexandre Desplat s’est vu confier les rennes de la musique de « The Curious Case of Benjamin Button », film pour lequel le frenchy signe une partition orchestrale très subtile, élégante, intime et émouvante, toute en retenue. Dès les premières minutes de la musique, Alexandre Desplat impose le ton intime et l’extrême délicatesse de ses notes dans « Postcards » où il développe le thème principal associé à Benjamin Button tout au long du film, mélodie partagée entre les cordes, les vents et le piano. On retrouve ici le goût habituel du musicien pour les orchestrations claires, riches et soignées, et un langage harmonique très soutenu comme à son habitude. La musique se rapproche pas mal de ce que Desplat composa en 2003 pour « Girl with a Pearl Earring », considéré par beaucoup comme l’une de ses plus belles partitions pour le cinéma U.S. Desplat intensifie son travail d’orchestration dans « Mr. Gateau » et son ambiance envoûtante et répétitive, tout en continuant de développant le thème du personnage principal interprété par Brad Pitt. Le morceau accompagne la scène du flashback avec Mr. Gateau et son horloge qui fonctionne à l’envers. La musique évoque l’idée du temps qui passe à l’envers (subtile métaphore de la vie « inversée » de Benjamin Button) en utilisant des ostinatos instrumentaux divers, le tout sur une pédale entêtante et planante. Comme toujours, l’instrumentation demeure riche et pleine de détails, illustrant parfaitement à l’écran la richesse de la mise en scène de David Fincher et la profusion de détails dans l’histoire.

Des pièces comme le très beau « Meeting Daisy » ou « A New Life » évoquent les sentiments naissants de Benjamin pour Daisy. Progressivement, un Love Theme se forme petit à petit, avec le violoncelle lyrique et les flûtes bondissantes de « A New Life », qui distille un doux parfum de magie et de poésie. De la poésie, la musique de Desplat n’en manque pas, assurément. Un morceau comme « Love in Mourmansk » nous permet d’apprécier la partie plus romantique et raffinée de la partition de « The Curious Case of Benjamin Button », avec un thème développé pendant plus de 3 minutes pour la romance entre Benjamin et Miss Abbott (Tilda Swinton) en Russie. Desplat ajoute à son instrumentation quelques touches de cymbalum pour évoquer les décors russes de la ville. « Love in Mourmansk » apporte autant sur l’album que dans le film cette fraîcheur poétique et ce raffinement que l’on apprécie régulièrement dans les partitions plus intimes d’Alexandre Desplat. Le compositeur s’en donne ici à cœur joie et évite tout élan lyrique/mélodramatique en optant systématiquement pour une retenue poignante - quasi féérique à l’écran. La musique évoque ici l’enfance de Benjamin avec des instruments virevoltants et une utilisation remarquable des solistes comme le confirme un morceau comme l’entraînant « Little Man Oti ».

La musique suit alors l’évolution de la vie de Benjamin Button. Si « Children Games » rappelle encore une fois la jeunesse de Benjamin avec une certaine nostalgie mélancolique poignante, reprenant un autre thème plus dramatique de la partition, « Submarine Attack » met fin à cette évocation de l’enfance pour passer dans le stade adulte : l’innocence de Benjamin s’évapore avec l’arrivée fracassante de la guerre. Ainsi, Desplat illustre la séquence de l’attaque du sous-marin allemand en utilisant un martèlement agressif de col legnos de cordes et des dissonances qui créent ici un malaise évident à l’écran. « The Hummingbird » évoque alors les conséquences tragiques de cette attaque en instaurant un climat plus dramatique et mélancolique à l’écran, quasi funèbre. Et c’est sans surprise que l’on retrouve le thème romantique dans « Love Returns » pour les retrouvailles entre Benjamin et Daisy, avec ses harmonies raffinées, sa grande retenue et son instrumentation particulièrement riche et soignée, au classicisme élégant. Enfin, la dernière partie du film - amorcée avec l’agitée et bouillonnant « The Accident » - permet à Alexandre Desplat de développer la partie plus dramatique de sa musique, tout en conservant continuellement une grande retenue (peut-être même un peu trop ?). Un morceau comme « Stay Out Of My Life » traduit avec finesse la souffrance et les regrets de Daisy après son accident, tandis que « Nothing Lasts » nous permet d’apprécier une très belle reprise du thème romantique dans une version poignante pour piano et cordes d’une grande beauté, évoquant ici l’idée du temps qui passe inlassablement. Un morceau comme « Getting Younger » nous renvoie à la particularité de Benjamin Button, l’idée qu’il est en train de redevenir physiquement un enfant en vieillissant. Desplat instaure ici un malaise sous-jacent dans sa musique en utilisant - comme il le fait souvent tout au long de la partition - une pédale à la basse et une vague de notes subtiles et raffinées qui se greffent par-dessus la tenue de note. La musique évoque avec un certain doigté la fascination qu’exerce Benjamin sur ceux qui l’entourent. Enfin, Desplat conclut sa partition sur le très beau « Benjamin and Daisy » joué au piano, avec ses harmonies raffinées et sa très grande poésie.

La partition de « The Curious Case of Benjamin Button » fait partie de ces oeuvres que l’on ne peut apprécier qu’après plusieurs écoutes. Subtile, poétique, parfois exigeante et extrêmement retenue, la musique d’Alexandre Desplat est une parfaite synthèse du style du compositeur, avec une pléiade de thèmes et une atmosphère intimiste de toute beauté.
Hélas, comme toujours chez le compositeur, la musique demeure riche sur l’album mais plus décevante dans le film car - et cela devient de plus en plus systématique chez le musicien - l’écriture de ses thèmes paraît plus faible et parfois assez peu inspirée. Les thèmes sont bien présents ici - et ils sont nombreux - mais comme dans certains scores récents de Desplat, on ne retient finalement pas grand chose de l’écoute dans le film. Seule la présentation de la musique sur l’album nous permet de nous faire une riche idée du travail du compositeur, car dans le film, le score demeure toujours trop retenu et finit par se mettre en retrait par rapport aux images (même si l’on sait pertinemment que le film nécessitait ce style de musique !). C’est bien là le problème de cette composition : éminemment belle, riche, classique, pleine de couleurs et raffinée, mais trop retenue, distante et finalement peu mémorable. A trop vouloir jouer sur la retenue la plus radicale qui soit, Desplat se perd en chemin et finit par accoucher d’une oeuvre ambivalente, à la fois riche, passionnante et par moment ennuyeuse et monotone (on serait presque tenté de dire que la musique manque un peu de franchise...). C’est d’autant plus frustrant que l’on est pourtant bel et bien ici en présence de l’une des œuvres majeures d’Alexandre Desplat, à n’en point douter ! Il ne fait nul doute que ce score apporte une richesse, une magie et une poésie émouvante aux images du film de David Fincher, mais sa musique devrait gagner à s’affirmer davantage à l’avenir, à éviter de marcher sur la pointe des pieds, à s’affirmer de façon plus franche et radicale dans l’écriture des thèmes : la musique de Desplat semble encore en dessous de son potentiel, et c’est bien dommage ! Et pourtant, cela n’en demeure pas moins l’une des plus belles réussites du moment, à écouter sans hésitation !


---Quentin Billard