1-L'enfance perdue 6.29
2-Grand-mère 1.57
3-La maison à Noël 2.27
4-Le retour des parents 1.08
5-Déclaration de guerre 0.48
6-M. Rezeau rentre à la maison 1.26
7-L'étrangeté des adultes 0.36
8-La tristesse de l'enfance 0.46
9-Le départ de Miss Chilton 0.40
10-Dans l'église 0.59
11-Le bonheur de l'enfance 3.05
12-Tuer Folcoche 1.22
13-Jean (variation) 5.27
14-Madame Rezeau (variation) 3.03
15-Vipère (variation) 6.01
16-De bons moments 2.27
17-Saturne 0.56
18-La chasse 0.48
19-La fresque 2.14
20-L'église 0.58
21-Magique! 0.27
22-Le complot 1.14
23-La citadelle 1.12
24-Le prêtre 1.23
25-L'arrivée à la gare 2.26
26-Une femme étrange 0.59
27-Pensées d'enfants 1.56
28-La fête 0.24
29-Contemplation 0.37
30-La défaite acceptée 1.17
31-Fin de l'histoire 4.37
32-Fermeture du livre 6.37

Musique  composée par:

Brian Lock

Editeur:

Virgin Classics 5457152

Album produit par:
Brian Lock

(c) 2004 Rézo Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
VIPÈRE AU POING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Brian Lock
Philippe De Broca adapte sur grand écran « Vipère au poing », le célèbre roman d’Hervé Bazin paru en 1948, et qui avait déjà été adapté en téléfilm en 1971 avec Alice Sapritch dans le rôle-clé. Pour De Broca, adapter « Vipère au poing » était un véritable défi en soi, car le réalisateur, habitué aux comédies et aux films d’aventure, n’avait vraiment jamais eu l’occasion de tourner un film aussi dramatique et sombre. L’ouvrage d’Hervé Bazin est effectivement connu pour son mélange de cruauté et de dérision, un grand classique de la littérature française que De Broca a finalement abordé avec des pincettes. Plus léger que l’ouvrage d’origine - qui se trouve être le premier volet d’une trilogie autobiographique - le film lorgne à plusieurs reprises du côté de la comédie française un peu simplette - à la limite du téléfilm ! Le scénario reste quand à lui très proche du roman d’origine : c’est l’histoire de la jeunesse de Jean Rezeau. En 1922, peu de temps après le décès de sa grand-mère paternelle qui en avait la charge, le jeune Jean (Jules Sitruk) et son frère Ferdinand retrouvent leurs parents revenus d’Indochine. Issus d’une grande famille bourgeoise sur le déclin, les enfants Razeau ont toujours vécu heureux auprès de leur grand-mère, mais l’arrivée de leur mère, Paule Razeau (Catherine Frot) va tout changer. Malheureusement, les choses tournent mal alors que les relations entre les enfants et leur mère s’enveniment de jour en jour. Surnommée « Folcoche » (contraction de « folle » et « cochonne »), Paule impose rapidement une véritable dictature à la Belle Angerie, le château familial des Razeau. L’existence des enfants bascule finalement dans le cauchemar pur : corvées, punitions corporelles sévères, privations injustes, humiliation, rien ne leur est épargné. C’est alors que le petit Jean, 10 ans, décide de se révolter contre la tyrannie maternelle. Il réussit alors à monter ses deux frères contre « Folcoche » et livre désormais un combat sans merci contre sa propre mère.

Hélas, tout aussi sympathique qu’il soit, le film de Philippe De Broca ne parvient pas à retranscrire toute l’intensité dramatique et cruelle du roman d’Hervé Bazin. Catherine Frot est très convaincante dans le rôle de Folcoche, jouant habilement des regards et des gestes imitant les acteurs des films muets d’antan. Le petit Jules Sitruk s’impose aussi parfaitement dans le rôle de Jean Razeau, entre haine et révolte, et ce même si les critiques sont quasiment toutes unanimes pour dire que le jeune acteur n’est pas totalement convaincant dans le film. On le sait très bien, les adaptations de livre en film sont toujours sujettes à de nombreux problèmes : comment rester le plus fidèle possible à l’ouvrage d’origine sans le paraphraser pour autant ? Comment respecter l’oeuvre initiale sans tomber pour autant dans le piège trop facile de l’adaptation mot pour mot ? Philippe De Broca a retranscris quelques uns des éléments capitaux du roman d’Hervé Bazin mais a quelque peu raté toute la dimension cruelle et noire, bien plus impressionnante et émouvante dans le livre original. Son film demeure trop souvent léger et sage, là où on se serait attendu à quelque chose de réellement cruel et désopilant. Même l’humour noir du livre paraît ici étrangement dissipé dans une mise en scène très académique et sans surprise. Néanmoins, le film vaut surtout par son duo de qualité, Jacques Villeret en père complètement dépassé par les événements, et Catherine Frot en mère tyrannique et irascible. Le film raconte ainsi le parcours initiatique de cet enfant qui gagnera sa liberté en affrontant sa mère, une grande leçon de vie à la fois cruelle et poignante. On aurait simplement aimé voir un film plus fidèle à la noirceur dramatique du livre d’origine !

La musique de « Vipère au poing » a été confiée au compositeur anglais Brian Lock, qui signe pour le film de De Broca une partition symphonique au classicisme d’écriture élégant et raffiné. Brian Lock est plus connu pour ses travaux de musique savante contemporaine et ses partitions électro-acoustiques expérimentales, mais pour « Vipère au poing », il s’est essayé au genre de la musique symphonique ‘classique’, afin de rappeler l’époque de l’histoire du film (les années 1920). Plus important encore, Lock a fait le choix d’écrire la musique pour un petit orchestre de chambre londonien afin de mieux refléter les relations intimes entre les différents membres de la famille Razeau - à noter que pour les besoins du film, Lock a adapté certaines mesures de la partition de « Alexandre Nevski » de Serguei Prokofiev dans sa propre musique. La musique de Brian Lock se distingue avant tout par son magnifique thème principal d’une grande beauté, « L’enfance perdue », un thème poignant sur la fin de l’innocence, le crépuscule de l’enfance et le passage - douloureux - vers l’âge adulte pour le héros du film. Ecrit pour piano, cordes et guitare, « L’enfance perdue » personnifie musicalement à merveille toutes les idées du film, avec un lyrisme poignant et un classicisme d’écriture élégant et soigné, le tout enveloppé dans des orchestrations fines et soignées.

Le thème de l’enfance revient à de nombreuses reprises tout au long du film, qu’il s’agisse de morceaux comme « Grand-Mère » ou « La Maison à Noël », le piano étant l’instrument par excellence dans ces morceaux intimes, doux et émouvants. La scène du retour des parents (« Le Retour des Parents ») permet à Brian Lock de reprendre son thème dans une version plus légère et enjouée avec un rythme plus marqué de cordes et un piano sautillant. Il règne dans cette musique une certaine forme d’innocence et d’insouciance que ne tarde pas à remettre en cause « Déclaration de Guerre » (qui s’inspire du « Alexandre Nevski » de Prokofiev). Le morceau fait ici la part belle à un rythme plus martial et à des orchestrations plus sombres. Brian Lock évoque alors le combat entre Jean et Folcoche avec une certaine dérision, pastichant les musiques militaires dans le guerrier « M. Rezeau rentre à la maison ». Le morceau fait intervenir un motif de cuivres guerrier échappé de « Alexandre Nevski » (et qui rappelle aussi vaguement le thème du « Mars » des « Planètes » de Holst) sur fond de percussions martiales du plus bel effet. Un morceau comme « L’étrangeté des adultes » parvient même à instaurer un certain malaise avec ses trilles de cordes inquiétantes et son vibraphone mystérieux, qui semble évoquer plus que jamais le clash entre Jean et sa mère. A noter la façon dont le compositeur utilise des harmoniques de harpe dans « La Tristesse de l’Enfance » qui évoque l’isolement des enfants Rezeau face à la dictature de Folcoche.

La plupart des morceaux du score de « Vipère au poing » s’avèrent être particulièrement courts, comme en témoignent des pièces furtives comme « Le départ de Miss Chilton » ou « Dans l’église » et son thème de piccolo simulant une autre fanfare militaire guerrière. Plutôt que d’avoir choisi de jouer la carte de la dramatisation musicale, Brian Lock a préféré opter pour une approche musicale plus légère et enfantine. On pourra toujours contester ce choix un peu facile, mais toujours est-il que le résultat demeure très convaincant et rafraîchissant à l’écran. « Le Bonheur de l’Enfance » ramène quand à lui la joie et l’optimisme dans la partition avec le thème du bonheur, un rare moment de tranquillité et de bien-être pour les enfants Rezeau qui peuvent enfin profiter d’une après-midi en compagnie de leur père, loin de Folcoche. Le thème du bonheur, confié à une flûte sur fond de cordes sautillantes, apporte un charme léger et agréable à la musique de « Vipère au poing ». On retrouve ici aussi le thème principal repris au piano de façon particulièrement émouvante. Le thème du bonheur reviendra dans « De Bons Moments », « La Chasse », « L’église » ou « La Fête ».

Le reste de la partition développe ainsi les principaux axes musicaux mis en place au début du film : la pastiche de fanfares guerrières (« Tuer Folcoche ») avec son motif de cuivres de 3 notes à la Prokofiev/Holst - pour les desseins de vengeance du petit Jean - ou les passages de piano plus intimes et émouvants (« Jean - Variation »). Un morceau comme « Madame Rezeau (Variation) » apporte néanmoins un éclairage émotionnel un peu différent dans la musique de Brian Lock : le compositeur nous propose ici une série de variations autour du thème principal au piano, repris et déformé jusqu’à des variantes minorisées du plus bel effet. Le morceau apporte ici une étrange mélancolie fragile et élégante au personnage de Catherine Frot, comme pour tenter de personnifier la souffrance refoulée de cette femme, obligée de se réfugier derrière son masque de tyrannie et de cruauté. Certains passages comme « Le Complot » assombrissent quelque peu la musique du film avec cette atmosphère plus étrange de vibraphone/harpe/violoncelle du plus bel effet. Même chose pour « L’Arrivée à la Gare » et « Une femme étrange », avec ses cordes sombres et latentes qui évoquent plus que jamais la douloureuse fin de l’innocence pour Jean Rezeau. Quand à « Pensée d’enfants » et « Contemplation », ces morceaux basculent finalement dans la dissonance agressive, maintenant un certain suspense alors que le combat haineux entre Jean et sa mère commence à prendre des proportions très inquiétantes. Enfin, « Fermeture du Livre » ramène le calme avec une ultime reprise du magnifique thème principal au piano identique à l’ouverture, la boucle étant bouclée.

Avec « Vipère au poing », le compositeur anglais Brian Lock signe une partition orchestrale à la fois simple, légère et émouvante, parsemée de moments plus enfantins et de passages plus sombres et inquiétants. Il règne dans la musique de Lock une atmosphère à mi-chemin entre l’innocence et le drame, une musique qui demeure assez statique et (trop ?) rigide dans sa construction thématique mais qui apporte malgré tout une réelle émotion aux images du film de Philippe De Broca : difficile de ne pas ressentir un pincement au coeur à l’écoute du thème de l’enfance. Une BO chaleureusement recommandée !



---Quentin Billard