1-Silverado Main Title 4.47
2-To Turley 2.43
3-The Getaway/Riding As One 4.21
4-Ezra's Death 1.53
5-The McKendrick Attack 1.38
6-Augie Is Taken 2.36
7-On To Silverado 6.26
8-This Oughta Do 4.51
9-Augie's Rescue 6.36
10-Slick, Then McKendrick 4.03
11-Goodbye, Cobb 2.06
12-End Credits (We'll Be Back) 4.22

Musique  composée par:

Bruce Broughton

Editeur:

Intrada MAF 7035D

Produit par:
Bruce Broughton
Producteur exécutif:
Douglass Fake
Coordinateur de l'album:
Vasili Vangelos

Artwork and pictures (c) 1985, 1992 Columbia Pictures Industries, Inc. All rights reserved.

Note: ****
SILVERADO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruce Broughton
Le genre du western a tenté de refaire une percée dans les années 80, après une période d'or dans les années 60/70. Lawrence Kasdan fait partie de cette génération de réalisateurs américains des années 80 qui se sont à leur tour intéressé au genre du western en tentant de le remettre au goût du jour à une époque où le genre paraissait doucement désuet. Il faut dire que la génération des John Ford, Sam Peckinpah, Sergio Leone, Howard Hawks ou encore Fred Zinneman est finie depuis belle lurette et que le western tente malgré tout de survivre à une époque où les films d'action modernes ont remplacés les films de cow-boys. Partant de ce contexte, 'Silverado' s'impose alors en 1985 comme un brillant retour du western à l'ancienne, avec son lot de héros, de méchants, de fusillades, etc. Le script de Lawrence Kasdan et de son frère Mark Kasdan repose sur une histoire assez simple et classique: Emmett (Scott Glenn), qui vient d'échapper de justesse à une attaque, sauve Paden (Kevin Kline) abandonné dans le désert par des bandits qui lui ont tout dérobé, y compris son cheval. Ensemble, ils se dirigent vers la petite ville de Turley où Jake (Kevin Costner), le jeune frère fougueux d'Emmett, est sur le point d'être pendu pour avoir tué un homme au cours d'un affrontement. Emmett projette alors de faire évader Jake et Paden, qui vient à son tour d'être emprisonné pour avoir tué dans un saloon un des brigands qui lui avait dérobé son chapeau et son cheval dans le désert. L'évasion est une parfaite réussite, et les trois hommes s'échappent de la ville. Ils font alors la connaissance de Malachi Johnson (Danny Glover), chassé de Turlay parce qu'il est noir. Ensemble, les quatre amis chevauchent en direction de la ville de Silverado, au moment où ils croisent sur leur chemin des colons itinérants à qui deux faux guides viennent de dérober tout leur argent. Les quatre compères décident alors de leur venir en aide. Arrivés à Silverado, ils découvrent que c'est le tyrannique shérif Cobb (Brian Dennehy) qui fait régner la loi dans la ville, Cobb étant un ancien bandit de grand chemin auquel Paden était autrefois associé. Cobb est associé à Ethan McKendrick (Ray Baker), un propriétaire qui fait régner à son tour la terreur sur toutes les terres de la région, n'hésitant à revendiquer des terres qui ne lui appartiennent pas. Face à ces injustices et aux attaques de McKendrick soutenu par le shérif Cobb, les quatre héros décident d'agir avant qu'il ne soit trop tard.

'Silverado' est donc un western de facture classique pour un film sans surprise, épousant toutes les conventions du genre. On retrouve ainsi les sempiternels héros incarnés ici par l'excellent quatuor Kevin Kline/Danny Glover/Kevin Costner/Scott Glenn, un quatuor de stars dans un casting impressionnant réunissant quelques pointures telles que Brian Dennehy, Rosanna Arquette, John Cleese, Jeff Goldblum, Linda Hunt, etc. Lawrence Kasdan filme sans surprise les péripéties de ces quatre héros qui se battent ici pour une noble cause et défendent la justice et les opprimés, à la manière de John Wayne, avec comme seules armes leurs colts, leurs fusils et leur détermination. 'Silverado' évoque aussi une belle et solide amitié entre quatre amis inséparables unis pour une même cause, face à quelques belles crapules incluant un shérif corrompu, un homme de main menaçant, un propriétaire tyrannique, etc. Avec un rythme soutenu, 'Silverado' contient donc tous les éléments essentiels à un bon western: décors traditionnels des villes de l'Ouest américain, atmosphère traditionnelle de saloons, chevauchées dans les plaines sauvages américaines, fusillades, grands moments de bravoure (excellente séquence d'action où Paden, Malachi et Emmett partent délivrer Jack et Augie), suspense et même quelques moments plus sombres et dramatiques qui font de 'Silverado' un western où l'émotion est particulièrement présente avec, par exemple, une histoire de vengeance concernant le personnage interprété par Danny Glover, dont le père est assassiné dans le film par des hommes de McKendrick. Evidemment, on n'échappe pas non plus au traditionnel duel final dans la poussière et le vent, filmé à l'ancienne comme au bon vieux temps des westerns 'sixties'. Au final, 'Silverado' ne révolutionne en rien le genre du western et nous propose même une sorte de retour en arrière sur un genre boudé par le public dans les années 80, qui préférait voir un Sylvester Stallone ou un Bruce Willis casser du méchant plutôt que des cow-boys chevauchant dans l'Ouest américain.

Pour le compositeur Bruce Broughton, il ne fait nul doute que 'Silverado' marque une étape décisive dans sa carrière en 1985, à une époque où le compositeur commence à peine à se faire connaître dans le milieu de la musique de film. 'Silverado' est aussi une des premières participations du compositeur à un long-métrage après avoir signé la musique de nombreux téléfilms et séries TV à la fin des années 70 et au début des années 80. Avec 'Silverado', Broughton a enfin eu l'occasion d'exprimer toute la mesure de son talent de compositeur en nous livrant une solide partition symphonique mêlant aventure, action et suspense dans la plus pure tradition du genre. Pour un western aussi conventionnel, le score de 'Silverado' peut paraître très éloigné des partitions westerns que l'on entendait habituellement dans les années 60/70 (Goldsmith, Tiomkin, Frontiere, etc.), mais l'on retrouve pourtant toute l'essence même de ces musiques avec les traditionnelles chevauchées héroïques, les morceaux d'action, les passages plus sombres et tendus, etc. Broughton ajoute même une guitare à son orchestre pour renforcer la couleur 'western' de sa musique. En revanche, exit ici le banjo, l'harmonica ou la guimbarde, Broughton adoptant une approche symphonique au classicisme d'écriture tendance 'golden age' hollywoodien avec des orchestrations brillantes et étoffées. La partition est bâtie au tour d'un superbe thème principal héroïque, sans aucun doute l'une des plus célèbres mélodies du compositeur qui lui ont permis de se faire une réputation auprès de certains béophiles. Exposé dès le 'Silverado Main Title', le thème fait la part belle aux cuivres majestueux (cors, trompettes, trombones, etc.), aux cordes (on appréciera ici l'excellente écriture contrapuntique des cordes) avec guitare et percussions sur un rythme de chevauchée entraînant suggérant l'héroïsme des quatre protagonistes principaux. Une chose est sure, le thème principal de 'Silverado' fait partie de ces grandes mélodies amples et mémorables que l'on a particulièrement du mal à s'ôter de la tête même après une première écoute, Bruce Broughton nous prouvant ainsi dès 1985 toute l'étendue de son grand talent de mélodiste, une des particularités du compositeur.

'To Turley' évoque l'arrivée d'Emmett et Paden à la ville de Turley, d'abord suggéré par la guitare évoquant l'Ouest américain, tandis que la seconde partie du morceau fait la part belle à un excellent contrepoint de vents et de cordes, utilisées ici sur des intervalles de quintes à vide qui évoquent le style de jeu du fiddle (sorte de violon celtique très utilisé dans la musique populaire américaine) à l'ancienne. On notera même une très brève et première apparition du second thème de la partition associé aux colons et à Hannah (Rosanna Arquette), suggéré ici par un hautbois furtif alors que Paden croise Hannah pour la première fois au début du film. Le compositeur nous offre alors un premier grand moment de bravoure avec l'entraînant 'The Getaway/Riding As One' alors qu'Emmett aide Jack et Paden à s'échapper de Turley. Broughton développe son excellent thème principal passant avec aisance d'un instrument à l'autre malgré une forte dominante des cuivres et des percussions. Avec des orchestrations riches et étoffées, Broughton suggère tout l'héroïsme et la tension de la scène avec une efficacité orchestrale redoutable, annonçant déjà le style des futures grandes partitions orchestrales du compositeur dans les années 90. Impossible de passer à côté de l'excellente reprise particulièrement majestueuse et héroïque du thème principal à la fin de 'The Getaway/Riding As One' alors que les compères chevauchent ensemble dans les plaines de l'Ouest en direction de Silverado. On notera ici l'utilisation des percussions martiales qui suggèrent une chevauchée héroïque du plus bel effet à l'écran, où l'on sent que le compositeur s'est vraiment fait plaisir en signant ce grand moment d'héroïsme à l'ancienne!

Broughton nous dévoile alors la facette plus sombre et dramatique du film de Lawrence Kasdan dans le sombre 'Ezra's Death' pour la scène de l'assassinat du père de Malachi. Si l'on en croit les notes du compositeur dans le livret de l'album, 'Ezra's Death' contient deux nouveaux motifs, un motif de triton associé au sinistre McKendrick et un motif de tierces mineures et d'une seconde descendante entendue dans la seconde partie du morceau associé à Malachi. L'action pointe alors le bout de son nez dans l'excitant 'McKendrick Attack' pour la scène où les hommes de McKendrick attaquent les colons pour les inciter à fuir. On notera ici un excellent contrepoint entre les cuivres et les cordes sur fond de percussions omniprésentes. Le rythme semble alors s'accélérer au cours d'une seconde partie avec des traits de cordes agitées que le compositeur a très nettement emprunté ici à un mouvement de la 'Suite Scythe' de Sergeï Prokofiev. Dès lors, Broughton assombrit considérablement l'ambiance de sa musique, et plus l'histoire avance, plus le style entraînant et héroïque du début commence à être gommé au profit d'une atmosphère plus sombre et inquiétante. On pourra par exemple noter le sombre crescendo orchestral de 'Augie Is Taken' pour la scène où les hommes de McKendrick enlèvent le jeune Augie et brûlent la maison de la soeur de Jake. Impossible aussi de passer à côté du sombre 'This Oughta Do' avec son introduction dans un style quasi horrifique avec un cluster orchestral particulièrement dissonant et agressif pour la scène où Malachi s'échappe de la prison, aidé par sa soeur Rae (Lynn Whitfield). Le morceau repose sur un travail plus sombre et atmosphérique des cordes qui suggèrent un certain climat de menace et de danger, les hommes de McKendrick et du shérif étant partout en ville.

Malgré la tension de ces morceaux, Broughton nous offre quelques moments plus apaisés comme l'excellent 'On To Silverado' où il évoque le voyage des colons vers la ville avec une suite de variations autour du thème principal et un excellent travail de développement du très beau thème des colons qui se caractérise une fois encore par la qualité de sa mélodie et le côté nostalgique et serein du thème, incluant cordes, hautbois, flûtes et guitare. Si durant ses quelques 6 minutes 'On To Silverado' semble évoquer l'idée d'un meilleur avenir pour les colons et les héros, le reste de la partition ne tarde pas à nous rappeler que les méchants veillent et que les quatre compagnons ont encore du travail s'ils espèrent faire triompher la justice et débarrasser Silverado de ces brigands. C'est grâce à 'Augie's Rescue' que le compositeur nous permet de retrouver un grand moment de bravoure pour la scène du sauvetage d'Augie et Jack, excellent morceau d'action de plus de 6 minutes, action qui se prolonge dans 'Slick, Then McKendrick' pour l'affrontement contre McKendrick au détour d'un nouveau déchaînement orchestral virtuose dont les excitantes tournures rythmiques paraissent vaguement influencées du 'Sacre du printemps' de Stravinsky. On notera la façon dont Broughton évoque avec une certaine violence orchestrale la mort des méchants, que ce soit dans l'agressif cluster dissonant introductif de 'This Ougtha Do' ou dans la première partie de 'Slick, Then McKendrick', une caractéristique de l'association image/musique dans 'Silverado'. Evidemment, l'aventure touche à sa fin avec le duel final dans le sombre et atmosphérique 'Goodbye, Cobb' se concluant sur une coda orchestrale particulièrement puissante, avant d'enchaîner sur le superbe 'End Credits (We'll Be Back)' où Broughton reprend une dernière fois son excellent thème principal sous la forme d'une majestueuse chevauchée héroïque et cuivrée, suivie d'une superbe reprise du thème des colons pour le générique de fin.

'Silverado' est donc l'une des premières grandes partitions orchestrales majeures de Bruce Broughton, écrit à une période où il était encore méconnu du grand public et des béophiles, un score qui révéla tout son talent de symphoniste, maîtrisant l'écriture orchestrale, le contrepoint, les mélodies mémorables, les déchaînements orchestraux, les morceaux intimistes et nostalgiques, etc. S'il est plus qu'évident que 'Silverado' a acquis une certaine popularité auprès des béophiles, il est fortement regrettable que cette popularité ait carrément décliné au cours de la fin des années 90, Broughton étant tombé dans l'oubli comme si certains avaient oublié qu'il était l'auteur de partitions mémorables telles que 'Silverado' ou 'Young Sherlock Holmes' (composé la même année que le western de Lawrence Kasdan). Sur plus d'un point, 'Silverado' est une partition qui s'éloigne franchement des conventions de l'univers musical des westerns, Broughton ayant opté pour une approche symphonique plus proche d'un style action/aventure hollywoodien comme on en entendra régulièrement par la suite pour ce style de film dans les années 90 (James Newton Howard suivra une voie similaire pour 'Wyatt Earp', autre grand western signé Lawrence Kasdan). Cela n'a malgré tout pas empêché le compositeur d'apporter au film de Kasdan un certain souffle épique indispensable, une émotion forte, une puissance orchestrale remarquable pour la première participation du compositeur à un long-métrage de ce genre (Broughton avait déjà composé la musique d'un autre long-métrage avant 'Silverado', mais qui est totalement tombé dans l'oubli). Entre aventure, action, émotion et suspense, 'Silverado' est sans aucun doute une partition incontournable à connaître absolument, preuve du talent d'un compositeur hollywoodien encore trop sous-estimé aujourd'hui!


---Quentin Billard