1-Everyone Has AIDS 1.16*
2-Freedom Isn't Free 2.37**
3-America, Fuck Yeah! 2.07**
4-Derka Derka
(Terrorist Theme) 0.48***
5-Only A Woman 2.56**
6-I'm So Ronery 1.58**
7-America, Fuck, Yeah!
(Bummer Remix) 0.56**
8-The End of an Act 2.21**
9-Montage 2.03**
10-North Korean Melody 1.45
11-The Team America March 5.31
12-Lisa & Gary 6.14
13-F.A.G. 2.34
14-Putting A Jihad On You 3.44
15-Kim Jong Il 5.58
16-Mount, Rush, More 4.21

*Ecrit par Trey Parker et
Marc Shaiman
Interprété par Trey Parker
**Ecrit et interprété par Trey Parker
***Ecrit par Marc Shaiman

Musique  composée par:

Harry Gregson-Williams/
Marc Shaiman/Trey Parker

Editeur:

Atlantic Records 83759-2

Album produit par:
Harry Gregson-Williams, Trey Parker,
Matt Stone, Marc Shaiman,
George Drakoulias

Musique additionnelle de:
Marc Shaiman, Damon Kaiser,
Stephen Barton, Toby Chu,
James McKee Smith, Steve Jablonsky

Artwork and pictures (c) 2004 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ****
TEAM AMERICA: WORLD POLICE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Harry Gregson-Williams/
Marc Shaiman/Trey Parker
Le duo Matt Stone/Trey Parker (auteurs bien connus de la série animée « South Park ») rempilent pour un nouveau long-métrage toujours aussi satirique et délirant, « Team America : World Police ». L’histoire suit les exploits de la Team America, une unité d’élite qui combat les terroristes en tout genre un peu partout dans le monde, chargée d’assurer la sécurité de tous. Après la mort de l’un des leurs à la suite d’une mission difficile à Paris, les mercenaires de la Team America décident d’engager un nouveau membre, Gary Johnston, un acteur qui sera chargé de jouer la comédie pour infiltrer un groupe de terroriste qui menacent d’utiliser une cargaison d’armes de destruction massive que s’apprête à leur transmettre Kim Jong-Il, le dictateur mégalomane de la Corée du Nord. Les auteurs de « Team America » se sont inspiré de la célèbre série TV « Thunderbirds » (1965) pour faire leur film. Matt Stone et Trey Parker ont ainsi décide de réaliser un film entièrement tourné avec des marionnettes animées, comme dans « Thunderbirds ». On retrouve aussi ce côté pour la moquerie, la satire et le troisième degré constant, tout le monde en prenant ici pour son grade : Trey Parker et son complice se moquent ainsi ouvertement de la politique interventionniste/militaire de Georges Bush (même si à aucun moment Bush est montré dans le film ou même évoqué ! Ils n’avaient pas besoin de cela, le film est suffisamment explicite à ce sujet), le côté polissé, stéréotypé et faussement idéalisé des militaires de la Team America (tous jeunes, beaux et blancs, qui agissent en premier et réfléchissant après - cf. scène énorme de la destruction de Paris au début du film), les terroristes arabes hystériques, la dictature nord-coréenne, les films d’action U.S. de Michael Bay, sans oublier les acteurs stars d’Hollywood symbolisant ici la mentalité bien-pensante américaine (Sean Penn, Alec Baldwin, George Clooney, Susan Sarandon, Tim Robbins, etc.). Parker et Stone ont répété à plusieurs reprises qu’ils n’avaient pas voulu faire ce film pour faire passer un message quelconque mais plus pour se moquer un peu des travers de chacun. A ceux qui ont cherché une analyse unilatérale dans le film, certains ont vu juste en rappelant que le film est essentiellement « anti-tout », même si, curieusement, on pourra relever des contrastes un peu discutables dans la caricature des personnages - par exemple, les héros militaires ont beau être de gros bourrins aux valeurs douteuses, ils finissent quand même par triompher à la fin, en revanche les « anti-Bush/anti-guerre » symbolisés dans le film par Alec Baldwin et ses sbires sont les grands méchants de service, au même niveau que Kim Jong-Il ! Satirique, méchant, irrévérencieux et caustique, « Team America » s’affirme donc clairement dans la lignée de « South Park », caricaturant au passage le cinéma d’action hollywoodien et plus particulièrement celui de Michael Bay (puisqu’une chanson du film fait clairement référence à « Pearl Harbor » et à son réalisateur !). L’animation des marionnettes demeure réussit même si l’on voit très vite les limites techniques du genre (les combats à mains nues sont souvent ratés) et certains gags sont vraiment hilarants. A voir donc, pour ceux qui apprécient l’humour irrévérencieux des auteurs de « South Park » !

A l’origine, la musique devait être confiée à Marc Shaiman, qui avait déjà écrit la BO de « South Park » le film en 1999. Après avoir écrit les chansons originales du film, Shaiman a malheureusement vu son score entièrement rejeté par les producteurs de « Team America », ces derniers souhaitant alors une musique plus proche du style Media-Ventures/Remote Control. C’est pourquoi Harry Gregson-Williams a été contacté tardivement par les producteurs pour écrire tout le score du film, et ce à seulement 3 semaines et demi de la sortie officielle du film. Etant donné l’urgence de la tâche, Gregson-Williams s’est entouré de toute l’équipe habituelle de l’écurie à Hans Zimmer, avec à la musique additionnelle Steve Jablonsky, Heitor Pereira, Stephen Barton, Toby Chu et James McKee Smith. Le résultat est un mélange assez détonnant de pastiches héroïques, d’envolées épiques à la « Armageddon » (Parker et Stone souhaitaient réaliser à l’origine une parodie du film de Michael Bay), de morceaux d’action survoltés et de passages plus émotionnels, le tout dans un second degré constant. Le score est dominé par le « Team America March » coécrit par HG Williams et ses deux acolytes de chez MV, Stephen Barton et James McKee Smith, pastiche de thème héroïque typiquement américain, dominé par des cuivres musclés dans un style entre le « Superman » de John Williams et « Independence Day » de David Arnold. Harry Gregson-Williams et ses complices jouent ici sur les recettes du genre en détournant les codes de la musique héroïque américaine, allant même jusqu’à pasticher le sempiternel « Mars » des « Planètes » de Holst pour la scène introductive où la Team America affronte les terroristes arabes à Paris. Tout y passe : cuivres héroïques, percussions exagérément martiales, pastiche constant à la musique hollywoodienne et même moment d’émotion conventionnel avec son envolée orchestrale mélodramatique lors de la mort de l’un des membres de la Team America au début du film.

Harry Gregson-Williams joue donc la carte de la dérision constante en exagérant constamment l’ampleur de la musique à l’écran. Des marionnettes qui se tapent l’une sur l’autre sur fond de faux décor imitant Paris ? Pas de problème, le compositeur lâche son gros orchestre et ses grandes envolées symphoniques épiques et démesurées ! Ce décalage constant entre la dérision des images et la démesure de la musique crée toute la force humoristique de cette musique qui, si elle joue volontairement sur un faux premier degré, renforce au final l’aspect satirique et grinçant du film de Trey Parker et Matt Stone. Harry Gregson-Williams s’amuse même à pasticher les musiques de Media-Ventures, et plus particulièrement celle de « Armageddon », auquel il a d’ailleurs collaboré aux côtés de Trevor Rabin en 1998. Cette pastiche paraît plus qu’évidente dans « Lisa & Gary » où HGW caricature l’envolée thématique épique et poignante du « Harry & Grace Make Peace » de « Armageddon », avec son lot de guitare romantique, de cordes poignantes, de percussions puissantes et de choeurs épiques. Le compositeur va même jusqu’à réutiliser des samples synthétiques qu’il avait déjà utilisé avec Trevor Rabin dans « Armageddon », la filiation entre les deux musiques en devenant ainsi plus évidente. Cette caricature est d’autant plus évidente qu’elle a simplement été motivée par le fait que Parker et Stone souhaitaient réaliser à l’origine une parodie du film de Michael Bay, avant de s’orienter vers ce que sera au final « Team America ». HGW et ses complices ont donc parfaitement joué le jeu et semble s’être bien amusé sur ce film sans jamais se prendre réellement au sérieux - et ce même si la musique sonne indéniablement 1er degré sorti du contexte du film !

Certains passages nous offrent donc quelques beaux moments d’émotion très caricaturaux comme « Lisa & Gary » (avec son envolée romantique de cordes sirupeuse à l’ancienne), tandis que le reste du score repose essentiellement sur l’action comme le confirme un morceau comme « F.A.G. » et ses rythmes électro plus typiques de la facette moderne des productions Media-Ventures. On découvre aussi un nouveau thème joué aux cordes, plus dramatique d’esprit, entendu tout au long du film pour évoquer les défaites de la Team America ou les tragédies qui ponctuent leurs aventures (un thème signé Jablonsky et qui rappelle certains passages dramatiques de « Steamboy » ou « Transformers »). « Putting A Jihad On You » développe un style action plus rock avec quelques rythmiques électroniques modernes et une nouvelle allusion thématique à « Armageddon », HG Williams s’amusant à pasticher ici le thème héroïque de la NASA qui illustre ici les exploits de la Team America durant l’opération en Egypte contre les terroristes arabes. On découvre ensuite un autre motif dans « Kim Jong Il », motif de percussions asiatiques clairement inspiré des passages nippons du « Pearl Harbor » de Hans Zimmer, film qu’une chanson de Marc Shaiman cite d’ailleurs explicitement - non sans ironie. Ce motif de percussions - signé Steve Jablonsky - est bien évidemment associé dans le film au grand méchant de service, Kim Jong Il, et permet à HG Williams et sa bande de prolonger leurs allusions musicales aux productions Media-Ventures d’antan. Variant les ambiances à loisir, HG Williams nous offre ensuite un morceau d’action très soutenu à l’aide de percussions martelées, de cuivres massifs et de guitare orientale pour une scène de poursuite avec les terroristes dans le désert égyptien. On pourra enfin citer le gros morceau d’action final, « Mount, Rush, More » (un jeu de mot autour du nom du célèbre site touristique américain, le Mount Rushmore), dans lequel Gregson-Williams et ses complices s’en donnent à nouveau à coeur joie, dans un style toujours très musclé et cuivré.

Un petit mot pour finir au sujet des chansons originales de Marc Shaiman et Trey Parker pour « Team America » : comme pour « South Park », le compositeur s’en est donné ici à cœur joie et nous offre quelques chansons hilarantes aux propos chocs comme « Everyone Has AIDS » qui lorgne clairement vers le style de Broadway, « America, Fuck Yeah ! » qui se trouve être la chanson-clé de la Team America, jingle trash musclé écrit par Trey Parker dans un style « années 80 » kitsch et furieusement rétro, sans oublier l’hilarant « Montage » qui se moque ouvertement de la technique des séquences-montage surutilisée dans de nombreux films (et notamment dans les années 80) et un excellent « Derka Derka » qui pastiche le « Cantina Band » du « Star Wars » de John Williams, pièce jazzy rétro entendue durant la séquence où les héros arrivent dans le bar des terroristes égyptiens. Comme pour « South Park », les chansons restent bien écrites et très soignées, avec des paroles oscillant entre le trash et la dérision totale.

Vous l’aurez donc compris, « Team America » est un score somme toute très divertissant, héroïque, énergique, musclé et parfois même touchant, parsemé d’autoréférences au répertoire musical de Media-Ventures (« Armageddon », « Pearl Harbor », etc.) et de touches humoristiques en tout genre. Harry Gregson-Williams et ses complices ont donc joué le jeu jusqu’au bout en assumant un faux premier degré musical qui se transforme très rapidement en second degré hilarant sur les images, puisque la musique se veut toujours exagérément plus puissante et plus épique que ne le sont les images du film. De ce décalage naît donc toute la richesse de cette partition qui, sans révolutionner le genre ni même faire preuve d’une quelconque forme d’audace, n’en demeure pas moins réussie de bout en bout, fun et plaisante à écouter, autant dans le film que sur CD. Dommage cependant que l’album omette de nombreux passages du score d’Harry Gregson-Williams, puisqu’il ne contient ici qu’à peine 28 minutes de score. Mais pour un score finalement écrit dans l’urgence, cela n’en demeure pas moins une bien belle réussite, avec en bonus des chansons originales de qualité signées Marc Shaiman et Trey Parker !


---Quentin Billard