1-Madame Michel 2.20
2-Mademoiselle Paloma 2.40
3-Dans 165 jours 2.30
4-Champagne et Psychanalyse 1.30
5-Poursuivre les étoiles 1.40
6-Kakuro San 1.40
7-Du sel dans les clémentines 3.20
8-Bach Partita 2.20
9-La bonne cachette 2.20
10-Une sauvage civilisée 1.30
11-Abstiens-toi 1.50
12-Chocolat noir 1.10
13-L'archétype de la concierge 1.40
14-Je n'ai pas peur 1.40
15-Bordeaux Menthe 2.20
16-Le poisson rouge 1.50
17-Le cartable et l'aspirateur 3.40
18-Plus tard, je serais concierge 4.10

Musique  composée par:

Gabriel Yared

Editeur:

Colosseum Records CST 8130-2

Album produit par:
Gabriel Yared

(c) 2009 Pathé/Les Films des Tournelles. All rights reserved.

Note: ****
LE HÉRISSON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gabriel Yared
Librement adapté de « L’élégance du hérisson » de la romancière Muriel Barbery, « Le hérisson » permet à la réalisatrice Mona Achache de nous livrer une comédie dramatique à la fois simple et touchante, une fable sur les rencontres dues au hasard, l’acceptation des différences et la redécouverte de soi. Le film se déroule à l’intérieur d’un grand immeuble en plein centre ville parisien. On y suit les histoires en parallèle de deux personnes : Paloma Josse (Garance Le Guillermic), une petite fille de 11 ans, extrêmement intelligente et cultivée mais aussi profondément suicidaire, née d’une famille bourgeoise dans laquelle elle s’ennuie terriblement. De l’autre côté, Renée Michel (Josiane Balasko), la concierge de l’immeuble, discrète et solitaire, qui passe une bonne partie de son temps dans sa loge, et qui, derrière son apparence négligée et repoussante, cache en réalité une personne très sensible et extrêmement cultivée. Le quotidien poursuit son cours jusqu’au jour où débarque un nouveau résident, un japonais nommé Kakuro Ozu (Togo Igawa). Ce dernier se lie très rapidement d’amitié avec Renée, qu’il ne tarde pas à inviter régulièrement à manger chez lui. D’abord hésitante et peu habituée à être ainsi invitée chez les gens, la concierge finira par accepter. Ce sera aussi l’occasion pour elle de faire la connaissance de la petite Paloma, qui lui apprendra à se redécouvrir elle-même et à cesser de se cacher. « Le hérisson » reste au final un très beau film, certes anecdotique, mais néanmoins très réussi et aussi très touchant. La petite Garance Le Guillermic est tout bonnement épatante de maturité et d’intelligence, face à une Josiane Balasko méconnaissable dans le rôle de cette concierge qui va apprendre à redécouvrir sa féminité au contact de son entourage. Le film possède une certaine tendresse et une finesse devenu très rare dans le cinéma français d’aujourd’hui, « Le hérisson » évitant fort heureusement d’en faire des tonnes en demeurant constamment léger mais jamais niais. La réalisatrice Mona Achache évoque brillamment les thèmes du roman d’origine comme « la superposition, due au hasard, de vie si différentes » à l’intérieur d’un immeuble parisien étouffant et mystérieux dans lequel les gens vont et viennent. Pour raconter une bonne partie de son histoire, la petite Paloma utilise sa caméra vidéo pour réaliser une sorte de film « testament » avant son suicide programmé. Mais là où la réalisatrice aurait pu tomber dans la complaisance mélodramatique macabre, le film préfère opter ici aussi pour une certaine légèreté et une subtilité élégante dans l’approche du personnage, Mona Achache nous offrant même quelques petites trouvailles visuelles agréables comme lorsque l’on voit les dessins de Paloma s’animer et prendre vie, métaphore poétique touchante de « l’élégance du hérisson » (le hérisson étant en fait le personnage de Josiane Balasko !). Au final, voilà une bien belle surprise qui passera sans doute inaperçue au cinéma, mais qui a au moins le courage de s’affirmer par sa poésie et sa très grande finesse : un très beau film, en somme !

La très belle musique minimaliste de Gabriel Yared offre à son tour une émotion rare au film de Mona Achache. La partition du « Hérisson » apporte une poésie et un raffinement particulier aux images, avec pour commencer un thème de violoncelle magnifique pour « Madame Michel » et un thème de piano fin et gracieux pour « Mademoiselle Paloma ». On ressent tout au long de la musique cette forme de poésie, de sobriété et d’élégance typique du compositeur, parfaite pour retranscrire toute la finesse du film. « Madame Michel » possède un côté classique qui rappelle les suites pour violoncelle de J.S. Bach, avec sa mélodie poignante de cordes qui évoque la culture et le raffinement de cette femme qui a perdu sa vraie personnalité. Quand à « Mademoiselle Paloma », il s’agit d’un thème de piano jazzy plus sobre, bercé par une mélancolie plus douce et une certaine pudeur. Paloma est décidée à mourir dans 165 jours, mais elle n’a pas peur et ne ressent aucune forme d’angoisse particulière. C’est ce qu’a cherché à retranscrire Yared dans sa musique, avec ce caractère à la fois solitaire et paisible dans « Mademoiselle Paloma ».

Le troisième axe musical de la partition du « Hérisson » apparaît avec « Dans 165 jours ». Ici aussi, Yared évoque la détermination de Paloma à mettre fin à ses jours, mais plutôt que de sombrer dans le mélodrame, le compositeur a préféré ici aussi opter pour une approche plus optimiste et enjouée, utilisant des rythmes très soutenus avec piano, marimba, synthétiseurs et percussions exotiques diverses. Petit détail amusant : les auditeurs attentionnés pourront reconnaître l’utilisation de quelques percussions asiatiques dans l’instrumentation plus inventive et enjouée de « Dans 165 jours », un petit détail qui s’explique probablement par la présence d’un personnage d’origine japonaise dans le film, et que la jeune fillette croisera à plusieurs reprises. Plus nuancé, « Champagne et Psychanalyse » évoque de façon plus amère la mélancolie que cache Paloma et sa vision plus dure et sans concession de sa famille, qui l’ennuie profondément. Quelques notes de piano flottent ici sur des nappes synthétiques éthérées et mystérieuses dans un style minimaliste tout en retenue, qui rappelle beaucoup Thomas Newman.

Gabriel Yared joue sur ses deux thèmes tout au long du score, avec le thème de piano de Paloma dans « Poursuivre les étoiles » ou « Chocolat noir », dans lequel interviennent quelques synthétiseurs cristallins qui confèrent au morceau un ton plus rêveur, auquel s’ajoute ici le violoncelle de « Madame Michel » (pour la scène où Paloma passe un peu de temps en compagnie de Renée dans sa loge). Yared réutilise ses synthétiseurs plus étranges dans « Kakuro San » où il évite de tomber dans le piège facile de la musique nippone stéréotypée pour le personnage de Kakuro Ozu. A contrario, Yared a préféré choisir des sonorités plus « européennes » et modernes comme l’utilisation d’un sample imitant un son d’accordéon ou de vibraphone sur fond de nappes synthétiques limite new-age. Le compositeur prolonge son travail autour de l’électronique dans l’atmosphérique et mélancolique « La bonne cachette » qui évoque l’isolement grandissant de Paloma, qui finit par se recroqueviller sur elle-même (et ce avant qu’elle fasse la connaissance de Renée et de son nouveau voisin). « La bonne cachette » utilise le son obsédant d’une pendule qui évoque le temps qui passe, sur fond de piano, de samples de vibraphone et de nappes synthétiques entêtantes. Ici aussi, on retrouve un style minimaliste et intime décidément très proche des travaux de Thomas Newman - influence flagrante sur le travail de Gabriel Yared pour « Le Hérisson » (cf. « Le poisson rouge »). Et c’est avec un certain plaisir que l’on retrouve le magnifique et poignant thème de Renée dans « Une sauvage civilisée », véritable ode à la redécouverte de soi et à l’éveil de l’amour, Renée Michel apprenant ainsi à redécouvrir la vie au contact de Kakuro Ozu. On retrouve une idée similaire dans le poignant « L’archétype de la concierge », chaque apparition du thème de Renée apportant au film une poésie et une émotion rare qui ne peut laisser indifférent. Puis, le thème rythmique plus moderne des projets suicidaires de Paloma revient dans « Je n’ai pas peur », où l’utilisation de quelques nappes synthétiques mystérieuses rappelle l’inquiétante détermination de la petite fillette. Enfin, « Le cartable et l’aspirateur » nous propose une reprise savoureuse des deux thèmes principaux de la partition du « Hérisson » avant une dernière apparition du thème enjoué du suicide dans « Plus tard, je serais concierge ».

Variant les ambiances à loisir, l’album de la musique du « Hérisson » nous offre aussi du jazz savoureux dans « Du sel dans les clémentines » et « Abstiens-toi » ou du classique avec « Bach Partita ». Gabriel Yared démontre encore une fois toute l’étendue de son savoir-faire et de son talent sur « Le Hérisson », apportant sa sensibilité et son goût pour les thèmes lyriques et poétiques aux images du très beau film de Mona Achache. Qu’il s’agisse d’un gros film d’aventure hollywoodien, d’un film d’épouvante ou de comédies plus légères, Gabriel Yared est toujours au sommet de son inspiration, apportant une sensibilité particulière à chaque film qu’il met en musique, tout en conservant son goût pour une musique à la fois classique et moderne, une musique très personnelle qui vient du coeur. Certes, on pourra toujours reprocher à cette composition ses ressemblances flagrantes au style de certaines œuvres minimalistes de Thomas Newman, mais qu’importe, Gabriel Yared est bien là et nous offre pour « Le Hérisson » une nouvelle partition poétique et émouvante d’une grande beauté, à ne pas manquer : sans aucun doute l’une des plus belles surprises du moment !


---Quentin Billard